56: Aller de l’avant

Ecrit par Gioia

***Snam Wiyao***


Depuis le collège je me suis plains de l’école. Maintenant que j’ai du temps libre, mon cerveau préféré repenser avec nostalgie à mes années sur les bancs. Pourquoi le lien entre l’humain et l’insatisfaction est si fort? En tout cas l’humaine que je suis. Voilà. Comme j’ai du temps autant réviser mes aptitudes en dissert au lieu de mâchouiller mes ongles sans fin. 


Je me redresse du lit et commence donc à faire ça, puis je me rappelle de Dara qui prépare son bac cette année et change d’avis. Plus on est nombreux mieux c’est. Je fourre quelques effets rapidos dans mon sac et sors de la maison tout en prenant le soin de bien verrouiller toutes les grilles. C’est pas le moment qu’un voleur passe en mon absence nous dévaliser. On a assez de soucis financiers comme ça même si les parents croient que je ne l’ai pas encore remarqué. 


En une vingtaine de minutes par zem je suis chez les Laré Aw. Je trouve Tata Belle entrain de séparer les mèches pour la coiffeuse qui s’active sur la tête d’une Dara visiblement pas contente. Je les salue et vais prendre une chaise à l’intérieur pour m’installer à côté d’elles comme m’indique tata Belle. 


-Regarde hein chérie, même Snam qui n’aimait pas se faire jolie avant a des longues tresses, dit tata Belle sur un ton encourageant quand Dara envoie sa main pour probablement estimer le temps qu’elle doit encore passer sur ce tabouret 


-Nuance Tata, je n’avais rien contre les tresses. Je n’aimais simplement pas l’emphase que maman mettait dessus comme si je devais absolument en avoir pour être belle à ses yeux. Avec le temps elle a compris ou fait semblant de comprendre, ce qui est sûr elle n’est plus sur mon dos donc je fais mes choses quand j’en ai envie.


-Voilà! Dara renchérit comme si elle cherchait le soutien depuis


-Haaa pourquoi vous êtes comme ça? fait tata totalement dépassée. Nous on veut seulement votre bien. 


-Où il est mon bian quon j’ai mal sur la tête? lui demande sa fille qui n’a pas du tout acheté son argument. En plus elle lui sort un regard qui me fait bien rire intérieurement 


-Ah je fais mal? Il fallait me dire Dara, intervient la coiffeuse 


-Ne fais pas attention Hilda, cette petite ne supporte rien depuis un moment. Et pour te répondre jeune fille, le bien vient du fait que tu seras comme les jeunes filles de ton âge lorsque tu iras passer ton bac dans trois semaines. 


-Pssffff, fait Dara qui m’amuse. Elle ne sait pas du tout piaffer. Comme si quequ’un regardera ma tête. 


-Et comment que quelqu’un va s’intéresser à ta tête. Tu as vu comment tu es déjà jolie alors que la coiffure n’est même pas encore finie? Ou bien Hilda?


-Tout à fait madame, réplique la coiffeuse avec sincérité 


-Maman ahhhête—uh...., c’est gênant, proteste faiblement Dara


-Hooo d’arrêter de dire la vérité véritable que mes yeux ont vu? poursuit tata Belle qui ignore les états d’âme de sa fille.


-Jte dis le monde de la vérité véritable, on entend derrière d’une voix tellement conne qu’on éclate toutes de rire 


Le mien se bloque brusquement dans ma gorge quand l’intéressé arrive à notre niveau et met la main sur le bord de ma chaise. 


-Hum quelqu’un s’apprête à aller tuer les enfants du LF bientôt. Ton père est au courant Aïdara? 


-Psssffff!  


-Monsieur qui t’a dit qu’on voulait voir ton gros nombril et les trois poils tristounets sur ton torse? Tes T shirts sont finis? 


-Haaa, il pousse un cri de consternation tandis qu’Hilda et Dara se moquent. Madame Laré Aw c’est la faute à qui si j’ai le gros nombril? Au lieu de bien me chauffer ça avec l’eau chaude tu t’extasias devant ma beauté. En plus tu parles que tu peux pousser trois poils sur ton torse aussi? Respecte mon statut de mâle dominant en plein essor 


-Tchrrr....oh...enlève tes bras de mon cou, gronde faussement sa mère qui ne fait quand même rien pour empêcher Mally pendant qu’il frotte exagérément son visage contre le sien avant d’aller s’accroupir devant sa sœur et câliner son front 


-redresse le visage, Hilda finit bientôt et j’irais te chercher ta pizza favorite, il lui dit d’une voix réconfortante. Son visage s’illumine aussitôt et mon intérieur devient une grosse masse de marshmallow fondant 


-Je vais ramener le miroir d’Elikem pour toi Dara, je dis sans qu’on me demande et détale seule


Moins un et j’allais peut-être baver devant le portrait que forme Mally et Dara. Mon Dieu que c’est embarrassant. Je ne comprends absolument pas ce qui m’arrive depuis deux ans. Quand nous étions petits Mally était un simple ami de jeu, d’école, un idiot qui emmerdait des fois et aimait m’entraîner dans les jeux pour me piquer mon argent de poche. Puis il est devenu après l’accident de sa sœur ma priorité. J’avais trop mal de le voir se renfermer et culpabiliser. Tous mes week-ends je demandais la permission même quand maman disait que j’exagérais et j’allais devenir étouffante à la longue. Je faisais quand même tout pour aller chez eux, en me disant que s’il a quelqu’un à ses côtés pour l’écouter, un jour il ira mieux. 


