Chapitre 10 - El luces
Ecrit par NafissaVonTeese
-- PRÉCÉDEMMENT --
Maurice avait
révélé à Amina que les tâches sur la lettre étaient en réalité du colorant
alimentaire, mais cette information ne les menait nulle part. Tout ce dont ils
étaient sûrs, c’est qu’elle ait été rédigée en Australie.
Le téléphone de Maurice avait sonné.
Quelques secondes plus tard, il raccrocha et annonça à Amina que quelqu’un
cherchait à le tuer.
--
«
Soyez polis envers tous, mais intimes
avec peu ; et choisissez-les bien avant de leur faire confiance. » George Washington
Quand
on passe sa vie à écouter, il peut arriver qu’on ressente un profond besoin de
parler à son tour. Parler pour être enfin écouté, parler pour se libérer,
sentir que nous aussi on existe, qu’on peut souffrir, avoir peur, aimer, avoir des
doutes et juger.
Se
confier, qu’on le fasse tôt ou tard, est un passage qu’on ne peut détourner. Mais
ceux qui nous écoutent seront-ils toujours prêts à faire preuve de volonté pour
garder ce qu’ils savent pour eux ? Ou l’utiliseront-ils contre vous quand
cela jouera en leur faveur ? Si tu en doutes, confie-toi à un fou. Qu’il dise
vrai au faux, personne n’accordera d’importance à ses propos.
***
-
Qu’est-ce qui se passe ?
-
Quelqu’un cherche à me tuer.
J’étais
instinctivement allée rejoindre Maurice à l’autre bout de la pièce. Comme il avait
pris l’habitude de le faire avec moi, j’avais pris ses mains entre les miennes
pour l’encourager à m’en dire un peu plus.
-
Mon appart ! Quelqu’un vient de
saccager mon appart.
Il
avait recommencé à aller et venir dans la chambre l’air complètement paniqué.
-
Tu devrais te calmer. C’est
peut-être une blague ?
-
Me calmer ? Un taré vient
d’entrer chez moi, il y a foutu le bordel et tu veux que je me calme ? Il
a même tagué sur ma porte qu’il allait me buter. Ça a l’air d’être drôle ça ? Il
faut que j’y aille.
Il
parlait en se dirigeant vers la porte. Il avait raison, aucune personne, saine
d’esprit, ne ferait ça juste pour rigoler. Si c’était vrai, quelqu’un lui en
voulait et il était réellement en danger de mort.
-
Attend Maurice !
Il
s’était arrêté et s’était retourné pour me faire face. Je ne l’avais jamais vu
dans cet état.
-
Tu ne crois pas que la personne qui
a fait ça pourrait encore être dans les parages ? Combien il y’a-t-il de
chances qu’il soit posté quelque part dans ta rue attendant que tu
reviennes ?
-
J’appelle la police alors;
avait-il dit après une courte réflexion.
Quand
il déverrouilla son téléphone pour composer le numéro de la police, je lui
avais immédiatement sautée dessus pour le lui prendre.
-
Attend !
-
Quoi encore ?
Je
l’avais attrapée par le bras et l’avais menée jusqu’au canapé avant de lui
demander de s’asseoir. Il s’était laissé faire mais sans cacher son air
interrogateur.
-
C’était qui au téléphone ?
-
Saliou, mon voisin d’en face. Son
fils en rentrant, a vu le tag et l’a prévenu. La porte était ouverte alors il
est entré et il a tout trouvé sans dessus dessous. Enfin, c’est ce que j’ai cru
comprendre.
-
Tu peux lui faire confiance ce
voisin ?
-
Bien-sûr que oui !
-
Qu’est-ce que t’as pu faire pour que
quelqu’un t’en veuille à ce point ?
Il
m’avait regardé quelques secondes dans les yeux avant de me jurer qu’il n’en
avait aucune idée. Cela se voyait qu’il avait quelque chose à cacher. J’avais alors
insisté pour qu’il passe la nuit chez moi mais il avait refusé. Maurice était
décidé à aller lui-même mesurer les dégâts et je n’avais rien pu faire d’autre
que de le laisser s’en aller comme il le souhaitait.
