Chapitre 15

Ecrit par Lilly Rose AGNOURET

Chapitre 15

 

*** Christian Oyembo

 

Il est 15h quand j’arrive à la résidence de mes parents après avoir discuté avec le médecin qui m’a garanti que l’état de ma mère est stable et qu’il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Il m’a recommandé de rentrer et de repasser pour les visites du soir.

Quand j’arrive, le gardien me fait signe que mon père est dans le jardin. Le calme règne sur les lieux. On sent que tous les neveux, nièces et petits-fils sont allés en vacances. D’habitude le week-end, cette résidence grouille de monde.

J’arrive et trouve effectivement mon père dans le jardin, occupé à s’amuser avec leurs deux chiens, des bergers allemands : Sultan et Rebelle. Il lance un bout de bois que les deux chiens se battent à récupérer. Il est vêtu d’un pantalon en pagne tout simple, avec des sandales en cuir et un tricot tout blanc. Il me salue gaiement :

- Comment vas-tu, fils ? Que me vaut l’honneur de ta visite ? Je te signale déjà que je ne suis disponible que parce que j’attends mon épouse. Nous avons prévu d’aller passer trois nuits à la Baie des tortues, histoire de nous reposer. D’ailleurs, je me demande pourquoi elle n’est toujours pas là.

Je lui réponds en caressant l’un des chiens :

- Papa, en sortant, maman ne t’a pas dit où elle partait ?

- J’étais allé chercher des documents au bureau quand elle est partie. Elle m’a simplement envoyé un message pour me dire qu’elle faisait une course et qu’on devait se retrouver ici. Je l’attends, comme j’en ai l’habitude. Avec elle, je ne me presse jamais. On partira quand elle sera prête.

- Papa, maman est hospitalisée. Elle a perdu connaissance tout à l’heure. Je…

- Comment ça, perdu connaissance ? Qu’est-ce que tu racontes.

- Entrons. Je crois que l’on sera mieux assis !

- Christian, je suis très bien dehors ! fait-il en envoyant au loin une balle que ses chiens vont récupérer. Peux-tu me dire comment mon épouse a atterri dans un hôpital ? Et pourquoi n’ai-je pas été mis au courant plus tôt ?

- Papa ! J’ai appelé maman ce matin pour lui parler d’un gros problème que j’ai eu à la maison. Voilà, il se trouve que Perle m’a accusé d’avoir abusé d’elle et de l’avoir mise enceinte.

Il s’arrête, me regarde d’un air incertain puis me demande :

- A-t-elle des raisons de raconter ce genre de choses ?

- Je ne sais pas ce qui se passe dans sa tête. Je préfère te passer les détails. Quand j’ai appris qu’elle est enceinte, j’ai demandé à maman de passer histoire qu’on éclaircisse l’affaire. Maman est arrivée et tu ne devineras jamais ce que Perle nous a sorti, après que maman ait menacé de la conduire à la police !

- Christian, arrête de faire durer le suspense et parle. J’ai passé l’âge pour les devinettes.

Je le regarde droit dans les yeux et lui dis :

- Papa, Perle t’accuse d’avoir couché avec elle, de l’avoir mise enceinte et de l’avoir menacée si elle dévoilait votre aventure.

Il fait deux pas en arrière. Je peux lire une moue d’incompréhension sur son visage. Il me demande alors :

- Fils, pourquoi cette fille raconte-elle ce genre de choses ? Je ne comprends pas. Qu’est-ce qui lui passe par la tête ?

- Papa, elle en est venue à nous sortir des détails de ton anatomie, qui ont troublé maman. C’est après cela que Bakary et moi avons dû conduire maman à la Clinique El Rapha.

Mon père reste longtemps en silence. Il finit par me demander :

- On parle bien de Perle, ton employée ? Pourquoi cette petite raconte-t-elle de telles histoires ? Et où m’aurait-elle vu tout nu ? Ça n’a aucun sens. Je ne comprends rien à ce que tu racontes. Comment va ta mère ?

