85 : Locked up, part 1
Ecrit par Gioia
***Denola
EKIM***
Je suis dans mon coin, c’est
toi qui viens pleurer ta vie dans mes oreilles et me supplies d’intervenir. Tu
mentionnes même le mot suicide. J’avertis qui de droit et c’est toi qui m’envoies
les messages injurieux que non « ma grosse bouche
n’aime pas se fermer non », que « qui m’a dit d’inclure les parents dans l’histoire », ainsi de suite. Et comme si je n’en avais pas
assez, c’est la même journée que Ray choisit pour me parler comme si j’étais un
sous-fifre qui s’est cru trop important. Ça m’apprendra aussi à courir avec mes
deux pieds dès que j’entends qu’ils ont des problèmes. Peut-être ils croient
que je n’ai rien à faire ici mais ma vie professionnelle déjà bouffe une bonne
partie de mon temps. Et puis maman doit être actuellement à bord d’un vol en
direct de Paris pour se rendre ensuite à Lille et voir ce qui se passe dans l’esprit
embrouillé de sa fille. Pour Ray aussi je me lave les mains. Si lui-même ne se
gêne pas pour sauver sa relation, ma responsabilité dedans est quoi ? D’ailleurs les filles et moi…
– Yeeehhh ! m’écriai-je de peur après qu’un truc froid m’ait
frôlé le bras. C’est la sœur de TH qui tient un petit pot de Ben & Jerry’s dans
sa main gauche qu’elle s’en va jeter dans la poubelle à côté tout en rigolant.
– Comme ça on est un
poltron en plus han, se moque-t-elle
– Avec ton gros
peignoir là, tu ne dors pas toi ? Il est… 2 h 37,
dis-je après avoir consulté ma montre
– Je suis une
chouette à mes heures perdues, et toi ?
– Je venais me
prendre ça, dis-je en montrant la cannette de Schweppes dans ma main
– J’espère pour ta
gueule que tu n’as pas pris la dernière, répond-elle en me poussant légèrement
pour se placer devant le distributeur au rez-de-chaussée de notre immeuble
C’est de sa bouche que les
menaces coulent en désordre mais je donne ma tête que si je la pince maintenant,
elle m’inondera le T-shirt de larmes.
– Y’en a plus, dit-elle
d’un air boudeur et fixe la cannette dans ma main
– Genre je dois te
la donner ? Et puis quoi encore
– Honneur aux dames,
on ne vous apprend pas ça au Gabon ?
– Les petites aux
mollets musclés ne sont pas encore considérées comme des dames
– Hooo goujat, elle
crie et me lance un pied que j’esquive sans difficulté
Je fuis et elle me
poursuit au point de se glisser dans l’ascenseur avant la fermeture des portes.
– Tu m’épates Adam,
je n’imaginais pas que ses jambes pouvaient te porter aussi rapidement
Sans répondre elle me
saute dessus et lutte pour me prendre la cannette. Elle est plus lourde que ce
à quoi je m’attendais donc je cogne un peu fort le panneau des commandes de l’ascenseur
qui fait un mouvement brusque et s’arrête
– Quoi ? Qu’est-ce que…. ? s’affole-t-elle
– Un instant, dis-je
en appuyant sur un autre étage mais il ne se relance pas
-Nonnnnn qu’est-ce que tu
as fait ?
– Comment nous sommes
deux ici et ça devient une affaire de « j’ai fait » ?
– Au lieu de râler,
aide-moi, elle me presse et appuie sur le bouton d’alarme
– Tu vas arrêter de
massacrer le bouton oui, on est déjà calé ici…
– Ce n’est pas ton large
dos qui a causé ça pfff ! Je nous
cherche une solution et au lieu de t’activer tu piailles
– Qui m’a poussé ?
– C’est quel genre d’homme
tu es et une femme arrive à te pousser au point de te bousculer ?
– Ah bon hein
– Pfff, active-toi
et qu’on sorte d’ici hein. J’ai un brunch à neuf heures !
C’est maintenant que je me
pose au sol devant son regard éberlué et lui rappelle qu’un homme qui est facilement
bousculé par une femme ne peut pas s’activer.
***Ida ADAMOU***
Depuis presque une
dizaine de minutes, j’emploie toutes les méthodes pour sortir de cet espace
dans lequel je commence à me sentir à l’étroit mais rien. L’autre est prostré
au sol comme s’il avait toute la vie devant lui.
