3- Les couleurs de nos amours
Ecrit par lpbk
Les paroles de Mimi continuent de raisonner dans ma tête. Que pouvais-je bien attendre comme conseil de la part d’une femme qui n’a pas hésité à être la maitresse d’un homme marié et à lui faire un enfant ? Je secoue ma tête pour chasser ces pensées de mon esprit. De toutes les façons, je n’ai pas à penser lui. Il doit être en train de vivre une parfaite relation avec une parfaite petite amie avec laquelle jamais je ne pourrai rivaliser. Je soupire puis je pose ce stylo dont je mâche le capuchon depuis une éternité. Je jette à nouveau un coup d’œil à ma montre. 16h08 ! Ce n’est pas possible ! Quelqu’un doit être en train de s’amuser avec le sablier du temps. Il y a une heure, il était 16h et là, on veut me faire avaler qu’il ne s’est écoulé que 8 malheureuses minutes ? Je m’adosse de tout mon poids dans le fauteuil bien décidé à attendre l’heure de sortie qui bien-sûr prendra tout son temps à arriver mais arrivera quand même.
« Quelqu’une va enfin pouvoir se reposer ! », lance Georgette en s’arrêtant devant mon bureau.
« Et pourtant ce n’est pas comme si tu te tues à la tâche. », pensais-je dans mon fort intérieur alors que je rangeais mon téléphone et mon portefeuille dans mon sac.
« Tu vas faire quoi ce week-end ? »
« Mon chéri m’amène à Assinie. Et toi ? »
« Je ne sais pas. », dis-je en haussant mes frêles épaules.
Elle a tout à coup de grands gestes alors que nous avançons dans le couloir.
« Tu n’es jamais claire, c’est toujours des je ne sais pas. Ton chéri doit souffrir ! »
« C’est sûr vu à quel point je suis absente de sa vie. »
« Tu vois ? Je ne comprends même pas ce que tu dis. Pardon, il faut m’expliquer, tu sais que moi je n’ai pas beaucoup fait les bancs. »
Ouais ! Tu n’as pas fait de longues études mais voilà, nous sommes toutes les deux stagiaires dans la même boite et dans le même département de surcroit. Un coup de chance ? Ou un coup de rein terrible ? Imbécile la vie !
« Ça veut dire que je suis célibataire et très endurcie »
« Awooo ma chérie. Belle comme je te vois là ? »
Je n’arrive pas à réprimer un petit rire.
« Comment ça ? Est-ce qu’on ne t’a pas fait le voile noir ? », poursuit-elle ?
Je ne suis pas encore prête à me confesser à elle.
« Vous les gens de iles, vous frottez trop d’écorces. Peut-être que c’est depuis ton pays qu’on t’a fait ça. »
« Je suis née à Babi Georgette. Toute ma famille est ici. Au Cap ce ne sont que les ancêtres lointains. »
« Mais ce sont eux les plus dangereux ! En tout cas, on en reparle un autre jour. Si tu veux, je peux même te conseiller quelqu’un pour voir un peu ça. Il faut que je te laisse Bibi est là. »
« Bibi ? »
« Oui ! C’est le petit nom que je lui ai donné. », m’explique-t-elle en minaudant.
J’ai envie de crier imbécile l’amour. Bibi ? Non mais oh ! C’est un chien ? Un chat ? Je la regarde traverser la route et monter dans une Mercédès flambant neuve. J’attrape un taxi direction mon petit chez moi. Pendant que certaines se doreront la pilule, je serai allongée dans mon lit.
J’ai passé la fin de ma semaine à essayer de me convaincre que cette histoire de divorce ne me concerne pas. Oui, c’est mon père ! Oui c’est ma mère ! Oui, c’est ma famille. Mais j’aimerai autant que possible éviter de me retrouver dans les parages au moment où cette bombe explosera. Et puis ce matin en me levant, je me suis dite que je devais avoir une petite discussion avec monsieur NYANE. Si ça se trouve il commence à perdre la raison du coup, il ne sait plus ce qu’il dit. Après tout, il n’est plus tout jeune mon papa. C’est cette dernière phrase que j’ai en tête en traversant la porte de son bureau. Il se lève pour me faire la bise. Finalement, il ne fait vraiment pas son âge. Mis à part ses cheveux grisonnants, il a encore la dégaine d’un monsieur de quarante ans.
