Aminata Gnon KADIRI

Ecrit par Phénix

Le délégué : Pour tout l’établissement à mon commandement Repos ! Garde à vous !

Attention pour la montée des couleurs ?

 

Nous : Prêts !

 

Le délégué : Envoyez !

 

En silence nous regardons le symbole de notre pays monter en flottant fièrement.

 

Le délégué : toutes les troisièmes exécutent l’hymne national à haute et intelligible voix. Enfant du Bénin debout ! Deux, chant

 

NOUS : (Chantant en cœur)

Enfants du BENIN debout !

La liberté d’un cri sonore

Chante au premier feu de l’aurore

Enfants du BENIN debout !

Jadis à son appel

Nos aïeux sans faiblesse

Ont su avec courage, ardeur, pleins d’allégresse

Livrer au prix du sang

Des combats éclatants

Accourez, vous aussi, bâtisseurs du présent

Plus fort dans l’unité chaque jour à la tâche

Pour la postérité construisez sans relâche .

 

Je jure qu’un musicien ne peux pas nous accompagner. Les gens appelle ça chanter ? Il y a des gens vraiment hein, tu sais que tu n’as pas une belle voix, tu sais que tu chantes plus faux que faux. Mais c’est toi qui hausse la voix, c’est toi qui chante à tue-tête. Ça c’est quoi ? L’école Béninoise a vraiment besoin des classes culturelles. Il faut vraiment qu’on change les choses. Sinon, c’est la cata

A la fin de l’hymne national, le censeur nous a donné les informations qu’il y avait à son niveau et ensuite nous avons rompu les rangs. Chacun s’est dirigé vers sa classe en silence.

 

Waïdy : Eh wendia ka nin dor. (Demoiselle viens ici !

 

Moi : ….

 

Waïdy : Nsu man non ? (Tu n’entends pas ?)

 

Moi : ( continuant d’avancer)

 

Waïdy : n’bouté zannn krousou bouté. (Tes fesses comme les fesses du cochon)

 

Je l’ignore royalement et vais m’asseoir à ma place. C’est quand je vais lui tailler d’importance qu’il va se gonfler. Si je parle, les gens vont encore dire que oh, Amina tu aimes trop insulter les gens. Regardez-moi aussi quelqu’un. C’est toi qui tends encore la main chaque matin à tes parents. C’est toi qui est incapable de t’acheter un slip si ta mère ne le fais pas. Et tu oses draguer femme. Vous-même voyez ce lourd comportement. Lui Waïdy là, pas plus tard que le mois passé, il a mis une fille enceinte, une petite vendeuse de tomate. Une toute petite fille à peine quatorze ans hein ! La petite a dit que c’est lui. Mais lui et ses parents ont traité la pauvre fille de menteuse. Ils l’ont chassé comme un animal. Et c’est un type comme ça qui va me dire eh Wendia, et moi Amina je vais m’arrêter ? En plus le mec n’est même pas beau. Il a trop la tête d’un boucher. Je ne sais même pas ce qu’il vient chercher à l’école. Un vieux père de vingt ans qui est en troisième. Au vingt et unième siècle. Bref, je m’en fous de lui.

Ce matin, nous avons trois heures de français et une heure d’informatique. Je sors mon cahier de cours au moment où le prof, un petit vieux tour fripé. Voilà encore un problème. Le type est fatigué mais il cherche encore l’argent. Il ne veut pas laisser la place aux jeunes.

 

Mr BASSA : Mesdemoiselles et messieurs, bonjour

 

Nous : Bonjour monsieur.

 

( Des heures plus tard)

 

Moi : Bye Sophie. A demain

 

Sophie : laisse-moi ranger mes cahiers et je te raccompagne au bord de la voie.

 

Moi : Non, ne te gêne pas. Il me faut même presser le pas si je ne veux pas arriver après mon père. C’est le début de la semaine. Je dois éviter de le mettre en colère.

