CHAPITRE 10 : Le coup de gueule

Ecrit par delali





Quelques heures plus tard à La Línea


Mélina n’a pas eu une seconde à elle de toute l’après-midi. Elle n’avait pas encore fini les dessins qu’elle avait en cours, qu’elle a été alertée par la plateforme du groupe de travail créé par l’entreprise. Dans ce groupe de travail passent uniquement les messages liés au travail. Les premiers messages ont commencé à venir d’Alexandro. Il adressait déjà de nouveaux briefs pour d’autres projets. Mélina en a été surprise. Il se tenait dans son bureau il y a quelques heures à peine, il n’a pas fait mention de telles choses. D’habitude, il attend qu’elle ait terminé son projet en cours avant d’en entamer un autre. Mais là, elle reconnait ses procédés des mauvais jours. 

Quand Alexandro se met à agir de la sorte, elle comprend tout de suite, qu’il ne veut plus faire dans les relations interpersonnelles, qu’il se considère juste comme le supérieur hiérarchique qu’il est, en mesure de réclamer un résultat de son subalterne et rien d’autre. Mélina s’est alors tout de suite ravisée de lui faire l’artiste qui manque d’inspiration, cela n’avait que trop duré. 

Lorsque les briefs d’Alexandro ont atterri dans le groupe, les autres membres du groupe ont accusé réception, Mélina s’est dépêchée de faire de même. Elle a passé ainsi toute l’après-midi à rendre compte de l’évolution du travail sur lequel elle était, elle doit dire qu’Alexandro ne l’a pas ménagée un seul instant. Elle reconnait là ses agissements des mauvais jours, pas qu’il fait la misère à tout le monde, mais il ne vise qu’une seule chose, le résultat sans aucunes autres explications. 

Lorsque son après-midi de travail se termine et qu’elle est fin prête à rentrer chez elle, Mélina se demande qu’est ce qui a bien pu changer si brusquement l’humeur d’Alexandro. Elle est tentée de faire un tour à son bureau avant de rentrer. Elle rassemble ses affaires, ferme son bureau, dit au revoir à quelques collègues sur le même palier qu’elle, et emprunte le couloir qui mène au bureau d’Alexandro. Elle est sur le point de taper, lorsqu’elle l’entend comme en conversation téléphonique.

Je suis désolée Bella, j’ai été débordé, disait-il. Oui, laisse-moi te faire signe, dès que je rentre. Bises.

Mélina frappe et entre. Il lève la tête et la voit.

Tiens Dona ! s’exclame-t-il avant de retourner à ce qu’il faisait.

Tu es occupé ?

Je t’écoute.

Euuuh… je venais juste te faire un coucou, on a plus eu le temps de se dire quelque chose.

Ah oui. Tu sais, il faut que le travail avance, c’est pour cela que j’ai accéléré les choses. J’espère que tu comprends, il ne faudrait surtout pas que tu penses que je ne respecte pas ton temps créatif ou d’inspiration, c’est que le directeur marketing commence à s’impatienter, il a raison d’ailleurs, nous sommes vraiment en retard et je ne sais plus quoi lui dire pour lui faire prendre patience…

Bien sûr je comprends Alex.

Pas trop fatiguée j’espère ?

Juste un peu, les nouveaux ne sont pas encore moulés, il faut que je les guide pas à pas, mais ça ira.

Ok.

Il se reconcentre aussitôt à son travail en se mettant à griffonner des choses sur le papier qui est posé devant lui sur son bureau. Voulant détendre l’atmosphère, elle lui dit sur un ton taquin :

Tu ne devrais pas rentrer plus tôt ce soir ? Bella doit s’impatienter.