Dieu merci il ne m’a jamais dit que je le saoulais même s’il ne parlait pas beaucoup en ma présence. Il préférait dessiner et qu’est-ce qu’il dessinait bien. Personne ne sait s’il le cachait avant mais on a découvert qu’il avait un talent de fou à cette période. Il dessinait beaucoup sa famille, principalement grand maman Zizèle et eux. Un peu comme si à défaut de la ramener à la vie, il la matérialise grâce à ses souvenirs. Puis un beau jour, il y’a deux ans de ça il m’a présenté un dessin de moi. En tout cas un moi que je trouvais plus élégant et distingué. Et en bas il avait juste écrit King S. Ce fut le début des sensations étranges. ou plutôt le début des questionnements sur ce qu’il pensait de mon apparence pourtant je me suis éduquée à ne pas me soucier des opinions étrangères quand il s’agit de mon look. C’était pour me protéger des moqueries et voilà qu’en l’espace de quelques minutes un garçon détruisait le travail de longues années. J’ai quand même noyé ses petites questions. Je n’en voulais pas. Et ça allait plutôt bien. Jusqu’à ce qu’il se développe un corps différent de celui du Mally que j’ai connu. Un corps plus dur, plus défini. Étrange pour quelqu’un que je n’ai jamais vu faire d’exercice poussé en dehors de nos heures d’école ou le club de boxe qu’on a fréquenté quand on était ensemble au Colpro. Même son fameux gros nombril n’arrive pas à calmer mon cœur qui veut bondir de ma poitrine les fois où il enlève son haut. À mon niveau la puberté a duré l’espace de deux mois. J’ai grandi en taille certes mais les hanches et tout ça faut croire que quelqu’un a trouvé que ça ne serait pas nécessaire pour moi. En haut je porte fièrement mon bonnet A qui ne me dérange en rien dans mon quotidien. Mais étrangement, je commence à le regarder avec une pointe de doute dès que je pense à Mally. Le pire ce sont les fois où il ferme ses mains sur mon cou. Il a cette manie là depuis l’enfance. Du genre qu’il va m’étrangler. Avant c’était drôle. L’année dernière il l’a fait pour rire, je suis rentrée en panique totale et j’ai réagi comme une vierge effarouchée au point de cogner par mégarde le pichet de limonade qui s’est renversé sur l’ordi de Dara. Ok je suis encore vierge mais est-ce que c’est une raison pour sursauter comme un peut animal fragile pour si peu? La honte totale. Depuis il ne le fait plus et c’est encore à moi que ça manque. Je sais. Une cause perdue, c’est ce que je suis. Ce qui m’arrive je ne le comprends pas du tout, ou je ne suis pas prête à y mettre un nom. 


Je retourne avec le miroir avant qu’on vienne me chercher. L’étau se renferme vivement sur mon cœur quand je le vois taper joyeusement l’épaule d’hilda. Respire un bon coup Snam, je me dis avant de les rejoindre. Ce n’est pas mon copain. D’ailleurs à 17 ans je n’ai aucun business à aller chercher un copain. Et certainement pas Mally qui se prépare pour rejoindre la grande aux États Unis très bientôt si Dieu le veut. Je ne sais même pas où je vais finir moi comme la France m’a refusé après mon bac. 

Me tuer pour finir avec mention et qu’on me refuse c’est juste saoulant. J’adore mes parents mais le jour du refus j’ai pour quelques instants envié Romelio qui a eu la nationalité par ses parents. Les miens n’ont pas pu l’avoir dans le temps. Je ne sais pas spécifiquement pourquoi. C’était compliqué il paraît. 


Hilda finit enfin les tresses Fulani de Dara. Rien à dire, elle est sublime avec son petit visage de poupée même si elle ne le croit pas quand on lui dit. Enfin elle croit quand même Mally et c’est trop mignon de voir son sourire quand c’est lui qui parle. Il est tellement rassurant, patient et arrive si facilement à l’apaiser que des fois j’en oublie qu’il est le dernier. En tout cas depuis un bail on a plus cette sensation. 


Il m’invite pour qu’on aille prendre la pizza de Dara. Elle n’aime toujours pas sortir même si ce n’est plus aussi effrayant pour elle qu’avant. Je le suis et une fois à la boutique nous tombons sur des anciens potes de Colpro. Deux meufs et trois gars. Ils sont plutôt contents de voir Mally parce qu’il a quitté le Colpro avant le lycée pour rejoindre l’école américaine. Donc moi ils m’ignorent comme un vieux torchon bien qu’on se soit pas vu depuis un bout hein. Dans la causerie, une des meufs nous apprend qu’elle compte se présenter à Miss Togo.


-Ah bon? Je ne t’ai pas vu durant les auditions pourtant, je dis 


-Tu ne l’as pas vu? Parce que tu te présentes? font certains choqués 


-Yep, je dis fièrement et ils se mettent à rire 


-Non mais Elle est bien bonne celle-là. Tu n’as pas peur hein, réplique une des filles 


-Peur de quoi? C’est pas non plus une opération chirurgicale sans anesthésie. 


-Mince Elle est vraiment sérieuse, dit un des gars sur un ton ironique 


-C’est pas pour être méchante hein mais ma chérie tu connais le peuple togolais? Rappelle-toi des bêtises que les gens te disaient en classe et multiplie par dix mille. En plus ça sera télévisé. Genre le monde entier va te regarder, rajoute une des filles 


-Laisse c’est Snam, tu sais qu’elle s’en fout de tout donc si quelqu’un peut aller se ridiculiser sans crainte c’est elle. En tout cas je viendrai t’encourager si tu te qualifies pour  la dernière soirée, dit un des gars 


-Alors achète déjà ton billet et pareil pour vous tous. Je vais vous montrer que même un “zèbre” a de la beauté en lui, je réponds sérieusement mais ils continuent à rire 


Sauf que ce n’est pas drôle et je ne m’en fous pas. D’ailleurs je n’ai jamais dit ça donc pourquoi on me colle cette étiquette je ne comprends pas. Et comme je ne peux pas me taire quand quelque chose m’énerve j’en donne à Mally pour son argent pendant qu’il nous ramène chez eux au volant de la Nissan Altima qu’Elikem a offert à sa mère l’an dernier.  


-qu’est-ce qui était si drôle dans le fait que je gagne un concours de beauté? Je demande sur un ton plus hostile que ce que je voulais. Le bougre se permet de rire encore. 


-Avoue que c’est une belle contradiction quand même. Depuis qu’on est mômes tu te distançais de Macy en disant que l’experte en beauté c’est elle. Que ce n’est pas ton domaine et d’ailleurs tu ne te sens même pas belle puis qu’on a pas à avoir pitié de toi à cause de ça parce que ce n’est pas la fin du monde de ne pas se sentir belle. 


-Ouais Donc? C’est pour ça que tu dois ricaner avec les autres là?


-Lol mais pourquoi tu me refuses le droit maintenant? Quand on était là-bas tu n’as rien dit aux autres et c’est sur moi que tu veux passer tes nerfs? 


