chapitre 15
Ecrit par leilaji
Chapitre 15
***Adrien***
J’attends patiemment qu’elle dise autre chose. Je tremble en l’imaginant me reconnaitre enfin, ses pupilles se dilateraient légèrement sous le coup de la surprise et sa belle bouche suave formerait un « Oh » d’étonnement. Mais rien ne sort de sa bouche, pas la moindre syllabe. Absolument rien si ce n’est un timide sourire qui s’affiche à peine.
J’en espère trop apparemment. Et je ne me comprends même plus. Je devrais mettre définitivement tout ce passé derrière moi. Je ne comprends pas pourquoi j’ai tellement de mal à le faire, pourquoi je tiens tellement à ce qu’elle me reconnaisse d’elle même. Le passé devrait être le passé, loin derrière. Je ne figure apparemment pas dans le sien. Ce trip, je me le suis fait tout seul ? Et il me semble que je continue … de le faire. De la désirer à chaque instant … malgré moi.
Tout ce qui concerne Elle, c’est toujours malgré moi.
Chaque seconde je me dis qu’elle ne saura rien faire de ce que j’ai à lui donner mais chaque nano seconde qui suit l’espoir renait car la seule chose que j’ai envie de faire c’est de tout lui donner de moi.
Je suis censé être en colère ? Je le suis. Mais ma colère n’est pas assez forte pour que je puisse fermer la porte à Elle.
Je recule et vais m’asseoir sur mon fauteuil. Elle entre et se place devant moi, magnifique de sensualité dans cette nuit solitaire.
- Ne me dis pas que tu me fais toujours la tête Adrien, demande-t-elle doucement.
- …
- Adrien ? Je t’en prie.
J’augmente le volume de la chaine pour ne plus l’entendre et ferme les yeux afin de me détendre. Elle finira par se lasser d’être debout ainsi face à moi, sans réponse de ma part, et s’en ira, me laissant enfin tranquille.
J’ai envie d’être tranquille après cette journée de merde ! L’autre connard, non connard ce n’est pas assez descriptif pour lui mais je trouverais bien un mot qui lui ira à la perfection on fouillant des les synonymes d’enfoiré et autres injures du même acabit ! Alors, il y a eu l’enculé, tiens enculé ça lui va bien mieux dis donc ! les parents incompétents, le coup de fil de ma mère, que des tuiles qui se sont accumulées… Journée de merde !
Les yeux toujours clos, je sens soudainement un corps chaud s’asseoir sur moi : des fesses rondes et torrides s’écrasent sur mes cuisses.
Je sens la pointe d’une langue passer sur ma lèvre supérieure. Je sens un souffle chaud puis des mordillements. La musique coule dans mes veines et me réchauffe de l’intérieur.
Je sens une caresse sur mon épaule et une morsure dans le cou, douce au début puis plus forte. Assez forte pour me faire gémir malgré moi.
J’entends un gémissement lent et voluptueux qui fait écho au mien.
Elle…
Bouge…
Tout…
Doucement…
Les reins…
Sur…
Moi …
C’est divin, nos deux corps qui se goutent ainsi.
Je suis électrisé, provoqué par cette femme qui tente de me faire réagir. Je sens Elle. Et elle sent tout autant mon excitation. Mais je ne fais rien, je ne dis rien, je ne bouge pas d’un pouce. Elle m’embrasse à pleine bouche et aplatit ses seins contre mon torse nu. Le tissu n’est pas très épais, je sens fatalement les pointes durcies de sa poitrine caresser ma peau.
- Adrien… murmure-t-elle.
J’ouvre enfin les yeux et plonge mon regard dans le sien. Je ne sais pas pourquoi mais j’aime quand elle prononce mon prénom de cette façon, comme une supplique. J’aime son corps, au-delà de tout, rien ne pourrait m’en détourner. Son regard est chaud et brulant comme son corps. Ce regard là peu d’hommes y résisteraient car ce regard veut dire : fais moi l’amour, tout de suite !
C’est tout ce qu’il me fallait pour perdre le peu de contrôle qui me restait. J’agrippe ses hanches avec fermeté, lui rend son baiser sauvagement et coupe toute autre réaction de ma part. Elle se colle plus étroitement à moi, me donne de petits coups de langue pour m’inciter à faire plus. Je sens ses ongles tracer des sillons de feu sur ma peau. Je l’arrête dans son élan en empoignant ses cheveux. Mon geste l’embrase encore plus. Elle se met à onduler plus fort sur mon sexe. Si elle continue comme ça, je vais exploser mon jean.
