Chapitre 14: Tenter
Ecrit par Lalie308
Harry
La voir devant cette porte me glace le sang, mon pouls s'accélère tandis que mon cœur feint de s'arracher de ma poitrine. Respirant difficilement, je l'arrête puis la conduits vers sa chambre tout m'assurant de lui donner un de mes T-shirt. J'ouvre de nouveau la grande porte pour vérifier que tout est « intact ». Une fois fait, je la referme doucement puis me rends dans la mienne. Dès que ma tête touche l'oreiller, mes pensées pulsent dans ma boite crânienne. Le baiser. Il est collé sur mes lèvres, imprégné à mon esprit.
Imprévisible, tendre, désespéré. Michelle n'a pas le droit de me faire ça, d'être attirée par moi. Elle n'a pas le droit de tout gâcher... de me pousser à tout gâcher. Je sais que ça signifiait beaucoup pour elle, que je n'aurais jamais dû l'embrasser une première fois dans le bar, mais jamais je n'aurais pensé qu'elle le prendrait ainsi.
Pourtant, à la voir si vulnérable, si contraire à la Michelle d'habitude, si brisée, mon cœur s'est mêlé à sa souffrance. Je n'ai voulu qu'une chose : la prendre dans mes bras et l'étreindre pour toujours, l'étreindre jusqu'à ce que nos corps fusionnent. La protéger du monde, de la douleur, du vice. La rendre heureuse. Elle doit se sentir à présent rejetée de tous, même par moi qui lui chantait il y a quelques minutes qu'elle était parfaite... elle l'est. Peut-être même trop. Tellement que je n'ai pas vu les imperfections que cachait cette perfection.
Son parfum est verrouillé dans mes narines, chaque mouvement que je fais amplifie cette gêne en moi, cette envie dont je n'avais pas connaissance... cette tension, la tentation. Ce n'est pas possible. Je n'ai jamais ressenti ça. Pourquoi maintenant ? Je passe une main nerveuse sur mon visage en grognant faiblement. Mes idées sont embrouillées. Je ne sais pas comment agir.
Audrey est amoureuse de moi, je n'ai jamais pu la combler. Michelle se hisse sur la même pente glissante. Suis-je condamné à faire du mal aux autres ? Pourquoi faut-il qu'elles soient attirées par la personne la moins bien placée, celle qui ne sait rien des vraies relations humaines, qui passe sa vie à jouer un rôle, à se glisser dans la peau du personnage qu'il n'est pas.
Je me ferme les yeux pour implorer la visite de Morphée, mais une seule image s'impose à mes paupières fermées : Michelle, ses lèvres, son baiser. Elle ne me plait pas, Michelle n'est qu'une amie. Un remède ne doit pas se convertir en infection, non.
*
Après mon rituel matinal, je fais le petit déjeuner. Michelle descend quelques minutes après, flottant dans ma chemise, les cheveux en bataille et le visage serré : énormes cernes, yeux rouges, bouche pâteuse. On dirait presque qu'elle a veillé et pleuré toute la nuit, je l'aurais entendu si c'était le cas. Je crois. Elle se frotte doucement les yeux et pose son regard sur moi. Mes poils se hérissent, je me crispe et reporte mon attention sur la table. Je porte ma tasse de café brûlant à ma bouche, le liquide me brûle, mais je prends sur moi ne pas grimacer.
· Bonjour, commencé-je.
Elle s'installe, nonchalante. C'est bien la première fois que je vois une fille aussi peu inquiète de son apparence du matin. Le pire c'est qu'elle est encore plus attirante comme ça. Attirante ? J'ai associé le mot attirante à Michelle ? Oui. Je crois que je suis malade. Je me mords violemment les lèvres pour effacer ces idées de ma tête.
· Bonjour Harry, j'espère que tu as bien dormi, me répond-elle à travers un sourire.
