Chapitre 1 : Rencontre sur Facebook
Ecrit par Chrime Kouemo
A peine arrivée dans le studio qu’elle occupait dans la résidence « Les Estudiantines » dans un quartier de Lille, Olivia se précipita sur son ordinateur portable. Elle ne l’avait pas pris avec elle en cours car elle avait lancé plusieurs épisodes de ses séries préférées à télécharger.
Elle lança négligemment son sac sur son lit, saisit son ordinateur et tapa son mot de passe d’ouverture de session. Quelques minutes plus tard, elle était sur son compte Facebook. Le fameux Jérémie M. lui avait laissé plusieurs messages privés qu’elle lut toute excitée :
« C’est fou ce que je me suis habitué à nos échanges quotidiens »
« Tu ne réponds plus? Je suppose que tu dors »
« Bonne nuit. Fais de beaux rêves »
« Fais mois signe dès que tu peux »
Ca faisait un mois qu’ils échangeaient via facebook depuis qu’il lui avait fait une demande d’amitié. Elle avait accepté sans se poser de questions. Elle découvrait le réseau social. Ses amies l’avaient littéralement harcelée pour qu’elle se créé un compte arguant que c’était le must des années 2010 et qu’il fallait vivre avec son temps. Elodie et Carole, ses meilleures amies depuis le Lycée Leclerc s’étaient chargées de remplir son profil et de sélectionner les photos à mettre dans son album. Olivia avait finalement trouvé ça marrant.
Le but non avoué de ses amies en la forçant à s’inscrire sur le réseau social, était de la pousser à rencontrer des personnes du sexe opposé. Elles estimaient qu’elle menait une vie un peu trop sage. En effet, à vingt deux ans, Olivia n’avait pas eu de relation amoureuse depuis son arrivée en France quatre ans plus tôt, si tant est que les flirts qu’elle avait eus au Cameroun pouvaient être qualifiés de relations.
Ses amies avaient du mal à croire qu’elle était heureuse et satisfaite de sa vie ainsi et qu’elle attendait patiemment son prince charmant.
Depuis son inscription sur le réseau social, elle avait échangé avec trois ou quatre garçons qui l’avait contactée. C’étaient principalement des amis d’amis de son lycée du Cameroun. Le courant n’était pas vraiment passé. Au bout de quelques jours, les discussions étaient tombées à plat.
Ce qui n’était pas le cas avec le mystérieux Jérémie M. avec qui elle s’était découvert de nombreux points en commun. Ils aimaient les mêmes séries, uniquement américaines, les films de super héros, la musique RnB… Il était passionné de lecture comme elle, même si pour le coup ils n’aimaient pas le même style littéraire. Il leur arrivait de discuter jusque très tard dans la nuit, un peu comme hier où elle avait fini par s’endormir en tapant un message. Elle avait un sommeil à toute épreuve contre lequel elle ne gagnait jamais la bataille, et ce quelque soit l’enjeu.
Jérémie était d’origine camerounaise et était arrivé en France pour ses études supérieures comme elle. Et comme elle, il avait aussi grandi à Yaoundé, sa ville natale. Il lui avait dit avoir vingt cinq ans, soit trois ans de plus qu’elle.
Ses photos de profil montraient un jeune homme de grande taille, au teint noir chocolat. Il avait une allure athlétique, que lui conféraient ses épaules qu’elle devinait larges sous la chemise qu’il portait sur sa photo principale. Son visage légèrement anguleux et ses yeux noirs bordés de longs cils que surplombaient des sourcils broussailleux lui donnaient un air à la fois coquin et mystérieux.
Un peu méfiante de nature, elle avait craint au début que ce soit un faux profil comme il pouvait en avoir sur le réseau social. Elle avait été rassurée quand elle avait vu plusieurs photos de lui sur son album en ligne.
Elle tapa rapidement son message :
« Excuse moi, je me suis endormie, et en me levant le matin, j’étais à la bourre, donc pas le temps de répondre »
Elle attendit quelques secondes. Rien. Aucune réponse. Elle regarda sa montre : 18 heures. Il ne devait pas être encore rentré du travail supposa t’elle. Il lui avait dit travailler dans la finance.
