Chapitre 10
Ecrit par Lilly Rose AGNOURET
Chapitre 10
Samedi
20 janvier 2018, il est 9h…
*** China Oyembo
- Docteur, vous m’assurez que
tout va bien, n’est-ce pas ? Je pourrai encore avoir des enfants, n’est-ce
pas ?
- Tout va bien, madame Oyembo.
Vous pouvez en faire d’autres, bien sûr. Nous avons procédé qu’à l’ablation
d’une trompe. L’autre fonctionne correctement. J’espère que la prochaine fois
que je vous reverrai ici, ce sera pour donner naissance à un beau bébé, me fait
le médecin en s’en allant.
Il a signé mon bon de sortie.
Je peux quitter la clinique. Le séjour ici a été tellement long que je me suis
habitué à la visite des infirmières, à leurs bavardages. Je ne sais pas ce qui
m’attend dehors. Je sais simplement que personne n’a réussi à convaincre mon
époux de venir me voir et de me donner les clés de la porte d’entrée de notre
villa. Je suis à la porte. Je pourrais dormir dehors cette nuit, Christian s’en
fout. Il ne prend même pas la peine de répondre à mes messages. Pourtant, il ne
se passe pas une heure sans que je ne lui écrive. Sûrement a-t-il activé une
option dans son téléphone qui lui permet de mettre en sourdine tous les
messages qui viennent de mon numéro. Je ne savais pas qu’un jour je ressentirais
ce vide profond en moi. On a l’impression que le vide est léger ; alors
qu’en fait, c’est le contraire : il est lourd. Tellement lourd qu’on se
sent défaillir à chaque fois qu’on y pense.
Je ne sais pas qui s’est
dévoué pour aller me « jeter » chez l’oncle Arthur. Le fait est que
j’ai préféré aller vivre chez l’aîné des oncles de Christian, plutôt que
d’aller chez monsieur Ernest et madame Alice Oyembo. Je voyais déjà les yeux de
ma belle-mère constamment posés sur moi. Non ! Je préfère mille fois subir
les questions de la tante Hortense, plutôt que la torture silencieuse chez ma
belle-mère.
En rangeant mon pull-over
Cacharel dans mon sac, je souris bêtement pour ne pas avoir à pleurer. J’ai
tellement envie de crier, de pleurer les larmes de mon corps, de sauter dans
les bras de Christian et le supplier de me pardonner. C’est une idée fixe qui
n’est pas près de me laisser. Moi qui toujours a pensé que l’amour est capable
de tout surmonter, je ne comprends pas que mon mari me condamne ainsi alors que
jamais avant, je ne lui ai été infidèle !
Je suis plongée dans ma
réflexion quand ma mère arrive. Elle me salue et me demande :
- C’est bon, le médecin te
laisse sortir ?
- Oui. Il était temps. Un jour
de plus ici et Libreville allaient se mettre à chanter que j’ai un gros
problème. Déjà que les gens racontent que…
- Ngningone, je m’en fous de
ce que les gens disent, d’accord ! Je ne passe pas mon temps à fouiller
dans mon téléphone pour savoir si on me critique sur WhatsApp, comme tu le
fais.
Je hausse les épaules. À quoi
bon discuter avec elle vu qu’elle ne comprend rien ? elle continue en me
disant :
- Ce ne sont pas les gens qui
feront ta vie. Ce ne sont pas eux qui arrangeront la situation entre ton mari
et toi. Alors, essaie un peu d’oublier les gens dont tu parles. Concentre-toi
sur le plus important, c’est-à-dire, le bien-être de ta fille.
Je hausse à nouveau les
épaules et lui réponds :
- Je suppose que là aussi, il
va falloir supplier Christian pour qu’il me laisse passer du temps avec
Anissa ?
Ma mère me regarde droit dans
les yeux et me dit :
- C’est toi qui es mariée à
cet homme. Donc, toi seule sais comment t’y prendre avec lui. Je n’ai pas la
clé qu’il te faut pour comprendre l’état d’esprit de cet homme actuellement.
