25- Les couleurs de nos amours
Ecrit par lpbk
Noah KOUDOU
« Superbe journée ! », pensai-je en arrivant à la maison.
C’est silencieux pourtant Mika devrait déjà être là. Je dépose mes affaires dans ma chambre et je vais me verser de l’eau vite fait. Je suis tout propre en sortant de ma chambre. Je passe devant celle de Mika. Je cogne. Je n’entends rien. J’ouvre discrètement la porte et je le vois allongé sur son lit.
« Ah ! »
J’ai carrément oublié qu’il avait été de garde la nuit dernière. Je parie qu’il tente de rattraper les heures de sommeil manquées. Je referme la porte et je retourne dans ma chambre. Mon estomac gargouille mais comme je suis pire que médiocre en matière de cuisine, je préfère me jeter sur un ou deux paquets de biscuits.
Je suis allongé, je traine sur Facebook. Je réponds à deux ou trois messages, j’accepte presque toutes les demandes d’amis et je survole mes suggestions. Tiens Nowa N. Impossible d’avoir accès à son profil sans être amis. Tout y est verrouillé. Elle fuit qui ? C’est rare cette attitude de la part d’une jolie femme.
Je lui envoie une invitation.
Je finis par me persuader que je devrais lui faire signe de vie. Je prends mon portable et je me lance.
« Bonsoir miss. Tu vas bien ? »
Quelques minutes passent avant qu’elle ne réponde.
« Bonsoir. Oui et vous ? »
« Moi je vais bien. Mika je ne sais pas. »
« Comment tu ne sais pas ! Ce n’est plus ton frère ? »
Ses réponses sont maintenant instantanées. J’aime m’imaginer qu’elle est allongée sur le ventre sur son lit en train de sourire comme une fille devant son portable.
« Il dort. »
« Du coup tu dois t’ennuyer. »
Un peu quand même.
« C’est pour cela que je t’écris ; qu’est-ce que tu croyais ? »
…
…
…
J’attends un moment.
…
Toujours pas de réponse. Je l’ai peut-être vexée.
Nowa NYANE
« C’est pour cela que je t’écris ; qu’est-ce que tu croyais ? »
LOL !
Dring dring
J’abandonne mon portable dans la chambre et je vais ouvrir.
« Maman ? »
Elle sourit timidement.
« Qu’est-ce que tu fais là ? »
« Bonjour Nowa, Tina ne pourra pas passer voir les cartons. »
Aujourd’hui, avec Tina, nous devrions passer en revue quelques propositions de cartons. Comme très souvent, elle a eu un imprévu d’ordre professionnel et du coup, c’est maman qui va choisir pour elle.
« Entre ! »
Ce sera la quatrième fois que ma mère me rend visite.
« Tu veux boire quelque chose ? », lui proposais-je alors que je l’installais.
« Ça ira. Tu as changé de déco ! »
« Oui ! Ça fait déjà un bon moment. », répondis-je en posant mon ordinateur sur la table basse.
J’ouvre le fichier concerné et je lui donne des directives.
Maman fait défiler les différentes cartes. La connaissant, elle n’a pas l’air très emballée par ce qu’elle voit. Hummm… qu’est-ce que je m’imaginais ? Le pire c’est que Tina et elle, elles sont pires que des jumelles. Quand maman n’aime pas, Tina n’aime pas. Et quand Tina n’aime pas, maman n’aime pas. J’en arrive à penser que l’une d’elle a dû éteindre sa personnalité au profit de celle de l’autre parce que ce n’est tout simplement pas possible que deux personnes, de générations différentes puissent avoir le même avis sur tout. Non !
« C’est tout ? »
« Pour le moment, c’est tout ce que j’ai reçu. Mais si ça ne convient pas, je vais contacter encore deux ou trois autres fournisseurs et on verra. »
« Je peux ? »
Avant que je n’aie répondu, elle se saisit de mon carnet de croquis et se met à la parcourir. Elle tourne les pages les unes après les autres. Pose des questions auxquelles j’ai du mal à répondre tellement je suis étonnée.
