Bonjour M. Antoine
Ecrit par M. Faith
BONJOUR
M. ANTOINE
Trois
coups toqués à la porte et une voix me dit d’entrer.
Bonjour
monsieur, vous avez demandé à me voir… Aucune réponse.
Dans
son siège, la tête dans ses dossiers monsieur ne semblait guère préoccupé par
ma présence. J’ignore exactement quelle attitude adoptée, du coup je me plonge
dans la contemplation des lieux. La décoration d’intérieure, peut-être
aurais-je dû ou devrais-je l’étudier…mais non, il est indéniable que j’aime le
beau, mais je suis de la team improvisation plutôt que planification pointue,
toujours à faire les choses au feeling, comme je les sens. Une plus grande
rigueur serait absolument requise pour ce boulot. Cependant je fais quand même
de la traduction et de l’interprétation donc les détails ça me connaît. Si je
m’y donne je serai une excellente décoratrice d’intérieure, je m’invente
naturellement des excuses poussées par la peur de ne pas être à la
hauteur ; la peur de l’échec. Ah tiens, mais quel beau tableau !
Trois femmes africaines avec des turbans orange accentuant la beauté de leur
peau ébène, silhouettes raffinées, canaris sur la tête, la beauté de la nature
les environnant..
M.
Antoine : vous êtes toujours aussi distraite ?
En
un éclair je fus coupée de mes rêveries. Son ton est empli de reproche, je
dirais même méprisant. J’ai fais quoi moi ?
Moi :
Euh excusez-moi, je contemplais juste votre peinture.
M.
Antoine : Je ne vous ai pas faites venir pour ça.
Quelles sont ces manières ? Je n’ai
souvent pas entendu grand-chose à son
sujet si ce n’est son pointillisme et perfectionnisme ; qu’évidemment
secrètement je louais, c’est une variable importante, sine qua non dans notre
métier. Interprète, il voyage tout le temps et n’est souvent jamais là. Son
associé M. Séidou s’est plutôt spécialisé en traduction pour entre autres la
vie moins agitée que cela lui offrait. Et c’est d’ailleurs lui qui a validé mon
recrutement et j’en passe. Hier c’était la première fois que tout le personnel
au complet fût présent pour une réunion donc évidemment votre
« boss » aussi. Est-il nécessaire de préciser que pour un bon nombre
c’était notre première fois de le rencontrer en situation réelle ?
Ces
deux mains désormais entrecroisées il continua :
Antoine :
Votre présentation d’hier c’était de l’à-peu-près. Il va falloir vous
reprendre.
Je
ravalai ma salive. Mon cœur battait désormais la chamade. La contemplation
était bel et bien terminée pensai-je.
- Je vous retire du projet de traduction
du livre d’Harold Green.
-
Mais monsieur je..
-
Évitez de m’interrompre. J’aime qu’on
m’écoute jusqu’au bout. Bien, en lieu et place vous vous chargerez de me
traduire ce document. Il le glissa sur son bureau vers moi. Je le veux pour
demain matin.
-
Demain matin ?! M’exclamai-je
naturellement choquée.
-
Oui c’est ce que je viens de dire.
-
Monsieur c’est un document de 50 pages
et on est déjà dans l’après-midi aujourd’hui.
-
Ne seriez-vous pas entrain de me dire que
vous n’êtes pas qualifiée pour le travail ?
-
Mais si, je demande juste un temps de
travail raisonnable.
-
Demain sur mon bureau.
Je n'en croyais ni mes oreilles ni mes sens et mes yeux. Je pris le document et sorti
en trombe. Oh la mais la prétention ! Qu’est-ce que tout ce
scénario ? Il se croit vraiment dans un film américain en mode mission
impossible ? On est au Bénin ici oo. Oser sortir de nulle part et mépriser le travail de ceux qui
ont assuré les projets et l’évolution de ta boîte on appelle ça comment ?
Comment je traduis ce truc en moins de 24h moi ?! Il m’énerve !
Grâce :
Haayi il s’est passé quoi ?
J’ai contourné mon bureau pour prendre siège.
Moi : Ma sœur je comprends que dal.
Grâce : Explique.
Moi : Monsieur le patron me retire le projet d’Harold Green !
Grâce : C’est pas vrai.