-Pfff! Les autres c’est pas toi, je dis quand il klaxonne, puis je descends 


Tata Belle et Hilda sont toujours dans la cour en pleine discussion. Dara est un peu plus éloignée avec son téléphone à l’oreille. Mally remet une boîte de pizza à sa mère qui m’invite puis Hilda. Moi je décline. 


-Petit luron tu as encore fait quoi à notre King? s’enquiert sa mère et l’embarras monte direct dès que je vois la face amusée de Mally. Je commence à lui dire st....mais il a déjà répondu 


-Ton King devient femme et veut m’entraîner dans le processus avec elle 


Cette phrase si innocente et mon cerveau tordu l’a changé pour que je le reçoive comme s’il me voyait comme une femme. Le genre avec qui il peut faire des câlins? Possiblement se mettre à l’horizontale? Cerveau tordu comme les bouts de mes seins qui commencent à me signaler leur existence contre mon bandeau. 


-Oh...j’ai oublié, faut que je rentre, maman avait demandé que je sorte les morceaux de bœuf du congélateur, je mens à moitié. Je les ai sorti mais pas assaisonné encore 


-Ah attend, tu ne vas pas t’en aller comme ça. Tu n’as même rien mangé, tata Belle commence à dire bien que ça ne me dérange pas et je lui dis d’ailleurs 


Mais non, elle m’emballe un plat avec lequel elle me renvoie à la maison. Je montre mon cell à Dara pour lui signifier qu’on se texte. Mally dépose aussi Hilda avec qui j’ai un peu sympathisé depuis qu’elle a commencé à tresser Dara. Ça fait un an je pense bien. D’ailleurs c’est elle qui me tresse depuis son apparition. Elle sait presque tout faire et l’ironie c’est qu’elle dit n’avoir jamais eu de formation propre. Juste qu’une fille avec qui elle a vécu lui a appris quelques trucs. Elle n’est qu’à sa première année d’uni en langues étrangères appliquées au droit mais le département des lettres est déjà en grève du coup elle s’occupe depuis comme elle peut et pour donner un coup de main à son frère Fabien qui lui fait une formation pour devenir électricien. 


Comme j’étais un peu plus pressée, Mally me dépose avant Hilda. Je file pour finir ce que maman m’avait donné comme tâches et pendant ce temps Macy m’appelle. 


-Alors tu as reçu mon mail?


-Attends y’a papa qui est à la porte là, je dis téléphone toujours collé à l’oreille et file pour ouvrir le portail 


Papa descend avec un visage exténué, comme c’est le cas dernièrement. Je lui fais un câlin et passe le téléphone. Je ne sais pas pourquoi lui et maman prennent autant sur eux au lieu de juste m’en parler. En plus j’ai mis bout à bout les infos que j’ai entendu en écoutant aux portes donc je sais que le problème est lié à la société de transport de maman. Mais bon comme j’ai dit ils ne m’en parlent pas. Et quand j’essaie de fouiner, ils me disent seulement que tout ira bien. Je laisse donc la voix de Macy le réconforter. Il me retrouve par la suite en cuisine et me remet le téléphone avant de m’embrasser la joue puis me remercier pour le dîner sur lequel je m’affaire 


-Wesh ma gueule je suis de retour 


-quelqu’un écoute un peu trop de rap dernièrement, blague ma soeur


-Lol si c’était juste ça. On dit quoi sinon? Ton vilain pays là te traite bien?


-Ce n’est pas en le traitant de vilain que tu auras le visa mais plutôt en reprenant tes démarches sur parc...


-Hein Hein hein (pour signifier le refus), la journée a bien commencé miss, ne me la gâche pas avec le nom de l’enfer là


-drama queen, elle dit amusée. Ça va les cours de conduite? Elle demande après que j’ai posé l’appareil sur le comptoir pour mettre le HP et utiliser mes deux mains sur la viande 


-ta soeur c’est un vrai danger public. Son moniteur m’a demandé d’où je l’ai tiré, dit papa qui était de passage pour se prendre à boire


-je plains seulement les passants, ironise Macy tandis que papa continue à me taquiner 


-Continuez comme ça. Dans cinq ans je ne veux pas voir vos fesses dans ma Golf GTI couleur vert khaki. 


-Alors! On a échoué au permis mais on a déjà la voiture choisie jusque dans les détails, papa dit avec humour 


-Oui oui nous autres on vit dans le futur. 


-De ouf, c’est le permis qui fait les chichis sinon Snam est prête hein papa, Macy continue dans le même ton que papa  


-S’il te plaît Macy explique ça à ta mère pour qu’elle de mon petit dos 


-Commence déjà par lire et compléter les brouillons des lettres de motivation que je t’ai envoyé et on verra pour la suite 


-Mince. Regarde comment ta fille a coupé mon enjaillement papa. Ou bien elle a oublié que son nom c’est Hope?


-Mets la viande au four au lieu de bavarder sur ma fille ici, répond sur un ton blagueur. Comme si j’ai cherché loin  mon bavardage 


Macy ne peut pas rester longtemps avec nous. Elle appelait d’ailleurs juste pour me dire de regarder les lettres ainsi que me convaincre pour la énième fois de recommencer mon dossier sur Parcours Sup. Elle ne veut pas entendre que je tire un trait sur la France à cause d’un refus de visa. Alors que la raison est partagée. Oui ça m’a refroidi mais juste que les parents ont des soucis financiers donc je sais pas si c’est le bon moment. Mais cette partie je ne l’ai pas dit à ma sœur. Plus anxieuse qu’elle y’a pas. Elle aime bien porter les soucis des autres sur sa tête en plus d’aimer un peu trop maman. Je veux dire je l’aime ma mère mais Macy tuerait pour maman, ça je n’en doute pas. Moi je préférerais discuter avant de commettre un crime si nécessaire. 


Papa et moi on s’installe au salon avec mon ordi tout en lisant les lettres que Macy a envoyé. Tu parles d’une lettre de motivation. Ce sont mes choix de filière mais on sent dans ses mots qu’elle est même plus intéressée que moi la concernée. 


-Je dis ta fille croit que c’est un discours présidentiel qu’elle écrivait? C’est quoi les mots compliqués comme épanadiplose là? 


-Sois un peu sérieuse Snam, papa dit en rigolant puis répond à un appel entrant 


-Oui chérie. Dis-moi. 


-.....


