34- Les couleursde nos amours
Ecrit par lpbk
Je savais déjà qu’elle avait quelqu’un dans sa vie. Mais l’entendre me dire qu’elle est « stupidement amoureuse de lui » m’a fait quelque chose. J’avais juste envie de sortir ce soir et la compagnie de Nowa est bien une des rares que je supporte. Elle fait plus qu’être supportable. Elle est agréable.
En lui écrivant, je n’avais pas imaginé que nous prendrions la route elle et moi. Elle réussit à m’entrainer loin de ma zone de confort.
« Tu veux faire quoi tout à l’heure quand on arrivera ? Manger ? »
« A cette heure ? », répondis-je.
« Oui. Je suppose que tu n’as pas eu le temps de diner. »
Elle suppose bien. Mon bougre de frère a raclé toutes les casseroles sans se soucier de mon estomac à moi.
« Et toi ? Tu veux manger ? »
« Je veux nager. »
« A cette heure ? », demandais-je surpris par sa réponse.
Elle ne répond pas. Je me contente donc de suivre les indications qu’elle me donne jusqu’à ce que je me gare à l’orée d’un petit chemin bien isolé. Je pense que dans d’autres circonstances, je trouverai le lieu indiqué pour une petite soirée en amoureux. Le vent souffle. C’est une nuit fraiche qui s’annonce. Je marche derrière elle. Elle est vraiment petite.
Sans aucun complexe, elle se débarrasse de son tee-shirt et celui-ci s’écrase sur le sable. Je le ramasse, comme je ramasserai son jean et ses chaussures. Dans la demi-obscurité qu’offre la lune à moitié pleine, je tente de faire le tour de son corps. Dans le vent, sa voix flotte, son rire, il caresse mon âme.
Quand j’ai rangé toutes ses affaires, je la rejoins.
« J’ai cru que tu ne viendrais jamais. »
« Pourquoi ? »
« Parce que tu as l’air trop sage. Trop parfait. Et c’est étrange parce que j’ai un mauvais feeling avec les personnes parfaites. », me répond-t-elle en m’éclaboussant.
« C’est froid ! »
« Je sais ! », dit-elle en m’éclaboussant encore.
Ce petit jeu ne prendra fin que quand elle s’écrasera sur mon torse provoquant en moi un pic dans mon rythme cardiaque. M’étant à l’épreuve ma capacité à contrôler mes pulsions masculines.
Je meurs d’envie de l’embrasser.
La terre semble se dérober sous mes pieds quand elle tente de se dégager de mon étreinte. Sans savoir pourquoi, je la retiens par le bras. Elle ne semble pas me demander de la lâcher mais je lis bien la peur dans son regard.
« Et si on sortait, je ne veux pas que tu attrapes froid. »
Je sais que c’est débile. C’est à ce moment précis que j’aurai dû l’embrasser. Tout semblait parfait pour ce moment. La mer, le sable, le vent. Elle. Moi. Et au lieu de ça, nous sommes là, en train de sortir main dans la main.
Ce soir, en l’accompagnant à sa chambre, elle me demande si je veux rentrer discuter un peu avant de me coucher. Je décline poliment cette invitation inattendue et jugée trop dangereuse. Ce qu’elle me fait ressentir est trop fort.
« Tu sais, même avec tes taches tu es une jeune femme plus que ravissante. », lui soufflais-je en la quittant.
Nous sommes dimanche. Si je dis que j’ai dormi ce serait un beau mensonge. Je me suis réveillé plusieurs fois dans la nuit, bien décidé à lui dire ce que je ressens. A chaque fois, je m’arrêtais devant sa porte. Un couple est passé et m’a trouvé assis à même le tapis, le dos sur sa porte. J’ai bien cru qu’ils allaient appeler la sécurité.
Là, j’ai cogné à sa porte. Elle ne répond pas. Comme je suis presque mort de faim, je préfère la laisser et m’en aller au restaurant pour manger un bout.
Pendant que je dévore mon omelette jambon fromage, une jeune femme me demande l’heure. Je regarde ma montre.
