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Ecrit par Lilly Rose AGNOURET

 

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Juillet commence tout doucement. Ça sent les vacances pour certains. Julien prépare son BEPC tranquillement.

Il arrive ce mardi-là et me rejoint dans la cuisine où je fais des spaghettis pour le repas du soir.

« Les filles aussi ! Vous aimez même comment ? »

« Qu'est-ce qui se passe encore ? »

« Laisse ! Je suis dépassée ! »

« Toi dépassé ? Tu m'étonnes. »

« Comprends l'affaire qui me traumatise aujourd'hui. Je suis allé voir Pamela-Jo, histoire de lui faire mes adieux, quoi. Je t'ai dit qu'elle se tire pour la Belgique, non. »

« Oui, tu me l'a dit. Et que s'est-il passé ? »

« Devine ? C'est toi qui lis les histoires de Mady Rémanda sur Facebook, non ! Devine maintenant. »

« Elle t'a demandé de l'épouser ? »

« C'est presque ça ! Réfléchis encore. »

« Julien, dis le truc. Qu'est-ce que Pamela-Jo t'a demandé. »

« Tu veux dire, qu'est ce qu'elle a fait, plutôt. »

« Dis-moi ce qu'elle a fait. »

« J'arrive chez elle et tout, la fille me présente carrément à son père. On a vu ça où ? Les blancs vraiment. »

« Et qu'est ce qui te dérange là-dedans ? C'est leur manière de fonctionner. »

« Sister, visualise un peu la scène. Le pater me dit et tout : tu viens en vacances avec nous, Julien. Nous allons sur la côte basque cette année. »

« Tu rigoles. C'est quoi ce truc. »

« Je te dis que le pater a appelé l'agence pour me réserver un billet d'avion. »

« Tu me fais marcher, Julien. C'est quoi, ce délire. »

« Je te dis que dans 3 jours là, je prends l'avion tranquille pour Paris, puis Bruxelles. Et dans deux semaines, on descend au Pays Basque. Dans tout ça, je ne sais même pas où ça se trouve. »

« Arrête de me faire marcher, Julien. Tu me racontes n'importe quoi. »

« Ok, ne t'étonne pas si tu ne me vois plus la semaine prochaine. »

« Donc, mon petit frère est un gars aussi facile. »

« Tu blagues ou quoi ! Je les ai arrêtés net. J'ai sorti la fatale : Je n'ai pas de passeport. Un point à la ligne. »

« Moi qui pensais que tu aurais sauté sur l'occasion. »

« Je te l'ai dis, sista, je ne vais pas aller mourir pour elle alors que ce n'est pas la femme de ma vie ! Elle s'en va, je lui dis merci pour l'expérience qu'elle m'a transmise et je passe à autre chose. Je ne suis pas à vendre, quand même. »

« Hummmm ! Julien Yénot, je suis fière de toi. »

« Tu devrais. Car, j'ai tenu ferme quand la go a commencé à me supplier à chaudes larmes. Les blanches aussi ! Je suis un petit bout de manioc de 14 ans ; elle peut trouver costaux là-bas qui prendront soin d'elle, mais c'est chez moi qu'elle veut mourir. »

« Je parie que tu lui a brisé le cœur. »

« Regarde seulement mon téléphone. On m'envoie des messages toutes les secondes. Je l'ai laissée là-bas en larmes ! »

« Et si elle décide de ne pas partir ? Et qui elle décide de passer ses vacances ici. »

« Sister, son dossier est bouclé. Je passe à autre chose. »

Sur ce, il s'en va de la cuisine en sifflotant. A ce moment là, j'entends l'une des petites, pleure. Je vais rapidement dans la chambre. Elles sont dans la chambre de maman. Ruby dort dans son lit tandis que Jade, dort juste à côté de la grand-mère, sur le lit de maman. C'est Ruby qui pleure. Elle se ressemble beaucoup. Nous habillons avec des couleurs différentes pour les reconnaître. Pour Pupuce et moi, les choses étaient plus simples, à ce que dit maman. Paraît que j'ai toujours été plus dodue que Pupuce. Par la suite, c'est notre coupe de cheveux qui a fait la différence. Pupuce garde ses cheveux très longs et aime les tresses. Mou, j'ai les cheveux toujours coupés courts.

J'aime passer du temps avec les petites dans les bras. Je les regarde, leur fait des bisous et me demande comment sera leur vie dans 18 ans. Je comprends en les regardant, pourquoi Pupuce a du mal à s'imaginer ailleurs, loin d'elles.

Moi, je suis toujours dans le flou. Je continue mes économies et ma tirelire est pleine. Je veux juste voir mon nom affiché sur les tableaux des résultats du premier tour. Dès ce moment-là, je pourrais respirer et me projeter.

Je me pose des questions quant à ma relation avec Miro. Il dit qu'il me suivra où j'irai. Mais comment ses parents prendront-ils sa décision. Est-ce qu'ils ne seront pas fâchés en apprenant que leur fils refuse d'aller en France pour faire sa Prépa HEC ? Beaucoup de choses dans la tête. J'aime tellement ce type que je ne m'imagine pas avec quelqu'un d'autre.

