Calvaire

Ecrit par Saria

***Nimata***

Je suis incapable de m''endormir, tout tourne en boucle dans ma tête. Comme si je regardais dans un miroir. Je fouille dans ma valise et je prends" Missié Teddy" la peluche que Dylan m'a offerte il y a quelques années. Je m'adosse au lit et je ferme les yeux.


***Dix ans plus tôt***

***Nimata***


J’étais emballée dans le tourbillon des préparatifs de mon mariage. Il fallait constituer mon trousseau assez vite. L’argent circulait énormément, ce n’était pas le souci. Parfois je sentais la peur m’envahir, ma conscience me rappeler que j’ai laissé l’amour derrière moi mais je me reprenais très vite.


 C’est vrai que j’allais devenir la cinquième épouse d’un homme qui a l’âge du frère aîné de mon père, dont la plupart des enfants sont mes aînés mais je ne pouvais plus reculer. Ça fait en tout un mois que je suis à Kandi dans ma famille paternelle : mes tantes s’activaient pour les différentes cérémonies dont la plus importante est le mariage.


Elles étaient heureuses de la belle alliance que j’allais faire. Quand tout fût prêt le mariage fût célébré à la grande mosquée de Kandi : deux tissus avaient été choisis. Les festivités ont duré trois jours mais le jour même mon époux et moi sommes montés sur Niamey.


Les deux premiers mois étaient merveilleux : j’ai beaucoup voyagé, couverte de cadeaux luxueux, voiture et chauffeur. Puis je remarquai que je suis enceinte, Aladji (je l’appelais comme ça) était très heureux. Qui sait j’allais pouvoir lui donner le deuxième garçon qu’il désirait tant !


Le médecin annonce que j’étais enceinte de trois mois ! La colère de mon époux fût à son comble ! Il a réalisé qu’il y avait erreur sur la marchandise : je n’étais plus vierge quand je suis entrée dans le mariage...pire j'étais enceinte d'un autre. Mon calvaire a commencé à cette époque-là. Quand nous sommes rentrés à la maison, ce jour-là j’ai reçu la correction de ma vie. Deux jours plus tard, j’ai fait une fausse couche ! 


Ce n’était que le début d’une série d’humiliations, de bastonnades. Il demandait à ses hommes de m’attacher comme du bétail, il me frappait en évitant soigneusement mon visage. Les rares fois où j’avais le courage de refuser qu’il me touche, il me faisait attacher contre les montants de mon lit, les gens jambes écartés…Oui je me faisais violer par l’homme qui m’a épousé.


J’étais surveillée et je ne pouvais faire un pas sans ses sbires. Je sortais très peu, tout était contrôlé. Je devenais folle ! Toutes les fois que ma mère est venue me voir (puisque je n’étais plus autorisé à rentrer en famille), je lui ai confié ce qui m’arrivait. Je l’ai supplié de me sortir de là, elle a détourné un regard gêné et m’a dit que je devrais supporter. Aladji les avait fait déménager au nouveau quartier dans une grande et belle maison. Au lieu de penser à partir, je devrais l’amadouer et trouver le moyen de lui donner le garçon qu’il voulait.


J’étais choquée et horrifiée, je me suis dénudée devant elle et je lui ai montré mon corps, je lui ai vomi les sévices que je subissais, Ma est restée imperturbable. Selon elle j’avais provoqué la colère de mon époux et que je n’étais pas soumise !


Plus les années passaient et que je ne tombais pas enceinte, plus les coups tombaient. Je m’étais fait poser un stérilet après ma fausse couche mais ça il ne pouvait pas savoir. Il me ramenait des mixtures improbables, on voyait des marabouts moi je me refusais à porter un enfant de lui. Je lui en voulais d’avoir tué l’enfant de l’homme que j’aime. Vous me direz que je manque de logique et que je ne suis pas conséquente mais c’est ainsi !


Avec le temps, j’ai appris à encaisser mais l’isolement m’a plongé dans une grave dépression. J’ai été mise sous antidépresseurs, puis l’addiction est venue, chaque fois qu’une angoisse montait, que j’étais effrayée j’avais besoin de mes « pilules de bonheur ». Je suis restée autant que j’ai pu, parfois au péril de ma vie. Un jour qu’il recevait chez nous les notables de Niamey y compris l’Imam de la mosquée centrale, j’ai tout déballé…Tout y compris, le fait de l’avoir cocufié…Il n’avait plus d’autre choix que de me répudier !


Toutes ces bonnes gens étaient scandalisées, furieux Aladji prononce trois fois le talaq*. Mais je ne pouvais pas encore partir, car si la vie de couple venait de prendre fin, il me fallait attendre  trois  mois pour éviter tout futur conflit de paternité au cas où je serais enceinte. Le  divorce me permettait de garder mes biens et les cadeaux qui m’ont été offert pendant le mariage.  Après le départ de nos hôtes, il ne m’a pas touché car tous les regards étaient sur nous. Mais il a juré me retrouver et me faire payer l’affront.


J’ai vendu ce que je pouvais et transféré l’argent sur un de mes comptes béninois, j’ai laissé mes vêtements et pris juste l’essentiel sur moi. J’ai quitté Niamey en pleine nuit direction la Libye, la veille de l’expiration de ma période de idda**


Pour l’avoir côtoyé je sais à quel point il peut se montrer dangereux, alors je me cache de lui et des miens qui ne m’ont pas soutenu. Pour le moment Dylan ne court aucun danger, mais cela ne pourrait être indéfini. Une chose est sûr je refuse de fuir à nouveau, ici j’étais chez moi. Le reste il me faudra trouver la parade pour lui faire face !


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*formule de répudiation, après la troisième prononciation le divorce est irrévocable.

**le délai de trois mois post-divorce.

Mon erreur du passé