En entendant cela, tête toujours baissé sur sa paperasse, il laisse tomber le stylo, puis relève la tête vers elle et demande :

Tu écoutes aux portes maintenant Méli ?

euuuh, … je n’avais pas…

Mélina ! Si tu as terminé ton travail de la journée, je pense que tu devrais rentrer. Tu vois, moi j’ai pris du retard, à cause de TON boulot qui n’avance pas, alors j’aimerais gagner du temps. …Et puis Mar-cus se ferait un plaisir de te voir assez vite ce soir, termine-t-il avec un sourire froid.

Elle respire un bon coup. Elle se sent à la limite ridicule, « Mais qu’est ce qui m’a bien prise de vouloir plaisanter avec lui ? Voilà maintenant qu’il me rabroue avec une raison qui tient la route en plus. » se dit-elle en elle-même. Sans mot dire, elle se lève et sort de son bureau. « Pour ne pas être de bonne humeur, ça on peut le dire » retourne-t-elle en sortant des locaux. Elle est à présent hors du bâtiment quand son téléphone sonne. Elle voit le numéro de sa mère et décroche automatiquement.

Allo maman ?

Oui Méli, on a fini hein, ils viennent juste de partir.

Ah bon ? Ça s’est bien passé ?

Oui, bien.

Il est venu avec qui ?

Il est venu avec un de leur cousin. Ils nous ont apporté du vin et des fruits. Ils se sont présentés et ont demandé ce qu’ils doivent préparer pour la petite et la grande dot, donc ton papa leur a donné tout ça.

Et après ?

Ah, ils ont dit qu’ils vont partir se préparer et revenir.

Hum.

Attends ! Ton monsieur là, quand est ce qu’on le rencontrera ?

Ah maman, soyez un peu patients. Pour le moment lui et moi sommes occupés par le travail.

Ok. Je te laisse alors, fais attention à toi.

Ok, merci maman.

Mélina se rend à la gare pour rattraper sa correspondance de métro. À peine a-t-elle pris place dans l’habitacle que son téléphone se remet à sonner. Cette fois ci c’est un appel WhatsApp, il provient de Marcus. Elle décroche.

Oui chéri ? dit-elle.

Oui ma belle, je suis en route pour La Línea je serais là dans trois heures de temps environ.

Ok, ça marche, là, je suis en train de rentrer.

Ok, à tout à l’heure, bisous.

Bises.

***

Pendant ce temps à Abomey-Calavi

Kenji comme à son accoutumé est en train de longer la clôture de l’université d’Abomey Calavi à pied pour se rendre chez lui. Il commence à être las de cette vie. Pourquoi le sort ne se souvient-il pas de lui ? Ses amis avec qui il a fait l’université à Malabo, ont presque tous trouvé quelque chose à faire, mais lui non. Il commence même à se demander s’il avait bien fait de venir dans son propre pays. L’adage dit que « l’on se sent mieux que chez soi », mais là, il se demande si c’est vraiment le cas. Il sent tout sauf se sentir mieux. Depuis qu’il est arrivé, le job de longue durée qu’il a pu obtenir est un stage de trois dans une boite de la place, et pour couronner le tout, il a perdu son père. Ce dernier n’a même pas pu jouir ne serait-ce qu’un petit moment de son fils. Et maintenant il a l’impression d’être étranger dans son propre pays. Le sage qui a pensé cet adage a voulu certainement dire que « chez soi, c’est là où l’on se sent mieux ».

Il atteint enfin la demeure familiale. Il rencontre quelques locataires au portail à qui il passe le bonsoir. Il entre dans la concession et sors les clés de sa poche pour ouvrir son studio, lorsque son jeune cousin, un fils à son oncle Fabien l’interpelle :

Fofo* ? (*grand frère en vernaculaire) Dit le garçon.

Oui. Tu vas bien ?

Oui, ça va ! Papa a dit de venir le voir dès que tu seras là.

C’est pourquoi ? demande t – il d’un air abrupt.

Je ne sais pas. Il m’a dit de te dire ça seulement.