-Ok...., d’accord...., ne bouge pas je viens, il conclue. L’humour a laissé la place à un visage sombre. Je vais à l’agence de maman. Ne nous attend pas pour manger  


-Mais c’est la soirée burgers et salade, je me plains 


-Je sais mon ange, on mangera demain, il propose avec un ton qu’il veut rassurant 


-On a reporte la soirée quatre fois déjà papa. Qu’est ce qui se passe? Et ne me dis pas rien parce que j’ai des yeux. En plus c’est toi et maman qui avez interdit à Macy de faire les cachoteries quand elle va mal parce que ça vous inquiète plus qu’autre chose. 


Il m’observe longuement, puis soupire. 


-Tu as raison. Je vais aller d’abord chercher maman et on t’en parlera une fois qu’elle aura la tête froide 


-Ok ok pas de soucis. Ramène la vite alors, je dis en me pressant pour lui ouvrir le portail 


Plutôt que de manger j’emballe le tout dans de l’aluminium et je me laisse distraire par Romelio qui a aussi remarqué depuis un moment que papa n’est pas dans son assiette. Je ne lui ai encore rien confirmé comme je n’avais que des spéculations. Au lieu de ça je lui demande d’expliquer en douce à Jen que j’apprécie son grand intérêt pour mon avenir scolaire. Mais le froid canadien là je ne me vois pas dedans. 


Je m’endormais presque sur mon ordi quand le coup de klaxon m’a réveillé. Je me suis traînée pour aller ouvrir aux parents.


-awww poussin, il est 23h voyons. Pourquoi tu es encore debout? me reproche maman après un câlin 


-t’était pas dans ton lit à 23h que je sache toi. En plus vous alliez faire comment pour entrer? Escalader la clôture? 


-Snam pas d’insolence, papa dit d’un ton las 


-Désolée, je murmure pendant qu’on se rend ensemble à l’intérieur 


Vu l’heure je me disais bien qu’on allait pas discuter. D’ailleurs le repas est passé aux oubliettes du côté des parents. Je me suis réchauffée un truc vite fait pour caler ma faim avant de plonger sous les draps. Le lendemain ils sont debout avant le chant du coq. Les visages sont toujours tirés. Chacun a sa tasse en main. Du café pour papa. Thé pour maman. Je m’installe au milieu d’eux et attends qu’ils commencent. 


-Tout d’abord il n’y a pas besoin de paniquer mon cœur. Tout ira bien, dit maman sur un ton qu’elle veut confiant j’imagine 


-C’est pas trop rassurant quand ça commence de cette façon mais ok, je suis toute ouïe. 


-Tu te souviens qu’une année avant le départ de Macy, la famille qui me louait le local de l’agence a proposé de me vendre le lieu? 


-Oui. Et vous avez négocié en plus le bar qui est rattaché pour agrandir les locaux, faire un petit garage et tout. Non! Je fais apeurée. Ils t’ont triché c’est ça? On a tout perdu? Macy va faire comment avec l’université? Punaise, je dis paniquée. La main de papa me frotte le dos et sa voix apaisante se fraye un chemin dans mon esprit qui vrille à l’hystérie 


-Quoiqu’il arrive Macy ira bien. Et c’est pareil pour toi. Ce qui se passe c’est qu’on se retrouve avec quatre acheteurs pour le même terrain 


-Ohoooo!! Comment? 


-C’est le travail des faux démarcheurs de Lomé! Et le pire c’est que je suis tombé dans ce piège de débutant, s’indigne papa 


-Magnim ça pouvait arriver à n’importe qui. Ce n’est pas comme si on a pas été minutieux. 


-N’empêche, réplique papa toujours en colère 


-Donc il semble que notre terrain ait été vendu à quatre autres personnes dont deux à Lomé et le reste à l’étranger. Et malheureusement chacun détient un reçu de vente avec des dates différentes. Si on se base uniquement sur les dates, je suis perdante. 


-Mais et le titre foncier? Ça ne règle pas ce genre de problème? Je l’interroge 


-Ce n’est pas facile d’obtenir un titre foncier dans ce pays ma chérie. On peut le penser mais ce n’est vraiment pas facile. 


-Maman tu as donné presque une trentaine de millions sans garantie de titre foncier? Toi-même? What? 


-Soit je sautais sur l’offre soit je devais déménager à la fin du bail, devoir acheter un terrain dans un endroit aussi stratégique que Casablanca, démarche que je ne pouvais pas financièrement me permettre jadis. Donc obligée de reculer vers d’autres quartiers, et accepter un endroit moins grand. Commencer la construction et en attendant louer ailleurs. Avec aucune garantie que je n’allais pas me faire rouler comme maintenant, elle se défend.


Mon ventre me fait juste mal quand je compte mentalement les trente millions qui sont partis gratis. Je ne cesserai de le dire. Je n’aime pas le monde des affaires. Trop de requins. Trop de pertes. Trente millions qu’elle a pris peut-être cinq ans à amasser et en l’espace d’une journée, elle risque de perdre.


-Ok du coup c’est quoi le topo? Tu dois juste évacuer les lieux c’est ça? On ne peut pas te rembourser au moins? Je sais pas moi papa, tu en as parlé à tonton Tao? Il connait du monde peut-être.


-Il essaie de nous trouver le premier acheteur du terrain en question. C’est avec lui que nous pouvons tenter une négociation, papa dit. Parce qu’actuellement on ne traite qu’avec son représentant qui demande qu’on verse encore trente millions pour qu’il nous laisse le terrain. 


-Actuellement l’affaire est en justice. Nous attendons des nouvelles de notre avocat. Papa essaie aussi de trouver quelqu’un qui pourrait nous aider à obtenir plus rapidement ce titre foncier mais entre pots de vins, sans issues et fausses promesses, on est pas tiré de l’auberge.


-Je suppose que ton vendeur a disparu de la nature, je dis sur un ton sarcastique 


-Le géomètre est décédé de ce que sa femme nous a dit. Elle n’avait aucune idée de ce qu’il faisait dans sa vie professionnelle.


-Non mais oui classique. On dirait la famille des meurtriers dans CSI. Oh tout le monde l’aimait, il n’avait pas d’ennemis, j’ironise et les deux sourient 


-Tu es terrible. On parle d’un mort quand même, maman réplique 


-J’te dis. Il pouvait pas attendre un peu avant de clamser. Un vrai lâche, Tchip


-Je doute qu’on choisisse l’heure de sa mort en général, dit papa amusé



***Magnim Wiyao***


-Bref il est parti, que la terre lui soit remplie de mauvaises termites. En attendant, faut pas vous faire du mouron pour moi les vieux. Vous vous êtes démerdés pour que j’ai le bac. En plus avec un Bac C (option maths, PC), je peux devenir prof pour les mioches du collège là, ramasser les sous nécessaires et petit à petit je fais mon nid. So le mot d’ordre c’est concentration, ok Magnim et Ciara?