 

Sophie : (soupirant) D’accord. File alors. A demain

 

Moi ; A demain Sophie.

 

Je sors de la concession des AFOGNON en pressant les pas. Il est dix-sept heures trente cinq et je dois être chez moi au plus grand tard à dix-huit heures. Sinon, j’aurai des problèmes avec mon père. Lui, il rentre toujours à dix-huit heures. Pourtant ce n’est pas ma faute si je suis souvent en retard à la maison. Mon collège est très loin de ma maison. Dieu merci cette année, Sophie a une moto et parfois elle me raccourcit le chemin. Sinon, c’est à plus d’une heure trente de marche ardente. Ce soir je me suis arrêtée chez Sophie pour faire mes exercices avec elle, vu que le professeur de maths a prévu une interrogation pour demain. Je ne suis pas très bonne en mathématiques. Moi j’adore les langues. Le français et l’anglais je suis championne. Je suis toujours la meilleure dans ces matières. Mais les matières scientifiques, zéro à la barre, si j’ai trop travaillé c’est cinq sur vingt. Donc, Sophie m’aide en maths-physiques et moi en retour je l’aide en Anglais. Nous sommes toutes les deux en classes de troisième au Collège d’enseignement Général de Titirou à Parakou. Moi je vis au quartier Zongo. A quelques pas de ma maison, il y a un collège. Mais mon père a refusé de me faire le transfert. Il dit qu’il n’a pas d’argent à gaspiller. A l’époque où j’ai passé mon certificat d’études primaire (CEP) , nous vivions à Titirou, dans le carré familial, donc c’était tout naturellement que j’avais choisi le collège de mon quartier pour continuer mes études. Je ne sais pas ce qui s’est passé mais un jour, papa a dit qu’on déménageait et nous sommes partis. J’aurais pu rester là avec mes oncles mais papa nous a formellement défendu d’aller même visiter le reste de la famille. Je ne sais pas le problème qu’il a eu avec eux.

Mon père est quelqu’un de spécial. Il ne sourit jamais, il ne rit jamais. Il ne discute jamais avec moi, ni avec maman. Il ordonne et nous exécutons. Il a sa chambre et personne n’y a accès. Même pour balayer, il le fait lui-même. Mon père est un éternel insatisfait. Il critique tout, gronde pour tout, distribue des gifles à volonté même à maman. Il trouve des erreurs dans tout ce qu’on fait. Parfois il nous traite d’erreurs, maman et moi. Chez nous, c’est le camp militaire. La popote c’est deux mille francs par semaine et il exige de manger de la viande trois fois dans la semaine. J’ai souvent pitié de ma mère. Elle doit tellement aux gens dans le quartier. Parfois je lui demande de se rebeller. Mais elle dit que ça ne se fait pas de se rebeller contre son mari. Que Allah punit cela. Allah lui-même ne voit-il pas la souffrance de sa servante ? Pourquoi ne lui vient-il pas en aide ?

Ma mère pour joindre les deux bouts vend les ignames frites avec beignets d’haricots communément appelés Kóló en langue Dendi et de la bouillie de mil. Mais chaque fois qu’elle commence par se faire un peu d’économie, mon père crée une situation et elle lui donne tout son argent. Ça me révolte tellement.

Pour être sincère, je n’aime pas mon père. Et il faut dire qu’il n’a pas envie qu’on l’aime. Son absence est plus appréciée que sa présence. J’aurais aimé avoir un frère ou une sœur. Mais ma mère a eu des complications à ma naissance et on a dû lui retirer son utérus. Quand papa veut être méchant, il la traite d’incapable, d’inutile.

Je regarde ma montre et accélère le pas. Sophie habite au quartier Wansirou. Pour aller chez moi depuis chez elle il me faut environs trente minutes si je suis vraiment rapide. Je suis obligée de me mettre à courir, je n’ai vraiment pas envie de me prendre des gifles ce soir, pardon.

