Chapitre 10: Je te déteste
Ecrit par kaynaliah
Georges MINKO
Je m’étais préparé à plusieurs éventualités mais pas à celle-ci. Je ne
pensais pas que ma fille me traiterait ainsi. Je ne pensais tout
simplement pas que les choses se passeraient ainsi. Je suis encore
devant le petit portail que Réhyma vient de me claquer au nez. J’ai pu
lire dans son regard de la haine et de la rancœur. C’est officiel : ma
fille me déteste. Je sais que cela ne
devait pas être facile de me rapprocher d’elle mais là j’ai bien peur
que cette mission s’avère tout simplement impossible. Pour l’instant en
tout cas. Je soupire longuement avant de retourner à ma voiture. A quoi
je m’attendais sérieusement ? J’ai abandonné ma fille et ça je le
regrette chaque jour de ma vie. Je n’ai pas su être un père pour mon
enfant et j’ai surtout trahi la promesse faite à la seule femme que je
ne cesserai d’aimer, Jeanne. Je démarre ma voiture et roule dans les
rues jusqu’à Angondjé. J’essaye de me concentrer sur ma conduite mais
les évènements de tout à l’heure m’en empêchent. J’arrive sans problème
chez moi et je vois la voiture de Clarisse garée sur le parking. Je
salue le gardien avant d’entrer dans la maison. Je passe par la porte
arrière donnant accès à la cuisine. Je traverse le long couloir et
trouve au salon principal Clarisse et Mélissa.
-« Bonne arrivée chéri »
-« Bonsoir Clarisse. Mélissa. »
-« Bonne arrivée beau-papa »
-« Qu’est-ce que vous faîtes ? »
-« On discutait de tout et de rien »
-« Bon je vous laisse les amoureux »
-« Soit prudente sur la route »
-« Oui maman ne t’inquiète pas. Bonne soirée »
-« Pas d’excès ce soir Mélissa. Tu conduis et tu es donc responsable donc agis comme tel »
-« Promis beau-papa. Bon j’y vais et ne m’attendez pas ce soir car j’ai une très longue soirée »
Elle nous a fait des bisous avant de disparaître. Je me suis enfermé
dans mon bureau et ai commencé à être nostalgique. Jeanne restera
toujours dans mon cœur et je ne cesserai jamais de l’aimer. Elle est
l’amour de ma vie et la mère de mon enfant. On a vécu tellement de
choses ensemble. On était si heureux avant que la maladie ne s’installe
dans notre quotidien. On était jeunes et avions la vie devant nous et
cette épreuve nous a encore plus soudés que jamais. J’étais prêt à tout
pour Jeanne. Je l’aimais et l’aime encore plus aujourd’hui. Quand le
médecin nous a appris sa rechute, j’ai été déboussolé. Le pire de tout
cela a été de savoir qu’elle était en phase terminale. J’aurai pu
employer les meilleurs médecins du monde mais ils n’auraient rien pu
faire pour ma femme. Je refusais de faire face à la réalité. Je refusais
de croire que sous peu ma femme ne serait plus là. Ce fut une période
extrêmement difficile et douloureuse. Quand ma femme est partie, ce fut
un véritable chaos dans ma vie et dans celle de ma fille. A beau savoir
qu’elle était l’issue, je n’y étais pas du tout préparé. Je ne parlais
plus et ne m’alimentais plus. Je m’étais juste coupé du monde réel.
Comment allais-je pouvoir faire sans Jeanne ? Comment allais-je pouvoir
vivre sans elle ? Comment allais-je pouvoir l’enterrer ? Cela était
au-dessus de mes forces. Et Réhyma qui cherchait sa maman partout comme
si elle comprenait ce qui se passait autour d’elle. Elle était tellement
jeune quand cela s’est passé. Comment aurai-je pu élever mon enfant
convenablement si moi-même je n’étais pas bien dans ma tête.