– Je tiens à te rappeler
que nous ne sommes pas à la plage ici anhan, avec l’air serein que tu as là
– Que dois-je faire en
ma qualité d’homme qu’une femme bouscule facilement ?
– Au lieu de le
répéter comme un perroquet, magne-toi le cul
Il se lève, secoue ses
fesses devant moi et se rassoit en tailleur. Eh j’ai oublié les bonnes manières
et je l’ai lavé d’insultes ? Non je l’ai
lavé.
– Si j’étais toi je
me poserais une seconde, vu comment tu as du mal à respirer
J’aimerais bien rétorquer
mais je ne suis pas en état de le faire. Il a raison. Ma poitrine se soulève plus
rapidement que la norme parce que je respire avec difficulté.
– Est-ce que je dois
bientôt m’attendre à une crise ou…
– Non, j’ai juste du
mal avec les espaces restreints mais je ne suis pas claustrophobe
– Ah d’accord,
dit-il en bâillant bien fort avant de s’adosser contre une paroi de l’ascenseur
et étendre ses longues jambes comme s’il allait piquer un petit somme. Je n’allais
rien dire hein mais… je devais
– Je veux juste comprendre
un truc, tu as conscience qu’on se trouve dans la merde actuellement ou c’est
un jeu pour toi ?
– Pour de la merde,
l’endroit sent plutôt normalement
– En plus tu
plaisantes, fais-je effarée
– Les hommes qui se
laissent facilement bousculer comme moi…
– C’est bon je m’excuse,
bougonnai-je
– Hein ? Je suis sourd d’oreille
– Je m’excuse ! S’il te plaît, fais quelque chose pour qu’on
sorte, j’ai envie de pisser depuis un moment, avouai-je
– Oh euh…, j’ai rempli
un formulaire sur le site de la compagnie de maintenance de l’ascenseur, ils bossent
24/24 donc bientôt on devrait avoir du secours, dit-il en montrant son téléphone
– Tu ne pouvais pas
le dire plutôt !
– Quand ? Lorsque tu cognais sur la porte ou criais à l’aide ?
– C’est ce qu’on
fait quand on est coincé au cas où tu l’ignores. Et si tu m’avais dit que tu
avais déjà une piste, j’allais patienter, je réplique offusquée qu’il se soit
moqué de mes tentatives
– Bon économise simplement
ton air. On reprend les chamailleries une fois dehors
Les minutes qui suivent,
ma vessie s’applique à me montrer l’enfer. La honte c’est que je me retenais à cause
de la folie qu’était the People vs O.J. À la fin d’un épisode, je me disais,
juste un et j’irai. Ensuite j’ai voulu me chercher un truc au distributeur en
me disant qu’au retour j’allais me vider avant de poursuivre ma série.
Je me lève d’un bond, le
visage et les cuisses froissées et commence à faire des tours sur moi. Je ne
vais pas faire ça quand même. Pas devant un homme. Pas moi.
– ça veut sortir ? il ose me demander sur un ton conciliant
– Jamais, dis-je aux
bords des larmes
– Ce n’est pas mieux
d’enlever ton peignoir et faire dedans vu qu’il a l’air d’être absorbant ?
– Je ne suis pas un
bébé ! me plains-je tout en faisant des
petits trots sur place
– Donc besoin
connaît affaire d’âge maintenant, commente-t-il et rappuie sur le bouton alarme
encore
Je suis passée aux élévations
de genoux pendant qu’il me dit qu’enfin quelqu’un a répondu au formulaire qu’il
a rempli et donné un numéro pour qu’il appelle, ce qu’il fait. Je suis à l’étape
des danses quand il finit de communiquer à l’agent les infos nécessaires. J’y
étais franchement, j’avais vaincu l’envie. Mais il a fallu qu’il dise, « what twenty minutes to get there? » pour que je sente mon mental craquer. La honte est
à son comble mais je sors en vitesse de mon peignoir, criant à Deno de tourner
le dos et je plaçais mon vêtement entre mes jambes quand les premières gouttes tombaient
dans ma culotte.
– Un vrai dromadaire,
il se permet de commenter comme si je n’étais pas assez mortifiée
– Tu es méchant, bredouillai-je
misérablement quand ma vessie finissait de se vider
– Lol je te taquine
simplement Adam. Je peux me tourner maintenant ?