- C’est l’église qui se fout
de la charité. Je te signale qu’hier, tu m’as dit que Christian était chez toi,
maman.
Elle secoue la tête et me
dit :
- Pourquoi le ton de nos voix
est-il aussi aigre, Ngnigone ? Quel problème avons-nous, toi et moi ?
Je hausse les épaules et lui
dis :
- Tu n’as pas envie de m’aider
à reconquérir Christian, avoue-le ! Tu pourrais être exigeante avec lui et
lui ordonner de m’écouter, mais tu ne fais rien. Tout ça parce que tu as peur
qu’il arrête de payer chaque mois, pour tes médicaments.
Elle me regarde, porte les
deux mains à ses hanches et me dit :
- Si je n’arrive pas à faire
en sorte que l’enfant qui est sorti de mon ventre m’écoute, ce n’est pas
l’enfant de quelqu’un d’autre que je pourrai convaincre. Ngningone, laisse-moi
te dire une chose : laisse le temps agir. Prends soin de ta fille. C’est
elle ta priorité à cet instant.
- Et mon mari ? Bien sûr,
tu ne peux pas comprendre vu que tu n’as jamais été mariée ! lui dis-je.
Elle souffle puis me
répond :
- Dirige ta colère vers la
femme qui a fait en sorte que tu te retrouves par terre. Je ne suis en rien
responsable de tes malheurs.
Je hausse les épaules et
décide de me taire. Je n’ai plus envie de parler de quoi que ce soit. Je n’ai
pas envie de parler de Mamoune ni de mes sœurs. Chacune est retournée à sa vie,
laissant à leurs maris le soin de se charger des formalités pour le départ en évacuation
sanitaire, de leur mère. On m’a appelée pour me demander pourquoi Christian n’a
pas cotisé. Je suis hospitalisée dans la même clinique que la reine mère, Christine
Obanda pourtant, je compte sur le bout des doigts, le nombre de personnes
venues me voir. Les membres de la famille Oyembo étaient là constamment, soit à
midi, soit le soir. C’est dans leurs habitudes de prendre soin les uns des
autres. J’avoue qu’ils m’ont épuisée avec toutes leurs attentions. Je ne savais
plus où mettre la tête… J’ai dû très souvent faire semblant alors que j’avais
une seule idée en tête : qu’ils disparaissent vu qu’ils ne sont pas
capables de convaincre Christian de venir me voir à la clinique.
CHRISTIAN ! Seigneur,
comment vais-je faire ?
Mes affaires sont rangées
alors, je peux m’asseoir sur le lit pour attendre qu’arrive l’un de mes
beaux-frères. Je préférerais que ce soit Kéyan. Avec lui, je peux discuter. Les
autres me regardent comme si je suis devenue une extraterrestre. Je n’ai pas
envie de savoir ce que ces beaux-frères-là, disent à Christian quand ils sont
ensemble. Bref, je zappe.
Je suis silencieuse depuis un
bon moment quand ma mère me dit :
- Pense à ce que je t’ai dit,
Ngningone. Focalise ton attention sur ta fille. C’est ton attitude envers elle
qui est primordiale à cet instant de ta vie.
- Et pendant que toute mon
attention sera focalisée sur elle, qui empêchera mon époux d’aller voir
dehors ? Toi peut-être ? Je te signale que l’objectif est qu’il
comprenne que l’on est marié et que l’on doit se pardonner. Comment veux-tu que
je parvienne à lui faire comprendre cela, si je suis tout accaparée par
Anissa ?
Ma mère baisse la tête puis me
dit :
- Tu m’épuises, Ngningone. Je
n’ai pas envie d’attraper des maux de tête parce que tu passes ton temps à
contrer toutes les idées que je t’expose. Je… Je sais que je n’ai pas les
millions qu’ont les mères des gens que tu fréquentes. Je sais que je ne connais
pas la valeur d’une voiture et que j’ai dû attendre que tu sois mariée, pour
avoir un spilt dans ma maison. Ça, je le sais. Mais, pourrais-tu prendre le
temps parfois pour m’écouter ?