- Arrête. J’intime en la regardant durement.
Elle s’immobilise, de la peine dans les yeux. Un peu honteuse aussi, elle ne s’attendait pas à ce que je lui fasse un peu de résistance. Je n’aime pas lui faire mal mais il faut qu’elle cesse de m’en faire avec de petites choses qui me déstabilisent. Je referme les yeux et pose ma nuque sur le dossier du fauteuil. Elle se lève et s’éloigne mais au dernier moment je la retiens par le poignet.
Elle est mon addiction. Je n’y peux rien. Je ne m’en sortirai jamais. Je ne me lasserai jamais d’elle tant qu’elle restera mienne.
- Je ne partage pas. C’est la dernière fois que je te le dis.
- Tu ne me partageras jamais Adrien. Je suis à toi.
Elle semble y croire quand elle le dit. Moi j’ai un doute. Mentalement, j’ouvre un compartiment très sombre dans ma tête et y cache le doute puis ferme à double tour.
Elle est à moi et à personne d’autre et je vais le lui faire crier.
Ce soir.
A moi, à personne d’autre.
***deux heures plus tard***
***Elle***
Je ne suis pas sure que je vais pouvoir marcher ou même me lever. Je crois que je ne me suis jamais sentie aussi fatiguée de ma vie. Il va falloir que je le note quelque part ça.
« Le sexe après une dispute avec Adrien est … PHENOMENAL »
Je ne sais pas de quel bois il est fait et d’ailleurs je m’en fiche. Ce qu’il me fait ressentir va au delà de ce que je peux exprimer avec des mots. Il joue de mon corps comme un virtuose joue de son instrument. Il a cette douceur mêlée de puissance qui m’emmène au paroxysme de la jouissance à tous les coups. C’est parfois une douleur extatique d’autre fois une douceur enveloppante mais c’est toujours du « made by Adrien ». Son corps est unique et quand il est tout prés de moi, il vibre d’une énergie qui m’était jusque là inconnue.
Nous sommes allongés sur le tapis du salon. Il a les yeux fermés et ne dit rien.
- A quoi penses-tu Ad?
- A rien… Et si on sortait un peu demain ?
- Demain ? Non je ne peux pas.
- Pourquoi ?
- J’ai des enfants. Je ne peux pas passer mon temps avec toi.
- On se voit à peine Elle. Ce n’est pas comme si on était tout le temps ensemble. J’ai envie d’être avec toi demain.
- Une autre fois Ad. Promis mais demain ce ne sera pas possible.
- Ok.
Je sais déjà que c’est sa manière à lui de clore la discussion. Par un simple Ok. Et je peux deviner son humeur rien que par l’intonation de son fameux Ok. Il pose un baiser sur mes lèvres et se lève pour aller boire de l’eau à la cuisine.
Je fais à mon tour l’effort de remettre mes sous vêtements et plie son jean. Son porte feuille en tombe.
Une espèce de curiosité malsaine, me pousse à me torturer l’esprit une nouvelle en fois en sortant la photo du porte feuille.
Elle est indubitablement belle la fille de la photo, des yeux clairs et de long cheveux ébène, une poitrine voluptueuse dont rêverait toute femme. Elle regarde la personne qui la prend en photo avec jubilation.
Qu’est-ce que je vaux à côté d’elle ?
Soudainement, la photo m’est arrachée d’un geste sec puis replacée dans le portefeuille avec … déférence comme s’il avait peur de l’abimer en la manipulant trop brusquement. Je ne l’ai même pas entendu arriver.
- Parle-moi d’elle… Qui est-ce Adrien ?
- Tu es la dernière personne à qui je parlerai d’elle.
Apparemment, je ne vaux rien à côté d’elle.
Mais comment fait-il pour être aussi doux et dur en même temps ?
On se regarde.
On se pose surement les mêmes questions ? Où nous mènera notre relation ? Avons-nous une relation ? De nos jours coucher ensemble n’est pas une relation tant qu’on ne s’est rien promis officiellement. Ca ne suffit pas. Un jour l’un de nous deux demandera plus, si ce n’est déjà fait.
