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Ecrit par lpbk
Zoé comme le reste de son entourage avait très peu de
connaissances sur l’Écosse. Avoir suivi Sean Connery endosser le costume du
plus célèbre espion et avoir pleuré toutes les larmes de son corps devant Braveheart n’était
pas ce qu’on pouvait qualifier de connaissance profonde d’un pays. Aussi, elle
combla ses lacunes en faisant des recherches sur Internet et en dévorant le
guide de voyage que sa mère lui avait offert. Les Sia n’étaient pas plus
emballés par les futures aventures écossaises de la cadette. Tout comme Zoé,
leurs yeux auraient pétillé si on leur avait vendu l’Amérique ou l’Asie, mais
rester en Europe dans un pays encore plus froid et à la météo plus instable que
la France était d’un banal. Même Linda, qui avait un goût prononcé pour les
voyages, ne lui proposa pas de lui rendre visite. Son amie d’enfance s’était
contentée d’émettre un simple « Ah ! C’est intéressant » quand Zoé lui avait
annoncé sa destination. Adjoua qui partait au Mexique avait un agenda d’accueil
déjà booké quelques semaines après le résultat des affectations.
Le mois d’août fut ponctué par les départs des uns et des autres, Zoé
étant la dernière sur la liste. Elle avait d’abord accompagné Bébé qui se
rendait en Turquie, puis Faty qui s’envolait vers Singapour et Adjoua qui filait
vers le Mexique. En revanche, elle avait été incapable de dire au revoir à
Vincent sur le portique de l’aéroport. Elle passa juste la nuit avec lui. Il
lui avait donné un tendre baiser et prit son avion, la laissant seule,
effondrée sur son lit.
Pourtant, ce fut le cœur léger que Zoé quitta Paris pour
Édimbourg. Elle avait fait le deuil de New York. C’était la première fois de sa
vie qu’elle voyageait à l’étranger sans sa famille ou sans Vincent. Les
semaines qui précédèrent son départ furent angoissantes. Zoé n’avait jamais
pris de risque. Elle n’était jamais sortie de sa zone de confort. Cet inconnu
la terrifiait. Elle craignait la solitude, elle, qui avait toujours été
entourée. Elle avait peur de ne pas trouver sa place dans cette nouvelle
université. Deux ans plus tôt, elle avait ressenti ce malaise en intégrant
Sciences Po et ne voulait pas revivre cette expérience. Autour d’un café, une
étudiante en master l’avait rassurée sur sa future vie à Édimbourg. Zoé
rencontrerait d’autres âmes esseulées du monde entier avec qui elle se lierait
d’amitié, avec qui elle voyagerait et avec qui elle découvrirait de multiples
cultures. « N’aie pas d’inquiétude, ça sera l’une des meilleures années de
ta vie », conclut-elle. C’est ainsi qu’elle quitta sereine ses parents et
ses sœurs à l’aéroport, prête à embrasser sa nouvelle vie écossaise.
Ses premières heures en Écosse furent arrosées par une pluie
torrentielle. Les ouvrages, forums et autres sources auprès desquels elle
s’était enquise sur le pays n’avaient pas menti ; le temps y était
catastrophique. Ses bottes de pluie qu’elle avait chopées à Paris n’eurent
jamais autant vu le jour que lors de son année en Écosse. Elles ne l’avaient
pas quittée d’une semelle.
Zoé s’était directement rendue en taxi dans sa résidence
universitaire. Elle partageait son appartement avec trois colocataires :
une Irlandaise, une Chinoise et une Colombienne avec qui elle conversait par
email. Zoé avait toujours eu des doutes sur sa capacité à vivre en colocation,
mais s’était résignée pour avoir dès le début un minimum d’interaction sociale.
Aux premiers échanges avec les filles, elle sut qu’elles s’entendraient à
merveille. Elle fut la troisième à rejoindre la coloc. Chen Xi, la Chinoise
originaire de Shanghaï fut la première à poser le pied sur le sol écossais,
suivi de Yaritza qui était arrivée deux jours plus tôt de Carthage en Colombie.
Ellen arriva en fin de semaine, venant de Dublin, son voyage avait été assez
court.
