Chapitre 14 : Qu'a-t-elle ?

Ecrit par Benedictaaurellia

Un mois plus tard.

Début mars.

Orlane.

Je suis assise dans ma classe devant un livre d’Agatha Christie. Meurtre au champagne. Je l’ai déjà lu mais, je ne me lasse pas de le relire.

Rosemary avait tout pour elle. Beauté, richesse, amants à la pelle malgré son mari. Elle se suicide avec poison dans son champagne, lors d’un diner qu’elle organise. C’est ce que tout le monde croyait. Jusqu’à ce que des lettres anonymes viennent suggérer à Georges son mari qu’il s’agirait plutôt d’un meurtre. Ce dernier décide alors d’organiser un diner avec les mêmes personnes présentes que le fameux soir. Son but ? Il aimerait confondre l’assassin de sa femme.

Comme avec tous les livres d’Agatha Christie, je me régale. Mon cerveau travaille à cent à l’heure. Bon actuellement il ne travaille pas vraiment puisque je connais déjà l’assassin.

Mais, en temps normal, c’est le genre d’exercices que mon cerveau aime faire. C’est pourquoi j’aime autant les romans policiers. Ton cerveau travaille. Il réfléchit, cherche des solutions aux énigmes. Ce n’est pas comme avec les romans à l’eau de rose qui endorment ton cerveau.

Un remue-ménage dehors attire mon attention. Mais, contrairement aux autres, je ne me précipite pas pour voir de quoi il s’agit. Je jette juste un coup d’œil et vois un attroupement. Je ne m’y intéresse pas plus. La curiosité est un vilain défaut. Je me replonge dans mon livre.

Quelques minutes plus tard, les élèves reprennent place.

Les cours commencent.

Aujourd’hui, tous les profs feront des exercices avec nous. Histoire de nous préparer. Nous sommes à quelques jours des examens du deuxième trimestre. Je vais assurer je n’en doute pas. Je jette un coup d’œil à Mel. Elle, par contre, va s’en sortir difficilement je le sens.

Après qu’elle m’ait envoyé boulé il y a un mois, je l’ai encore abordé à plusieurs reprises durant le mois écoulé. Mais, son attitude est restée la même. Je ne perds tout de même pas espoir. J’essayerai encore et encore. Je ferai intervenir maman s’il le faut.

Vous vous demandez pourquoi j’insiste tant ?

C’est parce que j’ai vu la lumière dans son regard pendant le laps de temps qu’elle a passé chez nous. On peut toujours mentir. Mais les yeux ne mentent pas. Les yeux sont le miroir de l’âme, dit-on. Cette lueur que j’ai vue dans ses yeux, elle était vraie. Elle rayonnait, elle était heureuse.

Par contre, ce que je vois dans ses yeux depuis un mois maintenant, c’est tout le contraire. Elle s’efforce toujours de cacher ses yeux sous des lunettes de soleil. Mais les rares fois où elle les enlève, je remarque toujours que son regard est éteint, vide d’expression. Elle a perdu toute joie de vivre, elle semble être devenue une automate.

Si encore elle était comme elle était avant le début de notre brève amitié, je comprendrais. Mais là, on dirait qu’elle sombre dans la dépression. Elle ne lance plus de piques aux gens, ne prends plus la tête aux gens, rien du tout. Elle se contente de venir s’assoir, suivre les cours et rentrer chez elle. Elle n’adresse la parole à personne. Même quand un prof l’interroge c’est à peine si elle répond.

Ses notes même s’en ressentent. Elle n’était pas bonne dans les matières littéraires mais, excellait dans les matières scientifiques. Presque comme moi. Mais là, ni dans les matières littéraires, ni dans les matières scientifiques, ça ne va.

Je pense que je l’ai assez observé aller à la dérive comme ça. Il faut que j’utilise les grands moyens pour qu’elle revienne à elle. Sinon, à cette allure, elle risque de perdre son année.

 

Mélanie

J’ai l’impression de mourir à petit feu.

Je ne vais pas bien et je le sais.

Moi-même je n’en connais pas la raison.

Enfin. Je m’en doute. Mais, je refuse de me l’avouer parce que je refuse de retourner en arrière.

J’ai pris une décision et je dois m’y tenir.

Je sais que vous me jugez mais, vous ne pouvez pas me comprendre.

Mon monde, ou plutôt celui de ma mère est régi par des règles compliquées.

Je ne peux pas m’y soustraire.

Je ne peux pas lui dire non. Je dois être et vivre comme elle le veut.

Et c’est cela qui me ronge.

Je n’ai plus gout à rien. Je n’arrive même plus à m’alimenter.

A la maison, je passe mon temps à pleurer mon sort.

Je sais que ça ne tient qu’à moi que les choses changent. Mais, j’ai peur d’affronter ma mère. Peur de ce qu’elle dira. Ses mots sont tellement tranchants parfois. Quand elle décide de te lyncher avec sa bouche, je t’assure que tu peux mourir sur place tellement tu auras mal.

Donc, je vis dans ma bulle. Je me contente de survivre. Survivre parce que c’est ce que je fais, ce n’est plus vivre, c’est de la survie. Sinon, comment qualifier la spirale dans laquelle je suis actuellement ?

Je n’ai personne vers qui me tourner.

Je souffre donc en silence.

Je rumine mon sort dans le secret.

La seule vers qui j’aurai pu me tourner, je la rejette à chaque fois quand elle vient vers moi. Je ne peux pas faire autrement. Maman n’aimerait pas que je la côtoie de nouveau.

Le prof est au tableau et dit des choses qui n’ont aucun sens pour moi. Il y a longtemps que je ne fais plus l’effort de suivre ce que disent les profs quand ils entrent dans la classe. A un moment, j’essayais. Mais au bout d’un moment, mes pensées s’en allaient ailleurs. J’ai donc décidé de ne plus suivre du tout. Je suis présente de corps mais pas d’esprit.

Je sursaute quand j’entends le prof appeler mon nom.

Prof : Mlle LATEVI !!

Moi : Oui ??

Prof : Pouvez-vous me résumer ce dont je viens de parler ?

Moi : Non Mr. Je ne suivais pas.

Ça ne sert à rien de mentir. Vaut mieux lui dire la vérité. Même si je sais que j’aurai une punition dans les minutes qui suivent.

Pile à ce moment, un élève d’une autre classe vient voir le professeur et lui murmure je ne sais quoi à l’oreille. La minute d’après, il déclare.

Prof : Mlle LATIVI, passez au tableau me résoudre l’exercice n°3 de la page 30.

(Au reste de la classe) Restez tranquille, le directeur me demande. Je reviens dans quelques minutes.

J’attends qu’il sorte de la classe pour me diriger vers le pupitre. A peine ai-je fais deux pas que je me sens tomber à terre.

Jumelles de cœur