Chapitre 15

Ecrit par leilaji

The love between us


Chapitre 15


Ce n’est pas que ça ne m’intéresse pas mais. Oui bon ça ne m’intéresse pas voilà. J’avais un budget et un temps bien précis à accorder à cette histoire d’achat de choses de bébé et il a été pulvérisé par la mère de Pierre qui n’arrête pas d’ajouter des articles dans le panier. Mais pourquoi est-ce que j’ai accepté qu’elle m’accompagne ? Parce que tu n’arrives pas à lui dire non idiote. Elle est tellement prévenante et gentille. D’habitude les femmes qui ont des fils font toujours chier les copines de leur fils. Comme si elle avait peur que la nouvelle coqueluche du cœur de leur bambin prenne leur place sacrée. Alors que les mères de filles se font discrètes. Il faut qu’on épouse leur princesse pour prouver qu’elles l’ont bien élevé. Heureusement pour moi, je ne suis concernée par aucune de ces situations. 


Je soupire. Je crois que je commence à avoir faim. Ce que je déteste avoir faim en étant enceinte. Je me sens comme une ogresse capable de manger des petits angelots s’il le faut. Et le pire c’est que je mange juste pour me remplir le ventre parce que je ne sens même pas le gout de ce que j’avale.   


Je n’aurai même pas assez sur moi pour payer la moitié des grenouillères qu’elle a pris. Je ne savais pas que ces machins coutaient aussi chers. 25 000 francs un pyjama pour bébé ! C’est fait avec moins de tissu que des vêtements pour adulte mais ça coute tout aussi cher. Ça n’a pas de sens, c’est une grosse arnaque ce truc. J’ai regardé sur le net ce dont j’aurai besoin et tout ce qu’elle est en train d’ajouter est mignon mais superflue. Qui a besoin d’une espèce de doudoune d’hiver alors qu’on est au Gabon et qu’il fait chaud. Une vendeuse s’approche de nous pour nous demander si nous avons besoin d’autre chose. Je fronce les sourcils pour la décourager mais la mère de Pierre souhaite acquérir d’autres grenouillères pour être sure que le bébé n’en manquera pas. Ce bébé va passer sa vie dans les grenouillères. Je préfère m’assoir et la laisser discuter. Ça va faire deux heures qu’on est dans ce magasin. Pourtant il n’est pas si grand que ça. Situé dans la zone industrielle d’Oloumi à Petit Dubaï, il couvre une assez belle surface pour qui cherche de jolies choses et n’est pas trop regardant quant à l’état de son porte-monnaie. Elle a déjà commandé un berceau, un siège auto et une poussette. Et je ne l’ai même pas encore remerciée pour ça. Je suis vraiment une mauvaise « belle-fille ». En même temps, je suis tellement habituée à tout décider moi-même que je ne sais pas comment me comporter avec elle. Je ne sais pas si je dois juste profiter ou rester sur mes gardes. 


- On en aura des nouveaux dans un mois, répond la vendeuse les yeux brillant de satisfaction. Vous souhaitez que je vous appelle dès qu’on est livré ? 

- Oui. Prenez mon numéro ma belle.

- La maman n’est pas avec vous ? Comme ça j’ajoute aussi son numéro dans la liste des personnes à prévenir en cas de nouvel arrivage. 


Avec ma salopette un peu large c’est vrai que c’est difficile de deviner que j’en suis à cinq mois. Avec Irene on s’est tellement habituées à ce que personne ne devine que je suis LA maman qu’on ne prend plus la peine de rectifier. Ce bébé ne veut pas se montrer, tant pis. Peut-être qu’il a honte de moi. Si jamais c’est vrai, je ne lui en veux même pas. Mon téléphone sonne et je sais déjà que je vais avoir un problème. C’est Pierre. Je ne décroche pas et laisse sonner sous le regard amusé de sa mère. La vendeuse s’éloigne contente d’avoir deux nouveaux numéros dans son répertoire.  


- C’est ton fils. 

- Dis-lui qu’on a bientôt fini. 

- Ah non, dis-lui toi-même hein. La dernière fois, il m’a ramassée comme un vieux poisson pourri. Il est ingérable depuis que je suis enceinte.


Irène profite du fait que je regarde le téléphone sonner pour ajouter dans le panier, des chaussons que je ne voulais pas prendre. Elle en a déjà pris 4 paquets de 7. J’estime que c’est largement suffisant, mais elle non apparemment. Elle est aussi têtue que son fils. 