- Maman va bien. Le médecin m’a dit qu’elle a besoin de repos. Nous pourrons la voir durant les visites à 18h.

Je le sens sérieusement agacé quand il me dit :

- Cette petite compte-t-elle accusé tous les mâles de la famille ou est-ce simplement à moi qu’elle réserve ce genre de surprise ?

- Je t’ai parlé d’un gros problème. Si elle sait autant de choses à ton sujet cela veut dire…

- Cela veut dire que soit c’est une menteuse, soit elle est complètement folle.

- Ou alors…

- Ou alors quoi ? me demande père. A quoi penses-tu, Christian ? Cette affaire m’a tout l’air d’une histoire de coucheries entre domestiques. S’il n’y avait pas de grossesse, on n’en aurait jamais rien su.

Je le regarde en silence alors que les chiens viennent se coucher à ses pieds. Il me demande :

- Reprenons depuis le début. Donc, si je comprends bien, ton employée a eu le courage de regarde mon épouse et de lui raconter toutes ces choses à mon sujet ?

- Oui, c’est ça !

Mon père me regarde longuement et finit par me dire :

- Laisse-moi te dire que je suis impressionné par la dose de courage, je veux dire par l’aplomb dont a fait preuve cette jeune femme. Elle a regardé Alice Oyembo et lui a raconté des choses sur mon anatomie !!! Christian, laisse-moi te dire que tu gardes une vipère dans ta maison depuis des années ! Personne ici, aucune des personnes que nous avons employées dans cette maison depuis des années, n’a jamais osé regarder ta mère de face. Même mes assistantes au bureau baissent le regard quand mon épouse arrive. Et voilà qu’une petite de 20 ou 22 ans a réussi à dire ce genre de chose à ta mère ! Je n’en reviens pas !

- C’était assez troublant, je te l’avoue. Mais comme quelques instants avant, elle m’avait accusé de la même chose devant Bakary, j’ai réussi.

Mon père me dit alors :

- Je ne sais pas où tu iras trouver l’auteur de la grossesse de ton employée, mais ce n’est sûrement pas moi. Je n’ai jamais eu l’intention de mourir d’un cancer de la prostate, raison pour laquelle je me suis toujours abstenu de courir les femmes. Ce n’est pas à l’âge de la retraite que je vais me mettre à jouer les Dom Juan auprès de post-adolescentes.

Il continue tranquillement à envoyer une balle puis un bâton plus loin. Ses chiens se remettent alors à courir.

- Notre conversation n’est pas terminée, papa !

- Ah bon ? Qu’y a-t-il à rajouter ? Ne me dis pas que tu veux que je me mette nu pour que tu puisses vérifier les détails anatomiques dont t’a parlé cette enfant ?

- Papa, cette enfant, comme tu dis, a parlé de cette tâche…

- Christian ! Je viens de te dire que cette affaire est une pure imbécillité ! Je n’ai jamais eu de comportement déplacé avec mes employés dans cette maison ni dans l’entreprise. Ce n’est quand même pas la nounou de tes enfants que je vais m’amuser à séduire ! On nage en plein délire ! Peux-tu me dire à quel moment j’aurais soi-disant usé de force envers cette enfant ?

- Papa, je ne suis pas en train de t’accuser. Je cherche juste à comprendre. Je sais que jamais tu ne ferais ce genre de chose. Ça ne te ressemble pas.

- Dans ce cas, pourquoi m’agaces-tu avec cette histoire, au lieu d’aller poser des questions aux autres domestiques ? Pourquoi reviens-tu sur les soi-disant détails anatomiques qu’elle vous aurait donnés.

En silence, je regarde mon père, pose mes deux mains sur mes hanches et lui réponds

- Je ne sais pas quoi te dire. J’ai été troublé en entendant cette fille raconte tout cela à maman, alors que cette dernière simulait un appel à la police judiciaire.

Papa, s’arrête de s’intéresser à ses chiens, se gratte le menton et dit :

- Donc, cette petite a raconté tout cela après que ta mère fait semblant d’appeler la police pour la boucler ?

- Oui, c’est ça !