Moi : Tu parlais de promotion ? hahaha mon œil, le gars me dit
(mimiquant sa voix) « votre travail c’est de l’à-peu-près ».
Grâce : Il est sérieux ?
Moi : En tout cas j’ai hâte qu’il retourne en voyages intempestifs si
c’est pour pourrir l’atmosphère ici.
M.
Antoine : Je suis navrée que votre désir ne puisse se réaliser. Je suis
ici pour un bon moment, histoire de remettre le train sur les rails.
Il
faisait quoi là ? C’est la question à laquelle mon cerveau essayait de
répondre pendant que mon corps entier restait figé.
J’étais
entrain de considérer votre requête mais du temps vous en avez apparemment à
foison. Quand vous aurez fini de rapporter, appliquez votre cours de gestion du
temps, vous en aurez besoin. Il répéta à haute voix en s’éloignant de notre
bureau « Demain sur mon bureau ! ».
Grâce :
Tu es dans pain.
Moi :
Merci de m’informer.
Grace : Sarcastique va !
Mieux je m’y mets.
Dring Dring Dring !
Seigneur
mes yeux, ils piquent et c’est évidemment le signe que j’ai besoin de plus de
sommeil. 30 minutes, c’est le temps pendant lequel j’ai fermé l’œil de toute la
nuit. Si j’ai achevé la traduction ? A moins d’être devin je ne pense pas
que quelqu’un puisse y arriver hein. Suis-je effrayée ? Je ne sais pas trop. Comment
cacher toutes ces cernes ? Pour quelqu’un qui ne sait même pas se
maquiller. Encore un autre challenge ce matin.
1
heure plus tard dans mon bureau:
Le
téléphone qui sonne.
Estelle :
Allô ?
M. Antoine: How many pages is the paper I gave to you ?
(Le
document que je vous ai remis fait combien de pages?)
Estelle :
Fifty
sir.
(Cinquante monsieur).
M. Antoine: How is that that I only got half of it on
my desk?
(Comment
se fait-il que je n’en compte que la moitié sur mon bureau?)
Estelle: Because...I’m still working on the paper sir.
(Parce
que…je n’ai pas achevé la traduction monsieur).
M. Antoine: So where is the other half?
(Où
se trouve la suite du document?)
Estelle: I’m working on it. Right now.
(J’y travaille actuellement).
M. Antoine: I want it by the end of the day.
(Je
le veux à la fin de la journée.)
Je
m’attendais à ce que sur ce, il me raccroche au nez. Mais non il attendait
fermement un « d’accord » à l’autre bout du fil.
Estelle :
Roger that.
(Bien reçu).
Grace :
Ah ça ! Le patron et toi vous switchez le code aisément comme ça deh !
Estelle :
Hayi mais toi là même tu es comment ? Tu n’attends même pas que je
raccroche ?
Grace :
Ah laisse seulement j’ai entendu, il avait déjà raccroché.
Estelle :
Moi je suis épuisée, j’ai sommeil. J’ai besoin de 30 bonnes minutes de sieste
pour continuer. Et TU vas me couvrir fis-je avec un sourire malicieux.
Grace :
Ne comptes même pas sur moi. Je ne cherche pas les embrouilles.
Estelle :
Nazali na embrouilles, j’ai besoin de fermer l’œil. On parle d’une traduction c’est
un travail de détail, ce n’est pas un truc qu’on bâcle à la va-vite. Je connais
mes droits et je sais qu’il abuse mais en même temps ce n’est pas une mission
impossible raison pour laquelle je ne monte pas sur mes grands chevaux.
Grace :
T’as des chevaux jusqu’à ils sont grands.
Estelle :
Hahahahah rires.
Grace :
En tout cas ça va chauffer pour nous tous hein. Peut-être même qu’il a mis nos
bureaux sur écoute.
Estelle :
Ah ce serait un acte trop poussé. Mais qu’il mette pendant qu’on y est. Je tâcherai
de le critiquer à tout bout de champ.
Grace :
Parle seulement !
Estelle :
Tu fais comme si tu ne me connais pas. Abeg je fais un tour et tu sais déjà quoi dire si on me cherche.
Grace :
Tchrruuuumm
Est-ce
que son tchruuuum me dit même quelque chose ? Noon sommeil la seulement je
vais dja ça propre.