« Ca faisait un moment que tu n’étais pas venue me voir au bureau. », me fait-il en m’indiquant un des deux fauteuils visiteurs.
« Alors, quoi de neuf ? »
« Bof… la routine ! Je suis loin d’exercer un métier aussi passionnant que le tien. »
« La chance que tu as parce que je ne sais pas si tu as remarqué mais c’est dur de vivre de sa passion ces derniers temps. »
Il se gratte la tête en souriant et moi, j’en profite pour prendre mon air le plus sérieux.
« Papa ! Tu es sûr que tu n’aurais pas quelque chose à me dire ? »
Il m’observe un moment. Je vois qu’il cherche dans sa tête ce à quoi je peux bien faire allusion.
« Je ne pense pas. Pourquoi ? »
Je soupire.
« J’ai vu Mimi en semaine. Il parait que tu serais en pleine collecte d’informations en vue d’un éventuel divorce et d’un éventuel mariage. »
Je ne lui laisse pas le temps de dire un seul mot.
« Toute cette histoire inquiète Mimi. »
Il s’adosse de tout son poids dans son fauteuil puis se passe une main sur le visage. Ça ne sent pas bon du tout.
« Papa ! »
Il se redresse et pose ses coudes sur le bureau.
« Je crois que je suis amoureux. »
Il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
« Je l’avais déjà remarqué ! Je suis sûre que si tu avais rencontré Mimi plus tôt, vous aurez fait un très beau couple. Mais maman ne t’accordera jamais le divorce. Tu la con… »
« Ce n’est pas Mimi ! »
Eh bam ! Dans ta face ma cocotte. J’ai bien cru que j’allais tomber de mon siège.
« Quoi ? »
« Laisse-moi t’expliquer Nowa. »
« Mais tu veux m’expliquer quoi papa ? Que tu trompes maman et Mimi avec une autre femme ? Et c’est qui cette garce ? Non de Dieu, il se passe quoi dans ton pantalon ? »
« Nowa ! Je suis encore ton père ! Je te prierai … »
« Tu me prierai de quoi ? Mais tu as quel âge papa ? Et d’où est-ce que ça t’es venu de parler de dot avec le frère à Mimi ? »
Furieux, il se met debout et frappe les mains sur le bureau. Si il pense faire preuve d’autorité de cette façon, il se met le doigt dans l’œil et ce jusqu’au coude. Moi aussi je fais comme lui.
« C’est qui cette fille ? »
« C’est ma vie Nowa ! »
« Laisse-moi rigoler ! Ta vie ? Tu es sur le point de foutre un beau bordel dans la vie de attends … »
Je fais rapidement le compte dans ma tête.
« Dans la vie de six personnes juste parce que tu veux vivre ta vie comme tu dis. Dis-moi qui est cette femme ! »
J’ai l’impression qu’un vent de sagesse souffle sur lui à cet instant car il s’assoit calmement dans son fauteuil.
« Tu sais quoi ? Je préfère m’en aller avant de t’étriper papa. »
J’accroche mon sac sur mon épaule et je sors de son bureau en claquant la porte. La secrétaire a même sursauté. C’est pire que tout ce que je pouvais imaginer. Je saute dans le premier taxi qui passe direction Marcory. Il faut que je raconte cette histoire à Iris. Je suis sûre qu’elle risque de faire un infarctus ma cousine.
Je rentre comme une furie dans son appartement. Je balance mon sac sur le canapé et je m’en vais dans la salle de bain. Je me passe de l’eau sur le visage. Quand je lève la tête, Iris est derrière moi en train de me regarder.
« Qu’est-ce qu’il t’arrive encore ? »
Je pense à mon père et me voilà partie dans un rire plus que nerveux. Comme quelqu’un l’a dit, parfois il vaut mieux rire pour ne pas pleurer.
« Tu m’expliques ou quoi ? »
« Il faut que tu t’asseyes parce que crois-moi, il y a de fortes chances que tu t’écroules. »
« Qu’est-ce que tu racontes ? »
Je sors et elle me suit jusque dans sa chambre.