L’université avait organisé plusieurs événements d’intégration pour
les nouveaux étudiants étrangers. La colocation s’était inscrite à la plupart
d’entre eux. Elles avaient participé à bon nombre de soirées dans les pubs de
la métropole, avaient sillonné les rues de la vieille ville, échangé avec le
monde entier en seulement quelques semaines. La crainte de la solitude s’était
évaporée en quelques jours. Zoé jura même qu’elle n’avait jamais été aussi
entourée que dans cette année-là. Il y avait toujours quelques squatteurs dans
leur coloc : des étudiants qui partageaient le banc de l’université avec
elles, les coups d’un soir des unes, les infortunés de la veille ou bien ceux
qui s’étaient simplement égarés. La colocation ne dormait pas, riait à chaque
instant et n’étudiait jamais. Le peu d’heures de cours leur donnait l’occasion
de voir du pays. Le regard perdu dans les immenses plaines écossaises, Zoé
avait la sensation de vivre dans le décor d’un Jane Austen sans Vincent à ses
côtés, quand elle contemplait les highlands. Elle se sentait infiniment petite
dans toute cette grandeur et la vue des lochs et de cette nature vierge lui
donnait les larmes aux yeux. Elle n’eût jamais été autant émue face à un
paysage. Elle avait passé des heures à s’épandre sur tout ce que les lochs et
autres avaient révélé comme émotions en elle. Ellen les avait également
invitées à goûter le whiskey irlandais à Dublin. La grimace affichée sur la
face de Zoé lorsqu’elle engloutit son verre fut tellement légendaire qu’on
l’immortalisa sur les réseaux sociaux. La jeune femme résumait son échange en
découvertes, soirées, voyages et en litres d’alcool. Bien sûr selon
l’interlocuteur elle évitait de s’étendre ou non sur ses soirées
imbibées.
Dans les heures creuses où elle se retrouvait dans l’intimité de
sa chambre elle discutait à travers une webcam avec ses proches. Vincent ne
daignait toujours pas donner un semblant de coupe à sa touffe brune. Ses joues,
soumises au régime américain à base de fast-food, s’étaient remplies lui
donnant un air jovial et un sourire joyeux. Il ressemblait à un nounours
qu’elle rêvait de serrer dans ses bras. Malgré la distance, chacun vivait des
expériences incroyables. Allongée dans son lit, elle ne pouvait s’empêcher de
craindre le pire. Que ferait-elle s’il s’entichait d’une Américaine ou d’une
autre fille ? Si les bidons d’alcool qu’il enfilait lui obstruaient l’esprit et
qu’il se laissait aller à des désirs charnels interdits ? On lui répétait
souvent que les hommes trompaient au moins une fois au cours de leur vie et si
c’était à ce-moment précis qu’il la tromperait ? Malgré ses déclarations
enflammées et ses bisous envoyés derrière l’écran, ces idées noires de trahison
trottaient dans sa tête. Quelques migraines plus tard, elle conclut qu’il
valait mieux ne rien savoir si le pire advenait.
Zoé tentait de fermer sa robe. Il semblerait que la bière ait
décidé de lui faire payer en kilos ses multiples assauts. Elle décida donc de
porter une autre robe, une fleurie avec un léger décolleté qui lui donnait une
silhouette élancée. Il valait mieux donner l’illusion d’avoir gardé la ligne.
Cette dernière glissa sur elle non sans peine. Elle se jura le lendemain de
faire plus attention et de courir autour du campus avec Yaritza.
Ses trois colocs l’attendaient impatiemment dans le salon, toutes
aussi sapées. Ce soir, elles allaient encourager Ellen qui se produisait dans
un pub de la ville. À peine, eut-elle mis le pied dehors, Zoé regretta
amèrement de s’être privée d’une paire de collants. Après trois mois et demi
passés en Écosse, elle pensait avoir développé une certaine résistance au
froid. C’était sans connaître la brutalité du vent de décembre écossais. Elle
serait en retard si elle retournait chez elle. Tant pis, elle marcherait vite
pour échapper aux bourrasques glaciales.
