FIN
Ecrit par Lilly Rose AGNOURET
Un an plus
tard...
*** James
Essone Ndong.
- Papa, les
vigiles me disent que les invités sont déjà là ! me fait mon fils.
- Tu avais
raison de prévoir mille chaises, papa. Il y a au moins une centaine de voitures
dehors ! me lance ma fille Sophie qui aura 20 ans dans quelques jours.
Mon épouse me
dit alors :
- Ne faisons
pas attendre les gens, James. Déjà que les punus se tiennent correctement, ne
les énervons pas en faisant durer l'attente.
- Laissez-moi
régler un dernier détail et je suis à vous, leur dis-je avant de repartir vers
la chambre.
Je ne savais
pas si je vivrai assez longtemps pour assister aux noces de ma fille aînée.
Pourtant, ce jour est enfin arrivée. Des gens cognent à ma porte pour me
l’enlever définitivement. Il est 8h. Comme nous l'avons prévu dans le
programme, le mariage coutumier devra être définitivement scellé avant 13h pour
permettre à tous les invités de manger et boire. Les mariés ont décidé de
s'envoler par la suite pour Pretoria, où nous les rejoindrons dans quelques
jours pour leur mariage civil.
Je vais dans ma
chambre, change de chaussures et ressors après avoir refermé la porte à clé
derrière moi. Arrivé dans mon salon, je suis interpellé par l'un des frères de
Marthe, qui me dit :
- Le
grand-oncle est formel. C'est 4 millions de dot ou sinon, on se lève et tu te
débrouilles avec le mariage de ta fille.
Je décide de
garder mon calme et ne réponds rien. J'ai passé les deux derniers mois à
discuter avec des gens qui en étaient à demander 6 millions de dot puis 5
millions. Ils en sont à 4 maintenant. Je n'avais pas prévu d'en demander
autant. Je déteste l'idée de ruiner un jeune couple qui doit se lancer dans la
vie et bâtir son avenir. Mais vu que tout le monde sait qu'Aymeric Obame est
chef d'entreprise, fils d'un éminent médecin, et petit-fils de ministre et je
ne sais quoi d'autre, ils ont flairé le gros lot.
Marthe est
restée bien silencieuse pendant les mois de préparatifs. Radjiska ne s'en
plaint plus depuis la naissance du fils de celle-ci. Mon épouse s'est même
étonnée qu'elle n'en ait pas profiter pour m'emmerder. Au contraire, elle a
simplement balancé aux gens de sa famille que le mariage n'est pas un commerce.
Les gens de ma
famille savent qu'en ce qui me concerne, ce qui se passe chez les autres n’ont
pas de prises sur moi. Ils savent donc je n'ai pas l'intention de me montrer
exigent envers les gens que je vais recevoir aujourd'hui. Tout le monde se
pliera à ma volonté. Ce que je dois gérer aujourd'hui sont les humeurs des
punus qui n'ont de cesse de me rappeler que Radjiska est leur fille et que
jamais ils ne me l'ont laissée. On me l'a bien rappelé, cet enlèvement dont je
me suis rendu coupable alors qu'elle avait deux ans. Pour ç, j'ai dû payer une
amende pour « apaiser » le cœur des grands-parents de Radjiska. Bref,
la tradition est ce qu'elle est, je m'attends à plus de retenue de leur part ce
matin. Déjà qu'ils font le nombre dans la cours de ma résidence ! Même les
bébés sont de sortie. On dirait qu'un bus est parti de Mouila pour emmener tout
le monde à la capitale ! Marthe a dit que c'est parce que dans cette famille,
personne n'a l'honneur et le bonheur de se marier ; on peut comprendre
leur enthousiasme.
Quand commence
le rituel du mariage, je pose mon esprit et décide de vivre sereinement toute
la cérémonie.
J'ai souvent
pensé que l'homme qui accepterait d'épouser Radjiska devra être fou et que ce
ne serait pas à moi de soigner sa folie en lui disant qu'il se trompait de
fille. Mais le type qui est là-bas, face à nous est tellement déterminé, que je
crois bien que ma fille a réussi à détromper toutes les inquiétudes et aprioris
que j'avais à son encontre.
Le matériel
commence à sortir. Pour une tronçonneuse demandée, il y ‘en a deux qui sont
exposées. De même pour le groupe électrogène, la brouette, la hache, la
machette et la houes. C'est bien simple, ils ont tout acheté en double.