Soupirant, elle se dirigea vers son petit coin cuisine. Il fallait qu’elle se force à se faire un repas. Depuis qu’elle travaillait comme équipière au Mac Donald’s, elle avait perdu l’habitude de cuisiner. Il faut aussi dire que la plupart du temps, rentrant complètement éreintée de ses journées de cours suivies de son service au restaurant, elle n’avait qu’une envie : se jeter dans son lit et sombrer dans un sommeil réparateur.
Elle pensait qu’elle avait vraiment de la chance. C’était Marlène , sa voisine de palier à la résidence qui l’avait pistonnée au Mac Donald’s. Elle avait vécu des mois vraiment difficiles après le départ à la retraite de son père. Ce dernier lui assurait une pension régulière qui couplée avec ses petits revenus du babysitting lui permettait de s’en sortir plutôt aisément pour une étudiante. Les revenus s’amenuisant avec la retraite, il avait commencé par diminuer sa pension mensuelle, puis celle-ci était devenue de plus en plus sporadique.
Ce travail à temps partiel, lui avait vraiment permis de sortir la tête de l’eau. Ce n’était pas du tout évident de sortir des cours , puis se taper quatre à cinq heures à servir des menus à la foule de clientèle du restaurant enseigne internationale, mais elle s’en sortait. C’était dur de jongler avec les cours et les révisions, mais elle s’accrochait. Comme lui répétait sans cesse Elodie : « personne n’a dit que c’était facile la vie d’un étudiant africain désargenté en France !»
Elle ouvrit ses placards, avec la ferme intention de profiter de son jour de repos pour se faire un repas digne de ce nom. Une bonne sauce tomate ferait l’affaire se dit-elle en récupérant une boite de conserve de tomates pelées.
Zut! Elle n’avait plus d’oignon du tout. Elle ouvrit le réfrigérateur dans le vain espoir d’y trouver ne serait-ce qu’un demi-oignon : rien. Elle pouvait peut-être voir si Marlène en avait chez elle.
Marlène était réputée dans la résidence pour sa cuisine succulente. Avec sa générosité naturelle, elle invitait très souvent les autres résidents à manger chez elle.
La porte s’ouvrit sur une Marlène souriante comme d’habitude.
- C’est comment ? demanda Olivia à sa voisine
- Je suis là et toi? Tu es aussi de repos aujourd’hui? lui retourna son amie en l’invitant à entrer dans son studio.
- Oui, et il faut que j’en profite pour avancer dans mes recherches pour mes travaux de fin d’études
- Comme je te comprends! J’ai moi même un projet sur lequel je dois bosser avec mon groupe de travail à l’école mais je ne suis pas vraiment motivée pour m’y mettre.
Olivia pénétra dans la pièce et ne put s’empêcher de jeter un regard admirateur à la grande pièce bien agencée et joliment décorée. Elle avait beau avoir été un nombre incalculable de fois dans l’appartement de Marlène, mais à chaque fois, elle l’appréciait comme si c’était la première fois. Son amie avait un gout sûr en matière d’organisation et gestion de l’espace. Olivia se rappelait que la première fois qu’elle l’avait invitée, elle lui avait demandé pourquoi elle s’embarrassait à faire des études en banque alors qu’elle avait un talent indéniable dans l’architecture d’intérieure.
- Je ne vais pas te déranger longtemps, fit Olivia en se retournant vers son amie. Je voulais faire une sauce tomate, mais il ne me reste même plus l’ombre d’une lamelle d’oignon. Je ne sais pas si tu peux me dépanner?
- Oui, j’ai fait quelques courses hier répondit Marlène.
Elle ouvrit le petit placard sous l’évier et saisit un oignon qu’elle lui tendit.
- Tu vas toujours à Paris la semaine prochaine? l’interrogea t’elle
- Oui, j’ai hâte acquiesça Olivia d’un hochement de tête. Ca va me changer un peu les idées.
- Je vais te donner de l’argent pour que tu m’achètes mes crèmes à Strasbourg Saint Denis. Ca ne te dérange pas j’espère?
- Bien sur que non! Pas de souci
- Et comment va ta tante?
- Tata Clarisse va bien. Je ne sais pas si je te l’ai dit, mais son insémination artificielle s’est bien passée. Ca fera trois mois qu’elle est officiellement enceinte.
- Oh! Je suis contente pour elle. Tu la salueras de ma part.