Le pub The simplistic était selon les dires de
Yaritza une véritable merveille nichée entre la vieille ville d’Édimbourg et le
quartier des universités. Sa porte rouge écarlate mythique avait laissé
pénétrer en son sein des hordes d’étudiants d’étrangers assoiffés à la
recherche de la bière la moins chère. Nombre d’artistes en herbe se
produisaient sur la scène du The simplistic. Zoé et ses colocs
étaient venues soutenir l’une d’entre elles qui interpréterait des chansons
qu’elle avait composées. Il était à peine dix-neuf heures, mais déjà les
premiers effluves de boissons émanaient d’étudiants survoltés. Malgré les corps
collants, les filles réussirent à se frayer un chemin jusqu’à une table proche
de la scène où des connaissances les attendaient.
Zoé sirotait son eau pétillante et écoutait vaguement le jeune
homme au style androgyne interpréter du Alanis Morissette. L’animateur de la
soirée annonça un autre artiste. Zoé n’avait pas distingué son nom, mais il
semblait être assez connu dans le coin, à en déduire par l’ovation qui s’était
élevée à l’entente de son nom. Un jeune homme noir s’avança alors. Il avait une
coupe undercut et des mini locks ramenées en crête sur le sommet de son crâne.
Il s’assit sur le tabouret de la scène et entonnait quelques notes avec sa
guitare. Zoé était troublée par ce mec. Elle avait l’étrange sensation de le
connaître. Malgré tous ses affiquets : ses piercings à l’arcade
sourcilière et au nez, ses minis locks, il lui semblait familier. Ce regard
doux quand il chantait. La rondeur de ses notes lorsqu’il montait dans les
aigus. Le puissant vibrato qui enveloppait avec tendresse ses belles paroles.
C’est comme si elle l’avait toujours connu. Ce fut une évidence quand les spots
éclairèrent son visage qui tout le long de la prestation baignait dans la
pénombre. Le jeune homme après un tonnerre d’applaudissements quitta la scène. Zoé
le suivit aussitôt.
— Bledji ! cria Zoé pour couvrir les basses et l’agitation du
pub.
Le jeune homme se retourna et écarquilla les yeux.
— Zoé ?! C’est toi ?
— Ouais !
Zoé secouait vigoureusement la tête.
— Le truc de ouf ! Tu fous quoi ici ?
— Je suis là pour les études et toi ?
— On ne s’entend pas ici, viens on va dehors.
Zoé prévint ses amies qu’elle sortait prendre l’air. Bledji se
tenait sous le porche du bar et grillait une cigarette. Lorsqu’il aperçut, il
la prit dans ses bras.
— Putain Zoé Sia, c’est un truc de ouf, ça fait quoi cinq ans
qu’on ne s’est pas vus ? Voire plus.
— Ouais, j’y crois pas de te voir ici ? Et tu chantes depuis
quand ?
— Ah longue histoire, j’ai toujours aimé la musique.
— Ah ouais ?
— Il y a plein de choses que tu ne sais pas sur moi.
Si des années auparavant, on lui avait dit qu’elle ne savait rien
de Bledji, elle aurait ri au nez de cette personne. Aujourd’hui, il semblait si
différent de son premier amour de lycée. Elle avait posé pour la première fois
ses lèvres sur les siennes. Elle avait connu ses premiers émois avec lui et son
déménagement avait pour la première fois brisé son petit cœur d’adolescente.
Des cinq courts mois qu’ils avaient passés ensemble à l’école, il n’avait
jamais été question de musiques, de chansons ou encore de paroles. Elle apprit
en une nuit ce qu’elle n’avait jamais su de lui en douze ans. Il ne vivait que
pour la musique. Il se réveillait un morceau en tête et se couchait sur des
notes qui le berçaient. Il jouait du piano, de la guitare, de la batterie et
prenait des cours de violon avec un étudiant écossais. Il gardait constamment
un petit carnet où il gribouillait des petites notes ou des paroles qui
traversaient son esprit. Bledji s’était installé en Écosse pour suivre un
master en musicologie dans une université d’Édimbourg.
— C’est dingue qu’on se retrouve ici. Je n’aurais jamais
pensé croiser quelqu’un que je connaisse et encore moins toi, dit Zoé.
— Donc t’es à Sciences Po ?
— Et ouais !
— Ça ne m’étonne pas. T’as toujours été l’une des meilleures.