- Dans ce cas, laisse-moi te dire que ce n’est pas demain la veille qu’on saura la vérité sur cette affaire !

- Que veux-tu dire, papa ?

- Je veux dire que si ton employé n’a pas eu peur, malgré l’appel à la police, de mentir à ta mère, cela veut dire que le secret qu’elle cache, elle ne le dévoilera à personne quelle que soit la pression qu’on lui mettra. Quant aux détails anatomiques, je ne sais pas où elle est allée pêcher tout cela…

Il s’arrête net, me regarde avec des yeux perçants puis, se posant une main sur le front, il me dit :

- Oh là là ! Je crois que tu avais raison. J’ai besoin de m’asseoir. Oh là là !

J’ai soudain l’impression qu’il vient seulement de comprendre la gravité de la situation.

Nous entrons dans la maison. Il m’entraîne alors vers son bureau. Arrivé là, il va directement vers le petit réfrigérateur, dans le coin gauche de la pièce. Il en sort un petite bouteille d’eau minérale, qu’il ouvre et boit en allant vers son fauteuil. Il met en marche le split et m’invite à m’asseoir. Là, il me dit :

- Je veux voir cette petite. Je veux qu’elle me raconte, face à face, ce que je lui aurais fait. Peux-tu me dire où tout cela se serait passé ?

- D’après ce qu’elle raconte, tout se serait passé ici pendant le récent séjour de maman en France. Cela se serait passé dans la chambre pour amis, dans le studio à l’extrémité du jardin.

Il respire un grand coup avant de me dire :

- Il y a quelque chose qui ne va pas. Je ne sais pas comment elle en est arrivée à inventer une histoire pareille ! Seigneur, une enfant !

Le voilà qui frénétiquement se mets à fouiller les tiroirs de son bureau.

- Que cherches-tu ?

- Je cherche mon agenda. J’en ai besoin. Quelque chose me turlupine.

- Papa ! Tu n’as pas besoin de ton agenda pour prouver ton innocence. Maman sait très bien que tu n’y aies pour rien. Si elle a fait ce malaise tout à l’heure, c’est sûrement parce qu’elle ne s’attendait pas à ce que Perme mente avec un tel aplomb.

Mon père me regarde et me dit :

- J’ai dû laissé mon agenda dans la chambre. Je reviens.

- Papa ! je te dis que tu n’as pas besoin de cet agenda.

Il se lève sans plus m’écouter et sort de la pièce pour aller dans sa chambre. Je reste là à observer la pièce dans laquelle souvent, il se réfugie pour être calme, loin du tumulte, toujours pleine de monde. C’est justement le fait qu’il y ait toujours beaucoup de personnes jours et nuit et surtout les week-ends, qui me font depuis le début, douter qu’il se soit réellement passé quelque chose ici sans que personne n’ait rien entendu. Vu que Perle m’a accusé puis, a accusé mon père, il est fort à parier qu’elle accusera bientôt, l’un des voisins… Qui sait ce qu’elle inventera ? Quant à savoir comment elle a pu ainsi décrire l’anatomie de mon père, je crois qu’elle a soit regardé cet homme tout nu à travers une porte entrouverte. Ou alors…

- Je veux voir cette petite ici, maintenant ! Qu’elle me dise quel jour et à quelle heure j’aurais abusé d’elle. J’ai retrouvé mon agenda, me fait mon père en refermant la porte derrière lui.

Il revient s’asseoir face à moi. Je lui demande alors :

- Pourquoi as-tu besoin de ton agendas, papa ! Je t’ai dit que je te croyais sur parole !

- Fils, je note tous mes déplacements dans cet agenda. Vu comment les choses sont parties, je ne laisserai aucun doute planer sur ma personne.

- Papa, dis-je avec plus de conviction dans la voix. Je te crois sur parole !

Il me regarde et me dit :

- Fils, tu as un problème dans ta maison. On va le régler maintenant. Soit cette fille parle et dit la vérité. Soit, elle continue de mentir et dans ce cas, il me faudra des arguments pour me sortir de cette mélasse.