  

- Peut-être parce qu’on ne dirait pas que tu es enceinte. 

- Toi aussi tu vas t’y mettre ? je suis enceinte, pas malade. Je me sens bien, je n’ai ni jambe lourde, ni nausée, ni vertige, ni quoique ce soit de la longue liste des inconvénients à être enceinte. Je peux donc travailler. Je ne vois vraiment pas où est le problème. 

- Ne m’attaque pas, je n’y suis pour rien moi. 

- Si tu y es pour quelque chose. Tu as élevé un tyran. C’est entièrement de ta faute.


Elle éclate de rire et je me rends compte à quel point j’ai de la chance d’être tombée sur un mec avec une mère aussi décontractée qu’elle. Des femmes comme elle, on n’en trouve pas à tous les coins de rue ça c’est sûr. 

 

- J’ai élevé un fils unique. C’est ma seule faute. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé d’en avoir d’autre tu sais. Mais je crois que j’ai attendu trop longtemps avant de m’y remettre. Mon corps lui pensait déjà être à la retraite pour ce genre de chose alors il m’a laissé tomber. Je te conseille vivement dans deux ans d’en faire un autre. 

- Quoi ? Surement pas. Un seul c’est bien suffisant. En plus c’est pas comme si on était marié, ça serait trop bizarre…

- Si je ne te connaissais pas, je dirai que c’est un appel du pied pour passer aux choses sérieuses avec mon fils. Tu as bien raison. Et moi je suis prête. C’est à toi de voir avec lui. 

- Euh ce n’est pas ce que je sous-entendais. 

- Tu as peur du mariage ?

- Je ne suis pas qualifiée pour le mariage.

- Ça c’est à moi d’en juger. J’ai élevé mon fils seule, ma famille n’a rien fait pour moi donc je décide seule de qui est digne de mon fils ou pas. 


Je crois que cette femme et son enfant ont bien plus souffert qu’ils ne le montrent. Elle a une manière d’être intransigeante avec la famille et les attentes de la société qui me font comprendre qu’elle a été aussi blessée que moi. Et pourtant aujourd’hui, c’est un médecin remarquable qui n’a rien à envier à personne. Elle a élevé son fils et il a réussi de la plus belle des manières. Je suis certaine que c’est pour cela qu’elle ne me juge pas et me donne toutes les chances possibles. Comme je ne dis plus rien, elle sent que je n’ai pas envie de poursuivre le sujet alors aimablement, elle revient sur ce qui la préoccupe.  


- Crois-moi sur parole. Un seul ça ne l’est pas. J’ai rêvé pendant des années d’avoir une fille et maintenant que je t’ai toi, tu vas souffrir, ajoute-t-elle en fourrant un pantalon de grossesse dans notre panier. Les anciennes copines de mon fils faisaient tout pour me mettre sur la touche comme si on était en compétition. Elle ne me respectait pas. Toi tu te méfies, ce qui est tout à fait normal, mais tu me respectes. C’est tout ce qu’une mère demande. 


Moi aussi j’ai rêvé pendant des années d’avoir une mère aimante. Donc ce n’est pas moi qui vais me plaindre de la gentillesse de sa mère. Tout d’un coup, elle se met à fouiller son sac avec frénésie puis extirpe son téléphone de son sac à main. Elle décroche immédiatement car elle est incapable de ne pas lui répondre. Depuis qu’il s’est rendu compte que sa mère ne me faisait pas fuir et qu’ou contraire je suis devenue proche d’elle, il n’arrête plus. 


- Oui mon chéri… oui elle est avec moi… elle n’a pas décroché parce qu’elle mange. Oui dans le magasin…


C’est la seule chose qu’on peut lui dire qui le calme un peu. Il adore entendre que je mange. Ça le rassure vu que je n’ai pas pris grand-chose comme poids depuis le début de la grossesse. Alors sa mère lui sert cette phrase à toutes les sauces. Parfois même elle invente des plats et on se fiche toutes les deux de lui quand il gobe tout ce qu’elle lui dit.

 

- Non tu n’as pas besoin de venir, elle n’est pas fatiguée… Juste après je vais la déposer à son job… Oui son job... Le même qu’avant de te rencontrer... Non je ne peux pas la convaincre. Elle a besoin de rester en activité… Non je ne suis pas de son côté mon chéri... Oui c’est ça au revoir.