Son sourire et son ton complaisant me poignardent en plein cœur. J'ai été acerbe avec elle. Le lendemain elle me sourit comme si de rien n'était. Pourtant je n'insiste pas. Je ne veux pas que nous allions sur ces sentiers sombres qui ternissent les relations. L'attache, l'affection... l'amour rendent faibles, vulnérables et dangereux. Mon regard s'attarde sur son visage, j'ai l'impression de le redécouvrir.
Ses lèvres bougent sensuellement lorsqu'elle mâchouille son croissant, son nez bat lentement et ses yeux d'or fixent la table. Mes os se contractent, une tension inconnue envahit de nouveau mes organes, le décolleté de la chemise qui laisse apercevoir le galbe de ses seins parfaitement formés n'atténue pas mes émotions. Depuis quand je pense comme ça moi ? Une chaleur insupportable prend possession de moi. Je détache brusquement mes yeux de ce spectacle torturant.
· Harry ? m'interpelle Michelle d'une voix faible.
Je remonte mon regard sur elle. Ses yeux félins me scrutent, aussi insistants que désarmants. La chaleur croît considérablement tandis que mon corps s'ankylose. Mon lunatisme se branche sur le bouton hyper stress. Je tiens à peine en place, l'envie de prendre mes jambes à mon cou me passe par la tête.
· Je suis sincèrement désolée pour hier. Je suis vraiment stupide parfois, commence-t-elle tristement.
L'éclat de tristesse dans son regard me brûle le cœur.
— Je pourrais te causer des problèmes au travail et avec Audrey à qui tu dois quand un certain respect. Pardonne-moi.
Elle finit sa phrase en baissant le regard, une buée de larmes couvrant ses yeux. Je ne sais pas quoi dire. Je me contente de l'observer. Trop tard, nous sommes sur les sentiers interdits.
· Ne t'inquiète pas. Tout est oublié, me contenté-je de dire.
Rien n'est oublié et ne le sera jamais. Tout est enregistré dans ma tête, comme chaque événement de ma vie, comme cet événement que le poids des années n'a pas pu détruire. Le reste du déjeuner se soumet à un silence cadavérique.
· Tu vis seul ? me questionne Michelle après son retour de la salle de bain en fronçant les sourcils.
Mon cœur s'emballe à l'idée qu'elle ait mis son nez là où il ne fallait pas. Mais je tente de régulariser mon rythme cardiaque et de répondre de la façon la subtile possible.
· Oui, enfin si on oublie snipper.
Elle a d'abord l'air méfiante, mais répond par un haussement d'épaules. Mon regard s'attarde sur ses cheveux retenus en un chignon dont s'échappent quelques mèches rebelles, son visage de femme-enfant absolument magnifique et ses courbes généreusement sculptées. Je n'avais jamais osé mater une fille aussi ouvertement. Je tente vainement de fermer cette porte obscure qui s'ouvre dans mon âme. Je raccompagne Michelle chez elle sans un mot puis me rend chez Homel.
A mon arrivée, je vois un de mes auteurs dans le hall et discute avec lui pendant un long moment avant de tomber sur un autre pour répéter le même cirque, il n'y qu'avec Michelle que j'aime réellement discuter. J'aperçois Audrey qui discute joyeusement avec Hailey. Entre son travail d'agent artistique, sa carrière de journaliste mode et son statut d'actionnaire chez Homel, elle n'a pas souvent le temps pour les petites causettes. Mon cœur se serre à l'idée qu'en deux baisers, Michelle ait remis toute mon existence en question alors qu'elle en est encore très loin même si elle garde cette place spéciale.
Dès qu'elle m'aperçoit, un sourire se glisse sur son visage tandis que ses yeux s'illuminent. Mon sourire d'occasion apparaît alors que je me rends vers elles.
· Hailey, commencé-je en lui faisant la bise. Audrey, terminé-je en enlaçant cette dernière.
· Salut chéri, à tout à l'heure Hailey.
