Brisé
Ecrit par Aura
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J’ai le cœur brisé et en lambeaux devant ce spectacle qu’ils m’offrent tous les deux. J’ai les mains moites comme si j’avais touché une tonne de craie comme un enseignant du primaire. Je transpire à grosses gouttes alors qu’il fait frais, les pièces sont aérées et nous sommes en plein automne. D’un coup et pire encore, j’ai la tête qui tambourine comme si mon cerveau allait sortir de ma tête. Mes yeux picotent et une boule se forme au niveau de ma gorge. Jamais je ne l’avais encore dit, mais j’ai envie de pleurer, pire j’ai envie de crier ma douleur. Le spectacle qui s’offre à moi est affreux, mais surtout, il est comme un poignard en plein cœur au point où je suis soudainement pris d’un violent vertige. J’essaies de m’appuyer sur la table qui se trouve à côté de moi pour ne pas m’écrouler, mais je la rate complètement et je me retrouve presque à terre. En deux grandes enjambées, Vincent qui s’est rendu compte de mon étourdissement, se précipite vers moi, ce qui éveille la curiosité des personnes présentes autour de nous.
Quand je tourne mon regard en direction du traitre de l’affaire, je le trouve en train d’embrasser goulûment cette idiote comme si sa vie en dépendait. Là, j’ai l’impression de recevoir une vraie décharge électrique. Je crois rêver, mais la réalité est frappante comme une gifle en plein visage. Mon malaise redouble d’intensité, que Vincent semble très inquiet. Je le rassure que tout va bien, mais il ne cesse de me questionner sur mon état de santé. Je prétexte un coup de fatigue. Alors avec son aide, nous nous rendons dans une autre pièce où le buffet est servi pour la circonstance. Là, il m’installe sur une chaise qui trône et me sert un verre d’eau fraiche. Je l’avale d’une traite tout en le gratifiant pour son geste. Après s’être rassuré de la stabilité de mon état, il s’en va rejoindre les invités, me laissant seul, brisé, troublé, plongé dans mes pensées.
Le cœur a ses raisons que la raison ne connait pas dit-on. Oui c’est vrai, je l’admets. Ce proverbe est exact et il coïncide très bien avec ce que je ressens. Mon cœur tout entier aime cet homme, il a fait de lui une prière d’adoration, une idole, un dieu. Je ne pourrai me le cacher, car c’est la stricte vérité. Ma vie toute entière ne tourne qu’autour de lui. Je respire, je mange, je rêve, je n’espère que lui. Oui je l’aime, tel qu’il est, avec ses qualités et ses défauts, avec ses perfections et ses parfaites imperfections, avec sa grande intelligence et son assurance, avec sa négligence et sa suffisance. Bref, je l’aime c’est tout…mais, je ne peux pas accepter cet affront.
Je regarde cet homme et je ne le reconnais pas. Aimer ne veut pas dire qu’on foule aux pieds vos sentiments, qu’on vous humilie ou qu’on vous traite comme un mendiant. Je ne peux le tolérer, même venant de lui. Le respect est fondamental pour moi et il le sait, alors au-delà de l’amour et de la relation que nous entretenons, il devait au moins avoir de l’estime pour moi. Emmener cette femme ici à ma soirée prouve à suffisance non seulement qu’il ne m’aime pas, mais encore qu’il n’a aucun respect pour moi, alors cela je ne peux pas l’accepter ni le supporter. Mon cœur cogne dans la poitrine et ma tête est prête à exploser. J’ai tout de suite un haut le cœur au point de chercher à aller gerber, mais je me contiens. Je ne veux pas gâcher cette soirée en mon honneur. J’ai assez peiné pour en arriver là, alors je préfère penser à cette belle récompense que mon travail m’a offerte.