« Allez ! Raconte-moi ! »
« Iris, assieds-toi s’il te plait. »
Elle comprend que l’heure est grave. Sans rien demander, elle exécute. Je prends le temps de respirer et je lui balance.
« Ton oncle, Luis au cas où tu aurais des doute. Luis a l’intention de se marier à nouveau. »
« OK ! »
« C’est là tout le drame ! Il ne va pas épouser Mimi. »
« Quoi ? », crie-t-elle en bondissant du lit comme si elle avait un ressort sur le derrière.
« Il me l’a dit lui-même ! Donc ce n’est pas la peine de penser que je te fais une farce. »
« Merde ! »
Elle tombe sur son lit et j’observe les mouvements lents de sa poitrine. C’est bon, elle respire encore. Nous restons là à écouter le silence pendant un bon moment avant qu’elle ne le brise.
« Tonton va tuer quelqu’un avec toutes ses bêtises. »
« Je te jure ! La pauvre Mimi. »
« Humm … elle est à plaindre à quel niveau de l’histoire ? Elle-même elle a joué à la raseuse avec le mari d’autrui maintenant c’est son tour. Quand on dit qui tue par le feu périt par le lance-flamme c’est tout ça. »
Je tourne mon visage dans sa direction. Je dois avouer qu’elle a raison mais quand même, j’aurai été à sa place que j’aurai forcément trompé ma mère. Par contre Mimi, c’est trop un ange pour vivre ça.
« Awooo tonton ! Voilà maintenant on va devoir payer les soins. »
« Tu es malade je te jure ! »
Elle se redresse.
« Mais tu crois que quoi ? Que quand tonton va lui annoncer qu’il compte convoler en noces avec une autre elle va continuer comme si rien n’avait changé avec nous ? »
« Toi tu ne vois que ton intérêt si je comprends bien. »
« Tu penses que elle c’est mon intérêt qu’elle recherchait quand elle a accepté de se mettre avec le mari d’autrui ? Tu comptes faire quoi ? »
C’est là toute la question. Que dois-je faire ? Tout balancer à Mimi, à maman ou encore me taire et attendre tout simplement. Après tout, peut-être que dans deux mois il aura changé d’avis. La chanson de Tony TOUCH qu’Iris utilise en sonnerie me sort de mon cauchemar. Elle attrape le téléphone sur la coiffeuse et prend un air sexy tout à coup.
« Salut ! »
« … »
« Oui, c’est bien Iris. », dit-elle en enroulant et en déroulant une mèche autour de son index.
« … »
« Ah d’accord ! »
« … »
« Bien-sûr que je me souviens de toi. »
« … »
« Ce soir ? Hmmm… je demande à ma cousine et je te fais un texto tout à l’heure. Ça te convient ? »
J’ai hâte qu’elle raccroche, je suis trop curieuse de savoir qui lui fait cet effet rien qu’avec sa voix.
« … »
« OK ! A plus. »
Je la regarde avec mon regard d’inquisitrice. Elle sait qu’elle a intérêt à tout me raconter mais elle veut me faire languir.
« Arrête de me regarder ainsi ! »
Cause toujours ! Sans crier gare, elle hurle en sautant sur elle-même pendant dix secondes environs.
« Tu te rappelles les gars au débarcadère ? »
« Oui ! »
Je la sens très excitée.
« Tu te rappelles que Calvin avait promis de nous inviter. »
« Oui ! Mais est-ce que tu peux arrêter avec les questions et tout balancer ? Merci ! »
Elle s’assoit.
« Alors il propose qu’on sorte ce soir. On va juste prendre un verre. Je t’en supplie ne dis pas non. Pitié ! »
Elle est loin de se douter que cette nouvelle me met dans le même état qu’elle. C’est juste que moi je sais garder mon calme. Je suis en train de me marrer dans mon cœur. Et si je lui faisais croire que je ne suis pas intéressée ?
« OK ! »
Elle crie une fois de plus. De joie. Je crois bien qu’elle est un peu hystérique cette fille. Elle ne se doute surtout pas que la seule raison pour laquelle je suis d’accord est que je vais pourrai revoir Rudy. Serai-je en train de devenir une Mimi par hasard ?