Sans piper un mot, Kenji passe son chemin et ouvre sa porte. Il s’introduit dans la pièce et commence à se déshabiller. Il est sur le point d’aller prendre une douche lorsqu’il reçoit un message. Il est de sa mère.

« Passe me voir Kenji, avant de parler à ton oncle, c’est urgent ».

Aussitôt, il se passe un t-shirt relax au cou et ressort de son studio. L’appartement de sa mère se trouve à l’autre bout de la concession. Il passe devant la porte de son oncle sans même se soucier de savoir si ce dernier était à l’intérieur. Une fois devant celle de sa mère, il toque, et cette dernière lui demande d’entrer. Ce qu’il fait sans attendre. Il s’assoit en face d’elle comme à son habitude.

Comment vas-tu mon fils ?

Bien maman, et toi-même ?

Ça va ooh. Je m’accroche. Et ta journée ?

Pas mal maman, la routine.

Ok.

Elle prend une petite pause avant de reprendre :

Si je t’ai appelé, c’est pour pouvoir te parler avant ton oncle…

Il veut quoi encore celui-là ? dit-il d’un air déjà exaspéré.

Eeeeh, calme-toi, c’est justement pour ça que je t'ai appelé, ne réponds pas à ses provocations...

Mais maman dit moi ce qui se passe. 

A peine a t-il prononcé cette phrase que son oncle Fabien fait irruption dans la pièce, en disant à l'endroit de Kenji :

Mais toi l'enfant là, on ne t'a pas dit que j'ai besoin de toi ? 

Mais mon oncle, je viens à peine d'arriver et tu vois bien que je discute avec maman... 

Ah bon ?  Parce que tu respectes plus ta mère que moi ?  Mais ce n’est pas croyable, tu ne sais pas que je suis le grand frère de ton père ! 

Kenji détourne son regard en faisant la moue. Il se dit au fond de lui-même « À quoi il s'attendait lui ? Ma mère est cent fois plus importante que lui, n’importe quoi ! ». La mère de Kenji voyant que son beau-frère cherche des raisons pour s'emporter contre son fils, tente sur le champ de calmer le jeu. Elle dit 

Calme toi Fabien, je lui disais justement de passer te voir.

N'essaie pas de défendre ton fils, je le connais très bien. Depuis que mon frère n'est plus de ce monde, il ne me respecte plus 

Oncle ! interrompt Kenji. Me voici, dis-moi pourquoi as-tu besoin de moi ? 

Moi, avoir besoin d'un petit comme toi, je n'ai pas besoin de toi. Je te cherchais pour te remettre la facture d'électricité...

Quelle facture ? demande le jeune homme sur le qui-vive

Mais celle de ta mère, il faut bien que quelqu'un la paye la facture. 

Comment ça la facture de ma mère ? 

La mère de Kenji sentant les esprits se chauffer, agite les mains discrètement en direction de son fils afin que celui-ci ne se laisse pas emporter. Mais c'est à croire que Kenji attendait l'occasion rêvée pour tenir tête à son oncle. Celui-ci reprend :

Ah !  Comme ça, tu ne savais pas que quelqu'un devait payer la facture de ta mère ? Ton père n'est plus là, c’est toi l'homme de la maison maintenant. 

Attends oncle, si je ne me trompe pas, tu utilises le même compteur que cet appartement.  Il n'y a que mon studio et les locataires qui sont sur un autre compteur, alors pourquoi tu me demandes de payer ? 

Ah ! Mais c'est ton père qui payait la facture de cet appartement sans rien dire à personne ... 

Mais tu l'as dit oncle, mon père n'est plus. Et s'il continuait de payer, c’est parce qu'il ne voulait pas d'histoire. 

Odjé* ! (* Interjection en vernaculaire fon qui exprime la surprise)

Depuis son décès, même les comptes arabes que tu lui faisais, tu ne le fais plus à personne et tu me demandes encore de payer une facture que toi même tu as utilisé ?  

