Chapitre 10: S'incruster

Ecrit par Lalie308

It's like the walls are caving in.


C'est comme si les murs cédaient.


Sometimes I feel like giving up, but I just can't.


Parfois je voudrais abandonné, mais je ne peux juste pas.


It isn't in my blood.


Ce n'est pas dans mes veines. 


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Harry—Je n'arrive pas à croire que je vais la rencontrer, s'extasie Audrey d'une voix chantante.

Elle voue une admiration secrète à Michelle depuis qu'elle a lu quelques extraits de son manuscrit. Je suis assez surpris, Audrey n'est pas de ceux qui font de la lecture une priorité, nonobstant cela, elle m'a littéralement supplié pour que je la laisse lire le premier tome tout au moins. Je démarre et nous nous dirigeons vers Homel où se tiendra la petite soirée. 

Audrey n'a jamais mis pied chez moi, je n'aime pas qu'on envahisse la seule chose d'encore intime pour moi, je suis donc allé la prendre chez elle. Dès que nous descendons de la voiture, je la prends par la main, ce geste est banal à mes yeux, mais je sais que pour elle ça signifie tout. J'aime voir ces éclats dans ses yeux quand je lui accorde de l'attention, même si les éclats qu'elle a toujours vus dans les miens sont ceux du vide et de la tension.

Nous pénétrons finalement dans la grande salle paquetée, mon regard se promène dans la pièce, à la recherche de Michelle, elle n'est pas encore là. Depuis quand ai-je cure de la présence ou de l'absence de qui que ce soit ? Je dois être en train de tomber malade. Après les mondanités d'usage, j'abandonne Audrey qui, éternelle sociable, fait le tour des invités. 

Mon regard se pose sur elle, sur Michelle, elle est encore plus belle que d'usage, aux bras d'un homme. Un petit pincement au cœur me dérive, mais je le repousse. Il n'a pas le droit de la côtoyer de si près, elle est mon remède, elle est mon rayon de soleil. L'idée qu'un autre puisse jouir de la personnalité, de la présence de Michelle ne me plait pas et pourtant je ne suis pas attaché à elle, je ne m'attache pas.

Je sens les petits bras d'Audrey s'enrouler autour de mon bras et discerne un voile sombre qui traverse le visage de Ginger. Je ne m'y attarde pas. Audrey me parle, mais je n'entends rien, mes sens ne fonctionnent plus. Pourquoi ? Suis-je si malade ? J'entraîne Audrey vers le buffet où se trouvent Michelle et son cavalier. Ils sont complices, il est si attentionné avec elle, il est si libre que je me dis que je ne serai jamais ainsi avec elle. Michelle mérite une personne libre, qui voudra partager sa liberté avec elle. Mais qu'est-ce que je raconte, moi ? 

Je lance un « hey » et ils se tournent vers nous. Michelle est toute rouge et avale difficilement sa bouchée. Il n'y a qu'elle pour manger aussi librement en public. Audrey ne se retient pas pour lui chanter des louanges, mon regard reste pourtant accroché sur celui en face de moi. Michelle finit par le présenter. Liam, son meilleur ami. Ai-je déjà été le meilleur ami de quelqu'un moi ? Je ne pense pas. Lorsque nos deux compagnons s'en vont, je pose un regard amusé sur elle. Pourtant, la situation ne m'amuse pas autant.

Je la taquine légèrement tandis que sa réaction comme toujours me fait sourire. Lorsque la chanson d'Ed Sheeran prend place, Michelle se trémousse puis m'invite à danser. Ils ne m'ont jamais vu danser à Homel et pourtant, j'y suis depuis cinq années, depuis mes vingt ans. Mais Michelle brise mes interdits, mes barrières. J'ai tenté de guérir pendant des années, en moins d'un mois, elle a fait plus que je ne l'ai fait en plusieurs années. Mes gestes restent mécaniques mais au moins je danse. 

J'ai toujours aimé ça, laisser mon corps s'exprimer librement au rythme de la musique. Malheureusement, j'ai perdu toutes mes passions, quand ma vie est morte quelques années plus tôt. Je ne me lâche pas assez mais au moins je fais ce petit pas, ce pas que jamais je n'aurais pensé faire. Néanmoins je ne la connais pas et je ne veux pas la connaître. 

Je me laisse conduire par la musique, ça m'a manqué. Mon armure se fissure en l'espace d'une seconde, je n'aime pas ça. Malgré tout, j'affiche un sourire à Michelle qui me conduit dans une conversation bien drôle.