Peut-être a-t-il peur de se confier car il n’a pas confiance en moi. Ce qui s’est passé ce matin l’a un peu échaudé, je dois l’avouer. Moi non plus je n’aimerai pas qu’une de ces ex traine dans nos pattes. La gynéco n’a pas même pas couché avec lui mais elle me sort déjà par les yeux ! Qu’est-ce que ce serait si c’était une femme à qui il a donné du plaisir comme moi, à qui il a chuchoté des mots doux comme moi, à qui il tient énormément … comme la femme de la photo.
Je ne peux pas lui demander d’être parfait ou de faire des efforts si moi-même je n’en fais pas pour nous rapprocher. Je dois essayer même si je suis terrifiée à l’idée d’échouer comme avec les deux autres hommes que j’ai fréquentés.
Les hommes aiment qu’on prenne soin d’eux et moi je n’ai quasiment pas de temps à lui consacrer car mon travail et mes enfants m’accaparent complètement. Je dois faire un effort, et voir là où ça nous mènera. Peut-être s’ouvrira-t-il un peu plus.
***Quelques jours plus tard***
***Adrien***
Alors là c’est la meilleure ! Je suis fauché. Après le virement fait à ma mère il y a quelques jours, il ne me reste pas grand-chose apparemment. Le GAB est fâché avec moi on dirait. Chaque somme que je mets, il refuse de me la donner. J’ai essayé 200 000 francs, 180 000 francs, 150 000 francs… Rien à faire. Je pensais avoir assez pour acheter ce que je prévoyais. J’essaie 110 000 francs et par le plus grand des hasards, l’appareil me crache enfin les billets violets. Heureusement qu’il ne reste que quelques jours avant la paie. Ce n’est donc pas catastrophique s’il ne me reste plus rien sur le compte. Qui a dit qu’on devenait riche en claquant des doigts ? Hum, ce qui en savent pas ce que veut dire le mot travailler à la sueur de son front surement.
Mais c’est assez facile de subir certains mois ce type de fin de mois difficile car je sais que je suis en train de bâtir quelque chose de grands de mes mains. Le remboursement du crédit pèse sur mes finances mais dans quelques années je pourrais enfin respirer. C’est quand on est jeune qu’il faut s’endetter… comme ça à 40 ans, il ne nous reste plus qu’à profiter de la vie. De préférence avec la femme qui aura galéré avec nous. C’est comme ça que je vois les choses. Et c’est comme ça qu’elles se passeront.
Mais avant tout, je me disais que j’allais prendre à Elle le fameux sac Guess qu’elle a apprécié la dernière fois. Je dois encore avoir quelques billets dans mon portefeuille. J’entre dans le magasin et demande le sac qui était exposé il y a quelques jours de cela en vitrine. Ils n’en ont plus en stock. Bon bah ce sera pour une autre fois alors. Je traine un peu dans les allées de Mbolo à la recherche de quelque chose d’autre qui pourrait lui plaire.
Puis je me fige en me rendant compte que je m’étais pourtant promis de ne jamais offrir de cadeau de cadeau à une femme. Je tire la tronche mais entre tout de même dans la parfumerie à ma gauche. J’en ressors quelques instant plus tard avec un parfum qui a attiré mon attention par son nom plus que par son odeur :
Insolence de Guerlain.
Ca lui ira comme un gant je me dis.
Mon téléphone sonne. Il est temps de reprendre la route de la clinique ou les patients m’attendent. Je fais à peine quelques pas lorsque je tombe sur deux occidentaux qui m’évoquent … Denis. En approchant, je les reconnais, c’est bien eux. Il doit être dans les parages. Je regarde la boutique : Select. On y vend des articles de luxe : sac, montre, bijoux de marque. Quoi il a besoin d’un autre caleçon en peau de crocodile paré d’émeraudes? Je souris à ma vanne et m’apprête à prendre le tournant lorsque je reconnais Elle.
Je ressens une brulure telle que j’en serre les poings de douleur.
Denis est dans la boutique avec Elle. Il lui fait essayer divers collier et parures. Le sourire d’Elle est éblouissant. Elle st comme une petite fille devant ses cadeaux de noël. Je suis … tellement déçu. Je me retiens d’entrer dans la boutique. Je pianote sur mon téléphone et appelle Elle.
- Salut…
- Salut Adrien répond-elle en s’éloignant de lui.