 

Je prends alors mon téléphone, appelle Bakary et lui dis :

- Bakary, peux-tu venir chez mes parents avec Perle ?

Là, il me répond :

- Patron, Perle dort.

- Comment peut-elle dormir après toutes les bêtises qu’elle a racontées ?

- Ah, patron, elle dort, oooh ! Elle est couchée dans le canapé.

Je dis alors à mon père :

- On va à la maison. Perle dort et Bakary a quelques réticences à l’idée de la réveiller.

Mon père hausse alors les épaules et me dit :

- Je vais me passer une chemise et je te suis.

Nous sortons du bureau. J’avance vers le salon. Mon téléphone sonne alors. C’est ma tante Monique. Je décroche et lui lance :

- Bonsoir, ma tante. Comment vas-tu ?

- Tout va bien, Christian. J’essaie de joindre Alice sans y parvenir. Saurais-tu où elle se trouve ?

- Tante Monique, maman est hospitalisée. Elle a fait un malaise tout à l’heure. Je n’ai pas encore eu le temps d’informer tout le monde.

Inquiète, ma tante demande alors :

- Que s’est-il passé, Christian ?

- C’est une longue histoire, ma tante.

- J’ai tout mon temps, mon petit. Je t’écoute.

- Je suis obligé de faire court, ma tante. En fait, la nounou d’Anissa et Alexandre est enceinte. En cherchant à comprendre ce qui s’est passé et comment elle en est arrivée là, elle a eu le courage d’accuser papa d’être l’auteur de sa grossesse.

- Répète ce que tu viens de dire, Christian ! dis-ma tante en haussant le ton.

- Je disais que ma domestique a accusé papa d’avoir abusé d’elle. C’est une histoire un peu rocambolesque, car elle m’a d’abord accusé moi. C’est compliqué.

Ma tante me dit alors :

- On parle bien de cette petite qui se roule dans le sable avec les enfants et qui barbote dans l’eau avec eux ? C’est bien elle qui regarde Piwi+ avec les petits et qui joue à la poupée avec les filles ?

- Ma tante, oui, c’est de Perle dont je parle.

- Il y a quelque chose que je ne saisis pas, Christian.

- C’est long à expliquer, ma tante. Très long.

- Christian, pourquoi accuse-t-elle Ernest ? Elle a forcément un petit ami. Je veux dire, elle vit sous ton toit, tu ne t’es douté de rien ?

- Non. Je ne me suis douté de rien. J’ai posé la question à mon gardien. Lui non plus n’y a vu que du feu. Je ne saurais te dire à quel moment elle est passée du statut d’enfant à celui de femme.

- Christian, il y a quelque chose qui ne va pas. Mais je suppose qu’en parler au téléphone, n’est pas adéquat. Écoute, j’appelais juste pour rappeler à Alice que je serai à Libreville Mardi soir. J’espère qu’elle sera remise sur pieds. Et laisse-moi te dire que je ne crois pas un seul instant aux sornettes racontées par cette petite. Interroge tous les domestiques de la résidence ou chez toi. Quelqu’un doit forcément savoir avec qui cette petite a couché au point de tomber enceinte.

- Hum ! On s’appelle ma tante. A mardi.

- C’est vraiment incroyable ! A mardi.

 

Pendant le trajet en voiture, papa consulte son agenda. Il finit par me dire :

- Tes enfants n’étaient pas chez nous la nuit où Kéyan et ta mère sont partis pour la France. Le lendemain, j’ai pris un vol pour Pointe Noire et j’y suis resté 4 jours. A mon retour ici, j’ai passé.

- Papa ! Pourquoi notes-tu tous ces détails, heure par heure.

- Je fonctionne ainsi depuis que j’ai 15 ans. Si tu étais jumeau, tu comprendrais combien de fois cette méthode peut sauver la vie de quelqu’un.

- J’ai bien compris qu’il n’y a rien eu entre Perle et toi, alors, on se calme !