- Qu’est-ce que les millions,
les voitures et les spilts viennent faire dans tout ça ? Je te parle de reconquérir
mon époux et tu me parles de me concentrer sur Anissa. Dis-moi comment je fais
pour surveiller Christian si je dois être tout entière, tournée vers Anissa.
- Bon, je ne sais plus quoi
dire. Je voulais simplement que tu comprennes qu’il faut faire confiance au
temps.
- C’est le temps qui va me
ramener mon mari ? ça veut dire quoi ça ?
Elle me regarde droit dans les
yeux et me dit :
- Si tu ne fais pas confiance
au temps, ma fille, tu seras déçue. Vu comment ton époux est déterminé à
t’oublier, la patience est de mise dès à présent. Le fait de focaliser ton
attention sur ta fille devrait te ^permettre de ne pas rentrer tous les soirs avec
une envie de pleurer et te cogner la tête contre un mur.
Elle a parlé avec tellement de
conviction, que je suis obligée de me taire. J’analyse ce qu’elle vient de
dire. Soudain, j’ai comme des fourmis dans les jambes. Je me lève et me mets à
tourner en rond dans cette chambre. Je lui dis alors :
- Je suis profondément dans la
merde, c’est ça ? Christian t’a dit que je peux aller au diable, c’est
ça ?
Elle me regarde et me
répond :
- La vie est compliquée
parfois. C’est la raison pour laquelle je te le répète : il faut t’armer
de patience.
Emery, le meilleur ami de Christian
arrive alors. Ces deux-là se connaissent depuis qu’ils ont quatre ans. Leurs
deux familles sont amies de longue date. Ce type connaît tous les secrets de Christian.
Il a été le garçon d’honneur à notre mariage même s’il me tolère plus qu’il
m’apprécie. Il sourit en me disant :
- Je suis ton chauffeur pour
l’occasion. Comme te sens-tu ?
Je le regarde et lui
réponds :
- Tu es médecin,
peut-être ? Que comptes-tu faire si je me sens mal ?
Il sourit et me dit :
- Disons que si j’étais un
gamin, je t’abandonnerais simplement là. Mais vu que je suis adulte, je te
dirai que tu n’as pas besoin d’être agressive. China, je ne suis pas ton
ennemi. Je ne tire pas les ficelles dans cette affaire. Christian n’est pas une
marionnette que je contrôle.
- Épargne-moi ton speech,
Emery. Je sais que tu es ravi que ton ami se débarrasse de moi.
- Hum ! China, change un
peu. Ça fait longtemps que j’ai compris que Christian a beau être le meilleur
ami que j’ai, je n’ai pas le dois de respecter ses choix. Il t’a choisie pour
épouse. J’aurais fait un choix différent pour lui, mais tu es là et je l’ai
accepté, et cela, même si tu ne me crois pas. Donc, madame, je vais seulement
te dire une chose : ce n’est pas en t’opposant à moi que tu gagneras la
bataille que tu t’apprêtes à mener.
- Pourquoi est-ce toi qui viens
me chercher ? Où se trouve Kéyan ?
- Il est occupé. China, la
voiture est là. On y va.
En voiture, c’est le silence.
Ma mère est assise à l’arrière. Je mets la radio en marche. Je finis par
demander à Emery :
- Peux-tu me déposer chez
moi ?
- Te déposer chez toi ?
Pourquoi ? Je pensais que tu allais chez tonton Arthur !
- Je veux voir mon époux. Je
veux lui parler. Je… Dépose-moi chez moi !
- C’est une mauvaise idée,
China. Une très mauvaise idée.
Sans m’énerver, je lui
réponds :
- C’est ma maison. J’ai choisi
la couleur des murs, les tapis au sol, la faïence dans la cuisine. Tout. Cette
maison est à moi autant qu’elle est à Christian.