– Non je ne veux pas
que tu me voies ! protestai-je
la voix enrouée à cause des larmes
– OK viens chercher mon
haut alors quand tu auras retrouvé contenance parce que les secours arrivent
dans vingt minutes
– Tu… tu as quelque
chose en dessous toi ?
– Non mais le buste
nu d’une femme choque plus que celui d’un homme même si ce dernier n’est pas
assez fort pour contrer les bousculades d’une femme
– Tu m’as regardé me
dévêtir malgré….
– Non gué, j’ai simplement
eu un petit égarement visuel
Je dépose mon peignoir témoin
de ma honte dans un petit coin de l’ascenseur et me retourne timidement. Il a
effectivement le dos tourné vers moi, et son pull pend sur son épaule. Mes yeux
tracent les muscles de son dos parfaitement défini jusqu’à la chute de ses
reins que son jean moule parfaitement. De dos comme ça, il ressemble à ses
hommes qui servent de péché mignon dans les magazines pour femme. Mais ce n’est
pas pour ça que j’ai envie de m’y coller. C’est plutôt pour ce geste prévenant
envers moi que je veux me jeter à son cou et le remercier. J’enfile le pull en
question rempli d’un parfum agréable mais qui m’est étranger. Chacun reste dans
son coin jusqu’à l’arrivée des secours. Nous avons eu de la chance. L’ascenseur
s’était arrêté à un étage spécifique donc nous n’avons pas eu besoin d’être
portés pour sortir de là. J’ai filé avec mon peignoir dans mon appart dès que j’en
ai eu l’occasion. Direct dans la baignoire pour le rincer puis je l’ai foutu
dans la machine avant de me faire une toilette rapide.
J’ai essayé de me reprendre
ma série sans succès. Mon esprit tordu n’était assailli que d’images crues. Lui
au-dessus de moi frottant sa bite contre l’entrée de ma cave et mes ongles
grattant son dos sous l’effet du plaisir qu’il me procurait. Je presse fort mes
cuisses, change de position sur le lit, essaie même une autre série pour voir
si je pourrais noyer ses images par d’autres mais rien n’y fait. Ce dos ne veut
pas quitter ma tête et ma féminité réclame de l’attention. Quand est-ce que je
vais enfin me marier ? J’en ai
marre d’être une petite perverse dans l’âme.
Je ne trouve le sommeil
qu’au lever du soleil et environ quatre heures plus tard, je suis debout. Rien
de nouveau pour moi. Je mets toujours un point d’honneur à me faire belle quand
je vais rencontrer un potentiel mari. Ah oui, si je prends au sérieux mes
études, ce n’est pas ma vie sentimentale que je vais négliger. Les deux sont importants
pour moi. J’arrive comme toujours avec de l’avance. Il arrive que certains hommes
le fassent aussi mais celui-ci ne fait pas partie de cette catégorie. Je l’avais
trouvé beau sur les photos que j’ai vu chez la cousine qui nous a branchés,
mais en réalité, il a plus de charme je trouve.
Le rencard se déroule
plutôt bien. Il a la trentaine, béninois, musulman, comptable, et orienté famille,
de ce qu’il dit du moins. Il m’interrompait souvent dans mes phrases mais je ne
reste pas sur la première impression. Sans tarder, il a proposé qu’on se revoie
en fin de semaine, offre que j’aie accepté. Je n’avais rien à reprocher à ce
gars, mais je ne peux pas me mentir. De temps en temps, la tête de Denola me
venait en esprit. Ou quand il ne rebondissait pas sur une de mes phrases avec
une pique, mon esprit disait directement, si c’était le malpoli de Denola
maintenant. J’ai même commis l’erreur incompréhensible de lever la tête quand j’ai
entendu un Adam prononcé par quelqu’un d’autre dans le resto. Ce n’était qu’un
homme qui répondait au téléphone. Je suis passée faire les courses après le brunch
et me voilà chez moi.
Je n’ai même pas été le
remercier depuis qu’on est sorti de l’ascenseur. Son pull est encore là. Je l’ai
lavé et plié soigneusement. Je suis là en train de découper des tomates pour la
cuisine et je me pose des questions existentielles. Ce gars n’est pas musulman.
Il n’était même pas dans mon radar en début d’année et le voilà qui s’invite
dans mon esprit en désordre. Suis-je si faible ?