-

Nous arrivons chez moi quelques minutes plus tard. Mon frère Taylor m’attend là, adossé à sa voiture, téléphone en main, vêtu d’une tenue de sport. Quand je descends de voiture, il me dit :

- Christian, c’est quoi cette histoire ! Il a fallu que Keyan m’appelle de France pour que j’apprenne que tante Alice est hospitalisée ! Tu ne pouvais pas envoyer un message ?

Il avise alors la présence de papa qui descend de voiture.

- Bonsoir oncle Ernest. Alors, comme va tante Alice ?

- Je n’ai pas encore pu la voir. Nous irons lui rendre visite à 18h.

- Dîtes-moi ce qui s’est passé ? Était-elle submergée ?

- On en saura plus tout à l’heure ! lui fait mon père.

Là, par réflexe, je demande à Taylor :

- Où se trouve Ursule ?

- A la maison. Elle tresse les petites. Pourquoi ?

- Peux-tu lui demander de venir, s’il te plait. Dis-lui que c’est urgent.

Il me regarde sans comprendre. J’insiste. Il compose le numéro de son épouse. Vu qu’ils habitent tout juste au Haut-de-Guégué, nous n’attendons pas longtemps pour la voir débarquer, alors que nous sommes toujours là, dans le garage, à parler de tout sauf de l’état de maman. Quand Ursule arrive, elle décent de voiture et nous annonce :

- J’ai laissé les enfants avec maman. Que se passe-t-il ici ?

- Nous avons besoin d’une présence féminine. Viens !

Nous entrons dans la maison. Dans le petit salon, nous trouvons Perle endormie dans le canapé. Elle est décemment vêtue. Ursule s’approche. Elle la réveille en lui disant :

- Perle ! C’est tantine Ursule. Pourquoi dors-tu dans le salon ? Va dans la chambre.

Perle se réveille alors. Elle se frotte les yeux. Quand elle se rend compte de notre présence, elle éclate en sanglots. Ursule me questionne alors du regard. Elle demande à Perle :

- Que se passe-t-il, Perle ? Pourquoi pleures-tu ?

Perle lance alors en hurlant comme une folle :

- Tantine Ursule, je suis enceinte. Ce n’est pas de ma faute. Tantine Ursule, je n’ai pas provoqué, oooh ! Tantine Ursule, c’est tonton Taylor. C’est lui qui m’a couché dans ta voiture le jour où tu étais à Lambaréné chez ta mère. Il m’a emmenée au bord de mer. Il m’a dit que je suis plus délicieuse que toi. Il a dit que si je suis toujours gentille avec lui et que je ne dis rien à personne, il va toujours m’acheter des parfums.

Le coup de poing que donne Ursule à Perle, envoie la petite au sol !

- C’est pour ça que tu m’as appelée, Christian ! C’est quoi ces conneries ?

Là, c’est mon père qui me dit :

- Fils, je vais rentrer chez moi et attendre l’heure pour aller rendre visite à mon épouse.

Ursule qui est en colère, me demande :

- Qu’est-ce qui se passe ici, Christian ? Pourquoi cette fille dit-elle que mon mari a couché avec elle ?

Elle se tourne vers son époux et lui dit :

- C’est quoi cette histoire, Taylor ? Pourquoi m’as-tu fait venir ici ?

Au sol, Perle crie :

- Pardon, oooh ! Pardon tantine Ursule. C’est tonton Taylor qui m’a couché, oooh ! Il a dit que tu n’es plus fraîche comme avant et qu’il a besoin de changer un peu.

Mon frère, qui se trouve dans un état de stupeur avancé, me regarde, se passe la main sur le visage et répond :

- J’ai besoin d’un verre d’eau !

Perle continue son cinéma en criant :

- Tonton Taylor m’a emmené un jour dans son bureau à la SGEPP. Il y avait les fleurs rouges sur son bureau et ta photo sur laquelle tu as une belle robe blanche. Il a dit qu’on a fait la photo aux Etats-Unis. Il a mis ta photo dans le tiroir quand il m’a couchée sur le canapé marron. Il a dit que si je parle, tu vas me tuer, tantine Ursule.