« 08h35. »
Elle sourit. Je lui souris également même si je ne sais pas pourquoi. Elle tourne ses talons et s’en va. Je peux retourner à mon assiette.
« Excusez-moi encore. »
Toujours elle.
« Si vous voulez encore l’heure je vous garantit que moins de deux minutes se sont écoulées. »
« Je peux m’assoir avec vous ? »
Avant que je ne lui donne ma réponse, elle est déjà installée.
« Vanessa DATHET. », dit-elle en me tendant sa main que je serre.
« Mika BIAM, je peux continuer ? »
Ce cirque commence à m’énerver.
« En fait, j’ai fait un pari stupide avec mes amies ; elles sont assises là-bas. Elles pensaient que je n’étais pas capable de vous aborder. »
Je regarde dans la direction qu’elle montre. Deux jeunes femmes en train de sourire comme des midinettes. Et si jamais j’étais un homme recherché pour viol ? Les femmes, toujours à se mettre dans des situations rocambolesques. Pour elles, tout est un jeu. La vie elle-même serait un jeu.
« Je pense que vous avez gagné le pari maintenant. »
« Oui ! Mais j’étais loin de me douter que ce serait le coup de foudre. »
Le coup de foudre ? Je plisse les yeux.
« Je ne sais même pas si vous êtes accompagnés. »
« Joli papillon, il faut être deux pour parler de coup de foudre je pense. Oui, je suis accompagné. »
« Petite amie ou juste amie ? »
« Une amie. »
Je suis pourtant clair.
« D’ailleurs, il faut vite que j’aille la retrouver. »
Elle attrape mon portable qui trainait lamentablement sur la table, le déverrouille avec une audace insolente.
« C’est votre petite amie ? », demande-t-elle lorsqu’après le déverrouillage, elle tombe sur la photo de Nowa.
Je grince des dents. J’ai envie de lui filer une claque à cette impertinente.
« Voilà, ça c’est mon contact. Je vais attendre votre coup de fil. »
« Alors, vous risquez d’attendre longtemps. », dis-je en souriant.
« Je prends ce risque Mika. »
Elle me rend le portable, se lève et m’embrasse en guise d’au revoir. Je n’ai rien ressenti. Strictement rien et pourtant elle n’est pas mal cette demoiselle. Je crois que mon esprit est encore trop lié à celui de Nowa.
Je termine mon repas et je quitte le restaurant. Laissant Vanessa et ses amies chuchoter à mon passage. Je vais dans ma chambre, je me repose un moment puis, l’ennui me gagne et je me mets à faire quelques exercices.
Toc toc toc
Je suis obligé de m’arrêter pour aller ouvrir. J’ai pourtant mis le carton sur la poignée de la porte pour qu’on ne me dérange pas.
Nowa NYANE
J’attends qu’il m’ouvre la porte. Si ça se trouve il est allé faire un tour ou peut-être qu’il dort encore.
« C’est marqué ne pas dé…. »
Je dois prendre sur moi pour ne pas laisser mes yeux trébucher sur ses abdominaux angéliquement dessinés. Il a le corps couvert de sueur.
« Je ne savais pas que le message était pour moi. »
« Je ne savais pas que c’était toi.
Je passe devant lui en faisant un grand « ouf » dans mon cœur. Il fait chaud ici. Assise, les jambes en lotus, je le regarde revenir au centre de la pièce. Lorsqu’il entreprend de poursuivre ses pompes, je m’interdis de déglutir devant ce spectacle digne d’une page du calendrier des pompiers. C’est vrai que ceux d’Abidjan sont décevants mais pitié, laissez-moi rêver. Mika est diablement séduisant.
« Je me disais bien que tu devais être fan de sport. », dis-je pour le perdre dans ses comptes.
« Trois centaines. »
Je manque de sursauter. Il veut rivaliser avec Chuck NORRIS ou quoi ?
« Tu veux essayer ? », me propose-t-il.