Mon frère avec qui mes
échanges sont plus réguliers m’envoie une vidéo de sa fille qui a commencé à faire
ses premiers pas. Et la fierté qu’on entend dans sa voix lorsqu’il la filme est
sans pareille. Comme il est connecté et je ne suis plus à une honte près, je
lui pose une des questions qui dormaient dans l’arrière de ma cervelle. Mais
comme c’est moi, je ne vais jamais demander directement. Plusieurs chemins
mènent à Rome après tout. Ça concerne qui si je décide de prendre le plus
tortueux ?
– Vu que tu me vois
avec ton meilleur ami là, est-ce que tu t’es déjà demandé s’il était
célibataire ? je le texte
– Krkrkrk ma petite,
je suis né avant toi tu comprends ? Deno n’est
pas bavard en ce qui concerne sa vie sentimentale mais le connaissant s’il était
dans un truc sérieux j’allais le savoir, il me texte en retour
– Il faut naître
avant moi non, est-ce que j’ai refusé ? Et puis
bref, comment tu aurais su si tu me dis aussi qu’il ne révèle rien concernant
sa vie amoureuse ?
– C’est mon frangin,
en plus comment je le connais, je pense qu’il sera le genre d’amoureux à porter
son bonheur au visage comme tu aimes porter tes faux cils
– Lol toqué, je t’ai
dit que ça me donne un regard de biche
– C’est ton père qui
n’a pas bien appuyé ta bouche dans l’enfance et nous souffrons aujourd’hui de
ça
Quand il parle des
parents, il dit toujours ton père, ta mère. Maman m’a dit de ne jamais le
reprendre dessus même si ça me fait mal. Avec moi en revanche la conversation s’est
installée si naturellement que j’ignore comment l’expliquer. Papa dit que c’est
mon côté très social qui a dû l’attirer et aussi le fait qu’il n’ait pas de sœur.
Parce qu’avec Asad ça ne se passe pas si bien. Bon sur ce coup c’est plutôt à
doudou qu’on doit faire des reproches. Lors de leur première conversation téléphonique,
il semble qu’il aurait dit à Laith qu’il est content qu’il soit en vie mais si
c’est causer du chagrin aux parents, lui ne veut pas le voir. Et tout ça il le
disait fuyant avec le téléphone pendant que les parents lui intimaient de
revenir. Ce petit n’a jamais eu la langue dans sa poche donc je ne vais pas dire
que ça m’étonne grandement mais quand même. En tout cas, l’essentiel c’est que
Thierry ne l’ait pas mal pris.
En tout cas, j’ai ma
confirmation de la bouche du meilleur ami de celui qui s’invite dans l’esprit
des gens et j’espère pour sa gueule qu’il est réellement libre comme l’air. Parce
que je viens d’annuler ma rencontre suivante pour… Je ne sais pas, essayer de
comprendre ce qui se passe dans ma tête ? Peut-être en
le côtoyant de près, je vais lui découvrir un affreux défaut qui brisera ce
petit charme qu’il m’a mis dessus en m’offrant son pull ? C’est avec cette espérance que j’ai chargé mon
panier de mes plats et je suis allé cogner à sa porte en tout cas.
***Raymond EKIM***
Dormir dans une cellule, je
ne l’aurais pas cru si on me l’avait dit mais c’est la troisième journée que je
fais au commissariat de Nzeng Ayong. Cinq clients m’accusent d’extorsion selon
les dires de mon avocat. Certains vont jusqu’à dire que je leur ai promis monts
et merveilles pour qu’ils investissent dans cette commande et disparu sans
donner de trace. Ce que j’ai subi comme interrogatoire une fois au poste de
police était semblable à ce que font certains flics de patrouille aux petits
vendeurs de drogue dans les séries. Ils étaient deux officiers et quand l’un me
questionnait, l’autre s’assurait de me dire que j’ai tout intérêt à révéler où
je cache l’argent des cinq clients qui m’accusent parce qu’avec les noms
importants qu’ils ont lus dans la plainte, je ne risque pas de sortir d’ici
avant d’avoir payé jusqu’au dernier centime.