Je suis à présent en train de danser, sous le rythme lent de la musique, Audrey accrochée à moi, comme si jamais elle ne voudrait me perdre. Je regrette ces moments passés où je ressentais encore de véritables émotions, maintenant tout est faux, ma personne, mes sentiments. Je remarque au loin Michelle, son ami lui murmure des paroles à l'oreille. La complicité me manque, mais plus jamais je n'en aurai une avec qui que ce soit. Elle est morte avec mes sentiments.

*

Le samedi, je lis toute la journée et travaille sur les manuscrits que mon assistante d'édition m'a transféré. Dimanche, je suis de nouveau vide. Mais je n'ai pas à faire semblant entre ses murs qui m'étouffent. Je suis posté à mon bureau, à quelques mètres de la fenêtre ouverte puisque je déteste quand tout est fermé. J'ai besoin de respirer. 

Dans ma maison, mon refuge, je suis moi. Du moins, moi après ma mort. Moi vide, moi cassé. Je m'assoupis. Elles reviennent dans mon sommeil, elles reviennent plus chaudes que jamais, elles reviennent plus affamées pour prendre leur dû, elles se promènent partout, elles me les volent, mais elles ne partent pas, elles m'attendent. Je ne respire plus, j'étouffe, j'ai chaud, je veux m'en aller. J'ai tout foiré, j'ai tout détruit et elles rigolent en goguette, elles rigolent, sadiques et abominables. Elles se rapprochent... 

Je me réveille en sursaut, ma respiration s'accélère et je tente de reprendre mon souffle, ce n'était qu'un cauchemar, un putain de cauchemar, un de plus et aucune peur de moins. Il fait nuit. J'ai l'impression de succomber, je n'en peux plus. Je ne guéris pas, pourquoi ? J'ai besoin d'un remède, aucun des autres remèdes n'a fonctionné. J'ai besoin de mon remède... Michelle.

Je ne réfléchis plus. Dans mon survêtement, j'enfile une paire de baskets et m'engouffre dans ma voiture. Mon corps est parsemé de gouttes de sueur tout en accordant mal mon souffle qui ne se pose pas. Je gare sur le parking de l'immeuble puis marche jusqu'à celui-ci. Je salue d'un geste maladroit le réceptionniste et me rends à son appartement. 

J'hésite avant de sonner parce que je ne sais pas ce que je fais là, je ne devrais pas être là. Je ne devrais pas m'inviter dans une vie aussi belle que la sienne et la salir de mes mains impures, meurtrières, enflammées. Mais je n'en peux plus. Elle apparaît quelques secondes après, la surprise prend place sur son visage, elle cligne des yeux comme pour effacer une illusion. J'esquisse un sourire tendu.

—Hello, soufflé-je.

—Harry, euh, je... entre, bredouille-t-elle encore éberluée par ma présence.

Je m'engouffre dans l'appartement. Elle marche devant moi et s'assied, je la rejoins. Je ne sais quoi dire, je ne sais pas ce que je fais là.

—Oh pardon, tu veux boire quelque chose ? dit-elle en rougissant.

—Non, merci, décliné-je.

Elle m'observe durant un long moment, comme pour m'analyser. Son regard sur moi brûle ma peau, j'ai l'impression qu'elle lit en moi comme un livre, qu'elle ouvre chaque parcelle de mon âme et qu'elle se l'approprie tout en s'assurant de décortiquer chaque chapitre qu'elle lui présente. Un sourire factice se dessine sur mes lèvres.

—Pourquoi fais-tu ça ? me demande-t-elle soudainement.

Je fronce les sourcils, pris de court.

—Quoi ? m'étonné-je.

— Semblant, je sais que ce n'est pas toi Harry, souffle-t-elle de sa voix modulée et douce, elle me semble presque éthérée. Tu m'as laissée entrevoir le vrai Harry que tu essaies d'enfermer dans une cage la dernière fois lorsqu'on dansait, m'intime-t-elle.

—Je... commencé-je.

—Tu n'as pas besoin de masque avec moi, continue-t-elle en posant sa main sur la mienne.

Je ne comprends pas ce qu'elle fait. Mes poils se hérissent sur ma peau. Je ne m'attache pas. Je n'ai rien à dire, j'ai perdu le verbe. Son regard marron vitreux me scrute si minutieusement que mon cœur s'emballe. J'ai l'impression de trembler, je ne dois pas trembler, je ne dois pas redevenir faible, calamiteux. 

Quelle surprise quand Michelle me prend soudainement dans ses bras ! Son parfum me tranquillise, elle est mon remède. J'ose mes mains sur ses flancs tout en remplissant mes poumons de l'air contaminé par son parfum si innocent. Elle se détache puis esquisse un sourire timide. Je devrais partir, fuir, mais je ne bouge pas.