« Je suis nulle en sport. Il n’y a qu’en gymnastique que je m’en sors. »
« C’est le seul sport digne d’intérêt pour une femme. »
Quand nous comprenons le sens caché de cette réplique, nous partons dans un fou rire. Il est obligé de s’arrêter, il a besoin de faire une pause.
« Tu as bien dormi ? »
« Comme un bébé. Et maintenant, je meurs de faim. »
Il propose que je l’attende un moment, le temps pour lui de se rincer ce que j’accepte. Et nous échouons dans un petit restaurant choisi au hasard parmi tant d’autres.
« Je choisis pour toi. »
« Je te préviens quand même. Je n’aime pas les légumes. Je ne mange pas de viande. »
Un serveur vient prendre notre commande.
« Pour lui se sera un truc avec des pommes de terres, du poisson. Vous faites ce que vous pouvez pour donner un peu de gout. Vous pouvez rajouter des carottes et des petits pois… Tu aimes les carottes ? »
« Oui ! »
Je finis de bien expliqué au serveur ce que lui il prendra et ce dernier nous laisse. Mika me fait un sourire. Je commence de plus en plus à penser qu’il me drague ce gars. Le truc c’est qu’il a cette attitude détachée qui fait que je ne puisse pas vraiment savoir mais il y a ces attentions tellement fortes qu’on n’a que quand on ressent quelque chose pour l’autre. Quel mec va vous amener ici par une nuit juste parce que vous avez dit oui ? Quel gars vous offre le plus gros bouquet de votre existence s’il ne veut pas la partager ? De toutes les façons, si c’est ce que je pense, je préfère qu’il le garde pour soi. Ca risquerait de tout gâcher.
Après le déjeuner, nous reprenons la route pour Abidjan. Je ne sais pas si c’est le poids de la séparation à venir qui nous rend si silencieux. Il n’a pas dit un mot depuis que nous sommes montés en voiture. Je ne sais pas si ses pensées sont ailleurs ou s’il a juste besoin de calme mais ça commence à avoir un côté stressant. Je veux bien faire la conversation mais je ne veux pas qu’il pense que je le force la main. Et puis, nous arrivons devant notre petit café. Il se gare.
« Je suppose que tu prendras un taxi. »
Ca fait tic tac dans ma tête. Alors que je suis encore en train de réfléchir.
« Tu sais Nowa, je ne vais pas empiéter sur ton espace. Je prendrai ce que tu me donneras sans t’en demander plus et surtout sans t’en vouloir. Là, si tu veux, on peut prendre un dernier café ensemble et ensuite, on se séparera où tu voudras. »
Je crois que c’est comparable à une déclaration d’amour non ? Ou je me fais encore un film dans ma tête de petite folle ? »
« Hey ! Tu décides quoi ? »
Humm… Il a dit qu’il n’empiètera pas sur mon espace alors, je ne risque rien.
« On le prend ce café ? », répondis-je en souriant.
Rudy EYA
« S’il te plait Iris, laisse-moi entrer. », la suppliais-je depuis le couloir.
« Tu n’es plus le bienvenu ici. Tu as perdu ce privilège quand tu as mis cette femme dans ton pieu. »
« Tu devrais le laisser entrer. », lui dit Georgette.
« Mais tu es de quel côté toi ? »
Les entendre se disputer ainsi me fait sourire. Je comprends que tout n’est pas perdu.
« Il est venu pour Nowa et non pour l’une d’entre nous. »
« Eh bien elle n’est pas là. »
Ça fait un bon quart d’heure que j’essuie les insultes d’Iris espérant que Nowa viendra mettre fin à mon supplice er là j’apprends qu’elle n’est même pas là. Je compose son numéro mais elle est injoignable. Je suis sûr qu’elle a éteint son portable pour le punir encore plus.
« Je vais y aller. Bonne fin de journée. »
« Tchurrr ! C’est mieux pour toi. »
Je plains Calvin. Iris ne doit pas lui faire de cadeau quand elle a ses règles.
Je descends l’escalier les mains dans les poches et quand je pousse les portes de l’immeuble je tombe sur Nowa. Elle descend d’une voiture qui m’a l’air familière.