Elle jette son téléphone dans son sac en un geste très théâtral parce que je sais qu’elle adore quand il ne cesse d’appeler. Parce que comme elle le dit elle-même parfois en soupirant, ça lui confirme à quel point son fils tient à moi. 


- Il essaie encore ? 

- Il va essayer jusqu’à ce que tu accouches. Je crois que je ne lui ai pas assez dit non quand il était petit. C’est un mot qu’il ne comprend pas bien.

- Il avait pourtant promis de ne pas me faire regretter.


Un voile de tristesse couvre son regard alors je me ressaisis car je me suis mal exprimée. Je ne veux pas qu’elle pense que je regrette ce bébé. Loin de là. Maintenant que mon cerveau s’est habitué au fait que je serai bientôt maman, je ne trouve plus ça aussi catastrophique que le premier jour où je l’ai su. Je vis chaque jour comme il vient et j’essaie de ne pas paniquer en feuilletant les conseils d’accouchement donné dans les magazines pour futur parent. Moi qui n’ai jamais aimé lire, il a bien fallu que je m’y mette un peu. Mais c’est surtout les vidéo YouTube qui font mon éducation en ce moment. J’attends que pierre soit profondément endormi et je visionne des heures et des heures de conseils. Mais malgré tout cela, par moment, ce n’est toujours pas encore réel pour moi. 

Ma vie a repris son cours normalement. Mon ventre s’est juste rempli un peu mais il n’y a vraiment pas de quoi fouetter un chat. Je n’ai pas pris de poids ailleurs que sur mon ventre. Je travaille comme avant mais je ne soulève plus ce qui est lourd sur ordre de Patrick. Par contre maintenant je ne supporte plus d’avoir faim. Il faut que je mange à 7 heures, à 12 heures et  19 heures sinon, je pète un câble.


- On peut y aller maintenant, je commence à avoir faim. 

- Ok. Je crois que c’est bon pour aujourd’hui.


Evidemment, elle règle l’ensemble des achats, même si je proteste un peu pour la forme car je sais qu’elle ne cèdera pas. Puis après un déjeuner copieux au centre-ville, elle me ramène à mon garage et retourne dans l’une des petites villas qu’elle possède au charbonnage. 


Lorsque je descends de la voiture, Pierre est déjà là. Il bavarde avec Patrick et sourit dès qu’il me voit.  Je sens mon cœur faire un bon dans ma poitrine quand il me fait un clin d’œil. Je lui prends la main, salue Patrick et le nouvel employé au passage et nous enferme tous deux dans mon bureau pour une bonne discussion. 


- Mais qu’est-ce que tu fais là ?

- Il est midi, je t’apporte un déjeuner. 


Ma colère tombe immédiatement en entendant le mot déjeuner. 


- Il est où le déjeuner ? 

- Dans la voiture. Mais je suppose que ce n’est plus la peine puisque tu as mangé avec maman. 

- Mais qu’est-ce que tu racontes ? J’ai encore de la place si c’est ce à quoi je pense. 

- Nah. Ca fait deux semaines que tu manges tous les jours avec ma mère à midi et je t’avais expressément demandé de m’attendre aujourd’hui. 

- Quand ? 

- Je t’ai envoyé un message. 

- Je ne l’ai pas lu. Tu me bombardes de messages Pierre. 

- Ok. J’ai changé d’avis. Tu es trop méchante avec moi en ce moment. Je vais tout manger tout seul dans ma voiture et retourner au boulot. 


Hors de question qu’il reparte avec mes vermicelles aux champignons noirs et poulet sauté. Alors je m’avance vers lui et m’assois à cheval sur ses cuisses. Je sens dans les secondes qui suivent une bosse entre ses cuisses. 


- Tu oserais affamer la femme qui porte ton enfant ? je lui demande gentiment en l’embrassant langoureusement.

- Ce n’est pas du jeu de présenter le truc comme ça. Tu sais que je ne te refuse jamais rien. 

- Si. En ce moment tu refuses de me laisser tranquille. 

- Manuella. Tu portes mon enfant et tu travailles dans un garage. 


Je n’avais jamais senti auparavant que c’était une mauvaise chose. Comme il sent que je me crispe un peu, il caresse mon bras. 


