Ça suffit!
Ecrit par Badgalkro
Frédéric TIENTCHEU
Il est 6h30 lorsque je pousse un long soupir en m'affalant sur le fauteuil de mon bureau. En prêtant le serment d'hippocrate je savais trop bien à quoi m'attendre. Mais là, je suis épuisé à n'en plus tenir débout. Il y a des jours comme ça et c'est parce que j'aime mon travail que je ne m'éclate pas la tête contre cette table.
Frédéric TIENTCHEU, 33 ans. Je ne me présente plus, votre parente en a assez fait. Je reconnais que je suis une racaille de la pire espèce, qui aime sa fille malgré
tout. Sa mère a fait du bon boulot avec elle. Je lui en suis reconnaissant. Lorsque je la regarde, j'ai envie de me tirer une balle tellement j'ai été con par le passé.
Aujourd'hui, je ne perds aucune seconde avec elle. Je profite au maximum car je sais quand elle apprendra ce qu'il s'est passé ce jour là, elle me détestera.
(sonnerie de téléphone)
Moi: pitié ! Faites que c'est personne d'important.
Je soupire de fatigue en me redressant pour attraper mon téléphone posé sur la table. Mon visage s'illumine soudainement, c'est le nom d'iris qui s'affiche.
Moi: oui chérie
Coralie : Frédéric tu peux venir à la maison stp, Iris ne va pas bien et désire te voir
D'un bond je me lève
Moi: quoi?! OK... Ok... Je me mets en route là
Clic !
J'enlève rapidement ma blouse que je balance sur le dossier du fauteuil, je récupère clés et téléphone puis je sors en catastrophe. Heureusement pour moi, mon service est terminé.
Du centre ville à Jouvence, je mets 20 min pour arriver. Devant le portail je klaxonne , le gardien vérifie mon identité et m'ouvre . Je me gare dans la cour, prends ma trousse de secours puis je sonne. La dame de maison m'ouvre la porte.
Moi : bonjour Sophie. Elles sont où ?
Je dis avec empressement
Sophie: dans la chambre de la petite, je vous y conduis.
Premier étage, deuxième porte à gauche elle frappe à la porte, Coralie de l'intérieur lui demande d'entrer. Sans attendre qu'elle m'annonce, je pénètre dans la pièce.
Moi: suis là mon bébé
Iris: papa, tu es venu...
Elle est allongée sur son lit, une main posé sur son ventre et le visage plié de douleur.
Moi: qu'est ce que t'as ?
Je prends place près d'elle en lui tenant la main libre, elle est brûlante. Je regarde les deux autres personnes présentes dans la pièce, Coralie et celui qui doit être Gabriel.
Coralie : elle a fait de la diarrhée avant l'appel de tout à l'heure
Moi: sa température aussi doit être élevée, elle est un peu brûlante. Tu as mal au ventre ?
Iris: hier j'ai sûrement fait beaucoup de mélange mais au Club je n'ai bu que de l'eau.
Au quoi?
Gabriel : Iris !
Je me tourne vers Coralie
Moi: c'est quoi cette histoire de Club ?
Coralie: hier nous étions au RED, mais nous n'avons pas mis long
Moi: d'où ça te pique d'emmener une gamine de 14 ans dans ce genre de lieu ? Qui plus est ma fille ? Tu sais au moins ce que cela peut entraîner comme conséquence?
Coralie : elle n'a bu que de l'eau, j'y ai veillé. Si elle est dans cet état c'est pas à cause du RED.
moi: non mais tu t'entends? Quel soit dans cet état à cause du RED ou pas, tu es quel genre de mère à agir ainsi? Elle n'a que 14 ans
Moi: je ne te permets pas de me faire des reproches sur comment élever ou pas ma fille. Nous étions très bien sans toi. Je m'ensortais très bien avant toi aussi... Alors ne m'insulte pas.
Sans comprendre comment j'élève la voix
Moi: je suis présent aujourd'hui. Et je ne vais pas tolérer ce genre de folie.
Gabriel près d'elle lui tient le bras comme pour la calmer
Coralie (très calme) : tu ne cries pas sous mon toit.
Moi: avoue que tu as été irresponsable sur le coup, et je n'aimerais plus que cela se répète. C'est pas mon enfant que tu vas embarquer dans tes histoires quand bon te chante
Coralie : non mais, tu te prends pour qui ? 3 ans dans sa vie et tu mérites la palme du père modèle c'est ça ?
Iris: vous allez arrêter?
Nous nous tournons vers elle.
Iris: ça fait 3 ans que je vous regarde vous crier dessus. Vous n'en avez pas marre ? Vous vous êtes demandé si cela m'affecterait ou pas ? Je ne suis pas ta fille maman, je ne suis pas ta fille papa. Je suis votre fille. Vous pensez peut-être que moi je ne souhaite pas avoir des parents qui s'entendent?
Coralie : Iris, tu ne sais pas...
Iris: chaque jour je ne sais pas maman, chaque jour je devrais laisser tomber.
Elle est en larmes
Iris: tu ne perds jamais une occasion pour te disputer avec papa. C'est toujours toi qui lance des piques, c'est toujours toi qui est méchante avec lui. Je n'en peux plus. Et si ça doit toujours être comme ça, je vais aller vivre avec lui.
Coralie : quoi ? Non, tu peux pas me faire ça
Gabriel : Iris, calme toi stp
Elle se lève et va se mettre à faire sa valise en pleurant. Je vois Coralie me regarder les yeux brillants de larmes.