Bientôt, on apporte deux bicyclettes, deux carabines avec munitions et de la
boisson, encore, encore, encore, avec des tissus. Quand j'entends dire que les
deux bœufs et les 20 poules demandées, sont dehors, je me dis que le carnaval a
assez duré. Je fais signe à l'orateur de mon côté d'approcher et lui donne pour
instruction d'abréger. Je lui demande de s'arranger avec la partie opposée pour
accélérer le rythme de sorte que nous soyons obligés d'accepter rapidement tout
ce qui nous est présenté. Je lui précise de se débrouiller de sorte que la
somme en numéraire qui sortira des poches d'Aymeric ne dépasse pas le million.
Il s'en va,
discuter dans un coin avec l'orateur d'en face. Nous restons là à attendre. Ma
mère me demande alors :
- James, qui a
demandé des poules et des bœufs ?
- Les parents
de Marthe. Ils veulent ouvrir un élevage de poules pour vendre des œufs,
d'après ce que j'ai compris.
- Qui a demandé
des bicyclettes ? me fait-elle.
- Ce sont eux.
Ils doivent faire des kilomètres dans leur village, de plantations en
plantations.
Je me concentre
à nouveau, impatient que tout cela se termine. Il y a tellement de boisson
devant moi, qu'on croirait que nous nous lançons dans l'ouverture d'une boite
de nuit ou d'un snack bar. J'ai l'impression que tout a été multiplié, sans
trop que je ne comprenne pourquoi. Alors, j'attends. Bientôt, on désigne du doigt,
un véhicule transportant 70 tôles, comme demandé par les gens de ma famille. À
la base, il était question de 35 tôles. Mais comme je le dis, la partie opposée
à doublé la demande.
Quand on arrive
au clou de l'affaire et qu'il faut déposer de l'espèce pour sceller le mariage,
le fiancé sort 500 mille francs CFA de sa poche en disant qu'il s'est arrangé
avec sa fiancée et qu'il ne fait que faire comme elle lui a demandé. Puis il rajoute
500 mille francs supplémentaires L'orateur ajoute qu'il n'a pas envie de vexer
la jeune femme et qu'ils vont en rester là car, le fiancé a montré, grâce à
tout le matériel apporté, qu'il est généreux.
Les gens qui
étaient chauds pour avoir 4 millions de francs, se taisent car ils ont compris
qu'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras.
Comme je
l'avais prévu, c'est bien avant 13h que ma fille paraît alors, vêtu comme une
princesse, en dansant, accompagné de 6 jeunes filles, toutes aussi jolies. Elle
tourne autour de la dot qu'elle finit par accepter.
Le moment le
plus déchirant arrive quand ma petite-fille et ma fille sont installées de
l'autre côtés. Je comprends alors que le moment des « au revoir » est
arrivé. C'est assez troublant. J'ai comme l'impression que l'on vient de
m’amputer d'une partie de mon cœur. Je suis obligé de mordre pour empêcher une
larme de couler. Mon Dieu, que c'est douloureux.
Quand enfin,
nous sommes invités à nous lever pour aller féliciter les mariés, je m'éloigne
pour aller répondre au coup de fil de mon frère aîné qui est en mission en
Chine et n'a pas pu faire autrement. Il me demande des nouvelles. Quand je lui
explique comment tout s'est déroulé, il semble satisfait.
En discutant
quelques instants plus tard avec Radjiska, je lui demande :
- Vous vous
étiez arrangés Aymeric et toi pour la dot ?
Elle me
répond :
- Oui.
- Et c'est quoi
toutes ces marchandises multiplier par deux.
- J'ai jugé
plus utile de présenter aux gens ce genre de choses utiles qui leur permettra
de lancer un business, plutôt que de leur donner 4 millions de francs, qu'ils
iront boire. Si cet élevage de poule et autre projets agricoles qu'ils ont n
tête, ils ne parviennent à le mettre en place, ce sera une bonne chose, tu ne
penses pas ?
- C'est bien
réfléchi. Pourvu que personne ne t'appelle pour te dire qu'il n'y a pas d'argent
pour acheter le carburant qu'il faut pour faire tourner les groupes
électrogènes.
- Papa, dans la
vie, on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Les gens doivent
apprendre à se débrouiller et à dépendre un peu moins de la poche des autres.
- Tu es bien ma
fille, toi ! lui dis-je en lui posant un bisou sur le front.
- Tu s sûr que
tu t'adresses bien à moi, mon papounet !
- Oui, j'en
suis sûr ! Je suis fier de toi, ma fille.
- Je t'aime,
papounet !
*** Radjiska
Beauté.
Il est 17h
quand la voiture qui nous conduit, quitte le lieu de la fête pour l'aéroport.