Je n'ai pas le temps d'intervenir qu'Audrey me tire déjà vers mon bureau. A peine ferme-elle la porte qu'elle saute sur moi et s'empare de mes lèvres. Sur le moment, je suis choqué donc je la repousse gentiment.
Son baiser n'avait rien à voir avec celui si pétillant de Ginger. Comment est-ce possible que les lèvres de Michelle restent autant gravées sur les miennes ? Je pensais que depuis cet événement d'il y a quelques années, plus jamais je n'oserais réellement m'attacher.
· Tu m'as trop manqué, déplore-t-elle en faisant la moue et m'enlaçant.
Je resserre l'étreinte pour la réconforter puis la redresse.
· Tu es sûr que ça va ?
Elle soupire bruyamment.
· Oui juste que j'aimerais plus te voir Harry, tu es quasiment invisible ces derniers temps, geint-elle.
· Pas du tout, me défends-je.
· Mais si, continue-t-elle en tentant de m'embrasser à nouveau.
En temps normal, je l'aurais laissé faire pour la satisfaire mais cette fois-ci, quelque chose me bloque. Je n'y arrive juste pas. Elle persiste, mais je finis par céder, pour qu'on en passe. J'entends le cliquètement de la porte et nous nous retournons un peu sonnés. Mon regard se pose sur Michelle, d'abord surprise puis blessée enfin gênée.
· Oh désolé, je... je ne voulais pas. La secrétaire qui est de tour m'a dit qu'elle ne pensait pas qu'il y avait quelqu'un, je voulais juste récupérer le manuscrit corrigé pour travailler dessus, désolé. Merde j'aurais dû taper à la porte. Quel genre de malade ne tape pas à la porte dans une entreprise ? Oui moi, déblatère-t-elle en remuant frénétiquement les bras et la tête.
Elle reprend finalement son souffle, je sens son regard s'attarder sur Audrey et moi enlacés puis remonter sur moi.
· Pourrais-je avoir le manuscrit ?
· Oui, bien sûr, réponds-je.
Je le récupère dans un des tiroirs et lui tends. Elle fuie à présent mon regard avant de partir en furie. Je sais ce qu'elle pense, ce qu'elle ressent. Cela fait peut-être de moi une mauvaise personne, mais je pense que c'est bien mieux pour elle de penser ainsi. Bien mieux pour elle de penser qu'il y a une réelle relation entre Audrey et moi. Ainsi elle ne se bercera pas de fausses illusions qui pourraient encore plus la faire souffrir plus tard.
Pourtant, l'envie soudaine de l'embrasser me pollue la pensée. Je secoue ma tête pour tenter de me calmer, me retenir de ne pas traverser cette porte pour aller la retrouver. Une seule solution se présente à moi, encore me servir d'une personne pour nettoyer mes flammes. Je me penche vers Audrey et me saisis de ses lèvres, elle ne tarde pas à répondre au baiser, se laisse aller. Lorsqu'on se sépare, un sourire se dessine sur ses lèvres alors que ma frustration reste présente.
· Michelle n'avait pas l'air dans son assiette, elle n'a même pas pensé à me saluer, remarque Audrey, sourcils froncés.
Je n'ai pas réponse à sa remarque donc je me contente de me taire. Il faut donc que je fasse toujours du mal aux autres ? Audrey m'arrache de ma rêverie en posant sa tête contre mon torse.
· Toi aussi tu es étrange ? Tu es sûr que ça va ?
Je me contente de pousser un léger grognement pour acquiescer. Je la repousse doucement.
· Je dois travailler, Audrey.
· Je sais moi aussi, mais je n'ai pas du tout envie de te laisser minaude-t-elle avant de se redresser. Bon bye Harry, finit-elle avant de sortir.
Dès qu'elle sort, je me laisse tomber dans le fauteuil derrière mon bureau en expirant bruyamment. Je fais tout de travers et j'en ai conscience. Mais que faire quand on ne sait jamais quoi faire ? Je me lisse le visage d'un coup de main et me plonge dans le travail, le seul moyen pour moi d'oublier.