Ah bon ?  Ton père n'aimait pas les histoires, mais toi tu les aimes ? 

Je suis désolé oncle, je n'ai pas l'argent pour payer cette facture. 

Fabien, est ébahi par les propos de son neveu. Il est pratiquement bouche ouverte lorsque la mère de Kenji se lève pour essayer de sauver la situation.

S'il te plaît Fabien, calme-toi. Ne t'inquiète pas, moi-même je lui ferai payer cette facture 

Maman, je dis... 

Tais-toi Kenji ! intime-t-elle à son fils. Ça suffit maintenant. Je ne te permets pas de manquer de respect à ton oncle.

Puis elle se retourne vers Fabien et lui dit encore :

Ne fais pas attention à ce que raconte cet enfant Fabien, c’est mon fils, il payera cette facture. 

Fabien toujours sous l'effet de la surprise, se tape les deux mains entre elles tant il est sidéré, puis il sort de la pièce.  La mère de Kenji se retourne vers son fils.

Mais est-ce-que tu peux m'écouter un jour ? Je t'ai plusieurs fois dit de ne pas répondre à ses provocations. 

Jusqu'à quand maman ?  Jusqu'à quand ?  Au point où papa y a laissé la vie.  Avec moi, cela ne se passera pas comme ça. 

Aie confiance en ton créateur, ce loup ne détient pas ta destinée entre ses mains, mais ce que je veux éviter c'est que tu l'affrontes ouvertement. Il ne dira rien, mais par la suite il cherchera à te nuire mystiquement. 

Je l'aurais découpé physiquement avant maman ! 

Ne dis pas des choses pareilles. Tiens j'ai un peu de sous ici, prend les et complète pour régler la facture. 

Kenji hésite longtemps avant de prendre l'argent que lui tendait sa mère.

C'est parce que c'est toi hein maman, sinon, il allait me sentir ! 

Oui, fait le pour moi mon fils. 

Kenji se retire dans son studio, après avoir dîner, il s'accroche à son téléphone portable pour surfer sur les réseaux sociaux, histoire de se changer les idées. Toutefois, il ne manque pas de relater la scène à son acolyte Malik.  Ce dernier lui répond par WhatsApp :

« Ne t'en fais pas frangin, on finira par lui faire sa fête un de ces quatre à ce nabot ! »

Cela a eu effet de détendre Kenji pour le reste de la soirée. 


***

Au même moment à Cotonou

Marianne est dans la cuisine, c’est son tour de la faire cette fois ci. Elle est rentrée avec son humeur morose de la journée. Elle s’affaire, histoire de terminer avant que les invités de sa mère ne partent, parce qu'elle sait qu’une fois que ce sera le cas, cette dernière viendra l'envahir.  Elle a envie de tout ce soir, sauf de parlementer. 

Elle se presse donc. Elle est à 20 minutes de la fin, lorsque sa mère fait son apparition dans la cuisine.

C'est prêt ?  demande-t-elle.

Dans quelques minutes encore.

Ok, faits vite, ton père ne va plus tarder à rentrer. Et puis je veux te parler.

Pardon maman, je n’ai pas envie de parler ce soir.

Tu n’as pas envie de parler ? Et pourquoi tu es venue au monde alors ? Le monde appartient à ceux qui savent se défendre. Samir m’a appelée aujourd’hui.

Je n’ai surtout pas envie de parler de lui. Samir par ci, Samir par-là, je suis fatiguée !

Pourquoi tu continues de le bouder ?

Marianne stoppe la vaisselle qu’elle était en train de faire, elle lève les yeux vers le ciel et pousse un soupir avant de dire :

Puisque Samir et toi trouvez qu’il n’a rien fait de mal, alors pourquoi où est le problème ? S’il n’a rien fait de mal, qu’il reste tranquille, pourquoi s’agite-t-il tant ?