Moi: chérie écoute, tu ne peux pas laisser ta maman toute seule.
Iris: tu es bien tout seul non?! Elle peut rester toute seule aussi.
Moi: IRIS!!!
Elle stoppe ses mouvements et me regarde. J'ai peur de la conséquence de cet acte. Si elle part avec moi, Coralie ne m'adressera plus jamais la parole, même pour le strict minimum.
Moi: reste avec maman. On toujours bien géré comme ça depuis que je suis revenu. Reste avec maman chérie
Iris: non papa
Coralie éclate en sanglots
Iris: je suis fatiguée de la voir te traiter ainsi...
Elle continue à faire ses valises
Iris: je suis prête.
C'est à contre cœur que je porte ses valises pour ma voiture. Coralie est restée en chambre, sûrement pour pleurer son soûl. Gabriel est dans la cour avec nous.
Gabriel : tu vas la conduire à l'hôpital ?
Moi: oui. J'enverrai un message à sa mère pour l'informer de ses résultats.
Je vois Iris se jeter dans les bras de Gabriel.
Iris: on se verra han ?!
Gabriel : bien sûr ma lionne. Tu es dans la ville. Toute façon, si tu as besoin de moi tu m'écris.
Iris: OK.
Il lui fait un bisou sur le front et elle s'installe dans la voiture. Un dernier regard à Gabriel et je fais de même. Le gardien nous ouvre le portail et on s'en va.
Pendant le trajet, elle a la tête collée à la vitre, le regard dans le vide. Je décide de ne pas lui parler et je la conduis à l'hôpital. C'est celui qui me remplace qui la consulte et lui prescrit des examens à faire. Une fois les examens faits, on rentre à la maison. J'irai récupérer les résultats plus tard et j'en profiterai pour faire les courses et remplir la maison de provisions, maintenant qu'elle est avec moi.
Coralie, elle doit m'avoir déjà tué 1000 fois dans son cerveau. Limite je n'existe plus à ses yeux. C'est une situation très compliquée... Vraiment ! Et connaissant ses sœurs, elles vont envenimer les choses. Je risque même me faire battre cette fois.
Je n'ai jamais voulu causer du tort à Coralie, je n'ai jamais voulu la faire pleurer. Je n'ai pas d'excuse mais les circonstances de la vie ont joué un grand rôle dans cette situation. À l'époque j'étais jeune, plein d'ambitions, et je l'avoue je ne m'attendais pas à ce que l'on m'annonce que je vais être papa à 19 ans. J'ai paniqué... Comme tout jeune à ma place l'aurait fait, je ne sais pas. Mais j'ai paniqué. Et le pire dans tout cela, je déteste les menaces. Ce qui m'a sûrement plus motivé à ne pas revenir sur ma décision. Et comme tout se paie ici bas, j'attends ce jour et j'y suis préparé.
Dans les moments comme celui-ci, je suis tenté de révéler la vérité à Iris moi-même; voir comment elle traite sa mère me fend le coeur mais je prends peur et je me désiste. Pourtant je suis sûre que si c'est moi qui lui dit, elle comprendra et me pardonnera au bout d'un moment. Mais je ne veux pas lui faire du mal. Et qui sait, si elle l'apprend en étant plus grande ça passera crème. Donc je profite de ce cadeau de la vie, l'avoir à mes côtés.
2 jours plus tard
Moi: c'est moi!
Je me suis arrangé à ne pas être de garde toute cette semaine pour m'occuper un peu d'elle, le temps qu'elle reprenne des couleurs. Je traverse le couloir et je me dirige vers le séjour. Elle est assise sur le canapé , casque aux oreilles, manipulant son téléphone. J'éteins et j'allume pour lui signaler ma présence. Elle se retourne en retirant son casque
Iris: oh papa! C'est toi
Moi: oui. Tu ne m'as pas entendu entrer.
Je pointe son casque
Iris: désolée
On se fait un câlin tout chaud
Iris: bonne arrivée papa. Ça a été au boulot aujourd'hui ?
Moi: tu t'imagines, TOUS les jours des gens sont malades. C'est dingue ça...
Iris: heureusement qu'il y a des médecins comme toi pour les réconforter ...
Des paroles comme ça, me galvanisent à me lever chaque jour et faire mon job.
Moi: t'es un ange.
Iris: je vais dresser la table, je t'attendais
Moi: d'accord chérie
Je file en chambre changer de vêtements, me doucher et ressortir 15 minutes plus tard, tout frais. Nous nous installons et nous dégustont son délicieux plat de légumes sautés aux petits poissons accompagnés d'images blancs.
Moi: c'est très bon, tu es un vrai cordon bleu. Ta mère n'a vraiment pas chômé
Iris: merci papa
Elle a une mine triste
Moi: toujours pas ?
Elle secoue la tête de la gauche vers la droite. Je soupire en posant ma fourchette
Moi: elle est sûrement occupée chérie. Toi même tu m'as déjà dit que lorsque ses voitures arrivent au port, elle y porte toute son attention
Iris: mais depuis que je suis partie elle m'a pas fait signe. Même pas un message.
Moi: tu l'as appelé ?
Iris: oui et ça sonnait dans le vide.
Moi: essaye encore
Iris: je peux?
Moi: oui, vas-y.
Elle sort de table et va récupérer son téléphone au séjour. Elle revient deux minutes plus tard
Iris: cette fois ça ne sonne même plus.
Elle a la voix qui va craquer
Je me lève et je vais la prendre dans mes bras
Iris: elle me déteste aussi papa...
Elle éclate en sanglots