- J’ai besoin d’eau, Christian ! J’ai besoin d’eau ! me fait mon frère en fouillant nerveusement ses poches, avant de s’écrouler sur le sol.

- Il nous fait une crise d’asthme. Sa ventoline est toujours dans ses poches ! me dit mon père.

Alors que mon père et moi portons secours à Taylor, pour le redresser et l’aider à respirer, Perle est en plein délire, racontant la couleur des murs dans le bureau de Taylor, la réplique de la statue de la Liberté posée sur son bureau, cette autre photo prise à la Lopée avec les enfants. Des détails qui poussent Ursule à lui foutre un coup de pied aux fesses avant de la traiter de pute et de me crier :

- Christian, tu peux me dire pourquoi tu m’as appelée ici ?

Comme si la réponse à cette question était plus importante que l’état de santé de mon frère !

 

Alors que Taylor retrouve un peu d’énergie, mon père l’entraîne dehors pour marcher un peu. Ursule qui est sur les nerfs, me demande :

- Pourquoi m’as-tu appelé ici, Christian ? Tu entends ce que raconte cette connasse ? Comment peut-elle être au courant au sujet de cette photo prise à La Lopée ? C’est moi-même qui ait posé cette photo sur son bureau il y a tout juste un mois. Est-elle réellement enceinte ?

Je regarde ma belle-sœur et lui dis :

- Ursule, peux-tu te calmer ?

- Je ne vais pas me calmer, Christian. Taylor a-t-il couché avec cette fille ou pas ?

- Tonton Taylor a dit que c’est notre secret. Que je ne dois rien dire parce que tu es une péteuse de plombs !

- Je suis une péteuse de plombs ? Je suis une péteuse de plombs ? me demande Ursule.

- Calme-toi, Ursule. D’ici demain matin, Perle aura trouvé une autre cible que toi. Elle a envoyé maman à l’hôpital après avoir accusé papa de la même chose, ce matin.

Ursule me lance un regard incertain puis regarde Perle, qui s’est roulée en boule dans un coin de la pièce. Elle me dit alors :

- Comment sait-elle pour ma photo sur le bureau de Taylor ?

- Je n’en ai aucune idée.

Ma belle-sœur tourne les talons et s’en va en me lançant :

- Taylor a des explications à me donner. C’est trop facile, ça !

Je reste là à regarder Perle. Je prends mon téléphone et appelle Bakary qui arrive au pas de course. Je lui dis alors :

- Reste là et surveille cette fille !

Je vais dans ma chambre et assis sur mon lit, je pianote sur mon téléphone pour vérifier les détails du vol que j’ai réservé pour Perle. Départ, demain lundi à 10h 45. Un vol direct, d’une heure entre Libreville et Sao Tomé. D’ici demain matin à l’heure de son départ, je suppose qu’elle aura détaillé l’anatomie de quelqu’un d’autre et raconté d’autres conneries sur l’un ou l’autre de mes frères.

Je reviens dans le salon et dis à Bakary :

- Surveille cette fille. Ne la quitte pas des yeux.

 

Je n’ai pas envie de garder Perle chez moi cette nuit. Il me faut trouver une solution pour elle. Je sors retrouver les autres dehors. Je trouve ma belle-sœur en pleine crise d’hystérie alors que son époux tente de rester zen. Mon père joue les arbitres expliquant que les cris ne servent à rien. Ursule n’en démord pas ; Perle est bel et bien entrée dans le bureau de son époux. Elle veut savoir quand et pourquoi.

- Cette fille ment ! dis mon frère dans un souffle. Ne me dis pas que tu la crois, Ursule !

Il respire un grand coup, tourne les talons et avance vers le jardin. Son épouse reste là à me fusiller du regard. Je lui dis alors :

- Ursule, je t’ai appelé parce que j’avais besoin d’une présence féminine. Je ne savais pas que Perle inventerait de tels mensonges.