Moi je suis là figé, je regarde la scène comme dans un film.
- Tu es où ?
- Oh au boulot, pourquoi ?
Je soupire. Au boulot ? Pourquoi ment-elle ?
- Je peux venir te chercher ?
- Non, ce n’est pas la peine. Qu’est-ce qu’il y a ?
- Rien.
Je raccroche. Elle regarde son écran un moment puis retourne auprès de Denis qui a choisi un autre collier encore plus volumineux que le premier…
Je m’éloigne sans demander mon reste.
***Plus tard en début de soirée***
D’aussi loin que je me souvienne, les hommes ont toujours offert à Elle ce qu’elle voulait. Ca a toujours été comme ça. Ses yeux de chat brillent plus fort face à un cadeau. Sur ma table basse, face à moi, le parfum emmailloté dans son papier cadeau… Je me disais, voici quelque chose qu’elle portera tous les jours sur elle, qu’elle partagera avec ceux qui seront autour d’elle mais qui lui aura été donné par moi.
Mais qu’est-ce qu’un parfum face à un bijou ? Je rumine tout ça depuis trop longtemps. Je l’appelle. Le mieux c’est toujours de se parler.
- Allo ? Allo ?
- Allo ? Annie ?
- Oui, c’est qui ?
- C’est … le docteur.
- Ah le docoeur… Tu veux un dessin ?
- Non, je veux parler à ta maman… s’il te plait tu peux lui donner son téléphone ?
- Non.
- Pourquoi ?
- Bah parce qu’elle parle avec un tonton et que bébé africa est malade et il a la tousse.
- Bon tu sais ce qu’on va faire Annie ? Je viendrai l’examiner demain avec mon appareil…
- Le stéthoscope ?
- Oui, promis. Mais fais moi plaisir passe le téléphone à ta maman.
- Ok mais n’oublie pas les antibiotiques hein. dit-elle après un instant de réflexion.
Je me suis toujours demandé comment les enfants pouvaient retenir et utiliser des mots difficiles comme stéthoscope et faire des fautes comme « il a la tousse ».
***Annie***
Moi je ne veux pas que maman Elle me gronde. Elle dit toujours que quand les grandes personnes parlent, il faut se taire alors j’ouvre la porte centrale doucement puis je marche vers eux. Maman Elle est assise sur une des marches du perron tandis que le tonton est debout. Je pose le téléphone à coté d’Elle et je m’enfuie avant qu’elle ne se retourne quand le tonton me montre du doigt.
Hihihi, demain bébé africa, le docoeur va lui donner des antibiotiques comme papa quand je suis malade.
Il me manque papa.
***Adrien***
Je crosi qu’Annie a oublié de dire à Elle que j’étais au téléphone. Je l’entends parler un moment puis une voix masculine lui coupe la parole. Denis ?
- Et le docteur loubard ?
- Arrête, t’es con !
- Quoi, attends même au states j’en ai pas vu des comme lui. Tu couches juste avec lui … ou c’est ton mec. Leila dit que c’est ton mec mais moi je te connais et je sens que tu le tiens encore à distance…
- A vrai dire je ne sais pas exactement où nous en sommes…
Ca c’est le genre de phrase qui laisse la porte ouverte à toute proposition… J’ai envie de raccrocher mais je reste à l’écoute.
- On a passé une bonne journée aujourd’hui. Je ne me sentais bien pas trop largué comme ces derniers jours.
- C’est vrai que tu étais de très bonne compagnie aujourd’hui.
- On s’est toujours bien entendu… je suis heureux que tu ne m’en veuilles plus.
- Hum, je sens que je vais regretter de t’avoir si vite pardonné…
- Non je ne le pense pas.
- Pourquoi ?
- Parce que j’ai une surprise pour toi…
- Une surprise ? Laquelle, j’adore les surprises… du moins les bonnes.
Puis il y a un long moment de silence. Le doute sur ce qui est en train de se passer.
- Denis !
- Quoi Elle ? T’es engagé ?
Elle dit Denis comme elle dit Adrien. Avec la même supplique dans la voix. J’en ai assez entendu, je raccroche.
***45 minutes plus tard***
N’y tenant plus, je démarre ma voiture et prends la route qui mène chez elle. Je gare rapidement. Le gardien me reconnaît et me laisse entrer.
Je cogne.
Elle ouvre la porte quelques secondes plus tard.
