Chapitre 1 : Margareth IDOSSOU
Ecrit par Auby88
Margareth IDOSSOU
Je ne suis pas du genre à aimer les discussions de palier. D'ailleurs, je ne suis pas très sociable. Je n'ai pas d'amie. Je n'ai pas d'ami.
La plupart du temps, je reste seule entre les quatres murs de mon appartement. Quoi qu'il en soit, je ne m'en plains pas. J'adore la vie que j'ai, la solitude qui me caractérise, le silence qui règne autour de moi. Cela me permet de cogiter ou de me concentrer sur mes cas à défendre. Eh oui, je suis avocate, passionnée par mon métier.
Là, je sens mon ventre gargouiller. Je file dans ma cuisine. Je me dépêche de rechauffer mon plat de nouilles acheté la veille dans un restaurant chinois. Puis sur ma terrasse, je vais m'asseoir pour contempler la ville d'Abomey-Calavi la nuit.
Me situant à proximité de la voie inter-Etat, j'ai à loisir le plaisir d'admirer ce beau panorama, même si je déteste le bruit des vombrissements de klaxons. De toute manière, je dispose d'une baie vitrée blindée qui isole les bruits dès qu'elle est fermée. Et très souvent, elle reste fermée.
Je suis sur le point d'avaler ma première bouchée quand la sonnerie retentit dans la pièce. Je prends quand même la peine d'engloutir ma bouchée. C'est tellemement savoureux, tellement délicieux, unique, exquis, ce goût sur mon palais. La sonnerie retentit à nouveau. A contrecoeur, je me lève. Sur la table à manger, je dépose mon festin. Puis, je me précipite sur la porte et regarde à travers le petit trou dans le bois. Je soupire et j'entrouve la porte.
- Qu'est ce que tu me veux encore, Franck ?
- Juste trinquer avec toi.
Il me montre une bouteille de champagne, cachée derrière son dos.
- Je ne suis pas intéressée.
- Tu ne vas quand même pas me laisser dehors !
- Entre, dis-je en soupirant à nouveau.
Il ne se fait pas prier. Il entre, parcourt la salle du regard et se dirige vers la table à manger.
Sans me demander la permission, cet idiot s'empare de ma fourchette, qu'il plonge dans mes nouilles, la ressort et l'engloutit dans sa bouche. Je le regarde avec dégoût.
- Vraiment délicieux ton repas ! On devrait se faire un dîner à deux un de ces soirs.
- N'y compte même pas !
Il s'approche de moi, comme pour m'embrasser.
- N'essaie surtout pas Franck, si tu ne veux pas recevoir un autre de mes mémorables soufflets.
- Tu me plais tellement ! Et de plus en plus.
- Je te le repète. Tu ne m'intéresses pas. Pas le moins du monde.
- Je me demande pourquoi tu résistes autant à mon charme, alors que toutes les femmes me trouvent irrésistibles.
- Oui, tu es beau mais tu ne m'intéresses pas. Tu n'es pas mon type d'homme !
- Alors c'est sûr que ton type de mec n'existe pas encore. Je ne t'ai jamais vue avec quelqu'un, ni entendu quelque ragot sur un amant secret que tu fréquenterais. A moins que... tu sois attirée par les femmes ! Avoue.
- Pense ce que tu veux. Je m'en fous royalement. Je veux juste que tu dégages d'ici avant que ton hystérique et jalouse épouse s'amène pour me refaire une scène. Allez, va-t'en !
- C'est ainsi qu'on traite son associé ?
- Tu l'as bien dit, associé. On se voit demain au cabinet. N'oublie pas ta bouteille !
Il s'exécute sans grande envie, me fixe longuement. Je lève bien haut la tête et affiche une mine de femme fière et sûre d'elle.
- Tu finiras par être à moi !
- Tu peux toujours rêver !
Je lui lance ces mots.
Il se permet de prendre une autre bouchée avant de sortir de chez moi, en claquant la porte très fortement. Je m'empresse de verrouiller ma porte.
Je reviens vers la table, prends la fourchette que je vais déposer dans l'évier. J'en prends une autre et reviens me rasseoir à table. J'avale à peine trois bouchées que je n'ai plus faim. J'ai perdu mon appétit à cause de Franck.
Franck BOSSOU. C'est mon associé, avocat de profession comme moi, incontournable dans son domaine mais grand coureur de jupon. Ce pervers de 35 ans, marié et père de deux garçons ne cesse de me faire des avances. Je reconnais que cet odieux personnage est physiquement beau, bien bâti, bien charmant avec ses yeux perçants, ses sourcils épais et ses cheveux toujours bien stylés. Cependant, il ne m'inspire rien en tant qu'homme.
Je secoue la tête en me rappelant ses propos. Moi, Margareth IDOSSOU, lesbienne ! Quelle idée ! Je parie que beaucoup de gens pensent comme lui. Mais non. Je ne suis pas attirée par les femmes.
C'est juste que je ne suis pas intéressée par les hommes. Et oui, je n'ai pas besoin de mec dans ma vie, ni d'un homme juste pour le sexe, ni d'une histoire d'amour comme dans les romans sentimentaux.
L'amour rend faible,
L'amour rend misérable,
L'amour rend vulnérable,
L'amour conduit à faire des folies,
L'amour n'est que mensonge,
L'amour n'est qu'hypocrisie.
Moi, j'aime mon indépendance, ma liberté d'aller et de venir, de faire ce que je veux sans me soucier de qui que ce soit. J'aime être toujours, me montrer toujours forte devant les gens, devant les difficultés de la vie ou plutôt les défis de la vie. Car à mon avis, toute situation compliquée qu'on rencontre sur son chemin n'est qu'un défi qui, lorsqu'on le surmonte, nous rend meilleurs, plus forts. J'aime être toujours vue comme la dame de fer, celle qui ne flanche pas devant quelque grand de ce monde, qui va au bout de ses combats …
Voilà, pour toutes ces raisons, j'ai besoin de rester toujours concentrée et forte. En somme, sans homme dans ma vie.
De toute façon, je ne crois pas en eux. Les mecs sont faux. Tous des menteurs depuis le berceau, des infidèles jusqu'à l'os. Je le sais par expérience ... d'avocate. Pour avoir souvent défendu des femmes abusées, violentées, battues, humiliées, déshonorées par des hommes.
J'ai assez cogité sur ma vie. Du moins, c'en est assez pour ce soir. J'ai du boulot qui m'attend. Un nouveau cas à défendre. Une affaire de mariage précoce. Une mère a sollicité mes services pour défendre sa fille de 14 ans que le père souhaite marier à un homme qui fait 4 fois son âge.
La sonnerie de mon téléphone retentit. Un numéro inconnu. J'hésite mais finis par décrocher.
- Mel
Cette voix masculine, je la reconnais. Une seule personne m'appelait ainsi. Je m'empresse de raccrocher. Encore une fois, mon téléphone vibre. Je respire profondément avant de répondre.
- Mel !
- Vous vous êtes trompé de numéro, monsieur. Je suis maître Margareth IDOSSOU.
Je réponds en demeurant impertubable. Je ne compte pas perdre contrôle de la situation.
- Tu ne me reconnais pas ? C'est moi, c'est Charles.
- Je ne vous connais pas. Je vous le repète, je ne m'appelle pas Mel.
- Pourtant …
Avant même qu'il puisse ajouter un mot, je lui raccroche au nez. A nouveau, j'inspire profondément et me laisse choir dans mon canapé.