***
Il
avait regardé autour de lui avant de s’élancer dans une étroite ruelle vide et
sombre. Une odeur nauséabonde sortait d’une benne à ordure que j’arrivais à
peine à voir dans le noir, même à dix mètres de moi. Il s’avançait à pas
certains, évitant de petites flaques d’eau et de grosses pierres éparpillées
par terre. Apparemment, ce n’était pas la première fois qu’il posait les pieds
dans cet endroit immonde. Postée à l’angle, je le regardais marcher jusqu’à
s’arrêter au bout de la ruelle, pour se mette à tambouriner avec ses deux mains
sur une porte en fer. Il avait attendu cinq secondes et avait recommencé à
taper sur la porte continuellement en criant « El luces ».
J’avais
cru que c’était un nom de code jusqu’à ce que la porte s’ouvre, laissant
échapper un mélange de musique reggae et de rires d’hommes. Un homme habillé
tout en noir, excessivement musclé et faisant presque deux fois la taille de
Maurice sortit, avant de refermer la porte. Il croisa les bras et l’air sévère, le regarda sans dire un seul
mot.
-
Je veux voir El luces.
Ce
n’était pas un nom de code, mais le nom d’un homme se trouvant certainement
derrière cette porte. Maurice ne donnait pas l’air d’être intimidé par toute
cette masse de muscles qui se postait devant lui comme un mur.
-
Un enfoiré vient de flinguer mon
appart et je suis certain que El luces est derrière ça. Si tu ne veux pas que je
prévienne la police, vas lui dire que Maurice veut lui parler, et tout de
suite !
Il
l’avait apparemment convaincu avec le coup de la police car sur ces mots, l’homme
avait disparu derrière. Quand il revint, il laissa Maurice entrer. Il avait alors
jeté un coup d’œil à la ruelle avant de refermer la porte.
Comme
je m’en doutais, Maurice en savait plus qu’il ne m’en avait dit. J’avais pensé
aller faire comme lui, frapper à la porte et demander après El luces pour voir
ce qui se tramait dans cet endroit, mais c’était un énorme risque de m’attirer
des ennuis, étant donné que je n’avais aucune idée sur qui étaient ces gens là.
Je n’avais pas besoin de les connaitre en personne pour deviner que ce
n’étaient pas des anges.
Il
m’était aussitôt venu l’idée d’appeler mon informateur. Il savait absolument
tout ce qui se passait dans cette ville, de jour comme de nuit.
Comme
à chaque fois qu’il décrochait son téléphone, il ne prononça aucun mot. La
règle était la suivante : il fallait composer son numéro, attendre à la
cinquième sonnerie qu’il décroche, faire sa demande et une proposition de prix
pour le service en moins dix secondes, raccrocher et attendre qu’il rappelle si
cela lui convenait.
Personne
ne connaissait son nom alors chacun lui donnait celui qui lui convenait. Je me
demandais même si quelqu’un l’avait déjà vu en vrai à part ses hommes de main
qui exécutaient les marchés qu’il acceptait.
« Je veux tout savoir sur un type pas très net
qu’on appelle El luces. 500.000 francs, c’est mon prix ; et le double
si j’ai toutes les infos tout de suite. »
Cinq
minutes plus tard, il n’avait pas rappelé et Maurice n’avait toujours pas réapparu.
Je commençais à m’inquiéter pour lui mais je ne pensais toujours pas que
c’était une bonne idée d’aller le chercher sans savoir qui était ce El luces.
J’avais alors rappelé et cette fois-ci il avait répondu à la deuxième sonnerie.
-
Vos papiers sont prêts. Vous quittez
la ville demain.
-
Il était prévu que je parte dans
trois jours, pas avant.
-
Demain !
-
Je double mon prix ! Non je le
triple.