Sans surprise Ciara fond en larmes et multiplie les excuses tandis que Snam se laisse prendre dans les bras et lui répète le mot d’ordre. Les nerfs de ma femme étaient tendus depuis un moment. J’étais d’ailleurs étonné qu’elle n’ait pas déjà craquée. Snam continue avec ses vannes sur le vilain pays là (la France) pour nous rassurer qu’elle ne voulait pas y aller de toute façon. Mais c’est dur pour les parents que nous sommes. Ce n’est pas la France que je voulais pour ma fille. J’ai toujours su qu’elle ne s’y intéressait pas trop comme Macy. Non je voulais l’Angleterre ou peut-être L’Australie comme Tao l’a fait pour Ida. Au lieu de ça je ne peux rien faire pour mon enfant qui s’est donné à 200% depuis son entrée au lycée. La métamorphose était si drastique que Ciara et moi on la taquinait souvent de nous dire qui lui file les réponses aux interro et compos. Au collège Snam était une élève plutôt moyenne. Son problème ce n’était pas d’être la meilleure. Elle revendiquait ça fièrement d’ailleurs en nous expliquant que la perfection c’est une maladie, de voir comment Macy aime que tout soit si droit qu’à la fin elle ne profite jamais de rien. On avait tout fait pour l’encourager à se donner davantage mais rien. Quand Snam n’avait pas douze elle avait treize. C’est tout. Puis elle débarque en seconde et finit troisième de classe avec 16 de moyenne. En première elle arrive à se placer parmi les dix premiers de son centre au probatoire et trois premiers pour le bac. L’ironie c’est que son discours sur la perfection n’a jamais changé. Elle dit qu’elle a seulement trouvé une formule qui marche donc de ne pas trop questionner sinon on annulera la magie. Je voulais récompenser les efforts de mon bébé. Elle qui me parle de la météorologie depuis sa terminale. Je voulais qu’elle ait le meilleur du meilleur pour qu’elle comprenne que la perfection ce n’est pas mauvais. 


Mais Voilà, mes moyens ont considérablement baissé. Ce qu’on a raconté à Snam c’était une version condensée de l’histoire. En réalité j’ai fait plus de dépenses que ça. J’ai Macy en charge. Je ne me sens pas à l’aise à demander à Tao un crédit. Pas après ce qu’il a déjà fait pour moi depuis qu’on se connaît. Ciara et moi avons déjà un crédit bancaire à rembourser d’ailleurs. Elle aussi ne se sent pas à l’aise à demander de l’aide financière à Belle. Pas avec ce qu’ils doivent dépenser pour leur fille qui fait les cours à distance et Mally qui ira bientôt aux États-Unis en plus d’Elikem qui y est déjà. Donc l’unique chose que je peux faire c’est encourager Snam pour qu’elle reprenne son dossier pour le vilain pays. On a heureusement pas touché au compte ouvert juste pour nos filles. Avec ça, elle peut tenir pendant deux ans en France, espérant que d’ici là notre situation va se décanter. 


-Je ne veux pas un mot de ça à Macy, on est d’accord? Je dis après les avoir pris dans mes bras 


-Bien sûr je ne suis pas folle. Elle regrettera son trip avec Aurore au Mexique si jamais elle a vent de ça, Snam répond 


-On va trouver une solution très vite mon cœur, je te promets, Ciara la rassure. Les élèves méritent une prof plus patiente. 


-Lol! Moque toi bien madame. En attendant c’est la nation togolaise que je vais éduquer très bientôt sur le piébaldisme quand je serais miss, elle dit et nous rions 


Cette histoire de miss était une blague normalement. Je ne sais pas quand elle a décidé que ça devait être la réalité. 



***Belle Laré Aw***


-Donc pour créer les films, il faut faire les maths compliquées comme ça? Je demande en regardant les gros manuels de mon fils qui bâille pour la trentième fois pourtant refuse de dormir malgré l’heure tardive


-J’aime comment la vie est simple dans ta bouche maman, il dit avec humour 


-L’animation maman, Ton fils va étudier en animation. Pas juste créer les films


-Toi-même tu sors d’où d’abord? Je questionne Elikem qui est sur l’écran de l’ordi à son frère 


-Je devais sortir d’où si ce n’est ma chambre?


-Tu ne devais pas sortir avec Ray aujourd’hui justement? Ou plutôt te reposer Perla?


-On te dit DigiPen, tu me parles de repos, elle ironise. 


-Oui mais ta vie 


-haaaa je ne t’écoute plus. Vas-y Mally chasse là et on reprend


-Je suis déjà partie oh. Comme je n’ai pas fait l’université, je dis sur un ton faussement fâché et les deux rigolent pendant que je vais m’installer au salon 


Je prends un temps pour soupirer et profiter juste de ce petit calme. D’un côté les voix d’Elikem et Mally parviennent faiblement. De l’autre les ronflements exagérés d’Eli qu’il nie une fois debout. Puis la petite lumière depuis la chambre de Dara. Ça a été difficile mais on a avancé un peu. On ne pourra pas me dire que je n’étais pas née pour être là maman d’Elikem, d’Aïdara et Mally. Quand je pense à mon trio j’ai juste envie de me rouler au sol et remercier Dieu jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de larmes dans mon corps. Merci à lui pour la coupe d’amour débordante qu’il a mis dans Perla pour ses petits. Merci à lui pour cette candeur et patience qu’il a donné à un adolescent qui à quatorze ans pouvait à la fois être le réconfort de sa sœur et une teigne pour moi. Et Merci infiniment pour ce petit courage qu’il a mis en ma Dara d’avancer malgré le passé. Les études, devoirs, recherches, conseils, petites crises de paniques, Elikem est sur tous les fronts. Eli et moi lui avons dit de ne pas s’épuiser aussi parce qu’on est quand même là. C’est vrai que je ne connais rien sur les études aux États-Unis et encore moins l’animation mais bon je suis là. Sauf que Perla a dit qu’on ne mette pas nos bouches dans ses histoires avec ses petits. Je n’attends qu’une chose. Qu’elle finisse avec brio et que son copain l’honore comme il se doit. Ma fille sera la meilleure maman au monde, je le sais. Même si elle m’a interdit de la qualifier de trop. 