J’ai toujours su que tu ferais de grandes choses et puis tu nous saoulais
tellement avec la politique.
— C’est clair, s’esclaffa Zoé. Qu’est-ce que je vous ai pris
la tête avec Linda ! Mais non je ne ferai pas de politique finalement.
— Ah ouais pourquoi ?
— Je pense pas que ce soit fait pour moi finalement.
— C’est dommage, je te voyais bien dedans moi.
— Ouais je sais.
Zoé eut un léger pincement au cœur.
— Et t’écris beaucoup de chansons ? poursuivit-elle.
— Ouais et j’en produis beaucoup également je squatte un
studio avec un groupe de rock, je me pose de temps en temps là-bas. Tu veux
passer à mon studio que je te fasse écouter quelques morceaux ? J’ai les
clés.
— Grave, j’ai jamais mis les pieds dans un studio. Attends
quelques instants que je prévienne mes colocs et je te suis.
Zoé partit récupérer ses affaires dans le pub. Yaritza avait
descendu sa bière et la regarda d’un air suspicieux quand elle leur annonça
qu’elle partait avec Bledji. Elle fit de gros bisous et s’excusa auprès d’Ellen
de ne pas assister à sa prestation.
Le studio était dans une petite ruelle du centre-ville et Bledji
n’avait pas menti, il ressemblait à un squat. Des bouteilles de bière et des
paquets de chips jonchaient le sol. Des exhalaisons de shit flottaient dans
l’air laissant un goût âcre en bouche. Bledji pulvérisa un désodorisant dans
toute la pièce. Il était sacrément efficace puisque la seconde d’après Zoé eut
le sentiment de gambader dans un champ de lavande. Il envoya valser des pompes
qui traînaient sur le chemin et fit quelques rangements express.
— Ils laissent à chaque fois un bordel ces mecs.
— T’inquiètes j’ai l’habitude, certaines colocs d’étudiants
sont un vrai dépotoir.
Après une inspection minutieuse, Zoé se jeta dans le vieux canapé
qui trônait au milieu de la pièce. Bledji s’attelait à la tâche sur le studio
de travail. Elle n’avait aucune idée de ce qu’il manipulait, mais il le faisait
avec tant de passion qu’elle en était obnubilée. Soudain la basse balança
quelques notes et la tête de Bledji bougea en rythme. Zoé suivit également le
tempo. Une douce mélodie dans la pure tradition du r’nb que la voix suave de
Bledji agrémentait. Zoé aurait pu se laisser bercer par la musique tant elle
correspondait à tout ce qu’elle aimait. Elle écouta une dizaine de morceaux de
Bledji, et hormis deux trois sons qui ne l’avaient pas convaincue, la
conclusion était sans appel : elle adorait sa musique et son
univers.
— C’est vrai que ça te plait ?
— C’est une tuerie Bledji sérieusement t’as vraiment du
talent.
— Merci, ça me fait grave plaisir, tu peux pas savoir.
— Dommage que je ne connaisse personne dans l’industrie sinon
je t’aurais poussé.
— C’est gentil, mais j’ai ma stratégie. Je fais ça pour le
plaisir, mais j’aimerais bosser dans la musique et c’est pour ça que je suis ce
master.
— Ouais je comprends mieux et t’aimerais faire
quoi ?
— Je ne suis pas encore fixé, organiser des festivals, être
un manager, j’hésite encore.
— T’inquiète, tu vas gérer, tu fais vraiment le taffe.
Bledji s’éloigna et revint avec une bouteille de coca et deux
verres remplis de glaçons. Il versa deux verres de la boisson gazeuse en tendit
un à Zoé et garda l’autre dans sa main. Zoé fit une petite place sur le canapé
et Bledji s’assit à ses côtés. Il laissa tomber sa tête en arrière.
— Pourquoi tu ne m’as jamais dit que t’étais à fond dans la
musique ?
— La honte.
— Honte de quoi ? Tu chantes trop bien mec. Si je chantais
aussi bien que toi, je passerais ma vie à chanter. Je chanterais quand j’irai
chercher une baguette, au supermarché, partout.
Il rit.
— Honte d’être autant mis à nu, d’être à découvert. J’ai fait
mon coming out artistique quand j’ai quitté le quartier.