A l’arrière, ma mère
lance :
- J’aurais dû dire au
chauffeur de ne pas bouger. Il m’aurait ramené à la maison. Pardon, je vais
descendre ici et prendre un taxi.
Emery intervient et dit :
- Ecoute, maman, je vais faire
le détour et te déposer à Lalala. Ensuite, si China tient à aller chez elle, je
la déposerai là-bas.
- D’accord, fait ma mère.
Je me tourne vers elle et lui
dis :
- Mais maman, tape un peu sur
la table ! Si c’était la fille d’Alice Oyembo qui se retrouvait dans la
même situation que moi, elle aurait tellement tonné que son gendre serait
revenu la queue entre les jambes. C’est ce qu’on appelle une vraie femme.
Quelqu’un qui sait faire entendre sa voix. Toi, tu te contentes de te taire et
de te plier au bon vouloir de Christian. Pourquoi ? Parce qu’il paie ton
traitement contre l’hypertension ?
Là, alors que je ne m’y
attends pas, des larmes s’échappent des paupières de ma mère. Elle finit par
dire :
- Emery, mon enfant !
Arrête la voiture, je vais descendre. Je vais prendre un taxi.
Emery est obligé d’arrêter la
voiture car ma mère a ouvert la portière sans même attendre. Là, elle descend
en prenant son sac à main sous son aisselle gauche. Elle ne se laisse pas
convaincre par Emery qui lui demande de marcher calmement. Là, il arrête un
taxi, mise de l’argent pour une course. Il met ma mère en voiture et lui
demande d’appeler quand elle sera arrivée à la maison.
Il revient alors vers moi,
alors que je suis là, debout, adossé à la voiture en train de regarder tout
cela. Il vient, ouvre à distance le coffre de sa voiture, descend mon bagage
qui s’y trouve et me dit :
- Ta maison est à peine dix
minutes de marche. Je te laisse là. Je n’aime pas les imbéciles. Si tu n’as pas
de respect pour ta mère, pourquoi devrais-je perdre mon temps pour toi ?
Là, je rouspète et lui
dis :
- Tu ne peux pas m’abandonner
là !
Il me regarde et me dit :
- Tu crois ? Éloigne-toi
de cette voiture si tu ne veux pas te retrouver étaler sur le bitume comme une
crêpe.
Je m’éloigne de la voiture qui
quelques instants après, démarre. Je reste là à contempler le vide. Je prends
alors mon téléphone et appelle Kéyan en lui demandant de venir me chercher. Il
me répond :
- China, je suis à sur la
route en partance pour Cocobeach avec mes frangins. Pourquoi personne n’est
passé te chercher ?
Je réponds bêtement :
- Oh, je vais prendre un taxi.
Ça va aller. Bon week-end à toi.
Je raccroche avant qu’il n’ait
le temps de dire autre chose. Je respire un grand coup et regarde les voitures
qui passent devant moi. Je reconnais des voisins. Si je reste là, ma belle-mère
ou quelqu’un de la famille passera. C’est difficile de passer inaperçue dans
Batterie4. Je saute dans un taxi et indique l’endroit où je me rends. J’ai
l’impression d’être poisseuse dans ce véhicule Toyota dont les fauteuils ne
sont plus tout neufs. Quand j’arrive enfin chez l’oncle Arthur, le gardien
m’accueille poliment et me conduit à l’intérieur en portant mon bagage.
L’accueil que l’on me réserve
ici est très chaleureux. La tante Hortense me prépare une tasse de thé avec une
omelette au fromage et me fait même toaster deux tranches de pain. Cette femme
est beaucoup plus douce que la chère Alice Oyembo, aussi douce que la tante
Monique, l’épouse de l’oncle Éric, le jumeau de mon beau-père.
Dans la chambre qu’ils m’ont
préparée, je me retrouve dans un calme tellement apaisant ! Bientôt je
m’endors comme un bébé.