Je suis là en train de raconter des histoires à Ruby, qui me sourit, quand Julien m'appelle discrètement depuis la porte.

« Non, y a des gens qui sont fous. »

« Qu'est-ce qui se passe encore. »

« Un frangin vient de me balancer des news. Non, vraiment, y a des gens qui sont fous. »

« Julien, qu'y a t-il ? »

Regarde seulement ! Je ne parle plus. »

Il me tends son téléphone sur lequel il est en conversation sur Whatsapp. Je regarde la photo qui s'affiche en grand sur l'écran.

« Ce n'est pas vrai ! »

Le t téléphone devient tout d'un coup trop lourd tellement il me fait mal aux yeux.

« Et ouais...C'est ça même ! Le monde tourne maintenant à l'envers. »

J'ai la bouche ouverte tellement l'étonnement est fort.

« Qu'est-ce qui ne va pas, Julien ? Qu'est-ce qui ne va pas ? »

« Pardon, donne-moi, mon téléphone. J'ai des choses à faire avec ! »

Toujours désarçonnée, je lui rends son téléphone. Je vais dans ma chambre prendre mon vieux blackberry C5 et j'appelle Sharonna. Elle répond à la 3ème sonneria.

« Comment va ma chérie ? »

« Comment veux-tu que ça aille, Tania. Je ne peux plus sortir de chez moi. Les gens rient en me voyant. T'as vu la photo que Big Wave a osé posté ? Ma mère est devenue complètement maboule, Tania. Est-ce qu'on se comporte comme ça quand on a des enfants et qu'on est mariée ? Qu'est-ce qui ne va pas dans sa tête ? »

« C'est pour ça même que je t'appelle. Julien vient de me montrer la photo. Ca discute pas mal sur son groupe de frangins sur Whatsapp. »

« La photo fait le tour de la ville en un rien de temps, Tania. Snif ! J'étais tout de suite chez le malien. Des pétasses que je ne calculais même pas avant, osent maintenant rire de moi.

Et oui ! C'est ça la vie. On pensait que le type parti, son nom sortirait de notre vocabulaire ; mais même loin, il continue de faire des vagues. La photo en question : Big Wave et la mère de Sharonna qui s'embrasse dans un aéroport. La légende de la photo que le type a postée sur Facebook, dit :

##Enfin réunis !c'est mon cœur ; la plus belle femme au monde.##

Je reste sans voix. Qu'êtes-vous sensés éprouver comme sensations quand votre mère se comporte de la sorte ? Mme Pétula Nguema a quitté le Gabon il y a deux jours pour rejoindre son petit Peter Malonga à Malaga. Et ils vivent le grand amour. Au point qu'ils ont sont à poster des selfie sur Facebook. La femme est pulpeuse, plus belle que jamais. Elle paraît plus fraîche et drôlement mordue du jeune homme qui l'emprisonne dans ses bras. Elle a eu 4 enfants, mais son corps fait encore pâlir de jalousie.

« Sharonna, comment va ton père ? Savait-il que son épouse est en Espagne. »

« Je t'ai déjà dit qu'il s'en fout. Il lui a seulement dit qu'il ne veut plus la voir. Depuis que nous avons déménagé, elle nous appelle seulement. Je ne savais même pas qu'elle quittait le pays. »

« Et comment te sens-tu ? »

« Là, je n'ai même plus envie de mettre les pieds en classe. Je vais attendre l'examen à la maison. J'ai un mal de tête tellement terrible, que j'ai l'impression que tout va exploser à l’intérieur. »

« Repose-toi, s'il te plaît. Et arrête ton téléphone car les gens ne vont pas se gêner pour t'embêter. »

« Heureusement que vous êtes là, les filles. Je ne sais pas si j'aurais eu le courage d'aller à l'école avec tout ça. Je me demande ce qu'elle est allée faire en Espagne. Elle ne va pas me dire qu'elle est amoureuse de cet idiot ! Il a deux ans de moins que mon frère aîné, Tania ! »

« J'ai dû mal à y croire, Sharonna. Je l'admirais tellement ! »

« Comme tu dis ! A demain. Bisou. »

 

Je remets la petite au lit et retourne dans la cuisine. Maman arrive alors.

« Oh, comment va t-on ici. Et les petites ? »

« Elles font la sieste. «

« Ok. Oh, tu fais la tête ou quoi ? Où est ton sourire ? »

« Tout va bien, maman. Je suis juste fatiguée. »

« Tu es sûr ! Tu ne me caches rien, j'espère ? Tout va bien avec Miro ! »

« Oui, maman. Tout va bien entre nous. »

« As-tu réfléchi à votre avenir. Il ira en France dans quelque temps ; comment le vivras-tu ? »

« Je ne me suis pas encore posé la question maman. Mais il m'a dit qu'il est prêt à me suivre où j'irais. »

« Donc, si tu vas à Masuku, il y va avec toi ? »

« T'as beaucoup d'humour, maman ! » 

PUPUCE- (tome 1)