4
Ecrit par aldoresfidele
Ce soir-là, les anges s’étaient arrêtés de dessiner dans le ciel de beaux motifs avec les étoiles. La lune, toute ronde, dominait majestueusement la voûte céleste et éclairait aussi puissamment qu’elle le pouvait. Un halo parfait l’entourait, clair et tout aussi grand. Cette soirée-là n’était pas une soirée à faire des révélations.
Ce soir, il fallait prendre du plaisir, s’amuser, rigoler, picoler et dormir ensuite jusqu’au petit matin.
Mais Patrick ne voyait pas les choses du même œil. En fait, il se foutait éperdument du temps qu’il faisait. Sa décision était prise, il fallait qu’il parle. Se murer dans le silence et garder pour lui cette histoire abjecte était synonyme de lâcheté pour lui. Et jamais il n’avait été lâche de sa vie. Il ressentait le besoin de faire éclater la vérité et de faire sortir de l’ombre ce secret qu’il gardait et qui commençait à peser lourd sur lui. Et peu importe qui il écrasait dans ses confidences, il le ferait.
Patrick arriva au restaurant Le Privé comme convenu, avec une bonne heure d’avance. Il avait réservé une table. Il commanda une bouteille de vin rouge, fit sauter le bouchon-liège et commença à boire tout seul, en attendant son frère. De son côté, Giovanni finissait de se préparer. Sa femme était devenue un véritable mur depuis la dernière fois, depuis l’appel. Elle semblait très préoccupée, mais faisait mine d’aller bien.
Vanessa savait que cette soirée marquerait un tournant dans sa vie.
Elle savait que ce soir, tout pouvait s’écrouler, comme un vulgaire château de cartes. Mais il lui restait une chance, une toute petite chance. Elle pouvait encore réussir à convaincre Patrick de tout garder pour lui. Et pour cela, il fallait réussir à montrer au frère de son mari à quel point il détruirait son couple s’il parlait. Lorsqu’il sonna vingt heures pile, le couple Agani entra dans le restaurant. Ils virent directement Patrick assis à une table, tout seul. Seulement voilà, la table n’était pas une table pour trois personnes. C’était plutôt une longue table pour six. Giovanni ne comprenait pas pourquoi il y avait autant de chaises.
- On n’est pas seuls ce soir ? Tu as invité toutes tes maîtresses ?
Patrick se leva et embrassa son frère. Puis, comme si de rien n’était, il prit la main de Vanessa et la serra fort dans la sienne en lui souriant. Elle se sentit extrêmement gênée. Aurait-il changé de décision ? Il installait le doute de façon subtile en elle.
- Bonsoir mon frère. Non, pas de maîtresses ce soir. Je peux bien m’en passer pour une nuit, dit Patrick en riant. Par contre, oui, nous avons quelques invités à notre table. Ils viendront dans quinze minutes.
- Je pensais que c’était entre frères, rétorqua Giovanni sur un ton un peu réprobateur.
- Allez ne boude pas grand frère, plus on est de fous, plus on rit ! Installez-vous. Serveur ! Une bouteille de vin s’il te plaît ! Giovanni remarqua la bouteille que son frère avait entamée. Il n’en restait que le quart.
Patrick n’était pas un alcoolique mais il tenait très bien l’alcool. Il ne prit donc pas la peine de lui demander pourquoi il dégommait une bouteille entière à lui seul.
- Bonsoir !
Giovanni se retourna et son cœur sursauta. C’était leurs parents que Patrick avait rajoutés.
- Tu aurais pu me dire que tu invitais papa et maman tu sais, j’aurais très bien compris. Patrick, il se passe quoi ? Tu agis bizarrement. Tout va bien ?
- Oh oui, mon frère. Tout va absolument bien. Je veux passer un moment avec ma famille, c’est normal, non ? répondit Patrick, un sourire large jusqu’aux dents sur les joues. Bonsoir papa, bonsoir maman. Prenez place et merci d’être venus. J’ai commandé un menu entier famille. Il viendra d’ici là. En attendant, comment allez-vous ?
Un silence embarrassant se saisit de la petite table. Raclements de gorge, petits coups d’œil, tous les invités se posaient la même question : qu’est-ce qui se passe ?
Tous, sauf une personne.
Vanessa était blême. Son visage trahissait une inquiétude immense. À mille kilomètres à la ronde, on pouvait ressentir toute la frayeur qu’elle dégageait. La lumière tamisée sous laquelle était la table cachait bien les sueurs froides qui lui traversaient le dos et la moiteur de ses mains. Il n’allait pas s’arrêter là, Patrick avait bien pour intention de détruire son couple. Elle allait en être témoin, sans pouvoir piper le moindre mot.
Les repas apparaissaient comme par magie. Très vite, la table fut bondée de nourriture. Giovanni ne se fit pas prier. Avec l’aide de Vanessa, il se servit et se mit à manger, sans attendre quiconque.
Les autres personnes autour de la table firent de même, mais
Patrick ne toucha pas à son assiette. Il continua de boire, encore et encore, sans parler. Lorsque tous furent repus, il se décida enfin.
- Levons nos verres. Je veux porter un toast à Giovanni, qui a bien failli nous laisser. Tu es un homme béni mon frère. À Giovanni ! dit-il en levant son verre plein de vin. Les autres firent de même, toujours plongés dans l’incompréhension.
La voix de leur père éclata soudain.
- Bon, ça suffit, cette mascarade. Patrick, pourquoi sommes-nous ici ? Qu’est-ce que tu célèbres ou qu’est-ce que tu veux nous dire ? Je crois que tout le monde autour de cette table a compris que ce n’était pas un dîner de famille comme les autres.
- Ce que je veux dire ? Nous y venons. Doucement. Nous allons parler ce soir. Ou plutôt, je vais parler et vous allez m’écouter. J’ai des histoires à raconter, lui répondit Patrick.
- Alors parle, au lieu de tourner autour du pot. C’est que ça devient fatiguant à la fin, s’énerva le père des deux hommes.
- Patrick, vous avez couché ensemble ?
Silence de mort autour de la table. Tous les regards se tournèrent vers Giovanni qui venait de parler, consternés, surpris.
- Qu’est-ce que tu viens de dire, mon frère ? Répète s’il te plaît, demanda Patrick.
- Ne fais pas l’idiot. J’ai vu votre petit jeu depuis un moment. Et ça me brûlait de l’intérieur de le demander. Alors, est-ce que oui ou non, pendant que j’étais à l’hôpital, tu t’es tapé ma femme, frérot ?