Il est pratiquement 17h quand
je me réveille. Mon téléphone en main, je me rends compte que j’ai reçu une
notification de La Part de la compagnie aérienne Air France. Il est
écrit :
Confirmation de vol.
Les passagers sont :
Anissa Oyembo
Alexandre Oyembo
Christian Oyembo
Georgeline Eyang
Perle Santos
Emery Rokita
Gisèle Rokita
Christian Junior Rokita
Donc, pour résumer le tout,
mon époux a prévu de partir en vacance avec son ami et les enfants, la nounou
et ma mère, dans trois semaines. Oui, les enfants seront en vacances dans trois
semaines et, comme des célibataires, ces deux-là vont partir avec les enfants
en m’abandonnant ici ?
Je parie que si j’ai reçu
cette notification d’Air France, c’est simplement parce que Christian n’a pas
encore rayé mon adresse mail de son profil sur la plateforme de réservation.
Sinon, il serait parti sans même m’en informer.
J’ai un immense pincement au
cœur. Ça fait mal. Ça fait tellement mal, que je suis obligée de sortir du lit
pour aller me passer de l’eau sur le visage. La petite voix dans ma tête a beau
me dire que ça va aller, je n’en suis pas convaincu.
Je reviens m’asseoir sur le
lit et là, je décide de réserver en ligne, une place dans le même avion. Nous
irons tous en vacances à Barcelone.
Trois
semaines plus tard…
Cela fait trois semaines que
ma vie a changé. Trois semaines que je joue à la belle-fille modèle. Je me suis
substituée au chauffeur des enfants. Je vais les chercher à la sortie des cours
après leur repas de midi à la cantine et les ramène chez leur grand-mère où ils
attendent leur père qui passe les chercher le soir à la sortie du boulot. Le
samedi matin, je me dévoue pour les emmener à leur cours de natation et leur
offre des tours de manège à l’hypermarché Mbolo avant de les ramener chez leur
grand-mère où leur père vient les récupérer à 11h.
Je n’ai pas mis les pieds à la
villa car j’ai bien compris que je m’en ferai chasser par un coup de pied au
cul. Ce qui est formidable dans ma situation actuelle, enfin, formidable, façon
de parler, c’est que je découvre un autre Christian. C’est-à-dire, quelqu’un
capable de m’ignorer au point de faire de moi, un insignifiant grain de
poussière. Je suis devenue transparente pour cet homme qui répond à peine à mon
bonjour. Il reste de glace face à moi. Cela me fait frémir à chaque fois. Etre
à ce point capable d’assister aux diners de famille le vendredi soir, m’avoir
face à lui et pourtant m’ignorer !!! Oui, je découvre un autre Christian,
sans pitié aucune. Je fais des efforts surhumains pour être toujours plus
belle, bien vêtue et magnifiquement parfumée et coiffée. Le type ne s’en émeut
même pas.
Ma belle-mère regarde notre
cinéma sans rien dire. Elle m’a simplement dit une fois : « Quand
vous aurez fini vos singeries et qu’enfin vous me direz ce qui ne va pas entre
vous, vous saurez où me trouver ! »
Je ne sais pas comment
Christian s’y est pris pour que peu de gens sachent cette histoire de viol. Le
fait est que les gens sont persuadés en majorité, que si Christian ne veut plus
de moi dans sa vie, c’est qu’il a mal digéré le fait que je rejette Alexandre.
Je me montre polie et
attentionnée avec tout le monde. J’accepte même d’aller faire du shopping avec
mes rivales. Je réapprends à vivre. C’est différent. C’est à la fois flippant
et gratifiant. J’arrive à communiquer avec tout le monde.
Excepté avec ma mère…
Il est 20h et je suis prête à
partir pour l’aéroport. J’ai réussi à convaincre ma rivale, Florence, de
m’accompagner en voyage. J’ai dit à tout le monde que nous allons à Paris car
j’ai besoin de me reposer. Ma rivale est ravie de m’y accompagner car je l’aiderai
à faire du shopping. J’ai en fait, pris des billets pour Barcelone car j’ai
l’intention d’y suivre Christian et les enfants. Je pense qu’être loin de
Libreville, me donnera la chance d’approcher mon homme, et qui sait, de
l’obliger à me « voir », à me parler. Je tente le tout pour le tout,
sur ce coup-là !