Hum Ria !! Tu es bête ou bien tu fais semblant ? Est-ce qu’on n’a pas échangé ma fille à l’hôpital par hasard ?

Maman !

Mais c’est vrai ! Ria, tu ne me ressembles pas. Si tu n’es pas habile ici-bas, tu te contenteras des restes des autres.

Eh maman, c’est à cause de cet infidèle de Samir que tu me traites comme ça ?

Tu sais combien de jeune fille rêve d’avoir un homme comme lui ??? C’est sa fidélité qui veut te nourrir ? T’habiller ? Tenir votre foyer ?

Mais maman, c’est pour ça que je travaille aussi, pour pouvoir lui être une aide. Ce n’est pas à cause de son argent qu’il fera de notre couple ce qu’il veut !

Tu es bête ma fille ! Ria je te dis tu es bête ! Ce n’est pas parce que tu seras une aide financière pour un homme qu’il te sera fidèle. Alors s’il est responsable et assume son devoir, rend grâce à Dieu et sois heureuse. Ton argent à toi, tu le prends pour réaliser tes projets personnels.

Aaaah maman, c’est forcé de rester avec un homme comme celui-là ? 

Et tu veux trouver mieux où ça ? A 25 ans déjà, tu ne sais pas que tu vieillis ? Regarde ta cousine Mélina, elle est en train de finir vieille fille. Tu veux finir comme elle ? Ce n’est pas dans ma maison ici !

Marianne ne dit plus mot, mais fait la moue. Elle se penche légèrement pour éteindre le feu sous la soupe de légumes qu’elle cuisait à feu doux. Sa mère continue : 

Je t’ai déjà dit que tous les hommes sont pareils. Du moment que celui-là veut de toi et peut gérer les responsabilités d’un foyer, c’est le plus important. Je te préviens hein Ria, ne reste pas là à faire ta maligne, et puis Samir va s’en aller…

Le monde à l’envers. Il me trompe, et c’est moi qui fait la maligne, pfff !

Je t’aurais prévenue en tout cas, tu auras affaire à moi dans cette maison.

Sans plus rien ajouter, elle sort de la cuisine en disant :

D’ailleurs, ça n’arrivera même pas tant que je suis vivante.

Marianne respire un bon coup, et garde ses dernières réflexions pour elle-même. Elle s’active de servir le repas, son père remarque son humeur pas très habituelle et la questionne, mais elle évite de dire mot. Sa mère la menaçait d’ailleurs du regard à ce sujet. Puis Marianne se retire dans sa chambre. Elle y trouve Adeline qui est en plein dans ses bouquins. Celle-ci lui demande lorsqu’elle voit sa sœur se laisser tomber sur le lit comme une masse.

Qu’est-ce que tu as ?

Rien Adé, je suis juste fatiguée.

Hum ! A cause de la petite cuisine que tu as faite là ? ironise-t-elle pour taquiner sa sœur.

Ne me provoque pas Adé, je suis pas d’humeur.

Samir là même t’a fait quoi pour que tu sois si bizarre depuis hier ?

Étendue sur le lit, un avant-bras posé sur le visage, Marianne dit à sa sœur :

Tu es encore jeune Adé. Étudie, ça vaut mieux pour toi.

J’ai entendu un peu de votre conversation tout à l’heure avec maman…

Marianne se redresse aussitôt.

Tu écoutes aux portes maintenant ?

Je voulais juste un verre d’eau et j’ai entendu par mégarde. Tu ne veux plus te marier avec Samir ? Il t’a fait quoi ?

Humm... soupire-t-elle bruyamment.

Je m’inquiète Ria, surtout à cause de ce que tu m’as dit hier, tu imagines si mam…

Du calme Adé. Je … je réfléchis encore. La maman de Samir m’a appelée aujourd’hui …et je ne sais pas encore trop, …je vais peut-être revoir ma décision.

Ouf ! C’est super ça ! dit-elle en se précipitant sur sa sœur.