-Ah Donc tu sais que j’existe? Je la taquine quand elle m’appelle quelques minutes plus tard 


-Toi et moi on sait que tu es assise au salon actuellement attendant que Mally éteigne la lumière avant d’aller dormir 


-C’est encore mon salon. J’ai le droit 


-Lol jouis de ton droit oh maman. Je sens trop bien le A pour le prochain devoir de Mally maman. Avec sa tête comme les plateaux de ton village il m’a trop bluffé mais tu lui dis pas hein, elle dit toute joyeuse 


-On attend de voir la tête de ton fils, je blague. Et en attendant aussi explique moi mieux ce qui s’est passé avec la soirée romantique? 


-Moi Elikem je t’ai parlé de soirée romantique? 


-Oui oui. Un beau petit dîner romantique en tête avec ton amoureux qui finirait sur une note douce agrémentée de quelques bougies pour vous mettre dans l’ambiance. 


-Et puis le mensonge ne t’effraie même pas pourtant c’est toi qui est dans le troisième âge. En tout cas tu es prévenue. Ton âme a intérêt à m’attendre au paradis  sans faute sinon gare à vous tous là-bas. Le bruit que je ferais. On va nous réincarner toutes les deux direct, elle dit et me fait rire. C’est sa façon de dire qu’elle ne conçoit pas une vie sans moi mais comme la voie directe c’est dur pour ma fille quand il s’agit des sentiments elle préfère parler en code. 


-je suis seulement responsable de ce que j’entends pas ce que tu dis. Et puis explique au lieu de te défiler. Je vois clair dans ton jeu 


-Haaa Les ragots vont te tuer. Traitons d’abord le but de mon appel. Je dis tu n’as pas une petite info sur tata Ciara ou tonton Magnim là? Y’a Romelio qui a perdu le sommeil parce qu’il signe que tonton n’a pas l’air dans son assiette. Je veux dire, ils vont bien? Elle s’enquiert avec une pointe d’inquiétude 


-heuh.....aux dernières nouvelles oui....enfin les deux ne m’ont rien dit d’alarmant, et je n’ai rien remarqué, quoique je ne suis plus régulière chez eux. 


-S’il te plaît mamitou nous sommes entre tes mains. Fouille comme tu sais bien le faire là. 


-Toi et ton frère vous allez me regretter quand je ne serais plus là tchrrr. Vos bouches mamitou. 


-Lol depuis les années là pourquoi tu fais semblant de te fâcher encore pour ça? Bref pour en venir à ton fameux dîner romantique il a été annulé par les bons soins du monsieur comme ça je peux être grande soeur à temps plein, il paraît 


-Qu’est-ce que tu as encore fait? 


-Encoreee? Merde, genre c’est toujours moi quoi 


-Laisse l’indignation et livre les faits. 


-Eh bien sache que je n’ai rien fait de mal sinon donner un coup de main à mon frère. Mais comme ça tombe dans le temps où Monsieur me visite, et que lui voulait absolument qu’on sorte faire un tour, offre que j’ai décliné, bah il s’est déversé sur moi en accusations futiles et insensées. 


-Perla, combien de fois je t’ai moi-même dit que tu n’as pas à être derrière Dara et Mally constamment? Personne n’essaie de te dire le genre de grande sœur que tu dois être comme tu le penses mais plutôt que tu saches faire la part des choses.


-Heuh....tu sais quand même que Mally veut intégrer une école de prestige hein? Et pour se faire il doit monter un dossier d’admission parce qu’il n’a pas tous les pré requis? Tu as vu la quantité de modules et examens qu’il doit finaliser? Tu sais qu’il y’a des deadlines à respecter ou pas? Face à ça c’est quoi une balade? D’ailleurs est-ce qu’on a besoin d’expliquer une évidence? Et direct il passe à la comparaison direct que depuis son arrivée 

Océane et Toni se voient bien plus que lui ne me voit. Pourtant il sait que je déteste les comparaison. En plus je lui pointe qu’il ment parce qu’il me voit chaque matin quand je m’apprête pour aller à l’hôpital et là c’est fini le type tombe direct dans les décisions drastiques. “Oh occupe-toi donc de ton frère jusqu’à la fin de mon séjour. Comme tu es la seule grande sœur du monde.”


-Bon moi même je ne comprends pas ce que tu fais avec ton frère dans l’histoire d’animation quand....


-Bah normal que tu piges pas vu qu’on ne fait rien en lien avec l’animation mais plutôt des maths avancées et un peu de programmation, elle dit amusée. Ce que j’ai eu à faire aussi quand j’allais passer mon GRE avant de venir ici. Si j’ai trimé de chez trimé pour y arriver, pourquoi on me parle d’exagération quand je veux aider mon frère? Déjà que le niveau de ses modules est plus élevé que ce que j’ai eu à faire dans mon temps. 


-Bon il ne faut plus m’interrompre la prochaine fois. Donc je disais, personne ne dit que c’est tiré par les cheveux. Mais tu n’es pas célibataire. C’est aussi ta réalité. On ne se met pas en couple pour imposer les choses à autrui. Tu ne peux pas balancer à ton gars que tu ne vois pas ce que tu dois expliquer dans une évidence. Et ne me dis pas que tu ne l’as pas fait parce qu’on se connaît. On a pris un prof de maths pour Mally. Ton frère est studieux. Son avenir scolaire ne sera pas menacé parce que tu as pris une soirée ou deux pour toi. La preuve quand le travail t’appelle tu n’es pas là pour lui ou Dara. 