Lors des obsèques de Jeanne, son médecin est venu me présenter ses
condoléances. Une question n’arrêtait pas de ressurgir en moi : Que
s’est-il passé pour que je perde tout du jour au lendemain ? Je
n’arrivais plus à gérer les crises de Réhyma et elle m’énervait de plus
en plus au point qu’un jour je lui ai hurlé dessus en lui disant que sa
mère était morte et ne reviendrait plus jamais. Elle me regardait en
pleurant et s’était rendue dans la chambre de sa tante. J’ai regretté
dans l’immédiat mais encore plus quand Grâce m’a assené une gifle et m’a
rappelé à l’ordre. Il était normal que ma fille cherche sa mère car
elles étaient tellement proches. C’était vraiment difficile et encore
plus avec leur ressemblance frappante. J’ai rencontré le cancérologue de
Jeanne quelques semaines après les funérailles et j’ai eu à faire des
découvertes qui ont tout changé.
On avait recommandé à jeanne
de patienter deux ans avant de décider de tomber enceinte. Mais
apparemment son désir d’enfant était tellement fort qu’elle n’a rien
respecté. Même si le médecin m’a assuré qu’il n’était pas certain du
lien entre la grossesse de Réhyma et la rechute de Jeanne, je ne peux
m’empêcher de me poser des questions et de la rendre responsable de la
rechute du cancer de sa mère. Est-ce que Jeanne serait encore là s’il
n’y avait pas eu Réhyma ? Je n’en sais rien mais je tiens notre fille
pour responsable de tout ce chaos. Des petits coups frappés à la porte
me ramène à la réalité.
-« Entrez »
Clarisse entre avec un verre de vin à la main.
-« Ça été la journée?"
-"Si on veut"
-"Tu as eu des nouvelles de la banque?"
-"Pas encore"
-"As-tu pensé à ma proposition?"
-"J'ai pas besoin d'y penser et comme je te l'ai déjà dit c'est non"
-"Georges je crois que tu ne mesures pas les conséquences"
-"Oh que si je les mesure. Tu n'avais qu'à faire correctement ton
travail. Trouves-tu logique de vendre des prestations à des clients qui
ne payent pas juste parce qu'ils font partie de la famille
présidentielle. Quand tu vas à la boulangerie tu paies avant d'être
servi. Non contente d'avoir des arriérés de paiement, tu continues à
leur vendre des prestations."
-"Je suis désolée Georges"
-"Ce ne sont pas des "je suis désolée " qui fermeront l'ardoise de 100000000 de cfa"
-"Mais Jean-Denis peut fermer cette ardoise"
-"Il n'en eSt pas question."
-"on peut éviter la liquidation judiciaire grâce à ta fille"
-" Pourquoi ne vas-tu pas hypothéquer la vie de ta fille au lieu de la mienne"
-"Parce que Jean-denis veut Rehyma et personne d'autre "
-"Pour la dernière fois, ma fille ne se mariera pas à cet homme et fin de la discussion"
Clarisse est ma compagne depuis 8 ans à présent et non je ne compte pas
l'épouser. Je reste marié à Jeanne et personne d'autre ne prendra sa
place. Clarisse travaille dans une de mes agences de voyages dont elle
est responsable. Je lui ai fait une confiance aveugle vu que je ne
ferais pas cette agence à cause de mes nombreux voyages. Lorsque j'ai
vérifié les finances, j'ai vu d'énormes anomalies et là je suis au pied
du mur. Elle donnait des bulles d'avion à des membres de la présidence
et qui ne puaient surtout pas. J'ai un trou de 100 millions dans les
caisses. Soit ils payent soit on ferme. Un procès serait très long et
coûteux pour moi. Un de mes amis a proposé de m'aider mais veut Rehyma
comme 3 eme épouse en contrepartie. J'ai refusé car ma fille n'est pas
une marchandise et épousera l'homme qu'elle aimera. La sonnerie de mon
téléphone retentit: un appel entrant mais le numéro est inconnu,
-"Allô"
-"Ne t'approche plus jamais de moi"
Koum Koum Koum
-"Rehyma?"
-"Je te hais papa du plus profond de mon être"
-" Rehyma...."
-"J'aurai tellement préféré que ce soit toi dans une tombe à la place de maman"
Koum Koum koum
Elle a raccroché. Ma fille me hait et c'est officiel.