« J’aime mieux ce que tu fais. », dit-elle en souriant l’instant d’une seconde.
« Je trouve que ton travail est plus frais. C’est beaucoup plus personnel aussi. »
« Merci ! », dis-je en arrachant presque le carnet pour aller le déposer dans ma chambre.
« Nowa ! Mais pourquoi tu ne les concevrais pas toi-même ces cartons ? »
Je m’arrête net et je tourne la tête vers elle.
« Tu es sûre que tu vas bien ? »
« Pourquoi ? Parce que j’apprécie ton travail ou parce que j’essaie de me rapprocher de toi ? »
« Maman … », dis-je en venant me planter devant elle pour lui refaire la leçon.
« Je sais Nowa ! Mais tu ne peux pas m’empêcher d’essayer. »
Elle se met debout, fouille dans son sac et en sors une enveloppe qu’elle me tend.
« C’est pour toi ! »
« C’est quoi ça ? »
Une enveloppe ? Qui peut bien m’avoir laissé du courrier chez mes parents. Depuis le jour où j’ai eu le baccalauréat j’ai bien pris le soin de signaler à toutes mes connaissances que je ne vivrais plus chez eux. Elle la dépose finalement sur la table et sans dire un mot, prend la porte. Enervée, je prends la direction de ma chambre.
Ce soir, j’accompagne Rudy à la salle de sport. Il doit partir demain pour Conakry où il travaille sur un chantier plutôt important. Je vais donc passer trois semaines sans lui. L’absence va être terrible. Je l’aurai bien accompagné mais pour faire quoi ? Jouer les cuisinières en attendant son retour ? J’aime mieux rester à Babi, dans ma vie.
Rudy EYA
J’entame ma seconde série de développé-couché en écoutant Nowa me raconter ce qui s’est passé avec sa mère un peu plus tôt dans la journée.
« J’en viens à me demander si elle ne serait pas par hasard atteinte d’une maladie incurable. Je me rappelle d’une époque où il n’y avait pas de compliment pour moi. Nowa, tu es trop maigre, tu ne pourrais pas être un peu plus comme ta sœur ? Nowa, des études en art, es-tu bien sûre de ne pas vouloir faire de la finance, un peu comme Tina, Nowa ceci et Nowa cela. »
Tina ? Pourquoi fallait-il que sa sœur s’appelle Tina elle aussi. Me voilà en train de penser à cette cruelle réalité. J’ai mis mon plan cul en cloque et maintenant, je ne sais pas comment l’avouer à ma copine.
« Tu m’écoutes ? »
« Bien sûr mon cœur ! »
« Et tu ne dis rien ! »
« Parce que si je commets la bêtise de te dire le fond de ma pensée, tu risques de me le faire payer. Je préfère juste t’écouter. »
Elle vient placer son visage au-dessus du mien.
« Ne fais pas ça, tu me donnes des idées pas très catholiques bébé. »
« Je veux savoir ce que tu penses de son attitude. »
Je me redresse. Je l’attire devant moi.
« J’aimerai bien la rencontrer ta maman… Et ton père et ta sœur Tina ainsi que ta grand-mère. Qu’est-ce que tu en penses ? »
Elle soulève un sourcil.
« Ce n’est pas le sujet. »
« Je sais mais voilà, on a dit qu’on ferait les choses bien et bien ça signifiait aussi que je rencontrerais tes parents. C’est bien ce que nous avions dit ? »
« Oui mais tu ne peux pas … »
« Pourquoi je dois toujours te laisser devant la barrière de leur maison ? J’ai l’impression d’avoir 15 ans et de raccompagner ma petite-amie en cachette Nowa. »
« Je pensais que tu avais compris ! »
« J’ai compris que nous ne pouvons pas vivre ensemble pour le moment mais j’espérais que toi tu comprendrais aussi que comme tu as rencontré ma mère et ma sœur, j’aimerai aussi ren… »
« Ah c’est pour ça que tu tenais à ce que je rencontre ta famille ? C’était pour avoir le plaisir de me le rappeler ? Pourquoi tu me mets autant la pression ? »
« C’est bon, j’abandonne. Tu fais comme tu le sens. »
Oui, ça commence à m’énerver ce petit jeu.