Nous partons pour Pretoria. Notre avion décolle à 19h35. J'ai hâte d'être en
Afrique du Sud. Je suis d'autant plus impatiente que dans deux jours, Néfertiti
et sa princesse Sasha Rose, seront avec nous. Marcus ne peut faire le
déplacement car il a deux conférences et des cours à donner. Il suivra notre
mariage via les images que lui enverra son épouse. Marthe Pereira et ma chère
tante Valentine, seront aussi du voyage. Elles arriveront elles aussi dans deux
jours. Là, pour ce mariage, c’est chacun qui paie son billet, aucune prise en
charge, sauf pour ma grand-mère adorée. Tous les membres de la famille
d'Aymeric ainsi que tous ses amis d'enfances seront là. Ce qui fait que d'un
mariage que l'on voulait intimiste, avec une vingtaine de personnes, on se
retrouve avec deux cent invités ? Mais ça vaut quand même la peine d'aller
si loin, sinon, on en aurait eu 1000, sans forcer, vu toutes les relations de
la famille d'Aymeric et celles de mon père.
Ma belle-mère
et mon beau-père voyagent avec nous ce soir. De même pour Gérald et son épouse,
qui tous deux sont les témoins d'Aymeric. Pour ma part, j'ai choisi mon parrain
et ma marraine pour témoins. Ma petite sœur Sophie, sera ma dame de compagnie.
Alors que nous
en avons terminé avec l’enregistrement et que nous attendons les autres, debout
devant dans le hall de l'aérogare, j'observe Aymeric qui discute avec sa
princesse, notre fille Nell. Il parle à ce bout de chou de 6 mois comme une
grande personne.
- Je parie
qu'elle comprend tout ce que tu lui dis, fais-je en souriant.
- Vu qu'elle
est aussi intelligente que son père, disons qu'elle comprend parfaitement.
- Ok !
Merci pour la maman. Puis-je dire que je suis vexée.
- Non, me
fait-il en riant. Parce que crois bien que si elle est aussi jolie, c'est grâce
à sa maman.
- J'adore la
manière que tu as de faire des compliments.
- Et moi,
j'adore l'idée de passer le reste de ma vie à tes côtés. Je t'aime plus que
tout.
- Et moi alors,
dis-je en passant mes bras autour de sa taille.
Je pensais
avoir trouvé ma vie à Port-Gentil, pourtant, j’ai tout lâché pour revenir à
Libreville et m’installer avec Aymeric. Nous avons pris une villa dans la zone
d’Angondjè et avons mis la villa dans laquelle il avait vécu avec Clara, en
location. Cela fait trois mois que je travaille dans une compagnie d’assurances.
Le plus difficile dans ma nouvelle vie a été de convaincre la mère d’Aymeric
que je suis la bonne personne pour son fils. Après l’échec entre Chimène et lui
elle était persuadée que jamais il ne trouverait celle qui lui donnerait envie
de sauter le pas. Lors de notre première rencontre, j’étais très impressionnée
par cette dame. J’avais très peur qu’elle me rejette. Je m’étais préparer à
passer un interrogatoire de police. Pourtant, tout s’est passé avec beaucoup de
douceur. Elle m’a prise de côté et m’a dit : « Tout le monde m’a
raconté que cela fait quelques années que mon fils et toi, vous vous
connaissez. Si jamais tu penses que ça ne tiendra pas entre, n’attends pas 5
ans pour t’en aller ! »
Lorsqu’elle m’a
demandé les raisons pour lesquelles mes trois enfants ne vivent pas avec moi.
J’ai fait une réponse très simple en disant : « J’étais trop immature
lorsque je les ai eus. » Je ne suis pas rentrée dans les détails. Cela ne
servait à rien.
Marthe me dit
que si les parents d’Aymeric m’ont accepté aussi facilement malgré mon passé,
c’est parce que je suis fang comme eux. Et vu qu’ils avaient la preuve que je
suis féconde, ils ne pouvaient que s’en réjouir.
« Les
fangs aiment les enfants ! », me répète-t-elle quand elle le peut.
En parlant de
Marthe, je me suis rendue compte, que grâce à Aymeric et ses précieux conseils
et la façon aussi qu’il avait de me pousser à aller vers Marthe et à l’appeler
pour prendre des nouvelles, a adoucit notre relation. Je la ressens moins comme
un fardeau depuis qu’elle s’est mariée. Et depuis qu’elle est de nouveau maman,
autant dire qu’elle n’a plus mon temps au point que lorsque j’appelle pour
prendre des nouvelles, elle me répond : « Mais tout va bien !