Je leur ai expliqué en
vain les tenants et aboutissants de l’histoire, mentionnant que j’ai même une plainte
pour braquage ouverte et prise en charge par le major Gervais Ndong mais mes
dires étaient aussi importants que des bourdonnements de mouches à leurs
oreilles. Mon avocat et papa m’ont assuré que bientôt je serais remis en
liberté parce qu’ils n’ont pas assez d’indices pour soutenir la plainte. Et même
s’ils s’entêtaient à ne pas vouloir le faire, je vais comparaître bientôt
devant le juge et mon avocat demandera une mise en liberté provisoire, pendant
que l’enquête poursuit son cours. Ce sont ses deux options qui me donnent
courage et m’aident à m’accrocher dans l’espérance que je serais libre. Une
fois dehors, je quitterai le pays dès que la loi le permettra. J’aurais dû
suivre le conseil de Toni et le rejoindre à Kinshasa. Mais j’avais l’impression
de passer pour un fuyard en faisant ça. Déjà que les bruits courent que nous
sommes responsables de notre malheur parce que papa est un ritualiste. Qui l’a
vu dans les rituels, personne ne pourra le dire. Mais comme il est un Nigérian,
il ne peut pas être financièrement aisé dans un pays étranger si ce n’est ça.
Les Africains franchement. Vivement que je sorte. C’est tout ce qui m’importe.
***Andino EKIM***
J’ai toujours du mal à
comprendre comment Marcelle ma femme si douce et aimante ait pu sortir d’une
famille de corbeaux comme les Nkoghe. Je suis chez Gervais Ndong, le mari de sa
sœur. Un petit major de pacotille au ventre bedonnant comme une femme enceinte
de sept mois mais il gonfle ses narines parce que je viens lui demander un
service. Pourtant j’ai financé le master de sa femme en France. À l’époque, je
l’avais fait pour obtenir plus facilement le pardon de Marcelle, après qu’elle
ait découvert l’existence de Ray. C’est grâce à mon argent que sa femme est
allée se laver le visage et découvrir la modernité en Europe. En plus elle n’a rencontré
aucune difficulté à se trouver un poste bien payé avec tous les avantages liés
une fois au pays. C’est son salaire de conseiller en épargne qui leur a permis
de bien vivre dans ce pays au point d’envoyer leurs deux enfants au Danemark.
Moi et moi seul je suis à la base de ça. Mais le petit mécréant ne sait pas le
reconnaître. Il m’a non seulement fait poireauter, mais une fois rentré, il a
décidé de se doucher avant d’honorer le rendez-vous que lui-même m’a fixé. Et
pendant que je l’attendais, sa femme se sentait obligée de partager avec moi son
opinion sur l’état du pays. Je suis venu ici vers seize heures. C’est à
dix-neuf heures que Gervais s’est finalement assis pour notre entretien.
– Hein mais il est
détenu dans un commissariat différent de celui où j’exerce. Qu’est-ce que je
peux faire contre ça ? me
questionne-t-il après mes explications
– Je sais déjà ça
mais tu ne peux pas faire appel à un collègue par exemple ? Nous sommes aussi des victimes je te signale
– Victime c’est un
grand mot non. Tu es sûr Andino que Ray ne t’a pas doublé pour vendre cette marchandise
à quelqu’un d’autre ? intervient
sa femme qui ne s’est pas dit qu’il fallait nous laisser entre hommes
– Non mais je ne te
permets pas ! je m’indigne
– Oh doucement mon
frère, elle dit ça surtout pour toi. Parce qu’on a entendu des bruits de nos
gens à Pog. Il paraît que Ray essayait de racheter une ancienne buvette à la
cité Matanda là-bas. L’argent est sorti d’où ? C’est vrai qu’il est ton fils mais ce n’est pas comme si on ignore qu’il
a une dent contre la famille. Je le vois bien te trahir pour fuir
– Je te dis ! Alors que Garcelle est là-bas ! Pourquoi c’est à Ray difficile comme ça que tu
es parti confier le travail d’une vie, hein Andino ! Marcelle t’a soutenu et même pris l’enfant là
pour…
– Je vois que vous n’avez
rien pour moi, dis-je, coupant ainsi la parole à la cruche qui me sert de
belle-sœur. C’est une chose de ne pas pouvoir m’aider mais gare à vous si j’entends
ses rumeurs circuler. Ray reste mon fils et je confie mes affaires à qui je
veux
– Oh tu n’as pas
besoin de te fâcher comme ça, reviens non Andi…, j’entends ma belle-sœur m’interpeller
au loin mais je suis déjà hors de leur maison
La comédie a assez duré.
