Chapitre 1

Ecrit par Meyroma

-Krrrrr krrrrr krrrrr

Va-t-il enfin se taire, ce fichu réveil?

Toujours les yeux fermés, encore hypnotisée par un délicieux sommeil, je palpe en vain le chevet de mon lit, à la recherche de cette pie de pendulette.

Depuis quand sonne t-elle déjà? Certainement assez longtemps pour que retentisse encore l'écho de sa sonnerie dans chaque recoin de mon cerveau.

Finalement je me résous  à ouvrir un seul œil à contre cœur, espérant rattraper mon sommeil de l'autre.

Mais la lumière orangée qui éclaire ma chambre, comme si le soleil était accroché au plafond me  fais réaliser qu'il fait déjà jour.

Oh mon Dieu,c'est mon premier jour de stage pré embauche et je suis en retard!

Qu'elle première impression ferais-je?

Comment ais-je pu dormir si profondément?

Certes, avec les cours du soir et les corvées ménagères, je me couches plutôt tardivement, épuisée et courbaturée, mais ce ne sont pas des raisons là. Je n'ai pas le droit de faillir. Non, Je dois être solide comme roc.

J'ai intérêt à décrocher ce boulot. Ce n'est pas seulement mon espoir, mais y réside l'espoir et la subsistance de toute ma famille.

giflée en plein visage par la réalité, je me lève d'un bond et prend une rapide douche.

Heureusement, de nature prévoyante, j'ai déjà pris soin d'apprêter mes habits la veille.

Comme prévu, je porte ma longue robe en taffetas turquoise et enfile par dessus un boléro noir. J'attache soigneusement mon petit voile à la façon des maghrébins ne laissant aucune mèche rebelle pour conformer mon habillement à ma religion qui est l'islam. Un rapide maquillage nude et je monte sur mes escarpins de 5 cm. Un coup d'œil recto verso sur mon mètres soixante quinze devant mon miroir me ravitaille en assurance.

En arrivant dans la véranda, une bonne odeur de galette et de bouillie de mil me rappelle une fois de plus que j'ai une merveilleuse maman qui cuisine les plus succulents plats au monde.

Malgré ma course à la montre, je grignote rapidement et avale quelques gorgées de bouillie tiède.  Comme vous l'avez deviné, le petit déjeuner est sacré pour moi et je le prend toujours quelque soit la circonstance.

Visiblement, je suis seule dans la maison. Ma mère dois certainement être dehors, à vendre ses galettes, assistées de mes deux jeunes sœurs jumelles.
Je vais leur dire au-revoir avant de partir.

J'aperçois a peine la tête de ma mère, toute en sueur essoufflée et envahie par les clients composés en grande partie d'élèves. Notre maison est collée à une importante école de la place, ce qui explique le nombre affluent de clients à notre grand avantage. J'essaie tant bien que mal de me frayer un chemin jusqu'à elle. Au même moment, comme interpelée par une sorte de télépathie, elle lève les yeux vers moi.

Entre les commandes des clients, les murmures d'impatience,et les ragots matinaux qui se racontent chez la vendeuse de galette, j'ai à peine pu l'entendre me lancer :

-bonne chance Mina, que Dieu veille sur toi.

-Merci maman, lui crié-je à mon tour en lui envoyant un bisou à distance.

pauvre maman!

elle ne s'est pas encore remise de la mort recente de notre père, suite à une longue maladie qui nous a sucé jusqu'au dernier centime qu'elle se bat nuit et jour, corps et âme pour nous offrir une vie décente. Malgré le poids de l'âge et sa santé fragile,elle ne s'accorde aucun répit. Plus j'observe tous les sacrifices que cette femme consent pour nous,  plus je comprends pourquoi l'islam privilégie la mère, la mère et encore la mère.

En ravalant ma rancoeur contre ce maudit cancer qui a emporté mon père, je me dirige à grande enjambée vers l'arrêt de bus situé à quelques mètres de la maison. Avec un peu de chance je rattraperai le bus.

