1 - Un ami en or

Ecrit par Owali

Je me souviens encore de toute cette histoire comme si c'était hier...

***Quelques années en arrière***

A peine descendu de l'avion, je m'empressai d'allumer mon téléphone pour l'appeler avec les dernières unités qu'il me restait.

- Hum...allo? Répondit-elle la voix encore endormi

- Bonjour ma douce, comment vas-tu?

- Hum... bonjour chéri, ça va et toi? Pourquoi tu m'appelles de si bonne heure?

- Ah! Excuse-moi, je n'ai pas fait attention à l'heure, je te réveille?

Elle bailla à l'autre bout du fil avant de me répondre:

- Oui chéri...

- Ah désolé! En fait si je t'appelle c'est pour te dire que...

Le jingle du haut parleur de l'aéroport m'interrompit.

" Les passagers du vol numéro AF4587 en provenance de Libreville..."

- Mais! Attend! Tu es où ?! Fit-elle surprise.

Ayant tenu à ce que la surprise soit totale, je ne lui avais pas donné la date de mon arrivée.

- Je suis là Marie, souriai-je ravi d'avoir réussi mon coup.

- Non! Tu mens!

- Comment je mens? Tu n'entends pas les voix autours de moi? Je viens à peine d'atterrir, je suis à Paris ma douce!

- Quoi?!? Mais hier tu m'a dit que tu cherchais encore l'argent du billet et la...

- Je voulais te faire la surprise, mais l'envie de t'entendre ce matin était trop forte.

Visiblement émue, elle se mit à sangloter.

- Ah mais...snif...donc tu es la? Pour de vrai?

- Oui Marie je...

Le signal de la fin de mon crédit se fit entendre.

- Je n'ai plus d'unité, repris-je. Je te rappelle très vite. J'ai hâte de te voir. Je t'embrasse ma douce.

- Oui mais je...

La communication a été coupée sans que je ne puisse entendre ce qu'elle avait à me dire.

Quelques jours plus tard, je pris une carte SIM française. Après avoir appelé mes parents, je tentai de la joindre en vain. Ça sonnait au vide, personne ne décrochait. Mes messages eux aussi demeurèrent sans réponse.

- Hum, tu es sur d'avoir composé le bon numéro? Me demanda mon cousin Franck à force de me voir râler.

- Bah attend, elle a ce numéro depuis qu'elle est ici. Je l'ai encore eu il y a quelque jours quand je lui ai annoncer mon arrivée.

- Ah mais peut être qu'elle a eu un problème alors. Si elle a perdu son téléphone ou quelque chose comme ça...

- Non je ne crois pas! Si elle l'avait perdu, il ne sonnerait même pas.

- C'est vrai aussi...Mais dans le doute laisse quand même ton téléphone du Gabon allumé, elle t'appellera dessus quand elle pourra.

Dubitatif, je décidai de suivre ses recommandations malgré tout.

***

C'est fou ce que le temps passe vite dans le pays des blancs! Celui qui a dit que "Le temps c'est de l'argent", je ne sais pas dans quel sens il le disait mais, en ce qui me concerne, mon argent finissait a mesure que le temps passait. 

Vu que mon cousin n'en voyait pas la nécessité, j'avais dû acheter tout l'arsenal de ménage pour vivre dans un semblant de propreté et faire les courses. Mais une fois que j'avais réglé mon inscription et mon transport, il ne me resta plus que l'argent pour payer deux mois de loyer. Ne pouvant pas demander à mes parents de faire plus d'effort qu'ils en avaient déjà fait, je m'étais mis à la recherche d'un job en même temps que mon logement et de mes études en Licence d'informatique que j'avais commencé.

Avec toutes les tracasseries que je rencontrai, je n'avais plus vraiment le temps de chercher à joindre Marie. Grace à un circuit de mon cousin Franck, j'avais trouvé rapidement un boulot d'éboueur dans une société d'intérim. J'avais dû vraiment prendre sur moi pour accepter ce job de ramasseur de poubelle qui était à mille lieu de la vie que j'avais imaginé mener en France. Mon orgueil ravalé, j'essayais de me borner à ne voir que le bon côté des choses: Les horaires de travail étaient compatibles avec mes cours et la rémunération était intéressante. 

C'est sur mon lieu de travail que je fis la connaissance de Marcus. S'il y avait bien une chose qu'il fallait reconnaitre c'est que nous nous étions en trouvé lui et moi. C'était un jeune étudiant Congolais, lui aussi issus d'un milieu modeste et voyant son avenir en grand. A force de passer des soirées entières à refaire le monde et surtout l'Afrique, nous nous étions très vite lié d'amitié. 