Elle porte au cou un magnifique collier dont les pierres étincelles de mille feux. Je reconnais le collier. Elle l’a essayé ce matin avec Denis. Sous l’effet de surprise de me voir, quelque chose tombe de ses mains, une carte. Je la ramasse avant qu’elle ne le fasse.
« Le baiser était délicieux… Si tu veux plus… je suis là D. »
- Pour un collier ?! Elle pour un collier ?
- Arrête ce n’est pas ce que tu crois… Adrien calme toi. Je vais t’expliquer.
- Je n’ai pas besoin que tu m’expliques. Il n’y a rien à expliquer. Tu sais c’est étrange… Les femmes sont toujours en train de se plaindre du comportement de leur homme. Mais en réalité c’est ce que vous aimez. Quand on vous trompe, quand on n’a aucun respect pour vous. Toujours en train de dire « on m’a fait du mal pourtant je cherche un mec bien »… Tu t’amuses Elle. Tu n’as encore rien compris. Il y a toujours ce quelque chose de dur en toi qui refuse de me donner ma chance alors que moi je te la donne continuellement.
- Adrien, je t’en prie… je vais t’expliquer. Dit-elle en tentant d’enlever l’objet de la discorde.
- Non garde le. Pourquoi l’enlèverais-tu ? Il te va si bien. Dis-je ironiquement.
- Adrien. Supplie-t-elle.
Ca, ca me rappelle juste comment elle a dit Denis… Mon sang boue dans mes veines. Mais je reste calme.
- Je crois que maintenant ça suffit. J’en ai assez Elle.
Je tourne les talons pour m’en aller quand un homme entre dans la concession : Etienne. Il avance vers moi, me dépasse après m’avoir brièvement salué, avant de revenir rapidement sur ses pas.
- Non, ce n’est pas vrai. Adrien ?!
Il fait nuit noire et il me reconnait quand même. J’ai la haine.
- Salut Etienne.
- Putain ça fait un bail. Wo mec la vie t’a drôlement souri dis donc !
C’est vrai que lui par contre a pris un coup de vieux. Il n’a plus l’éclat d’antan. Je sais qu’il a traversé des moments difficiles. Mais après sa crise à l’hôpital, je crois qu’il tient le bon bout.
Elle s’est rapprochée de nous, le visage bouffi par la culpabilité. Je n’ai qu’une seule envie partir.
- Alors vous vous êtes enfin retrouvé ? Non sérieux Adrien tu es tenace hein. Après toutes ces années, tu as enfin retrouvé ma sœur. J’ai toujours su que tu en pinçais un peu pour elle.
Je n’ai même pas le temps d’en placer une.
Elle. Ce que j’ai ressenti dès la première fois que je l’ai vu et malgré tout ce qui s’est passé, dépasse ce qu’Etienne peut comprendre.
- Ecoute je vais te laisser, je dois y aller.
- Adrien attend. Demande-t-elle d’une voix plus ferme que tout à l’heure.
Son frère la regarde et comprend enfin que quelque chose cloche. Elle ne porte plus le bijou à son cou, elle le tient dans sa main. Il brille toujours autant, me nargue…
- Elle ça va ?
- Vous vous connaissez ? demande-t-elle à Etienne.
- Oh la grande, c’est Adrien, mon pote du primaire. Mais après il était dans ton lycée je crois. C’est même ses biscuits que tu bouffais en croyant que c’était les miens.
Ses yeux papillotent, vont de son frère à moi. Les souvenirs affluent-ils ? c’est trop tard maintenant… Vraiment trop tard.
Pourquoi j’ai essayé d’y croire à nouveau ?
Elle n’a rien de spécial. Finalement c’est une femme comme les autres…
Dans ma tête : Les images apparaissent et disparaissent aussitôt… des conversations anodines à jamais gravées dans mon cœur.
***Flash***
- Il faudra que tu aimes une femme très spéciale Latif, parce que tu es un garçon spécial.
- Je t’ai déjà dit d’arrêter de m’appeler comme ça.
Claire s’est approchée de moi et m’a reniflé un peu bruyamment.
- T’as bu ?
- Juste un peu t’inquiète.
- Si je n’étais pas enceinte jusqu’au cou, je ne te laisserai pas prendre le volant. Mais là je suis vraiment trop fatiguée et mes pied son enflés.
- J’attends le bébé avec impatience Claire.