Elle me demande alors :

- Comment sais-tu que ce sont des mensonges, Christian ? Serais-tu l’auteur de la grossesse de cette fille ? Quoi, l’absence de China t’a poussé dans le lit de ta bonne ? Tout ça, c’est ta merde, après tout !

Je souffle puis lui réponds :

- C’est ma merde, en effet. Désolé de t’avoir dérangée.

Je regarde mon père et lui dis :

- Je te raccompagne. J’ai besoin des services de Mariah vu qu’elle parle portugais. Il faut que j’appelle la mère de Perle pour lui dire que sa fille rentre demain.

Ma belle-sœur me menace alors en me disant :

- Christian, je te préviens que si tu oses me cacher une quelconque relation entre Taylor et cette fille, tu auras affaire à moi.

- Peux-tu la fermer, Ursule ! lui dis-je. Je t’ai déjà expliqué que cette fille est une affabulatrice.

Ma belle-sœur vocifère je ne sais trop quoi. Mon père lui demande alors :

- Ursule, est-ce là le peu de confiance que tu accordes à ton époux ?

Là, elle se tait, royalement. Taylor revient vers nous. Papa lui demande alors :

- Tu es sûr que tout va bien ?

Il répond ironiquement :

- Je suis simplement heureux de constater que la confiance règne entre mon épouse et moi. Je suppose que c’est bien fait pour ma tronche !

Sans même prendre la peine de regarder son épouse, il va vers sa voiture en nous disant :

- On se voit à la clinique tout à l’heure !

 

Je dépose mon père chez lui puis vais en direction de Pleine Orety, pour y retrouver Mariah, la gouvernante de ma mère. Pendant ces week-ends de libres, elle quitte le studio qu’elle occupe dans les dépendances de la résidence des parents, pour venir rejoindre sa fille et ses petits-fils, ici, dans ce quartier. Quand elle me voit arriver, elle me sourit et me dit :

- Christian, c’est comment ?

Là, je lui explique un peu la situation. Elle me regarde sans rien dire puis me répond :

- Elle ne dira rien. Elle veut cacher quelque chose. Il faut l’emmener ici. Elle va dormir ici cette nuit. Demain, elle va rentrer au pays.

- Mariah, tu penses qu’elle se confiera à toi ? Essaie de lui parler. Elle te dira forcément quelque chose.

Cette dame d’une quarantaine d’années pour qui j’ai beaucoup d’affection me répond :

- Elle vous a déjà menti. Pourquoi veux-tu qu’elle me dise la vérité ? Emmène-la seulement. Elle va rester là comme ça, tu pourras dormir tranquille cette nuit. Sinon, elle va encore vouloir te séduire.

- Je rentre. Je dirai à Bakary de venir la déposer. Mais dis-moi, Mariah, tu n’as jamais vu Perle avec un garçon ou un monsieur ?

Elle hausse les épaules et me dit qu’elle ne sait rien de ce côté. Elle me répète simplement :

- Emmène-la ici sinon la nuit, tu ne vas pas dormir.

J’appelle alors Bakary et lui donne des instructions pour qu’il vienne déposer Perle ici.

 

En partant de chez Mariah, je fais le point dans ma tête.

1- Perle a tenté de me séduire.

2- Elle a menti sur mon compte

3- Elle a accusé mon père.

4- Elle a accusé Taylor ?

La question qui me vient en tête après tout ça, est : qu’a-y-elle a gagné en mentant ainsi ?

 

Lorsque j’appelle Kéyan une heure plus tard, il me demande l’état de santé de ma man. Nous parlons ensuite du mauvais pressentiment qui m’habite.

- A quoi penses-tu ? me demande-t-il.

- Kéyan, j’ai l’impression que ce que cache Perle est dix-mille fois plus explosif que la dose de culot qu’il lui a fallu pour accuser papa tout en regardant maman.

- Tu penses que c’est l’un d’entre nous qui est à l’origine de sa grossesse ?

- Je ne sais pas quoi penser. Je suppose que le fait de l’éloigner nous aidera à y voir plus clair. Je t’avoue que l’entendre accuser papa tout à l’heure a fait naître en moi, de l’effroi. Comme si mon monde d’un coup s’écroulait.