À mon grand désespoir, j'aperçois entrain de démarrer celui-ci que je rate de justesse.

quelle poisse!

finalement, je hâle un taxi, quitte à sacrifier l'argent de mon déjeuner.

J'arrive aux bureaux du réputé Cabinet de Maitre Djibril Issa, avocat au barreau de Niamey à 8h15. Il s'agit d'une grande résidence située au quartier plateau, l'un des plus chics de la ville.

En franchissant ses portes, je suis accueillie par une charmante réceptionniste dont le sourire m'encourage a transcender le stress du premier jour.

- Bonjour madame, je suis la nouvelle stagiaire...

Avant que j'aie terminé ma phrase, elle m'interrompt.

-Melle Yasmine Ben Saïd?

- oui c'est bien moi, en lui tendant ma carte d'identité.

Sans vraiment la regarder, elle me la retourne en m'indiquant le bureau au fond du couloir.

D'un pas réticent, j'arrive devant le fameux bureau et tape la porte en murmurant ma petite invocation du matin. Personne ne répond. Je tape une seconde fois,silence radio.

Je me hasarde à ouvrir et rentrer sans y être invitée vu que la porte est légèrement entrouverte

Je vois l'homme assis derrière un bureau majestueux, le combiné téléphonique collé à l'oreille. Il me fais signe de la main, de patienter dehors le temps qu'il finisse sa conversation.

Quel bon début!  pensé-je ironiquement.

Cinq minutes plus tard, durant lesquels je repensais aux galettes de ma mère que j'aurais dû emporter, la sonnerie de la porte m'invite à rentrer.

Je réajuste ma veste et pénètre enfin le bureau de Maitre Djibril.

- bonjour, je suis votre nouvelle stagiaire...

-Ne vous a t-on pas dit que le travail commence à 8h pile?

Je le regarde figée, dépassée, déconcertée.

Je ne peux m'empêcher de penser :

D'abord tu m'ejectes impoliment de ton bureau, puis tu me fais poireauter dans le couloir, et là tu m'agresse verbalement. Dis donc qu'elles sont ces manières ?

Bien-sûr, tout cela se passe dans ma tête. Dehors, je n'ose rien paraitre de ma frustration.

Face à mon inébranlable sang froid et mon silence qui dénote tout le respect que je lui dois, il se calme et reprend toutefois, la mine serrée:

-bon comme je l'ai expliqué au DG de votre université lorsque je lui ai demandé de me recommander son meilleur étudiant en droit, mon assistante personnelle sera bientôt en congé maternité. Vous apprendrez le travail avec elle pendant une semaine, puis vous assurerez son interim pendant la durée de son congé. bien-sûr on vous fera un contrat temporaire avec tous les avantages y afférents. Si vous vous avérez compétente, un CDI serait envisageable.

Il saisit son téléphone et compose un numéro.

- la stagiaire est là, vous pouvez venir.

À peine a-t-il raccroché qu'une jeune femme enceinte jusqu'aux dents rentre dans le bureau.

Après les présentations, j'emboite le pas à Madame Ismaël Hannatou, en prenant congé de maître Djibril.

Elle m'installa dans son bureau qui ressemble plus à une salle d'archives qu'à autre chose. Les dossiers y sont entassés de manière désordonnée. Pourtant l'espace aurait pu mieux être mis en valeur.

j'y travaillerais plus tard, me promet-je intérieurement en m'imaginant déjà comment réaménager le bureau.

À peine je pose mon sac et m'assied que nous entrons immédiatement dans le vif du boulot. Nous passons toute la journée à décortiquer les dossiers en instance pour que je m'y empreigne bien.

J'avoue que la compagnie de Hannatou à été agréable et je regrette déjà qu'elle doive bientôt nous fausser compagnie. Si on s'est autant familiarisé en une journée, j'imagine qu'on aurait pu être amies à long terme.

A la fin de la journée, je rentre à la maison fatiguée, mais satisfaite.

Quel premier jour de stage!

Stage pré-embauche