— Je vois que tu n'as pas trop le moral alors je vais t'aider à le remonter, annonce-t-elle en tapant des mains.

Je ne m'attends à aucune activité saine de sa part alors je lui lance un regard méfiant. Elle roule des yeux et lève ses mains.

— T'inquiète, je ne vais pas te faire faire un truc étrange, commence-t-elle. Du moins, pas encore, finit-elle avec un sourire, comment dire... machiavélique.

—D'accord, soufflé-je.

Michelle se frotte les mains et s'installe de nouveau.

—Alors, les poubelles, mais les moutons aussi, commence-t-elle.

Je fronce les sourcils, mais qu'est-ce qu'elle raconte ? Michelle secoue sa tête, comme dépassée par mon cas mais se rhabille rapidement de son sourire.

— T'as pas compris ? C'est un jeu de mots. Le mot poubelle signifie que les poux bêlent mais je précise que les moutons aussi le font, m'explique-t-elle.

Je comprends enfin son jeu de mot, mais reste éberlué.

—Donc ? dit-elle.

—Donc ? je lui demande en plissant les yeux.

—Adonc ! s'extasie-elle puis elle éclate de rire en gigotant.

Merde ! Cette fille vient de m'assassiner. J'esquisse un léger sourire, j'ai eu raison de venir la voir, elle me réchauffe le cœur.

—A ton tour, m'invite-t-elle.

Je me gratte nerveusement la nuque et fouille dans ma tête. Je dois la faire rire, ne serait-ce que pour satisfaire mon envie égoïste d'entendre son rire mélodique.

—Alors, hum, euh, bégayé-je.

Où est passé Harry le rigolo de service de mon enfance ? Les yeux impatients de Michelle, son regard brillant me poussent à me ressaisir.

—J'ai une envie d'ail, t'aurais-pas un Chandail ?

Elle glousse, mon regard tendu toujours posé sur elle.

—Non puisque tu n'as que des expatriées, enchaîne-t-elle.

Ex-pas-triées. Des ex mal rangées et le pire c'est que je n'ai pas d'ex puisqu'aucune fille ne m'a jamais réellement plu. Je suis un insensible au masque de sensible. J'éclate d'un rire qui ne me prévient pas, un son vrai, rauque et puissant s'échappe de ma gorge. Michelle me suit. Elle rit tellement qu'elle se plie en deux. 

Elle finit allongée au bord du sofa, toujours secouée par cette rafale de rires. Elle vacille dans son euphorie contagieuse, mais ne parvient pas à maintenir l'équilibre et s'affale sur le sol, comme de la merde. Elle pousse un « aie » en chemin. Je devrais avoir mal pour elle et l'aider rapidement, mais j'éclate de rire, je ne savais pas que je pouvais encore rire de bon cœur. Michelle se relève et boude. Mon rire disparaît.

—Je... je suis désolé, bafouillé-je en voyant son air sombre.

Elle me lance un regard en biais et me pousse aussi, enfin elle tente.

—Mais tombe, implore-t-elle en grognant.

Je me lève doucement et me laisse glisser sur le sol en disant :

—Je tombe.

Michelle éclate de rire et me donne une tape sur l'épaule, je me relève immédiatement.

—Mais t'es bête Harry, dit-elle en riant toujours.

J'esquisse un dernier sourire. Le téléphone de Michelle sonne et elle le décroche en s'excusant.

—Tania la fille la plus conne du monde, commence-t-elle.

Je ne me gêne pas pour porter toute mon attention sur ce qu'elle dit. Elle glousse puis roule des yeux. Elle rougit subitement et je ne comprends pas pourquoi. Michelle rougit trop souvent d'ailleurs.

—Je... hum... suis avec Harry, indique-t-elle.

Elle se tait pendant un long moment en affichant un air agacé puis finit par mettre le téléphone sur haut-parleur.

—Coucou, Harry le beau gosse, commence la voix surexcitée à l'autre bout du téléphone.

—C'est Tania, ma meilleure amie, m'explique Michelle.

Oh ! Deux folles ensembles, je n'imagine pas les dégâts qu'elles font. Je me racle la gorge, j'ai l'impression de passer un test.

— Salut, me contenté-je de dire alors que le téléphone traîne sous mon nez, une photo de Michelle et de Tania, je suppose s'affiche.

Elles tirent leur langue comme des serpents et font des grimaces étranges. Quel duo... infernal ?

—Michelle m'a grave parlé de...

—Ton chien... la coupe Michelle.