- Ne vas pas me faire dire ce que je n’ai pas dit dans ta petite tète de linotte. 

- Alors sois plus claire avant que mes hormones ne s’énervent à ma place. 

- C’est dangereux ici. Les gazes des pots d’échappement des voitures que tu répares, les choses lourdes à porter, les clients qui te font chier… Tout ce que je te demande, c’est de faire une pause. Une petite pause de rien du tout dans l’immense carrière qui t’attend. Est-ce que je ne t’ai pas déjà prouvé que je suis capable de m’occuper de toi ? 

- Si. Mais là n’est pas la question, je ne veux pas dépendre de toi.

- Tu interprètes mal les choses. Je prends soin de toi comme un homme doit prendre soin de sa famille, c’est tout. Tu es enceinte, donc mon devoir est deux fois plus important maintenant. Il n’y a pas de lien de subordination entre nous, d’ailleurs c’est toi me mènes par le bout du nez. Alors ? 

- Non. 

- Je travaille comme un dingue en ce moment pour que tu ne manques de rien. Pourquoi tu t’entêtes ? demande-t-il d’un ton exaspéré. Quand tu accoucheras aussi ce sera pareil ? Tu continueras à travailler. 

- Evidemment que oui. 

- Donc c’est la nounou qui va garder mon enfant alors que tu peux t’arrêter de travailler au moins le temps que l’enfant devienne autonome. 

- Pourquoi ce serait à moi d’arrêter de travailler ? 

- Quoi tu voudrais que ce soit moi ? 

- Non … je … tu m’énerves merde ! je m’exclame en me levant. 


Il me tire immédiatement vers lui et je retombe sur ses genoux. Ses yeux pleins de colère me défient tandis que sa poigne m’empêche de me relever. Je lui tape sur le système en ce moment, je le sais. Il fait encore plus d’heures qu’auparavant et on se voit de moins en moins. Les rares fois où on a eu du temps pour nous, il s’est tout simplement endormi dans mes bras. Alors je me dis qu’il faut que j’y aille mollo. Sa patience à des limites. 


- Je souhaite que tu arrêtes de travailler le temps que tu accouches, que tu prennes soin du bébé et qu’il grandisse un peu. Juste pour que notre enfant puisse vivre la meilleure enfance possible Manuella. Le matin tu te barres à 8 heures, tu rentres à 20 heures parfois plus tard. Moi ca ne me dérange pas mais le bébé lui il aura besoin de sa mère auprès de lui et pas de la nounou. 

- Je vais y réfléchir, pour après l’accouchement, je lui réponds pour calmer le jeu. 

- C’est vrai ? 

- Oui. Laisse-moi gérer ma grossesse comme je le veux. Dès que le bébé sera là, on s’organisera autrement. 

- Je t’aime ma belle. 

- Je t’aime aussi. 


J’ondule des hanches légèrement et le fais gémir tout doucement. J’aime son nouveau parfum, légèrement musqué. Il a dû le changer car son ancien parfum me donnait envie de vomir. Sa main passe sur la pointe de mes seins et je me cambre sur lui. Je lui fais un suçon dans le cou tout en continuant d’onduler légèrement des hanches.  Ses mains empoignent mes hanches m’obligeant à onduler légèrement plus vite. 


- T’as de la chance que cette porte ne soit pas fermée à clef, ça fait longtemps qu’on n’a pas ...


On cogne à la porte. Merde. 


- J’espère que vous n’êtes pas en train de faire des cochonneries, Manu tu as un client avec une Mercedes, crie Patrick à travers la porte.

- Avoue que t’as envie de pleurer là, murmure Pierre.


Il se marre le con. Le pire c’est qu’il ne sait pas à quel point j’ai envie de sexe en ce moment. Envie de le sentir en moi, de lui dire d’y aller fort et crier autant que je le veux. Je ne sais pas si ce sont mes hormones qui parlent ou si c’est juste le manque d’occasion qui se fait ressentir. Depuis que je suis enceinte, Pierre a peur d’y aller franco avec moi. C’est frustrant. Mais je ne sais pas comment le lui dire sans le choquer.  

  

- Manu ! insiste Patrick

- J’arrive le vieux.

- Ok. Donne-moi une minute.

- Je t’en donne deux, le temps de faire un premier diagnostic et de vérifier s’il paie en cash.  