- Je ne manquerai pas. Bon… il faut que je te laisse pour aller faire cette sauce tomate sinon, je suis bonne pour passer les deux prochains jours à manger des cochonneries. Merci encore
- Bof… je t’en prie
- Si tu veux, je te bipe quand ce sera prêt pour qu’on mange ensemble
- Non, merci. On va faire ça et puis après, on va taper les divers jusqu’à pas d’heures alors qu’on bosse demain. On se connaît non?
- C’est vrai, tu as raison reconnut Olivia en riant.
De retour chez elle, Olivia souriait toujours. Elle était vraiment contente pour Tata Clarisse. Ca faisait près de quinze ans qu’elle se battait pour concevoir un enfant. Elle avait testé toutes sortes de traitements à base de plantes au Cameroun, en vain. Heureusement que son mari, s’étant enrichi entre temps, avait pu lui payer les frais d’une fécondation in vitro en France.
Tata Clarisse était tellement maternelle que cela lui faisait de la peine qu’elle ne puisse mettre au monde un enfant bien à elle qu’elle pourrait couver. Il y avait bien sûr l’option de l’adoption, mais quoiqu’on dise, ce n’était pas la même chose, surtout en Afrique. Olivia se rappelait encore quand elle était petite, toute l’affection maternelle dont Tata Clarisse les entourait ses frères et elle.
Clarisse n’était pas leur tante à proprement parler. Elle était une petite cousine à sa mère, que cette dernière avait recueillie après son mariage pour l’élever. Olivia et ses soeurs et frère l’avaient donc connue dès le bas âge. Elle se souvenait qu’ils étaient tous tristes quand Clarisse avait quitté le domicile familial pour suivre son mari.
Le bip annonçant l’arrivée d'un message tira Olivia de sa léthargie post repas. C’était Jérémie.
Tout excitée, elle prit son PC portable posé sur sa table basse et s’installa confortablement dans son canapé transformé en lit.
« Je viens juste de rentrer du boulot. Comment vas-tu ?»
« Ca va. Dis-donc, il a l’air d’être très prenant ton taf? »
« En temps normal, je n’ai pas à me plaindre, mais depuis deux mois, je suis sur un projet hyper complexe. Notre chef nous avait prévenus, on aura à assurer des charrettes jusqu’à la fin avril »
« OK… bon courage alors »
« Merci. Et toi ? Tu as pu avancer sur tes travaux de fin d’études? »
« Où même? Je suis rentrée du school, obsédée par une seule chose : manger un bon repas cuisiné par moi-même. Et depuis que je l’ai fini, je somnole sur mon canapé »
« Hum… On dirait que tu veux que prenne le train pour Lille pour venir te tirer les oreilles »
Etait-ce une invitation déguisée à se rencontrer se demanda Olivia. Devait elle lui mentionner son futur séjour à Paris? Ou alors, cela ferait rentre dedans? Elle hésita un court instant, puis tapa sur le clavier :
« Tu n’auras peut être pas besoin de te déplacer pour le faire »
« Hein?… Que veux-tu dire par là? »
« Je serai à Paris le weekend prochain pour rendre visite à ma tante»
« Oh … Cool. Tu penses que tu pourras me consacrer un peu de ton précieux temps ? »
« Hum… Oui, ça pourrait se faire je pense »
« J’ai hâte d’y être… »
Ils continuèrent de discuter encore quelques minutes, puis Olivia, se souvenant de sa réflexion au sujet de son mémoire, s’efforça d’écourter le chat. Prenant une grande inspiration, elle s’empara du livre au dessus de la pile qui se trouvait sur la table basse. Plus d’excuses!
***
Le boulevard de Strasbourg était bondé comme il se devait pour un samedi après-midi. Olivia et sa tante Clarisse essayaient comme elles pouvaient de se frayer un chemin parmi la foule cosmopolite tout en évitant les racoleurs pour les salons de coiffure ou d’onglerie. Malgré plusieurs séjours à Paris, la jeune femme supportait toujours difficilement d’être littéralement assaillie dès la sortie du métro par ces hommes qui proposaient une coiffure ou une manucure à des prix défiant tout concurrence. Quelque soit l’état de vos cheveux ou de vos ongles, ils trouvaient toujours un service à vous proposer.
Esquivant d’un geste preste un énième racoleur qui lui tendait avec insistance la carte de réduction d’un salon de coiffure, Olivia s’engouffra dans la pharmacie-boutique de HT 26.