Quand j’arrive à la maison toute essoufflée, la moto de mon père est garée à sa place et j’entends la télé au salon. C’est cuit pour moi. Je regarde une nouvelle fois ma montre qui affiche dix-huit heure sept minutes. Je murmure un « Allah protège-moi » puis j’entre au salon. Mon père est assis, face à la porte d’entrée.

 

Moi : (génuflexion) Bonsoir papa.

 

Papa : tu sors d’où ?

 

Moi : de l’école papa.

 

Papa : ( commençant à crier) Tu penses que moi je n’ai jamais été à l’école ? Tu penses être la seule à avoir fait la troisième dans ta vie ? J’ai fait cette classe depuis trente ans ! Tu étais où ? Tu veux te cacher derrière l’école pour te dévergonder n’est-ce pas ? Dans la maison de qui ? Moi Séni ? Moi le digne fils de mon père ?

 

Moi : …

 

Papa : Ce n’est pas à toi que je parle ?

 

Moi : (la tête baissée)

Il ne faut surtout pas répondre à mon père quand il te cherche les poux, sinon, tu vas déguster. Je reste donc debout jusqu’à ce qu’il déverse sa colère. Puis d’un ton très méprisant il me renvoie.

 

Papa : De toutes façons, les femmes ne servent qu’à faire la cuisine et laver le linge. Je ne sais pas pourquoi je continue de t’envoyer à l’école. Bientôt je trouverai la solution ne t’inquiètes pas. Disparaît de ma vue.

 

Je me hâte de quitter devant lui en allant dans la chambre que je partage avec ma mère. Je trouve cette dernière assise sur la natte qui nous tient lieu de matelas.

Une simple natte alors que mon père à deux matelas qu’il a superposé pour y dormir. Si ce n’est pas de la méchanceté.

 

Maman : Tu rentres tard aujourd’hui Amy. Tu veux mettre ton père en colère ?

 

Moi : Maman s’il te plaît. Ne fais pas comme si tu ne savais pas que l’école est très loin. Si Sophie ne me prenait pas sur sa moto, j’allais faire comment pour rentrer ici à dix-huit heures ? J’ai demandé qu’on me change de collège, ton mari a dit non qu’il ne va pas gaspiller son argent. Moi sa fille unique. Il refuse de dépenser son argent pour moi. Alors je fais de mon mieux. Marcher de Titirou jusqu’à Zongo et même toi tu n’as pas pitié de moi maman. Tu trouves cela normal ?

 

Maman : (Soupir) Amy…

 

Moi : (aux bord des larmes) Quand est-ce que tout ceci va finir hein ? Quand est-ce que j’aurai un peu de joie dans cette vie ? Je vois les papas de mes amis. Je vois comment ils sont bien avec leur enfant. Qu’ai-je fait moi pour mériter cela ? Dis-moi la vérité maman ! C’est vraiment lui mon père ? Hein ?

 

Maman : ton père est comme il est mais il t’aime et tout ce qu’il fait, c’est pour ton bien. Sois reconnaissante à Dieu d’avoir un père. Il y a des enfants qui n’en ont pas.

 

Moi : J’aurais préféré ne pas en avoir alors.

 

Maman : Assafroulaye ! qu’Allah nous en garde ! Ne dis plus jamais une chose pareille tu m’entends ? qu’Allah te pardonne. Tu devrais faire tes ablutions pour rattraper tes prières.

Elle se lève et sort de la chambre en me laissant avec ma colère.

Un jour je grandirai et je jure qu’aucun homme ne me traitera comme mon père traite les femmes. Ils me respecteront tous. Je le jure.

Je m’appelle Amina KADIRI. J’ai quinze ans. Je suis dendi de Djougou. Même si je ne suis jamais allée là-bas. Je suis enfant unique. Tout mon rêve c’est de quitter cette maison où l’on ne rit jamais, où on ne peut pas être heureux. Je vais m’en aller un jour. Un jour très proche.

LES PERIPETIES D'AMI...