-Le prof de maths qui essaie encore de comprendre le module 3 pendant qu’on est au 5? Elle ironise 


-Ah faites doucement avec le monsieur. Il fait des efforts en plus il a dit que le système est différent 


-Lol maman c’est vrai que les équations aux dérivés partielles sont appliquées dans différents domaines mais je suis pas mal sûr que le système ou le pays n’a rien à avoir avec ça mais bon comme vous avez l’argent à perdre continuez a écouter ses nombreuses excuses 


-Ton copain, c’est lui le sujet. Si c’est qu’il vivait dans le même pays que toi je peux comprendre que tu parles d’exagération. Mais non. Tu lui manques Perla. Comprend juste ça. Ce n’est pas facile pour un homme de rester loin de celle qu’il aime donc il s’attendait à ce que tu lui réserves tout ton temps. Peut-être pour toi c’est tiré par les cheveux parce que tu as une vie en dehors de votre relation mais entre nous tu es obligée de lui dire ça? Moi-même qui te parle tu sais comment ça me pique quand papa Eli me dit que j’exagère? Pourtant je sais qu’il dit la vérité. Mais je ne suis pas prête à l’écouter. Il s’est adapté à moi parce qu’il m’aime. Tu l’aimes non ton Ray? 


-Bah si je ne l’aimais pas je n’allais pas être avec lui. 


-Oui c’était suffisant et meilleur Perla. 


-J’ai compris. Je garde donc mes vérités pour moi. 


-Il est là? 


-Non sorti parce que ma tête l’énerve 


-Alors envoie lui un message très doux que tu fais transiter chez moi hein, je dois vérifier. Ensuite tu portes une des nombreuses nuisettes que je t’achète chaque année mais que tu négliges là, ainsi que du gloss sur tes lèvres. dès qu’il arrive tu le coinces quelque part, dépose sur lui les baisers les plus tendres qu’il ait reçu et plein de gâteries dans le......oh allô? Perla? 


Je détache le téléphone et le regarde. Cette fille a raccroché. Je rappelle mais elle décline puis envoie un message.


-Non mais tu as osé en fait.  Gâterie? Je vais dormir en espérant que cette partie s’efface naturellement de mon esprit. 


-Mais tu penses que la cigogne vous a déposé? Je te ferais savoir que j’ai une grande connaissance  dans le domaine et qui mieux que moi pour te former.


-Ha! Supprimé! J’ai pas lu. Et je m’en vais te bloquer le temps que tu réfléchisses à ton comportement. 


Je ris fort en lisant le dernier message, oubliant carrément que les autres étudient ici. 



***Raymond Ekim***


Avec Perla on fait un pas en avant et elle nous ramène à quinze en arrière. Et l’ironie c’est quand elle dit m’aimer. Laquelle des parties de moi elle aime c’est ce que je me demande. Ton copain vient te voir après des longs mois et tu n’es pas accrochée à lui non stop. Elle a le temps d’être sur son téléphone et parler des autres. Je pointe l’évidence et c’est moi qu’elle traite d’égoïste sans le dire directement. Je ne sais vraiment pas ce qui me retient. Je suis fidèle parce que je l’aime mais des fois comme maintenant j’ai eu cette pensée. Celle de lui donner une bonne leçon. Pour lui apprendre que l’aimer n’est pas une faiblesse. Je peux être un salaud aussi. Les filles ne manquent pas à Paris. En plus certaines comme Kristina semblent plus contentes de me voir que ma propre copine. Kristina aurait plus de temps à m’accorder que deux semaines dans l’année. Elle n’est pas sur les bancs pour une éternité. On s’entend plutôt bien. Elle m’a d’ailleurs dit que je lui ai donné confiance en elle par mon histoire. Pendant que j’ai choisi la biologie pour faire plaisir à mon père, elle a pris la compta parce que le sien lui a imposé. Mais depuis qu’on se parle elle a eu le courage de se lancer dans ce qu’elle préfère, le tourisme. Perla? Est-ce que la toute suffisante a besoin de confiance? 


Les questions me fatiguent. Mes pieds sont épuisés de marcher donc je rebrousse chemin pour rentrer. Toni est encore là. C’est à se demander s’il n’a rien à faire que d’être entre les avions lui. C’est clair que papa lui donne l’argent pour. Pendant ce temps jamais il ne m’a appelé pour savoir si j’avais un besoin.   


-Yo frangin. C’est comment? 


-Salut, je réponds à la va vite et regagne la chambre d’Elikem 


Au lieu du lit, je la trouve adossée au mur. Comme ça, sans raison, dans sa propre chambre. Et elle est en petite tenue. Ce qui n’est pas son habitude. Elle s’avance d’une démarche chaloupée. Je ne veux pas l’admirer mais mes yeux le font seuls et ça m’énerve.


-Donc c’est tout ce que tu as trouvé? Jeter sur ton corps un minuscule vêtement et tu penses que ça règlera la situation? Je dis contrarié


Elle s’arrête à quelques millimètres de moi. L’électricité sort de Dieu sait où mais je jure que je sens nos corps s’attirer. Elle me fixe, se met sur la pointe des pieds et ses bras sont autour de mon cou. Je ne vais pas flancher.


-Je t’ai envoyé plein de messages, elle minaude tout en caressant mon point sensible, le bas de ma nuque 


-Ah...je....ahem....j’ai pas vu, j’essaie de dire sèchement 


-Okay chéri. Je suis désolée pour les mots déplacés que j’ai dis ce matin. Je ferai l’effort de ne plus parler d’évidence. 


Je la fixe, attendant son classique, le “mais”. Je reçois plutôt ses lèvres sur les miennes, si tendrement que ma bite cherche l’espace pour se tendre. Je garde les bras le long de mon corps, refusant de lui donner satisfaction. Ça ne peut pas finir si simplement. Elle continue à m’embrasser...non explorer ma bouche comme si c’était notre premier baiser. Mes bras se posent instinctivement à sa taille quand la petite sorcière redresse ma tête vers l’arrière en tirant en un coup doux mes cheveux. Mon cou est dégagé pour ses lèvres et elle s’en va à sa découverte aussi.


-Perla....c’est....facile...uh, j’entends ma voix au loin murmurer 


Pourtant je suis bien dans la pièce avec elle. Mais mon corps plane au rythme de ses mains qui tracent les contours de mes muscles pendant qu’elle ondule légèrement son corps contre le mien. 


-Oh punaise, je lâche quand elle taquine de la langue une de mes pointes et pince légèrement l’autre 


Les fourmis dans les jambes s’intensifient et passent à leur maximum quand ma bite jaillit après qu’elle m’ait libéré de mon jean. 