-
Demain à la première heure, je vous
donnerai une adresse pour récupérer votre nouveau passeport et votre billet
d’avion. Oubliez tout ce que vous savez, l’assassin de votre mère et même El
luces, si vous tenez à votre vie. Quittez cette ville et ne revenez plus
jamais.
Il
avait raccroché. Durant les trois minutes qui suivirent, je l’avais rappelée à
multiples reprises, mais je tombais directement sur sa messagerie. Une chose
m’échappait mais je ne savais pas ce que c’était.Au moins, j’étais maintenant
certaine que El luces était quelqu’un de dangereux. Alors d’où est-ce que
Maurice le connaissait ?
La
porte en fer s’était brusquement rouverte et Maurice avait littéralement été jeté
dehors. Il se retourna, mais l’homme baraqué avait déjà refermé la porte à
laquelle il donna deux coups de pied en les traitant tous de bande d’enfoirées.
Quand il se mit à marcher à ma direction, je m’étais mise à courir pour
atteindre au plus vite un grand arbre à quelques mètres de moi pour me cacher derrière.
Une
heure plus tard, je le suivais toujours.
En
quittant cette mystérieuse ruelle, il
n’avait pas directement rejoint son appartement. Maurice avait marché jusqu’à
atteindre la Route Nationale 1 et l’avait longé en fumant cigarette sur
cigarette, et en passant des appels. Le premier était apparemment destiné à son
voisin, à qui il avait annoncé qu’il avait été à la police pour porter plainte.
A peine il avait raccroché avec lui, il m’avait appelé. J’avais laissé sonner
dans le vide. Il m’avait alors laissé un message vocal me répétant le même
mensonge qu’il avait servi à son voisin, mais en me rassurant que ce n’était
rien de grave, et que la police lui avait assurée que ce n’était pas la
première fois que cela arrivait dans le quartier et que c’était simplement un
groupe d’ados qui s’amusaient à voler de l’argent dans les maisons inoccupées
et à tout casser sur leur passage.
Il
appela encore une certaine Myriam à qui il demanda s’il pouvait passer la nuit
chez elle.
Quand
il sauta sur le premier taxi qu’il avait trouvé, je décidai de rentrer. Juste à
ce moment, je sentis une forte pression sur le bas du dos, on aurait dit que ma
colonne vertébrale allait se briser en deux. Avant même que je ne puisse
réagir, quelqu’un avait passé son bras autour de mon cou l’avait serré. J’avais
sursauté, essayé de me libérer en bougeant dans tous les sens mais il serra
plus fort son bras pour m’en dissuader.
-
Tu dis un seul mot, je te
bute ! Tu bouges le moindre petit doigt, je te bute aussi. Compris ?
C’était
la voix d’un d’homme que je ne reconnaissais pas. Mon cœur battait cent à l’heure et je me sentais piégée,
complètement désarmée. J’essayais de rester calme et de réfléchir sur comment
me tirer de là. Je ne voyais aucune option à part me débattre jusqu’à me
libérer et courir aussi vite que je pouvais, mais cette idée me sortit très
vite de la tête quand je reconnus le bruit étouffée d’une détonation, celui d’une balle
qui avait traversée à grande vitesse un silencieux. L’homme avait alors
rapproché ses lèvres jusqu’à les coller à mon oreille avant de me murmurer :
-
Je tire toujours par terre avant de
tirer sur ma cible. C’est en quelque sorte ma signature. La prochaine balle
risque de te briser deux ou trois côtes avant de transpercer ton petit cœur,
alors je te conseille de rester cool.
Une
voiture noire se gara juste à mes pieds et la portière arrière gauche s’ouvrit.
Je n’avais eu le temps d’apercevoir qu’un bras quand il me poussa dedans,
referma la portière et prit place sur le siège passager avant.
Il
y avait deux autres hommes, un à côté de moi et un autre au volant qui avait
aussitôt démarré en trombe.
-
On va faire un tour ; avait-il
dit.