 Je réussis à me lever et Pierre fait de même. Franchement là, j’ai vraiment envie de pleurer. Ce n’est même plus une envie mais un besoin. Tout mon corps crie famine.  


- Ça fait mal, se plaint-il en tirant sur son pantalon pour tout remettre en place.

- Bien fait pour toi. 


En une seconde, il fond sur moi, passe les mains sous mes fesses et me pose sur ma table de travail. Je m’accroche à son cou pour ne pas complètement basculer en arrière. Le regard déterminé et les lèvres rieuses, il me plait quand il est comme ça.   


- En soixante secondes chrono, dit-il entre deux baisers, et avec mes doigts magiques.

- Pari tenu, je murmure en fermant les yeux.


*

**


En ce moment, je ne ressemble plus à rien. Ce n’est même pas que je suis trop fatiguée pour prendre soin de moi c’est juste que c’est le dernier de mes soucis. La grossesse se passe bien, rien à signaler de ce côté. Mon ventre est toujours aussi minuscule alors que le terme arrive. Je pète la forme, prends moins la voiture et marche un peu plus. C’est presque comme si rien n’avait changé dans ma vie au final. Rien sauf Pierre. 

Au tout début de ma grossesse, quand j’ai recommencé à redevenir un peu la Manu d’avant, Pierre a tenté une opération radicale qui m’a mise très en colère. Il s’est débarrassé de tous les anciens vêtements pour me racheter des espèces de trucs, bon chic bon genre de femme enceinte épouse de riche enfoiré. J’adorais mes jeans boyish et maintenant je dois porter des genres de slim avec bandeau qui enveloppe mon ventre et me permet de rester féminine tout en étant enceinte. C’est quoi cette dictature du bon gout ! Je voulais garder mon style destroy même si ça me faisait ressembler à une ménagère au chômage. Mais surtout, au plus profond de moi, je savais bien que ce qui m’irritait vraiment c’était qu’il ait jeté un des sweet-shirt qu’Idris m’avait acheté pour un anniversaire pourri qu’on avait passé rien que tous les deux. C’était comme si je l’avais définitivement mis au placard pour le restant de mes jours. Ce que j’avais peur de faire au plus profond de moi.  Parce que c’était comme lui dénier le fait d’avoir été un chapitre important de ma vie. 


Je gare la voiture et descends voir ce que Pierre peut bien me vouloir en plein 15 heures à la maison alors que je devrais être au boulot comme tout le monde. Lorsque j’ouvre la porte, je trouve un monde fou au salon décoré de rubans bleus et de petites voitures en carton. 


- Bienvenue à ta baby shower, s’écrie la mère de Pierre en me prenant dans ses bras.

- C’est quoi encore ces trucs de blancs, je lui demande en rigolant.

- Arrête d’être villageoise et profite.


Elle me fourre un verre de champagne que je devine sans alcool dans les mains et m’oblige à m’assoir sur le canapé. Petit à petit je me décontracte à la vue de tous les cadeaux offerts par les invités. A quel moment a –t-elle pu organiser tout cela sans que je ne le sache ? C’est sûr que Pierre a dû l’aider.  Beaucoup des personnes présentes sont des collègues de bureau de Pierre que j’ai eu à rencontrer lors de diverses occasions. Tout le monde est très gentil avec moi, surtout lorsque Pierre lui-même apparait avec le gâteau en forme de ballon de foot. 


Tout le monde pense que c’est parce qu’on attend un garçon que le gâteau a cette forme. Mais moi je sais que c’est un clin d’œil pour le lieu où on s’est rencontré pour la première fois. A ce moment-là, je ne savais pas qu’il allait prendre un place si grande dans ma vie et je trouvais que c’était juste un crétin parce qu’il s’en prenait toujours à Idris. Aujourd’hui je sais que c’est parce que je l’intéressais déjà. 


On bavarde autour des parts de gâteau, des cadeaux déballés et des prénoms proposés. L’ambiance est bon enfant lorsque débarque Carter avec un mec que je n’ai pas du tout envie de voir, surtout à une fête célébrant mon bébé. 


- Salut tout le monde, désolée pour le retard mais j’ai eu du mal à trouver un cadeau digne de notre héritier.