— Pourquoi ?
— J’avais peur d’être jugé, d’être moqué, d’être traité de
canard. Enfin des conneries comme ça quoi.
— Ouais c’est vrai qu’on pouvait être con plus jeunes, mais
t’aurais été le Ne-yo du lycée. T’aurais chopé plein de filles avec une voix
pareille.
— Ou pas. Et puis je m’en fous j’ai réussi à avoir celle que
je voulais. D’ailleurs c’est drôle, mais tu sais qu’à l’époque tu m’as inspiré
mes premières chansons.
— Non, tu mens ! Je te crois pas.
Zoé s’était relevée.
— Si je te jure, j’étais fou de toi. J’en ai repris une
d’elles que j’ai retravaillée.
— Tu me l’as fait écouter ?
— Oui c’était J’en ai rêvé.
— Oh putain, elle est magnifique celle-là en plus.
— Ba c’est tout ce que je ressentais pour toi au lycée.
Il tourna la tête vers elle et la regarda tendrement. Elle baissa
légèrement le menton, morte de honte. Cette rencontre éveillait en elle des
sentiments pour Bledji qu’elle pensait enfoui. Elle s’efforçait de penser à
Vincent à ses bouclettes au sourire niais qu’il arborait quand il tirait
dessus. Elle s’accrochait à la moindre image qui l’éloignerait de cette flamme
que la voix de Bledji avait ravivée.
Il se rapprocha d’elle et posa sa paume sur la cuisse dénudée de Zoé.
Elle en était sûre, il l’embrasserait dans la seconde qui suit. Elle retira
aussitôt sa main et se leva brusquement.
— Écoute, j’ai quelqu’un et c’est très sérieux Bledji, j’peux
pas lui faire ça.
— Je… je comprends, désolé.
Confus, le jeune homme s’enfonça de nouveau dans le sofa.
— Je pense que je vais rentrer.
— OK, tu veux que je te raccompagne.
— Non ça ira, je vais rentrer seule.
— Comme tu veux, mais ça ne me dérange pas.
— Non non t’inquiètes pas.
— On va se revoir quand même.
— Ouais bien sûr, à plus !
Zoé déguerpit du studio en ayant la ferme intention de ne plus
jamais y laisser traîner ses gambettes. Il était deux heures du matin et elle
en aurait pour quarante-cinq minutes de marche pour rentrer chez elle. Elle
était frigorifiée et apeurée par ce qui avait failli se passer entre Bledji et
elle.
Les premières minutes, elle imaginait glisser ses doigts dans les
boucles de Vincent puis ses boucles se serrèrent, devenant les mini locks de
Bledji. Elle en fut horrifiée. Des sentiments contradictoires valsaient dans
son esprit. Un temps, elle était au bras de Vincent puis un autre à ceux de
Bledji. Une soirée avait suffi à faire revivre ses désirs enfouis
d’adolescentes. Une soirée pour faire valdinguer deux ans de couple. Elle
brûlait d’envie de parler à Vincent. Il lui manquait terriblement. Était-ce la
raison pour laquelle elle avait failli céder ? Pour combler un manque ? La
culpabilité et ses questionnements l’avaient suivie jusque dans sa maison et
jusque dans son lit. Ils l’avaient tiraillée dans son sommeil.
Zoé avait quelquefois pensé à Bledji, mais n’en reparla plus jamais.
Sans mots posés sur cet incident, c’était comme s’il n’avait jamais existé.
Elle avait juste raconté à Linda, l’air de rien, comment elle s’était retrouvée
nez à nez avec son premier amour de jeunesse dans un pub écossais. Linda avait
toujours gardé contact avec Bledji qui était un excellent ami de son frère, si
elle avait omis de mentionner leur rencontre, lui s’en serait chargé et son
silence paraîtrait suspect.
Le seul contact que Zoé ait accepté à ce jour était une demande
d’ami sur les réseaux sociaux que Bledji lui avait adressée quelques jours
après leurs retrouvailles. Elle l’avait acceptée, mais elle ignora son message.
Elle se sentait bien trop fébrile pour tenter le diable. Elle tira un trait
définitif sur la page Bledji, l’arracha comme si celle-ci n’avait jamais été
écrite.