La file d’attente aux comptoirs était impressionnante. Les stands de présentation avec des hôtesses proposant gratuitement d’essayer les produits phares de la marque étaient eux aussi pleins. Tata Clarisse, que la pièce bondée et surchauffée mettait de plus en plus mal à l’aise, lui fit signe qu’elle l’attendrait dehors,
S’approchant tant bien que mal d’un rayon, la jeune femme repéra les produits demandés par Marlène. Les deux bouteilles de crème pour le corps à la carotte dans ses mains, elle se dirigea vers les caisses.
Devant elle, se tenait une femme de grande taille vêtue d’un manteau bigarré, avec sur sa tête un tissage dont les mèches étaient coiffées vers l’avant façon crête de coq. La femme conversait d’une voix forte au téléphone comme si elle était toute seule dans la pièce. Olivia retint un sourire. Elle aimait vraiment venir à Paris. Le contraste avec sa ville provinciale de Lille était à chaque fois saisissant.
Déjà dès la sortie du train à la gare du Nord, il y avait les gens qui couraient dans tous les sens à toute heure de la journée, pour attraper les transports en commun comme si c’était le dernier train ou le dernier métro. Ces mêmes gens arboraient des mines tendues, stressées dans le métro ou le train comme si une chape de plomb étaient sur le point de s’abattre sur elles. Dès l’arrêt en gare, les mêmes personnes jouaient des coudes pour sortir, à croire qu’une bombe avait été annoncée dans la rame ou le wagon. Bref, la jeune femme était toujours en observation quand elle était dans la Capitale, tellement elle trouvait les Parisiens étranges.
La femme continue de jacasser dans le téléphone, même quand ce fut à son tour de régler ses achats. Olivia prit son mal en patience.
- Hé, Madame, il n’y a pas un produit un peu plus fort que ça? brailla la grande femme
- Qu’est ce que vous entendez par « plus fort » demanda posément la vendeuse
- Une crème qui élimine les tâches en moins de vingt huit jours par exemple, un peu plus concentrée quoi!
- Non, c’est tout ce que nous avons
Olivia se retint de lever les yeux au ciel. Elle ne comprenait pas ce besoin que certaines personnes avaient de se flinguer la peau ainsi, malgré tous les dangers encourus. A voir le spécimen devant elle, celle-ci ne cherchait visiblement pas à ne supprimer que quelques tâches; c’était au contraire tout son corps entier qu’elle devait considérer comme une gigantesque tâche.
Visiblement déçue, la cliente rendit le tube de crème qu’elle tenait dans la main à la vendeuse. C’était enfin au tour de la jeune femme de passer en caisse. Elle fit l’appoint, puis sortit rapidement de la boutique avec les deux bouteilles de crème soigneusement disposées dans un sac plastique.
Elle était à peine sortie que son téléphone vibra dans la poche de sa veste de printemps.
Le nom de Jérémie M. s’affichait sur l’écran. Son coeur fit un petit soubresaut dans sa poitrine. Pourquoi même? Elle ne l’avait même pas encore vu!
- Allô fit-elle d’une voix qu’elle essaya de maîtriser
- Allô. Olivia ? lui répondit une voix de basse dans le combiné
Olivia se boucha une oreille pour ne pas perdre une miette du son de sa voix.
- Oui, c’est moi. Comment vas tu?
- Très bien et toi même?
- Ca va…
- Tu es où comme ça? J’ai l’impression qu’il y a plein de bruits autour de toi.
- Je suis à Strasbourg Saint Denis faire quelques emplettes.
- Ah, le temple de le beauté noire commenta t’il d’un ton légèrement amusé
- Eh oui, que veux-tu? En plus, obligée d’y passer en bonne provinciale que je suis.
- C’est clair! C’est toujours ok pour tout à l’heure? questionna t’il
- Oui. J’aurai bientôt fini les courses avec ma tante confirma t’elle jetant un coup d’oeil à sa montre. D’ici, environ une heure et demie, je pense
- Bon… Et ta tante vit de quel côté?
- Elle est à Anthony.
Il marqua une courte pause, puis poursuivit :
- Je te propose de nous retrouver à Châtelet, tu connais non?
- Oui, bien sûr!