Je m’attendais déjà à ce résultat en venant ici. Même s’il avait eu la volonté
Gervais ne peut en sa position rien changer à l’arrestation de Ray. Je suis
venu simplement pour qu’une fois dehors, les gens puissent témoigner à Ray que
j’étais partout, cherchant un moyen de le faire libérer. En revanche je n’étais
pas au courant de cette histoire d’achat de terrain à Port-Gentil. Au final Ray
ne cessera de m’étonner. Toutes les fois où je pense l’avoir cerné, une information
additionnelle que me fait douter. En tout cas je ne m’attendais pas à ce qu’il
se fasse enfermer. Les Africains sont décidément nerveux dès que l’argent est
en jeu. Aller jusqu’à faire passer des commandes simples pour de l’extorsion,
il faut le faire. Sur les cinq clients qui ont porté plainte, trois font partie
de mes meilleurs acheteurs. Celle qui a daigné me recevoir, Nadine Boumah, est
propriétaire de quatre poissonneries à travers le Gabon et se fournit en
équipements chez nous depuis qu’elle a une boutique. Elle a compris l’histoire
du braquage mais concède uniquement à retirer sa plainte si nous lui remboursons
la moitié des cinquante millions qu’elle a remis à Ray comme avance pour sa commande.
Comme j’avais dit de toute façon, mon but n’est pas de libérer le petit. Tant
qu’à faire je pense que le petit tour au trou lui fera assez peur pour qu’il se
décide à réclamer l’aide de sa petite copine.
En ce qui concerne l’enquête
je ne suis pas du tout inquiet. Les soi-disant agresseurs des conducteurs vivent
tranquillement à Oyem après avoir livré la marchandise à bon port je leur avais
instruit. Et les conducteurs qui se sont fait agresser étaient aussi dans le
coup. Contre un pécule bien généreux, ils ont accepté de se faire rosser ici et
là pour rendre la chose plus crédible. Aucun d’eux n’est assez fou pour avouer,
car ils me connaissent. En dehors de ma boutique, mon nom n’inspire pas grand-chose
mais peu savent combien de relations j’ai.
***Macy WIYAO***
– Comment tu fais
pour tromper tes multiples copains et dormir paisiblement ? je demande à Aurore qui me répare la fermeture éclair
d’une robe que j’avais laissée dans ma pile à donner à cause de ce petit défaut
– Oh là je t’arrête
han, ce n’est parce que tu as tes cinq secondes du côté des tchoins que tu dois
m’associer à ça
– PFFFF ! toi-même tchoin ! ton corps sec comme une branche en plein harmattan tchoin ! ton….
– Ouais on a compris,
rigole-t-elle tout en tirant du fil pour en remettre dans son aiguille
Je lui lance un vêtement
sur la tête par dépit et soupire longuement. Quelques jours plus tôt, je suis
rentrée à Paris accompagnée de papa. Rien ne me préparait à ce que j’allais
trouver dans mon appartement. Non rien du tout. Mais c’est bel et bien dans ma
demeure que j’avais posé les pieds. Sauf qu’elle était remplie de pots d’hortensias
bleus. Mes favorites. Et Seb se tenait au milieu de la pièce, plus mignon et
frais que tout. Il m’a expliqué qu’il s’est tourné vers Aurore pour connaître
ma date de retour et m’a préparé cette surprise pour s’excuser de ce qui s’est
passé à Nairobi. Oui hein Kekeli a aidé Seb, qu’elle m’a toujours dit ne pas aimer.
À la question du pourquoi, elle a répondu que sa face de sabot de cheval le
fatiguait donc elle lui a filé l’info pour se débarrasser de lui. On sait que c’est
n’importe quoi right ? Je dis qu’elle
commence à l’apprécier. Et je ne vais pas faire mon hypocrite non plus. Le fait
qu’il se donne du mal pour s’excuser m’a fait fondre. En plus il a aussi
demandé à papa qui était avec moi, pourtant ce dernier n’était même pas au
courant. En plus des fleurs, il avait commandé une tarte de ma pâtisserie
favorite et papa le gourmand en a mangé la moitié le jour même. La culpabilité
que je ressens vient du fait que j’ai trompé Seb en si peu de temps. Je veux
dire, c’était la première fois qu’on avait réellement des problèmes. Bon avant je
lui reprochais un peu le fait que parfois je me sentais plus sa partenaire d’affaires
que copine mais ça, c’est parce que je voulais des attentions touchantes. Bien
sûr je parle de petits cadeaux mais surtout qu’il ne parle pas tout le temps de
travail quand on est sensé passer du temps en couple. On l’a facilement réglé
ce souci. Mais qu’est-ce que ça dit de moi si au premier pépin je me tourne
vers un autre ? Je ne me
pensais pas comme ça donc je suis perdu. Et puis cet autre aussi me fait de la
peine.