D'oublier que je fais toujours tout de travers, que je suis la flamme qui incendie les vies et les met en péril, comme celle de Michelle qui a eu le malheur de tomber sur mon chemin. On toque à ma porte, décidemment les visites c'est mon jour. Dès que je vois Cyril apparaître dans l'entrebâillement de la porte je me redresse. Il esquisse un sourire avant de venir s'installer en face de moi.
· Je peux t'aider ? lui demandé-je.
· Non, je passais te voir. D'habitude on te voit partout dans la maison, aujourd'hui tu as à peine mis les pieds dehors.
· J'ai juste besoin de me recueillir, mens-je.
· Moi je pense que c'est tout autre chose. Depuis que Michelle a mis les pieds ici, tu es différent.
Je me crispe. Je ne sais pas comment il le prendrait s'il apprenait ce qu'il se passe réellement avec Michelle.
· Je ne sais pas ce qui se passe Harry, mais si tu peux encore l'arrêter, fais-le. Tu sais ce qui peut arriver si tu franchis une barrière. Alors fais attention à toi fils. Je n'aimerais pas que tu aies des problèmes et encore moins cette demoiselle si superbe.
Je sais que Cyril me parle avec de bonnes intentions. Juste que... c'est un peu tard. Les flammes ont pris naissance et ont commencé par consumer chaque parcelle de mon corps. Plus je tente de résister à Michelle, plus je me sens tomber sous son charme si particulier. Je ne sais pas si c'est le baiser de ce matin ou si je n'en avais juste pas conscience auparavant. Je soupire.
· Il n'y a absolument rien Cyril et puis je commence à bien aller avec Audrey donc évite ce genre de remarque.
Il fronce les sourcils, suspicieux, mais se contente de hausser les épaules.
· Quoi qu'il en soit Harry, fais attention. Victoria ne laisserait jamais passer ça, elle risquerait même de te détruire et de la détruire elle...
· C'est bon Cyril, le coupé-je brusquement. Ne t'inquiète pas, continué-je plus calmement.
Il n'a pourtant absolument pas tort. Victoria en ferait une affaire personnelle si jamais elle apprenait que j'avais une relation avec une autre fille que la sienne et surtout une auteure de Homel. Ses griffes diaboliques se déploieraient pour n'en faire qu'une bouchée de nous.
Tout le personnel sait à quel point elle est tordue, ce qu'elle a été capable de faire à des employés qui n'entraient pas dans ses normes et je n'aimerais pas que Michelle en soit victime. Qu'elle, cette si belle petite fleur, se fasse déraciner par ce vent enflammé. La crainte de Cyril se lit non seulement dans ses yeux, mais aussi sa voix. Il s'est toujours comporté comme un père ou un mentor depuis mon arrivée ici, soit quatre années.
· Je l'espère, soupire-t-il.
Je serre si fort mes dents que ma mâchoire crie de s'arracher. Pourquoi faut-il que cela arrive maintenant ? Pourquoi faut-il que ce soit la règle la plus capitale qui me tente de briser ? Pourquoi Michelle veut-elle que je la brûle ? Que nous nous envolions vers des cieux interdits et enflammés ? Elle ne mérite pas cette souffrance.
Elle ne mérite pas la colère de Victoria, la colère du démon aux dents empoisonnées, à la morsure mortelle. J'avais beau résisté et résisté. Mais depuis ce matin, la tentation pour Michelle était en édition, et je crois même que c'est depuis ce soir-là, ce soir où je l'ai rencontrée.
***
Hey! J'espère que vous allez bien. J'ai écrit quelques chapitres déjà et j'ai hâte de les partager avec vous. Déjà un petit bonus aujourd'hui.
Lire vos impressions me donnent la force de continuer.
Les choses se corsent avec Mich et Harry, haha.
Merci de lire, voter et commenter
Lalie