- On ira dans un pub dans le coin, comme ça au retour, tu pourras rentrer à Anthony en prenant un train direct sans correspondance
- Oh… C’est gentil
- Je t’en prie. C’est normal. J’ai cru comprendre lors d’une de nos conversations que tu n’étais pas très à l’aise avec les correspondances parisiennes
La jeune femme était touchée qu’il ait gardé en mémoire ce détail.
- On se dit à 19h à Châtelet devant la boutique Bouygues Telecom? Tu ne pourras la louper si tu prends la sortie « forum des halles » devant le quai du RER B
- Ok.
- A toute!
Quand elle raccrocha, la jeune femme avait un sourire béat sur le visage. Clarisse qui n’avait pas perdu une miette de la conversation, lui lâcha d’un ton moqueur :
- Hum… C’est un pointeur?
- Ekié! Tata, tu utilises encore ce type de langage?
- Et pourquoi pas? Tu me prends pour qui? N’esquive pas ma question. C’est qui?
- Un gars que j’ai rencontré sur facebook.
- Hum… C’est encore quoi Facebook?
- Tu vois donc que tu n’es plus une toute jeune hein? la nargua t’elle en riant
Après lui avoir expliqué brièvement ce qu’était le réseau social et les circonstances de sa rencontre avec Jérémie, elle conclut :
- Je le retrouve tout à l’heure dans un pub à Châtelet
- Ca me titille un peu de savoir que tu seras avec un inconnu
- Ne t’inquiète pas Tata la rassura Olivia. C’est bien pour ça que je le vois dans un lieu public rempli de monde comme Châtelet. Je n’accepterais jamais par exemple d’aller chez lui par exemple
- Bon… Tu me raconteras alors!
Olivia arriva avec cinq minutes d’avance au lieu de rendez-vous. Elle préférait avoir l’occasion de l’apercevoir en premier plutôt que l’inverse.
En ce samedi soir, la plate-forme de correspondance de la station Châtelet grouillait de monde. Des jeunes, moins jeunes, de toute origine déambulaient d’un bout à l’autre des différentes sorties de la gare. Certains les bras chargés de sacs de shopping se précipitaient sur les barrières automatiques d’accès de la RATP pour rattraper leur métro ou leur train.
La jeune femme sortit son téléphone de la poche de son manteau. S’il était ponctuel, il ne devrait plus tarder à apparaître. Elle scruta la foule une fois de plus, se hissant sur la pointe des pieds pour voir le plus loin possible, mais ne vit aucun visage ressemblant au jeune homme qu’elle attendait.
Elle se tourna vers la vitrine de la boutique Bouygues Telecom. Tant qu’à faire, elle pouvait en profiter pour admirer les derniers téléphones à la mode. Elle était entrain de se dire qu’elle s’offrirait bien un smartphone Blackberry dès qu’elle en aurait les moyens, quand elle sentit un léger tapotement sur son épaule. Elle sursauta légèrement, pivota sur ses jambes et tomba nez à nez avec le visage de Jérémie M.
Wow! Ses photos de profil sur Facebook n’avaient pas menti : il était très grand, il devait avoisiner le mètre quatre vingt dix. Avec son petit mètre soixante, elle devait bien incliner la tête pour le regarder dans les yeux. Et quels yeux il avait! De magnifiques yeux d’un noir profond, bordé de cils épais que lui auraient envié beaucoup de femmes. Son visage aux mâchoires anguleuses lui conférait un certain caractère. Quant à sa carrure : tout simplement impressionnante. Il portait un haut moulant en col roulé sous une veste en velours noir qui épousait parfaitement ses épaules carrées, comme si elle avait été conçue uniquement pour lui.
- Ca va? demanda le jeune homme en fronçant ses sourcils broussailleux, probablement intrigué par son silence prolongé.
Olivia qui avait du mal à retrouver sa voix, se força à hocher la tête en souriant. Il lui avait été rarement donné de rencontrer un tel spécimen de la gent masculine.
- Oui ça va très bien, merci finit-elle par articuler au bout de quelques secondes.
- Je me présente : Jérémie Mindongo reprit-il en lui souriant à son tour.
- Olivia Simé comme tu le sais déjà, se présenta t’elle
Après quelques secondes d’hésitation, il se pencha pour lui faire la bise.
- J’espère que tu ne m’attendais pas depuis longtemps?