Je hausse les sourcils, Michelle devrait se calmer, on dirait qu'elle fait de l'hyper ventilation tellement son visage est constipé.

—Comment tu sais que j'ai un chien ? m'étonné-je.

Elle a d'abord l'air surprise, mais finit par dire.

—Je sais bien plus que tu ne le crois.

Puis, elle me gratifie d'un clin d'œil. J'arbore un rictus narquois du bout de mes lèvres.

— Même pas vrai d'abord, je voulais dire... continue Tania, mais Michelle la coupe de nouveau.

—Bye Tania, je te rappelle.

Puis elle raccroche, en poussant un long soupire.

—Ne fais pas attention à elle, m'indique-t-elle.

Elle laisse tomber sa tête sur mon épaule et ses cheveux me frappent le visage, mais je ne dis rien, j'aime bien leur parfum. Nous restons dans un long silence, un silence qui nous interdit de le briser, un silence qui parle beaucoup. J'ai envie de fermer mes yeux et de savourer cet instant, cet instant vrai, qui j'espère ne s'envolera pas, consumer par les flammes trop gourmandes.  

J'ai peur de fermer les yeux, parce que dès qu'ils se ferment, elles refont surface et me brûlent, elles reviennent plus fortes et me frappent de plein fouet. Je sens la respiration lente de Michelle, elle dort. Je me concentre sur sa respiration, je n'entends qu'elle et plus mon pouls inconstant. Mes paupières finissent par s'alourdir.

Je sens un poids contre mon épaule et mes yeux s'ouvrent doucement. Ils mettent du temps à se réveiller alors que je me rends compte que je ne suis pas chez moi. Ce parfum, Michelle. Je me suis endormi. Mais quelle heure fait-il ? Je lance un coup d'œil à l'écran de mon téléphone « quatre heures du matin ».

Je n'ai jamais découché, j'ai laissé la maison seul, je les ai laissés seuls. Je tente de me lever, mon cou crie le torticolis à l'instar de mon dos qui se lamente de paralysie, Michelle se réveille doucement et se frotte les yeux. Comment fait-elle pour être aussi mignonne, aussi...

—Harry ? m'appelle-t-elle d'une voix endormie.

Je ne bouge pas, mes yeux sont fixés sur les siens, mi-clos.

—Ne me laisse pas seule, je ne veux plus être seule, continue-t-elle endormie.

Que raconte-t-elle ? Je ne comprends pas, mais cette pointe de désespoir que jamais je n'ai entendu dans la voix de Michelle me pique le cœur. De quoi a-t-elle si peur ? De la solitude ?

—Reste avec moi, me supplie-t-elle.

Je suis perdu, pourquoi veut-elle que je reste ? Je ne peux pas. Ils sont seuls, sans moi. Mais en même temps, j'ai envie de lui montrer qu'elle n'est pas seule, je n'ai pas envie de la laisser tacher son beau cœur blanc par un sentiment aussi mauvais que la solitude. Tu n'as pas le droit, tu brises tout ce que tu touches, m'avertit ma conscience.

Je reviens à la réalité. Si Michelle a autant besoin de compagnie, je ne suis pas le mieux placé. Je veux bien rester, mais je n'en ai pas le droit. Je me lève un peu trop brusquement, réveillant pour de bon Michelle. J'ai laissé la faiblesse briser mon armure, elle en profite pour me mordiller la peau puis y injecter son venin. Michelle m'observe, l'air perdu.

— Je dois m'en aller, balbutié-je avant d'ouvrir la porte et de m'en aller, sans lui accorder le moindre regard.

Je suis désolé, mais je ne suis pas comme ça Michelle. Je brise tout ce que je touche, tout ce qui est vrai et je ne veux pas te briser. Toi qui m'as si gentiment proposé ton amitié, je ne la mérite pas. Je ne mérite rien de bon. Dès que je pénètre dans ma demeure, mon chien se dirige vers moi, et balade sa langue sur mon visage. De retour, je sens que Michelle n'est pas ici, parce que ma maison ne sourit pas, elle est terne. Harry, reprends-toi.   

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Coucou, alors dites moi tout ce que vous pensez? 

Qui est votre personnage préféré? 

Cette fiction montre que et les hommes et les femmes peuvent être sensibles, avoir des mauvaises périodes. Harry en est la preuve. Et les femmes peuvent être fortes, pas besoin de se laisser marcher dessus, Michelle en est la preuve. Il y en pleins d'indices sur le passé d'Harry sinon.

A mercredi prochain! 



Merci de lire, voter et commenter. 


Lalie.


Tentation en édition