Je commence à penser que même quand elle aura du travail, nous ne pourrons pas vivre ensemble. Rencontrer ses parents ne signifie pas prendre un engagement. Qu’est-ce qu’elle peut faire chier souvent. Je vais continuer mes exercices sinon je vais finir par lui crier dessus.
« Tu m’énerves Rudy ! », me lance-t-elle en s’éloignant.
« Super ! »
Elle se fiche de moi ou quoi ? C’est elle qui est carrément en tort et c’est elle qui se barre. Qu’elle fasse donc.
Je continue de transpirer. Dans ma tête, je ne suis vraiment pas bien. D’un côté j’ai un gosse à naitre avec cette femme qui selon moi a tout pour réussir et de l’autre, j’ai une copine qui passe sa vie à faire sa belle avec moi. C’est bon là, nous sommes déjà ensemble. Elle peut arrêter de se faire désirer un moment. Je regrette même qu’elle soit venue avec moi ce soir.
Je vais gentiment l’ignorer.
« Bonsoir Rudy ! »
Je me redresse.
« Salut Andréa. »
« Ça fait un bail. J’ai cru que tu avais quitté le pays. Tu vas bien ? »
André c’est une jolie jeune femme avec qui j’ai pris un verre un soir. Il y a rien eu de plus. Je ne me souviens même pas de ce qui m’avait déplu chez elle. Elle reste quand même une belle femme.
« Tranquille et toi ? Toujours un tombeur apparemment. »
« Ah ha ha… Toujours aussi charmeuse. »
Nowa est dans son coin, quelques fois, ses yeux quittent son portable et s’accrochent à nous. Ça se voit comme le nez au milieu du visage qu’elle est énervée. Je ne fais rien de mal. Je discute juste avec une amie.
Quand on sort de la salle de sport, elle n’a toujours pas décoléré. Je la regarde pianoter sur son portable. Ça m’énerve mais je préfère garder mon calme.
« Ça va ? »
« C’était qui la miss tout à l’heure ? »
« Qui Andréa ? »
« Je ne connais pas son prénom moi. Mais je suppose que c’est bien elle Andréa, celle qui n’arrêtait pas de passe sa main sur ton épaule. »
Waouh, elle a eu le temps de tout voir.
« C’est juste une amie. »
« Ah ! Rien que ça ? »
« Oui ! Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? »
« Rien de plus. Tu t’arrêtes à Miam, je vais prendre une pizza. »
« Je pensais que tu avais dit que tu cuisinerais ce soir. »
« Oui mais tu vois là, tu m’énerves tellement que j’ai peur de te faire bouffer du cyanure. », répond-t-elle durement.
Je la ferme et je roule jusqu’à la pizzeria devant laquelle je me gare. Elle n’attend pas que je lui ouvre la portière.
« Je t’accomp… »
Bam !
Elle ne me laisse pas finir ma phrase. Je la regarde traverser la route et pénétrer dans la pizzeria. J’attrape ma bouteille d’eau et je la vide.
Alors que je suis en train d’attendre, le rétro-éclairage de son portable s’active et je vois écris Noah.
C’est qui celui-là encore ?
Je suis tentée de jouer les fouineurs mais quelque part, je sens que Nowa ne peut pas me tromper. C’est peut-être prétentieux de ma part mais ce n’est pas son genre. S’il y a quelqu’un d’autre dans sa vie elle trouvera le moyen de faire un choix.
Je ne comprends même pas pourquoi elle est à ce point en colère.
Bam !
Elle claque la porte de la chambre après avoir posé la pizza dans la cuisine.
Je m’installe devant la télévision et je mange le plus calmement possible. Parti comme c’est parti, je sens que ce soir sera déclarée la guerre froide.
Un peu après 21h, je la rejoins et là, dans ma tête ça fait « tic ». Elle est toujours sur son portable.