N’est-ce pas on dit pas de nouvelles, bonnes nouvelles ? »
Son univers
tourne autour du confort et du bien-être de son fils et son mari. Elle a appelé
le petit Prince Erwan. Le petit est beau comme il n’est pas permis, toujours
propre et sapé comme un mannequin. C’est bien ça, Marthe n’a plus le temps pour
personne, même pas pour les membres de sa famille. Tout le monde la critique en
disant qu’elle ne se soucie plus de personne. Je suppose que maintenant qu’elle
a trouvé un sens à sa vie,
- Ils nous ont
demandé de ne pas traîner et de passer directement en salle
d’embarquement ! annonce mon beau-père.
- On y va, dans
ce cas ! lance Gérald.
Nous allons
tous vers l’escalier qui nous mène à la police des frontières. Nous passons
tranquillement le contrôle. Je m’arrête au duty free pour acheter des chocolats
et quelques magazines, ensuite, je viens tranquillement m’asseoir, à côté
d’Aymeric qui est en grande conversation avec Gérald. La petite dort dans les
bras de son grand-père. Je pose ma tête sur les épaules d’Aymeric. Il passe son
bras droit autour de ma taille. La journée a été très longue. Je ne rêve que
d’une chose : arriver au plus vite dans notre hôtel à Pretoria. On y sera
à 2h du matin. Je décide de prendre mon mal en patience, en écoutant les hommes
parler économie et sport. Lucille, l'épouse de Gérald, avec laquelle je suis
devenue très amie, arrive et m'annonce alors :
- Je sais que
l'on va au pays du shopping mais il y a des petites merveilles au duty free.
Allons voir !
Je me lève et
la suis alors que Gérald nous lance :
- Je vous
signale que quoi que vous achetiez ici, ça coûtera toujours deux fois moins
cher à Pretoria.
Lucille
m’entraîne vers un rayon où nous découvrons des palettes de gloss pour les
lèvres. Là, je jubile en regardant mes couleurs fétiches.
- C'est
magnifique ! Oh que c'est magnifique !
Je suis en
train de m'extasier devant ces produits de beauté quand je butte contre
quelqu'un sans faire exprès. Je lève la tête pour m'excuser. Je me retrouve
alors face à Maxence, qui est là, planté comme s'il attendait que les choses se
passent.
- Hello !
Commet va ? Je parie que tu t'es perdu dans cette allée.
Il sourit et me
dit :
- Salut Beauté.
J'attends que la magnifique femme derrière toi, choisisse et paie enfin, pour
tout ce qu'elle vient d'acheter. Jamais je ne comprendrai la différence entre
une couleur prune et la couleur aubergine. Madame vient d'essayer les deux et
je n'y vois aucune différente.
- C'est normal,
fait la voix derrière moi. Pour les hommes, les lèvres des femmes sont faites
pour être embrassées et non admirées.
Je me retourne
sur Joyce, son épouse. Elle me sourit et me lance :
- Bonsoir
Radjiska. Tu es radieuse. Alors, comment s'est passé ce mariage ? Les
filles n'arrêtaient pas d'en parler au bureau.
Je souris et
réponds :
- C'était
épique. Je suis heureuse de m'en être sortie indemne.
- Bonne chance
pour la suite !
- Merci, Joyce.
Elle reporte
alors son attention sur son époux et lui dit :
- Je te promets
de faire les courses, toute seule à Promis.
- Les
femmes ! fait-il en riant.
Je les regarde
partir ensemble et reporte mon attention sur les couleurs qui m’intéressent.
Joyce et moi
avons été obligées de faire connaissance et d'être courtoises l'une envers
l'autre car elle est l'adjointe au DRH de l'entreprise dans laquelle je
travaillais à Port-Gentil ; Oui, il faut avoir vécu dans cette ville pour
comprendre que là-bas, tout le monde connaît tout le monde. Et c'est tant mieux
car je me serais senti mal à l'aise d'avoir à détourner le regard à chaque fois
que j'aurais rencontré Maxence.
« Passager
du vol Asky WX524 à destination de Johannesburg, sont priés... »
Lucille et moi
rejoignons rapidement les autres. La semaine prochaine à la même heure, je
serai devenu madame Obame et cela me met dans un état euphorique que je vais
devoir contrôler jusqu'au moment ultime.
- Comment te
sens-tu ? me demande Aymeric en prenant soin d'attacher sa ceinture avant
de me reprendre Nell des bras.
- Tout va
beaucoup mieux à chaque fois que tu souris.
Il me répond
alors :
- Je vais
m’occuper de cette demoiselle jusqu'à ce qu'elle s'endorme. Tu devrais en
profiter toi aussi pour te reposer.
Je me
rapproche, lui pose un baiser sur la joue droite et lui murmure :
- Je t'aime
monsieur Obame ! Merci d'être toi. Je me sens unique à chaque fois que tu
me souris.
- C’est parce
que tu es mon évidence ! Je t’aime, Obone.