Je déteste arriver tôt à
l’aéroport, alors je reste tranquillement dans le salon, à discuter avec
l’oncle Arthur. Il est 21h quand je monte en voiture conduite par le chauffeur
des enfants, que j’ai osé réquisitionner ce soir. Florence m’attend déjà à
l’aéroport, accompagné par Christopher, son époux, le petit frère de Bruce.
Quand j’arrive, nous sommes
dans les derniers passagers à enregistrer. Nous montons toutes les deux
retrouver les autres, c’est-à-dire Christian et sa bande, dans un café,
histoire de boire un verre avant le décollage.
On nous fait une place sans
souci. La conversation s’engage gaiement. Je reste silencieuse et caresse les
cheveux de ma fille, qui s’est endormie dans les bras de sa nounou.
- Il faut prendre soin d’elle,
Perle ! dis-je à la nounou.
- Oui, madame. Toujours !
me répond-t-elle.
On appelle coup sur coup tous
les 4 vols internationaux de cette nuit : Air France, South African
Airline, Ethipian, Air Sénégal. Nous quittons le café et allons passer le
contrôle de police pour aller en salle de départ. Je perds quelques minutes
ensuite au duty free et achète des bonbons aux quatre enfants.
Bientôt, je viens m’asseoir
aux côtés de ma mère. Je lui dis alors :
- Si tu le veux bien, je
pourrai changer de siège et venir m’asseoir à tes côtés.
Elle me regarde surprise et me
dit :
- Tu viens avec nous ?
Christian a oublié de me prévenir.
Je lui réponds :
- On prend le même avion, oui.
Je serai ravie que l’on prenne du temps toutes les deux pour discuter.
Elle me regarde et me
dit :
- ça fait deux semaines que tu
n’es pas passée chez moi, Ngningone. De quoi allons-nous discuter ?
La speakerine appelle alors
les passagers du vol South African à destination de Johannesburg, à se
présenter au guichet d’embarquement. Je vois alors ma mère se lever. De même
pour Christian et la bande. Je retiens ma mère par le bras et lui
demande :
- Où allez-vous ? Ce sont
les passagers à destination de Jobourg que l’on vient d’appeler.
Ma mère me répond alors :
- Mais, on va à Jobourg. Quand
tu disais qu’on serait assise l’une à côté de l’autre, tu ne le savais
pas ?
Je la regarde sans
comprendre :
- Mais qu’est ce que tu
racontes, maman ? Tu sais bien que je vais à Paris !
- Je ne le savais pas,
Ngningone. Qui me l’aurait dit ? Ça fait deux semaines que je ne te vois
pas. Qu’est-ce que tu vas faire à Paris ?
J’entends alors Christian
appeler ma mère en lui disant que l’embarquement a commencé.
Je reste là, hagarde, ne
comprenant rien à ce qui se passe. Christian a osé changé de destination ?
Ils ne partent plus à Barcelone ?
Florence me demande
alors :
- Tu ne savais pas que
Christian emmenait les enfants à Cape Town. Je pensais que c’était pour cette
raison que tu voulais en profiter pour aller faire du shopping à Paris !
Moi, c’est hier que je l’ai su.
C’est sans se retourner une
seule fois, que l’homme que j’aime et auquel j’ai lié ma vie, s’en va, passe à
l’enregistrement et disparaît avec les enfants, son ami, la nounou et ma mère.
Que vais-je faire à
Paris ? Pourquoi ai-je un billet d’avion pour Barcelone ? Pourquoi
suis-je toujours en vie alors que mon cœur a cessé de battre ? À quoi bon
continuer de lutter ?
A
SUIVRE…