Comme j’aimerai que ces toiles ne fassent pas allusion à sa personne. C’est la seule chose que je regrette. Il ne le mérite pas. Si je savais, j’allais peindre des fous ou encore des pots de fleurs, mais en aucun cas ce triple idiot. Je respire un coup et m’en vais rejoindre Vincent et un autre groupe de personnes qui s’intéressent à mes toiles. Vincent me signale que la plupart des toiles ont été vendues. Il n’en reste plus que quelques-unes. La nouvelle me réchauffe le cœur, car au moins je pourrais me débarrasser de toutes ces images de lui et me servir de cet argent pour m’autonomiser. Oui, je ne pourrais plus dépendre de lui sur le plan financier. Je sais que cela me demandera du temps pour le rayer de mon cœur, mais je veux pour une fois gagner de l’argent à la sueur de mon front et m’occuper entièrement de moi-même. De cette manière, je cesserai de développer une dépendance affective à son égard.
La soirée se poursuit et je fais le tout pour ne pas me retrouver dans la même pièce que ces rigolos. Cela me permet de tenir au moins, mais aussi de me concentrer davantage sur mon travail. Les heures passent et je crois avoir réussi mon coup lorsque je tombe nez-à-nez avec eux. Là j’ai l’impression que la terre va s’ouvrir sous mes pieds et que mes jambes vont se dérober pour tomber finalement à l’intérieur. Mais les deux ne se doutent pas de mon malaise, trop concentrés à se raconter des sottises je suppose. Finalement je les regarde longtemps jusqu’à ce qu’ils décident de se séparer un moment. Là, c’est la connasse qui lance :
- Ken ?!! Toi ici ? Quelle bonne surprise ! Je me demande ce que tu fais ici dit-elle avec un ton enjoué.
- Je pourrais bien en dire autant sur toi lançai-je avec toute la froideur possible.
- Oh quel comique !!! Tu es toujours aussi drôle. Allez dis-moi, que fais-tu ici ?
- Tu es détective à présent ?
- Non, pourquoi ? Et pourquoi adoptes-tu un ton aussi glacial ?
- Je n’en sais rien, c’est toi seule qui le remarque.
- Hum ! Ok si tu le dis. Alors que fais-tu ici ?
- La même chose que toi.
- Allez sois sérieux pour une fois. Que fais-tu à Paris ?
- La même chose que toi.
- Ben moi c’était pour les vacances.
- Alors ce sera la même chose pour moi.
- Et puis j’ai assisté à la sortie de mon livre.
- Ah c’est bien.
- Quoi tu n’es pas fier ?
- Est-ce obligatoire de l’être ?
- Grrr grogne-t-elle. Tu vois, c’est toujours pareil avec toi. On essaie de discuter, toi tu veux toujours te comporter d’une drôle de manière. Qu’est-ce que ça me saoule ?
- Et ben vas te pendre si ça te dérange. Et ce serait tant mieux parce que je pourrai continuer à faire mon travail comme il se doit.
- De quel travail tu parles ? Celui pour lequel tu te tournes les pouces toute la journée à ne rien faire. Comme tu es drôle.
- Tant mieux ! Je suis toujours un incapable, un déchet à tes yeux. Si on pouvait me jeter c’est que tu l’aurais fait.
- Bravo, tu as pu lire dans mes pensées. Dis merci à la génétique pour nos liens de famille qui nous rapprochent car sinon, je t’aurai jeté comme un vulgaire objet. Merde.
- J’avais oublié qu’il suffit que tu ouvres ta bouche pour que tu déverses ton venin sur tout ce qui t’entoure. Je plains ta vie frangine.
- Moi la tienne me dégoute.
- Alors autant mieux déguerpir de mon exposition.
- Ex…expo quoi ?
- Exposition sœurette !
- Je crois que tu rêves debout. Dis à ton fournisseur de drogue qu’il fasse sécher son herbe parce que tu délires trop à présent.
- Tant mieux ! Mais regardes l’affiche qui se trouve à l’entrée quand tu seras sortie et merci pour ta venue.
- Je t’en prie petit-frère. Et un conseil, diminue ta dose, ça ne t’aide pas. Marc on y va !
Il reste stupéfait.
- J’ai dit on y va reprend-elle.
Le salopard me jette un long regard que je prends la peine de soutenir, avant qu’il ne suive cette pestiférée comme un vrai toutou. N’importe quoi ! Qu’ils aillent se faire foutre, y’en a marre de leurs tronches de zigotos…..