Un soir, alors que je me rendais au boulot le moral complètement à plat à cause de mon ènième refus de dossier de logement, il remarqua mon désarroi :

- Qu'est ce qui ne va pas moninga ?

- Ah ! Tika. Les problèmes qui ne finissent jamais dans ce pays.

- Ca c'est sur ! Mais encore ?

- Ca va faire un mois que je suis ici et je n'ai toujours pas trouvé de logement...

- Mais tu es chez ton cousin non, où est le problème ? Ce n'est pas comme si tu dormais dehors !

- Eh moninga, c'est tout comme ! C'est parce que tu n'es pas encore arrivé la bas, tu ne peux pas savoir.

- Comment ca ?

- Hum...le froid qui règne la bas, tu ne peux pas ! Je ne peux pas étudier sereinement et je suis obligé de dormir avec ma doudoune pour ne pas finir en glaçon.

- Pas possible !

- Si si, très possible ! Il est bien sympa mon couz mais je ne suis pas venu en France pour mourir de froid. Je dois bouger.

- Ah ah ah ! Ca c'est sur ! Ben écoute je vais me renseigner autour de moi pour savoir s'il n'y a pas une occasion et je te dirai. Moi-même je cherche aussi à quitter là ou je suis, je me sens comme un rat en cage dans mon 9m2, on peut vivre en colocation si tu veux comme ca on partagera les charges.

- Oui, bien sur pourquoi pas ?! Ah vraiment si tu trouves un truc dis moi, parce que la je suis trop dépassé. J'ai l'argent pour payer au moins deux mois de loyer mais ca ne se suffit pas ! C'est quel pays ça ?

- Ah laisse mon frère c'est comme ça ici. Allez, trêve de bavardage, allons bosser.

Quelques jours après cette conversation, aussi incroyable que cela paraisse, il revint avec la solution à mon problème. Il avait réussi à trouver un HLM (1) en sous location pour un loyer ridicule à nous deux réunis. Il était trop efficace ce mec. Il n'y avait jamais de problème avec lui, que des solutions !

Il m'avait fait réaliser que rien n'était impossible à celui qui avait des relations. Le réseau était l'élément indispensable pour débloquer toutes les situations. Encore fallait-il s'en constituer. Et pour quelqu'un de calme et réservé comme moi, cet exercice s'avérait plus facile à dire qu'à faire. Aussi, je comptais beaucoup sur le savoir faire en la matière de Marcus. 

En vivant à ses cotés, je découvris sa seconde nature, sa face cachée. Une fois son vert de travail retiré et ses cahiers refermés, c'était un vrai roi du show buisness que j'avais en face de moi. Il était derrière toutes les grandes soirées congolaises organisées dans la région parisienne. Négociation des cachets des artistes, DJ, danseuses ect, il dirigeait tous d'une main de maître. J'étais impressionné et en très grande admiration devant cet homme multi-facette qui réussissait dans tout ce qu'il entreprenait !

Notre cohabitation se passait super bien. A une exception près: les femmes !

Véritable coureur de jupon, pas un week-end ne passait sans qu'il ne rentre accompagner. Et quelle compagnie ? Des thons, des morues, des sardines...enfin il avait un gout très prononcé pour les poissons.

Le jour où il m'annonça qu'il était tombé amoureux de la plus belle femme qu'il n'avait jamais vu, je n'eu pas beaucoup de mal à le croire.

- Non mais je t'assure ! Cette fille est juste incroyablement belle !

- Hum...hum ! lui répondis-je distraitement.

- Rho ! Tu ne me crois pas ? C'est parce que tu es bizarre, je t'ai dis que l'enterrement de vie de garçon la serait terrible. Tu aurais vu son corps lorsqu'elle faisait son strip-tease, tu n'aurais pas résisté à l'envie de te la faire. En tout cas, elle était trop bonne, on a payé les extras et je peux te dire que ça en a valu le coup ! Il faut que je la revoie...

- Pfff Marcus va dérailler ailleurs, je n'ai pas de temps pour ça.

- Mais toi aussi tu es bizarre. Depuis six mois que tu es arrivé ici, tu ne veux rien faire. Tu commences à m'inquiéter hein ! Tu es sur que tu n'es pas...

- Bloque ! Je t'ai déjà dis que j'ai une copine...

- Oui, oui...celle dont tu n'as plus aucune nouvelle depuis que tu as quitté le Gabon... comme par hasard. Tu peux continuer à espérer qu'elle soit en train de t'attendre bien sagement quelque part, mais à mon avis, tu ferais mieux de l'oublier.

- Je ne peux pas...mais bon ça tu ne peux pas le comprendre...

***

Si seulement je l'avais écouté, je n'en serais pas la aujourd'hui...


MOKONZI