- Non, t’inquiète. J’étais là depuis cinq minutes à peine
- Cool. En tout cas, je suis ravi de faire ta connaissance en vrai poursuivit-il
- Moi aussi!
- Je te propose qu’on aille directement au pub, j’ai réservé deux places.
- Pas de problème, je te suis.
Quelques instants plus tard, ils entraient au Café Oz de Châtelet. C’était un pub branché de la capitale. Olivia n’y était jamais venue. La jeune femme admira la décoration atypique : des murs entiers étaient décorés de tableaux de différentes tailles repéreront des affiches publicitaires et paysages divers. Les autres murs étaient habillés de lambris de bois peints en plusieurs couleurs. Dans les différents coins de la pièce étaient accrochés de grands écrans plats de TV où défilaient les images d’un match de de football du championnat français.
Un serveur se dirigea vers eux. Jérémie lui donna le nom de sa réservation et ils furent installés dans un coin de la pièce, ce qui leur permettrait de discuter plus aisément. En effet, à presque 21h, le pub commençait à se remplir, et il était évident que d’ici quelques minutes, le bruit de conversations allaient monter de quelques décibels supplémentaires.
Ils commandèrent deux fish and chips, un soda pour elle et un cocktail pour lui.
- Alors, tu as pu finir tes courses à Château d'Eau? s’enquit Jérémie
- Oui ! Tu sais que pour nous qui venons de la province, c’est un peu le passage obligé. A Lille, on ne trouve même pas la moitié de ce qu’il y a là bas en termes de produits de beauté pour peau noire
- J’imagine! La seule fois que j’ai dû y accompagner une amie qui venait de Toulouse, j’ai eu l’impression que ça n’en finissait pas
- Et encore, je crois que tu n’as pas tout vu. Moi ce qui me gêne réellement, ce sont les gens qui te harponnent dès la sortie du métro pour te proposer une coiffure ou une manucure. Même au marché au Cameroun avec les vendeurs à la sauvette, je n’ai jamais eu cette impression de me faire agresser.
- Agresser ? Le terme n’est pas un peu fort?
- Ca se voit que tu n’as pas encore eu à faire à eux
- Je m’en souviendrais la prochaine fois que je passerai là bas alors termina t-il en lui faisant un clin d’oeil.
Le serveur vint avec leurs boissons. Ils trinquèrent :
- A la magie des rencontres via les réseaux sociaux déclara t’il avec un sourire en coin
Elle choqua son verre contre le sien en inclinant la tête de côté
- Alors, tu as toujours vécu à Paris depuis ton arrivée en France? demanda t’elle au jeune homme
- Oui. Et toi? Toujours à Lille?
- Oui, depuis bientôt quatre ans. J’ai parfois pourtant l’impression que c’est hier que j’ai quitté le Cameroun
- Pareil pour moi, même si quand je rentre je me sens en total déphasage avec tout ce qui s’y passe
- Ca fait quoi? Sept ans que tu es ici?
- Oui
- Et tu rentres régulièrement en vacances?
- En moyenne, tous les deux ans. D’ailleurs, j’y retournerai en décembre prochain si tout va comme je veux.
Il prit une bouchée de son fish and chips, et après l’avoir avalée, demanda :
- Tu m’avais dit que tu avais fait le Lycée Leclerc?
- Oui, de la sixième en terminale, répondit Olivia avec nostalgie. C’était comme une sorte de passage obligé dans ma famille. Ma mère étant prof au lycée, toute ma famille ou presque y a fréquenté.
- J’avais pas mal de potes de mon quartier qui y fréquentaient; je crois d’ailleurs que c’est d’ailleurs comme ça que je suis tombée sur ton profil sur Facebook
- Hum… Ok. Et toi tu étais au lycée de Nkol Eton c’est ça?
- Ouais. Rien d’aussi prestigieux que le vôtre, mais un très bon lycée tout de même.
- Tu entends quoi par prestigieux?
- Rien fit-il en riant, c’est juste pour te titiller.
Il tendit une main par dessus la table qu’il posa sur la sienne. La jeune femme sentit aussitôt la chaleur de sa paume se communiquer à elle. Un léger frisson remonta le long de son échine. Il lui faisait beaucoup d’effets; elle ne pouvait se le cacher. Et c’était visiblement réciproque.
Le regard de Jérémie était vissé au sien.
Olivia se s