Toutes les deux retombent sur le dur matelas, Marianne s’écrit :

Adeline, tu m’étouffes là !

Puis Adeline reprend :

Je suis plus tranquille maintenant. J’ai faim tout d’un coup, tu viens on va manger.

Vas y. je vous rejoins.

Adeline s’empresse de sortir de la chambre, laissant Marianne seule. En réalité, elle n’avait pas l’appétit, toute cette histoire avec Samir est en train de chambouler sa vie. La vie à deux ne semble pas être le compte de fée qu’elle croyait. Mais est-ce pour autant qu’il faille qu’elle passe l’éponge sur cette bassesse de Samir ? Elle se sent juste lasse de réfléchir. Elle n’en peut plus aussi avec toute la pression qu’elle subit, d’abord, Samir lui-même, la mère de Samir et sa maman à elle, qui est le summum de la pression. C’est à croire pour elle qu’une femme qui n’est pas mariée est une malédiction. Elle se met debout, va prendre une douche, et se glisse sous ses draps sans se faire prier.

***

Deux heures plus tard à La Línea

Mélina repasse encore une fois son appartement en revu. Il doit être impeccable. Ce soir elle reçoit pour la première fois Marcus dans son intérieur. Elle s’est attelée comme une forcenée à faire le ménage de fond en comble dans tout l’appartement. Seulement ce soir, elle reprend en considération les propos d’Alexandro quant à l’aménagement de son habitation. Si seulement elle l’avait écouté plus tôt, elle ne se sentirait pas gênée de recevoir Marcus avec si peu de confort.

Bof ! Et puis, s’il m’aime pour de vrai, il ne ferait pas attention à ces détails. Lance-t-elle tout haut avant de filer tout droit dans sa douche.

Une demi-heure plus tard, Mélina est fin prête. Elle a passé une robe volante blanche en coton coupée à la taille et a retenu en chignon ses longs cheveux nappy tressé en dreads. Elle se dirige vers son salon et regarde sa monte, il 23 heures moins le quart. Marcus ne devrait plus tarder. A peine l’a-t-elle pensé qu’elle reçoit un message WhatsApp. Elle se rue sur le téléphone en pensant à lui, son intuition ne l’a pas trompée, c’était bien lui.

« Allo ma puce ? Toujours en éveille ? »

« Oui, toujours, je t’attends. »

« Ok, je ne vais plus tarder. D’ici trente minutes je devrais être là. »

« Ok, à tout de suite »

Dès que Mélina pose son téléphone, elle prend place confortablement dans l’un de ses deux fauteuils une place. Elle s’y recroqueville et se met à contempler le ciel étoilé à travers sa fenêtre à demi couverte par un rideau.

La sonnerie, sans cesse répétée de l’iPhone posé sur la petite table basse, réveille Mélina en sursaut. Elle se redresse d’abord, prend quelques secondes pour recouvrer un peu de lucidité, puis elle regarde autour d’elle. Il n’y a aucun danger en vue, elle est à l’intérieur chez elle. Puis la seconde d’après le pourquoi des appels lui vient à la mémoire, Marcus !!! Il doit être là à présent. Elle regarde la montre, il est 23 heures passées de 30 minutes. Elle s’empresse de décrocher le téléphone.

Allô ? entame-t-elle.

Ça fait plus d’un quart d’heure que j’essaie de te joindre, mais où étais-tu passée ?

Désolée, je me suis endormie sans m’en rendre compte. Où es-tu à présent ?

Je suis devant ton immeuble, mais ton agent de sécurité refuse de me laisser passer…

Oh, vraiment désolée, pas…

Dépêche ! J’ai horreur d’attendre et il fait un froid terrible par ici ! débite-t-il d’un ton acerbe. 

Désolée, désolée, passe-le-moi, je lui parle.



 
À TOUT PRIX !! - Tom...