- Je comprends. C’est dommage qu’on en arrive là avec cette fille. Je ne sais pas comment se terminera cette affaire, ni si elle sera heureuse d’accueillir son enfant, mais, Mariah a raison, ne la garde pas chez toi ce soir.

- Sois sans inquiétudes ! Elle est déjà en route vers chez Mariah. Bon, je vais voir maman. Heureusement que tante Monique sera là dans deux jours. Elle saura comment remettre maman en forme.

- Et heureusement pour tante Monique, Perle ne sera plus là pour accuser qui que ce soit. Il ne manquerait plus qu’elle accuse l’oncle Éric pour se payer la tête de tante Monique.

Là, je suis soudaine frappé par une évidence. Je dis alors à Kéyan :

- Disons que si elle accusait l’oncle Éric, elle ferait d’une pierre deux coups. Je suppose qu’elle n’aurait pas à beaucoup mentir sur les détails de son anatomie. Elle s’amuserait simplement à faire du copier/coller en se disant que de vrais jumeaux sont identiques même dans leur nudité !

- EN effet ! me répond Kéyan. J’espère pour l’oncle Éric qu’il se tient désormais à carreau après la promesse qu’il a faite à tante Monique il y a quelques années. Bref, bonne soirée. Embrasse maman pour moi.

- Bonne soirée à toi.

 

Quand je raccroche, un sms me vient. Il s’agit simplement d’un numéro de chambre. Je souris. Je ne sais pas si j’ai l’esprit à m’amuser cette nuit. Je me laisse le temps d’une visite à maman pour décider si oui ou non, je rejoindrai Candice Rémanda dans cette chambre…

 

Il est 19h quand je pars de la clinique après avoir discuté avec Taylor qui me disait comment Ursule l’a cuisiné à leur retour à la maison. Ma belle-sœur a décidé de mener son enquête pour savoir ce que cache Perle. Ursule veut surtout s’assurer qu’il n’y a rien eu entre son époux et Perle.

Je monte en voiture au moment où un appel me vient de m’on oncle Eric.

- Bonsoir Christian.

- Bonsoir mon oncle. Tante Monique m’a appris que tu es à Balako.

- Tout à fait. Les affaires du continent ne prennent jamais de week-end. J’appelle justement parce que Monique m’a dit qu’Alice a fait une attaque. Comment fais-tu pour garder une vipère comme cette jeune fille sous ton toit ? Regarde de quoi elle a été capable !

- Hum ! On m’a déjà fait la leçon, oncle Éric. Tu arrives trop tard. Si tu veux des nouvelles de maman, appelle papa. Il est encore au chevet de sa femme.

- Écoute, je ne vais pas les embêter. Vu que mon épouse m’a annoncé que je dois me libérer pour l’accompagner à Libreville, on se verra dans deux jours.

- D’accord. Entre-temps, Perle sera rentrée chez elle. Cela t’évitera de vivre l’expérience fort désagréable qu’a vécue papa.

- Il ne manquerait plus que ça ! Ne me parle pas de malheur ! Je suis heureux avec mon épouse et je n’ai pas besoin de me créer des problèmes. Surtout pas maintenant que ma carrière prend un autre virage.

Il raccroche. J’en fait autant. Je démarre et vais en direction de la Résidence Nomad’, y retrouver Candice, pour une dernière nuit avant son départ en voyage d’affaires, demain matin.

   

***Il est minuit à Pleine Orety quand vibre le téléphone que Perle a caché sous son oreiller. Le message qu’elle reçoit, dit :

 

Você sabe onde estão seus interesses. Cale a boca e sua mãe terá uma casa grande e linda. E dois hectares de plantação de cana-de-açúcar. (Tu sais où sont tes intérêts. Tais-toi et ta mère aura une grande et belle maison.)

(Tu sais où sont tes intérêts. Tais-toi et ta mère aura une grande et belle maison. Et deux hectares de plantation de canne à sucre.)

       

A SUIVR

LOUBEV...