– Tu m’écoutes ou tu
continues à évaluer ta « puterie » ?
– Tu me dis quoi d’intéressant
couillon là ?
– Je te disais que l’intention
reste ce qu’on juge en premier et l’on ne peut pas vraiment dire que tu avais l’intention
de tromper ton sabot de cheval qui te sert de mec
– Méfie-toi
– Ton sabot de prince
c’est mieux ? Bref celui-là, donc vu que l’intention
n’y était pas et franchement un baiser, ce n’est pas assez croustillant pour
que tu oses te comparer aux grandes putes de renom. En plus ce n’est pas
communément dit ou accepté qu’un copain se doit être encourageant plutôt que
critiquant le style vestimentaire de sa copine ? Est-ce qu’il garde ce titre de copain alors qu’il a rompu sa part du
contrat ? Je dirai non. J’irai même
jusqu’à parler de vide juridique parce que les normes des relations ne s’appliquaient
plus quand tu as embrassé ce garçon
– Je jure maman tu
me fais peur quand tu t’y mets, dis-je mi amusée mi-sérieuse
– Et secundo, je ne
t’ai jamais présenté quelqu’un comme copain. Je fais des rencontres, parfois
des connexions, comme la vie n’est qu’un rassemblement de flux
– C’est ça, le
discours des grands promeneurs et promeneuses sentimentales
– C’est ça qui est
oh, la vie même c’est un voyage
Mon téléphone vibre, je le
prends et la bonne humeur que la folle d’Aurore avait réussi à installer s’envole
quand je vois le numéro d’Axel affiché
– Comment je l’éloigne
sans qu’il ne soit blessé Auroreuuu ? me plains-je
tout haut après avoir lu son gentil message qu’il envoyait pour me remercier d’avoir
envoyé une contribution via maman pour l’enterrement de son père
– Tu le bloques
– Malade ! j’ai dit sans le blesser
– Justement, il n’aura
pas fini de se questionner sur les raisons de ce blocage donc pas le temps d’être
blessé, dit-elle en mangeant la salsa de maïs accompagnée de barbacoa que j’ai
fait
– Tu es sauvage
comme le sparadrap collé aux poils
– Pas faux, je me
suis toujours dit que j’aurais fait une bonne Stella ou Sabrina
– Tchrrr, fais-je
avant de continue la lecture des autres messages qu’avait envoyé Axel
Il me questionnait bien
sûr sur mon retour au travail et si j’aimais mon nouveau poste
– Je suis encore en mode
apprentissage et honnêtement j’aime ça, et toi ? écris-je en retour
– J’ai repris le
travail aussi et ta mère me fait une vraie fleur en me laissant commencer à
temps partiel
– Tu le mérites,
avec tout ce que tu as sur la tête. Les préparatifs avancent bien ?
– Disons que oui. Les
faire-part ont été publiés. Mon frère est rentré. Plus qu’une semaine et nous
devrons dire le dernier au revoir. Je pense que c’est le retour à la normale
qui sera difficile. Parce qu’actuellement nous sommes quand même entourés mais
une fois que finit chacun reprendra le cours de sa vie. Je prie juste que maman
ait assez de courage pour ne pas s’effondrer parce que je ne le supporterai pas
– Je sais que c’est difficile
mais essaie de canaliser ton esprit pour qu’il n’aille pas là. Ça ne te fait
pas du bien surtout quand tu pries. Je prie aussi pour que vous teniez tous le
coup
– Tu me manques tellement
Macy. Je sais que ça fait cliché de le dire comme ça mais tes yeux m’inspirent
une tranquillité que je ne peux décrire. J’aurais aimé pouvoir te regarder en
ce moment et t’entendre me dire ça, je lis tout haut, le cœur lourd parce qu’il
se fait des idées que je ne partage pas
– Donne ça, dit
aurore en m’arrachant le cell quand j’ai un petit moment d’absence
– Rhooo mais redonne-le ! Putain donne-moi….
Elle s’était enfermée
dans les toilettes et malgré que je frappais tout en lui criant en panique de
ne pas faire de connerie, elle n’est sortie qu’une fois satisfaite.