-Shhhh, je siffle entre les dents Quand Elle me prend dans sa chaleur buccale. Elle me lèche avec lenteur, les deux travaillant mon manche et mes couilles comme si elle se délecte de l’opération, me caresse les cuisses tendues. Et moi je subis comme un con. Je raconte des conneries. Ma volonté s’écroule petit à petit. Et elle lui donne le coup fatal quand elle se met au dessus après m’avoir dirigé sur son sofa. Nous sommes bien installés en face du long miroir de son armoire. Et je meurs dès que ses fesses se mettent à rebondir lentement sur ma bite bien logée dans sa moiteur 


-Bébé tu me tues, je murmure de souffrance 


-c’est vrai ça? Elle minaude encore et gémit un “oh ray” qui me fait frémir au même moment qu’elle se penche vers moi 


Je passe une main dans ses tresses en même temps qu’elle me tient la tête. Nos regards s’accrochent et on ne se lâche pas pour un long moment. Elle me présente un sein en pleine face. Je le gobe sans me questionner et elle se déhanche. Non Mais il faut voir comment mes doigts s’enfoncent dans la chair de ses fesses. Comment elle me chevauche à coups de reins précis. 


-Baise moi bébé. Baise moi au point que je perde des neurones, j’ordonne et elle se déchaîne. Nos bassins s’entrechoquent si fort qu’à un moment elle pousse un cri étranglé similaire à un gémissement de douleur mais nous continuons. Nos mains sont collées et nous partageons nos souffles dans un baiser quand elle m’emmène à la libération. 


Elle me retombe dessus et câline mon torse. Je soulève mes jambes et les croise dans son dos pour accentuer notre rapprochement. On reste dans cette position au point qu’elle finit par s’assoupir. Rien d’étonnant. Avant d’aider son petit frère elle avait bouclé un shift de trente heures à l’hôpital. On avait déjà regagné le lit et comme je n’ai pas sommeil j’allume la télé pour jouer à la PS4 qu’elle a acheté et jamais ne la touche. Ah, Les messages. Autant les lire. 


-Ray tu peux rentrer s’il te plaît? Tu me manques et j’aimerais qu’on parle. 


-Ou pas. Si tu ne veux pas parler je comprends mais j’aimerais qu’on se réconcilie si possible. Je suis contente que tu sois venu je t’assure. M’exciter facilement pour des conneries c’est mon fort mais pour une raison inconnue quand il s’agit des sentiments je suis plus à l’aise dans la démonstration calme, réfléchie. Ça ne veut pas dire que je te réduis au stade du meuble Ray. La preuve ma chambre c’est un peu le foutoir en général mais dès que ton arrivée approche j’essaie de tout bien faire. Bon c’est vrai que ça n’a pas l’air grandiose, et là tout de suite je n’ai que cet exemple. Le truc avec mon frère c’est que j’ai eu mon papa Eli comme mentor. Maintenant il n’a pas trop le temps avec l’hôpital donc quoi de plus normal que je sois là pour Mally. Et Dara je dois l’encourager pour qu’elle sache qu’on est derrière elle. Ça ne veut pas dire qu’ils sont plus importants, juste que les circonstances font qu’ils ont la priorité pour le moment mais....si ça ne te dérange pas de patienter un peu je promets de me rattraper. Je t’aime choupinou.


C’est pour ça que tu es là, mon cerveau se dit tout seul. Pas le choupinou même s’il

compte un peu, mais parce qu’elle seule arrive par des mots à te faire fondre. Et naturellement elle seule arrive aussi à te déchaîner par les mots. C’est la femme de ta vie. Je laisse tomber le jeu et la prends en cuillère. Juste quelques minutes parce que madame va se dégager bientôt. Quelque chose dans son corps ne supporte pas les moments d’intimité prolongée. Je ne suis pas sorti de l’auberge. 



***Océane Ajavon***


-Oh attend, je dis sur un ton moqueur à Toni puis efface la trace de mon rouge à lèvres sur sa mâchoire avant qu’on descende 


Heureusement que j’avais appelé après la première réservation pour décaler l’heure. Ça nous a laissé le temps de profiter de ce petit coup dans la voiture. C’est lui de toute façon. Il pianotait sur mes cuisses depuis la sortie de la maison. Sa main était si proche de ma culotte. J’ai souvent rêvé d’essayer ce truc où le mec te doigte pendant qu’il conduit. Et bien sûr Toni fou qu’il est a capté sans que je lui demande. Ce n’était pas fameux comme j’imaginais mais assez pour me faire mouiller et sauter proprement à l’arrière de sa voiture avant qu’on ne sorte.


Quand je dis que je suis trop bien là, c’est limite un euphémisme. Même la face de mouton sans laine qu’affiche Ray ne peut rien contre ma pêche. Ma relation est au beau fixe. Les activités au Spa dépassent mes attentes. La vie est rose. 


-Si seulement Elikem pouvait avoir ça, je pense tout haut pendant qu’on mange notre entrée


-Avoir quoi? me questionne Toni


-Une vie comme la mienne. Où elle avance, au lieu de s’occuper des problèmes de tout le monde y compris ton frère. 


-Mon frère a fait quoi? 


-c’est mieux de demander ce qu’il n’a pas fait. Et c’est se comporter comme un homme au lieu de geindre qu’elle n’a pas le temps pour sortir avec lui. Mais bon je ne peux pas le blâmer entièrement. C’est Elikem aussi qui ne veut pas accepter la vérité.


-Laquelle des vérités?


-Ben un cuistot comprend quoi à la vie d’un médecin? C’est clair que jamais il ne saisira tout ce que ça demande comme énergie et discipline pour évoluer dans ce domaine. Lui il fait quoi? Éplucher les oignons et faire des bouillons, c’est à des années lumières des études du système immunitaire. Leurs vies ne sont pas compatibles. 


-Lol si c’était Elikem la cuisinière tu tiendrais ce discours? Le problème au final n’est pas juste masculin. Vous les femmes aimez ce qui vous arrange. 


-Ah c’est comme ça que le monde est. Que veux-tu que je dise? À chaque sexe ses standards. 


-Ne va pas mettre des choses dans la tête de ton amie concernant mon frère, il dit sur un ton d’avertissement 


-Lol, contrairement aux croyances je ne fourre pas mon nez dans les relations des autres. En plus Elikem ne m’écouterait même pas. Puis J’ai une proposition plus intéressante pour nous. Notre prochaine étape. Si on faisait un bébé? On a plus de 25 ans. On se côtoie depuis un an et poussière. On s’entend super bien. C’est l’âge parfait, je dis et ses yeux s’arrondissent comme des pièces de monnaie. 

D’amour, D’amitié