« Mais c’est qui encore celui-là ? »
« Hein ? », me demande une des filles assises sur les marches.
« On dit pardon ?! Villageoise. », lui répondis-je.
Bien sûr j’ai manqué de justesse de me faire lyncher par ses copines. Où est donc passée la rigueur des parents ? Les bruits ont attiré leur attention puisque monsieur a levé la tête. Lui, je n’oublierai pas son visage. Ils se font la bise avant qu’il ne remonte dans sa voiture. Elle va me sentir passer la miss.
« Tu sors d’où ? », demandais-je dès qu’elle fut à mon niveau.
« En quoi ça te concerne ? »
« Eh bah ! C’est lui qui te rend comme ça ou tu as décidé de suivre les conseils de ta cousine ? »
Je suis déjà énervé. Elle veut quoi cette fille ? J’ai bien essayé de lui parler mais rien. Elle ne veut même pas parler.
« Qu’est-ce que tu fais là ? Elle était occupée ton plan cul ? Ou tu lui donnes déjà la nausée ? »
« Je vois, madame est allée s’envoyer en l’air… »
« Tu crois que tout le monde est comme cette pétasse Rudy. Au cas où tu ne serais pas au courant, je sais ce que je vaux, je sais ce que je mérite et crois moi ce n’est sûrement pas un connard dans ton genre. »
Je l’ai bien cherché. Mais le fait qu’elle m’est balancée ça devant ces filles a réveillé la bête en moi.
« Elles sont toutes comme toi dans ta famille ? »
« De quoi tu parles ? »
« Laisse tomber. Je le barre ! C’est bien ce que tu voulais non ? Tu vas pouvoir t’envoyer en l’air avec ce rigolo. »
Je veux m’aller qu’elle me retient.
« Ah oui ? Tu t’es regardé Rudy. Non content de me tromper et de me faire un enfant dans le dos, tu te permets de venir ici, chez moi pour m’insulter ? Ce gars comme tu dis, il n’aurait jamais été assez con pour risquer min amour à cause d’une minette en chaleur. Maintenant, tu peux te barrer de chez moi. Crétin ! »
Elle me laisse là.
« Qu’est-ce que vous avez à me regarder toutes ? »
« Tchié mon frère, règle d’abord palabre ci avant d’engager l’autre… homme même y a pas son mieux… homme c’est bordel seulement… sinon celui qui est venu avec elle est mieux dèh… »
Voilà les commentaires des spectatrices de notre scène de ménage.
En entrant dans ma voiture, je réalise que plus idiot que moi, tu meurs. C’était quoi ça ? Pourquoi j’avais réagi ainsi ? Nowa ne me tromperait pas, elle est trop bien pour cela. Et elle ne sait même pas encore que celle qu’elle traite de pétasse n’est autre que Tina sa sœur.
Je suis tellement énervé quand je rentre qu’Ayem s’en rend tout de suite compte. Pourtant j’ai trainé dans la ville pour faire passer ma colère. Mais rien n’y fait. Elle coupe son portable et quand enfin elle apparait c’est avec un mec à la gueule d’ange. Celui-là quand je saurai qui il est.
« Tu as même quoi depuis ? »
« Lâche-moi les baskets Ayem. Je ne suis pas d’humeur. »
« Je vois bien. Allez Rudy explique moi. Ça te fera du bien de me parler. En plus je suis ta sœur, c’est obligé que je te soutienne, que je sois de ton côté. »
Ces paroles me mettent tout de suite en confiance. Je finis par prendre une bouteille de whisky pour me donner un peu de courage afin de lui raconter ce qui se passe dans ma vie.
« Tu es mort ! », crie-t-elle à un moment.
« Je pensais que tu étais toujours avec moi. »
« Euh là désolée mon pote mais tu as merdé. Maman va te mettre dans un cercueil quand elle apprendra ça. Le mieux c’est de commencer à faire tes prières. »
« Ayem…. »
« Je te jure ! Et dire que tu m’as bastonné parc…. »
Je ne l’écoute plus. Je crois que je suis déjà très loin.
« Nowaaa…. »