– Je jure ma gueule
que si tu as…
– Ah tais-toi
là-bas, c’est toi qui te plaignais de te sentir enfermée dans une situation
inconfortable ou pas. Voilà ta solution, elle dit quand mes yeux se ruent pour
lire ce qu’elle a écrit
– Dans une autre vie
j’aurais aimé aussi te le dire en face Axel mais il se fait que la vie dans laquelle
je suis est déjà occupée par un homme avec qui j’ai un engagement. J’espère que
tu trouveras la bonne pour toi sinon en ce qui me concerne je n’ai que de l’amitié
pour toi
– C’est quel message
froid ça ? répondis-je
– Bah faut savoir ce
que tu veux hein. Ou tu veux être la copine du sabot de cheval, ou tu veux être
la princesse de Cendrick
– Cendrick ? Tu es sérieuse ?
– C’est un bon masculin
de Cendrillon je trouve. Kendrick, avec un C quoi
– Bref… raaaah
Aurore il a lu mais toujours pas répondu
– Je répète, le
prince en allant voir Cendrillon ne s’est pas arrêté pour tirer un coup avec
Rosetta. Il avait un choix, une mission unique
– HOOO il a répondu,
je m’écrie et l’ouvre avec crainte. Je n’ai reçu qu’un pouce. Aurore il me
prend pour une tchoin !
– On s’en fout il ne
paie pas le loyer, elle répond tout en reprenant sa couture
***Elikem AKUESON***
Ce n’est pas mon habitude
de poster ce que je fais. J’en vois rarement l’intérêt et comprends encore
moins les choses comme Snap. En matière de réseaux sociaux, j’admets que je ne
suis pas très fute-fute bien qu’Océane ait essayé de m’initier. Ce que je
pensais envoyer comme vidéo à ma sœur s’est retrouvé ailleurs et Ray a vu ce
masseur me secouer le corps comme si j’étais un gros sachet d’eau. En
regardant, je peux comprendre que ça l’ait choqué. Ce n’est inconnu pour
personne qu’il est possessif avec moi et jamais je n’aurais fait un truc comme
ça si nous étions en bons termes. Je veux dire recevoir un massage aussi intime
par un homme.
J’étais en colère et je ne
décolère toujours pas. Un sticker pour mon anniversaire. C’est le jour là que j’ai
booké ce voyage à Atlanta où je suis encore avec Océane. Demain c’est le retour
aux choses sérieuses. Cette dernière soirée, nous la passons à l’hôtel. Le mot
d’ordre c’est repos. Océane a passé la matinée à descendre des cocktails donc
elle s’est endormie sur ma cuisse. J’ai mis un film pour me distraire, mais je
cause avec Tchaa qui est trop en mode bébé. Ils n’ont même pas encore adopté,
mais il a déjà commandé le berceau de son enfant. Ce type c’est la
personnification de la préparation et l’excitation facile. Comme il est heureux,
c’est comme ça qu’il me communique facilement sa joie.
– Assez parlé de
moi, demain c’est le retour aux choses sérieuses, me dit-il
– Yep, et sans
mentir j’en ai besoin. Rien de tel pour discipliner mon esprit maso quand l’autre
n’a le temps que d’un sticker
– Ce n’est pas que
je veux l’excuser…
– Quitte là-bas,
quand tu commences comme ça on sait où tu finis. En plus papa l’a appelé il y a
trois jours pour lui donner le contact du directeur d’Interpol Gabon. Tu sais
ce qu’il a fait ? Il n’a pas décroché ! Comme c’est lui le plus fâché au monde. Quelqu’un
prend son temps pour lui venir en aide et il ignore ses appels comme il a bien
ignoré mes messages. Tu veux me dire quoi pour l’excuser maintenant ? Je sais aussi me fâcher hein. Mais le mot qu’on
appelle respect ce n’est pas pour les cochons
– Hum le frère aussi.
En tout cas, je ne peux pas expliquer pourquoi il m’est quand même sympathique
– Il t’a cogné tu as
oublié
– Je lui ai
retourné. En langage masculin ça veut dire que nous sommes quittes
– Bref laissons-le dans
son « fâchement » et avec ses stickers. Le prochain rendez-vous à
l’orphelinat… , commençai-je le cœur serré quand même en pensant au tournant
actuel de ma vie. Pourquoi l’homme que j’aime doit être si dur à vivre ?