- Je sais mon petit chéri.
- Non mais arrête. Ce n’est pas parce que je suis un peu bourré que tu peux te permettre de m’appeler comme ça.
- Je t’appelle comme je veux ! a-t-elle dit en montant dans la voiture.
J’ai pris le volant. Je n’aurai jamais dû.
- Alors raconte-moi.
- Y’a juste une fille qui me prend la tête depuis tellement longtemps que … C’est compliqué.
- C’est à cause d’elle que tu as bu ?
- Non.
Elle rigole. Je mens mal.
- Si tu tiens à elle tant que ça. Accroche-toi. Elle finira bien par comprendre que t’es un mec en or. Elle verra au-delà des apparences.
***Retour au présent***
Je suis sorti de chez elle.
Elle me suit jusqu’à ma voiture.
Voir au-delà des apparences ! Si elle m’a remarqué, c’est parce que j’ai changé physiquement. J’ai pris de l’assurance, du muscle aussi, fait refaire mes deux dents de travers qui me gênaient beaucoup, opté pour une opération pour mes yeux. Sans tout ça, elle m’aurait traité comme elle m’a toujours traité…
- Adrien. Ne fais pas ça ! Laisse-moi au moins t’expliquer…
Je n’ai pas envie de l’écouter. Qu’elle s’adresse à Denis qui est prêt à lui donner plus.
« Le baiser était délicieux… Si tu veux plus… je suis là D. » Putain d’enculé !
***Flash back***
- Ouh la la…
- Quoi ?
- Tu roules trop vite Latif.
- Je dois la revoir juste après t’avoir déposé. Je ne veux pas être en retard.
Elle regarde dehors les voitures défiler devant ses yeux. On s’arrête à un feu tricolore.
- Non mais regarde moi ça ! s’écrie t-elle en rigolant.
- Quoi encore ?
Elle montre du doigt un couple qui s’embrasse. Il commence à faire sombre mais on peut tout de même distinguer leurs traits. Un homme d’un certain âge et une jeune fille.
- Merde ! je fais en reconnaissant la jeune fille.
- Qu’est-ce qui se passe ?
Le feu passe au vert mais j’ai le plus grand mal à avancer, à quitter la scène des yeux. Je suis un peu saoul, je m’autorise un turn-over invraisemblable et frôle l’accident avec les voitures qui roulent sur l’autre voie. Les klaxons rouspètent mais je n’entends plus rien. Tout ce que je vois c’est la jeune fille de l’autre côté de la voie. Je gare la voiture et déboucle ma ceinture.
- Latif !
- Merde ! Merde ! je continue de dire sans me préoccuper d’elle.
- On est très mal garé… Reviens… Latif ! crie Claire paniquée parce qu’elle ne comprend pas ce qui se passe.
***retour au présent***
C’est la dernière phrase de Claire : « Reviens Latif ». Je ne l’ai pas écouté. Si je l’avais fait… Madame Evrard n’aurait pas perdu sa fille par ma faute. Cette femme m’a tout donné sous l’impulsion de Claire. Et qu’ai-je fait pour la remercier ? Je lui ai pris sa fille unique qu’elle a eue avec mon père.
Maman m’avait abandonné devant leur portail avec une valise pleine d’affaires. Elle a dit qu’elle allait revenir me chercher mais jamais elle n’est revenue. Elle est partie pour la France avec Jean-Christophe et pendant très longtemps je n’ai pas entendu parler d’elle.
Claire ma sœur a ouvert le portail. Elle a tout de suite compris, alors qu’on ne s’était jamais vu auparavant. Elle disait souvent : ce jour là c’est le sang qui a parlé. En m’accueillant comme elle l’a fait, elle m’a fait rentrer dans un nouvel univers. Après ça, ma vie n’a plus jamais été pareille. J’ai découvert ce que signifiait le mot famille parce qu’elle a forcé sa mère à m’aimer comme un fils.
Et j’ai tout perdu le jour où j’ai vu Gaspard embrasser Elle. J’ai laissé ma sœur enceinte de son premier enfant dans une voiture garée en pleine voie expresse.
Le reste… s’embrouille… trop douloureux…
Ce jour là lui aussi lui a passé quelque chose autour du cou. Une chainette peut-être, je ne sais plus.
Cette fois si … je ne veux vraiment plus la voir. J’ai eu ma dose.