Tout le monde éclate de rire tandis que moi je me demande qui l’a invitée. La mère de Pierre se lève et l’accueille en lui proposant un verre et une part de gâteau. Mais le mec qui l’accompagne au lieu de rester en retrait, s’approche de moi et me salue comme si on n’était de vieilles connaissances. Toute l’assistance nous regarde étonnée sauf Carter qui semble ne pas être le moins du monde surprise. Elle demande à Cédric qui me regarde avec un sourire narquois d’aller mieux garer la voiture. Je jette un coup d’œil à Pierre qui n’a rien perdu de la scène et même s’il sourit à ses amis présents, je sens bien la tension dans sa manière de se tenir raide.


Dès que je le peux, c’est-à-dire dès que les regards se détournent de moi, je sors du salon pour aller prendre l’air dans la cour. Carter s’y trouve. Elle bavarde gaiement avec Cédric qui fume une cigarette. 


- C’est quoi ton problème ? Tu ramènes mon ex à ma fête ?

- Cédric c’est mon chauffeur. Tu voulais que je vienne à pieds ? Ce n’est pas de ma faute si tu as couché avec tout Libreville, dit-elle avec dédain. 

- Sors de chez moi. 

- Chez toi ? Il y a ton nom sur le titre foncier de cette maison ?


Mais c’est quoi le problème de cette femme ? Elle veut Pierre à ce point ?


- Pourquoi tu as l’air si surprise Madame ? Maintenant que tu es enceinte, tu ne te demandes pas pourquoi il ne te touche plus, pourquoi il fait plus d’heures au boulot ? Faut continuer à lui faire des enfants Madame, moi je vais gérer le reste, dit-elle en remettant son décolleté en place de manière très suggestive. 


Sur cette parole, elle tourne les talons et s’en va avec Cédric. Quelques instants plus tard, les invités commencent à sortir du salon pour s’en aller. Il faut dire que le soleil se couche à l’horizon et que je n’ai pas vu l’après-midi passer. Je remercie chacun chaleureusement pour sa présence et rentre à la maison où Pierre m’attend. Je pose mon téléphone près du sien et me sers un verre d’eau. Tous les cadeaux sont rangés au même endroit et sa mère jette les derniers papier-cadeau. Elle nous embrasse tous les deux puis s’en va à son tour. Dès qu’elle quitte la maison Pierre se rapproche de moi :


- C’était quoi le truc avec l’idiot là ? Tout le monde l’a remarqué. 

- C’est un ex à moi. 

- Arrête Manuella ! Ce n’est pas la première fois, ça commence sérieusement à me faire chier. Tu t’es tapé combien de mec avant moi ? 

- Attends t’es sérieux là ? 

- Pourquoi pas ?  

- Tu veux quoi une liste ou un mémo ? Non mais tu te crois où ? 

- Ne me parle pas comme ça. 

- Tu es en train de m’insulter et tu veux que je reste calme. Tu t’es tapé quasiment toutes tes collègues qui étaient présentes aujourd’hui. Ta mère ne le sait pas et elle a invité tout le monde. Tu m’as entendue me plaindre de ça ? Non. Ça ne m’aurait même pas traversé l’esprit moi, de te demander ce genre de chose.

- Mais arrête de te comparer à moi. Je suis un homme et toi une femme, ce n’est pas pareil.

- Donc moi parce que je suis une femme, je suis une pute mais toi comme t’es un homme, t’es qu’un baiseur c’est ça ? 


D’un geste plein de colère, il balance tous les cadeaux qui avaient été empilés sur la table du salon me faisant sursauter de peur. Il respire fort et tente de se calmer. On ne peut pas discuter quand il est dans cet état alors je tourne les talons pour aller dormir à l’étage parce que je suis fatiguée. Mais il m’empêche de m’en aller.


- Qu’est-ce que tu crois que ça me fait à chaque fois qu’on rencontre un mec qui t’a possédé avant moi ? que les gens parlent dans mon dos… 

- C’est mon passé. C’est toi qui t’y accroche. Pourquoi est-ce que ça devrait te faire quelque chose puisque depuis que je suis avec toi, je ne suis avec personne d’autre. Je suis clean Pierre. Même mes potes, je ne traine plus avec eux, autour de moi c’est le vide. Il n’y a que toi et mon boulot dans ma vie. Qu’est-ce que je suis censée faire de plus ? 

- Tu as toujours réponse à tout hein. On ne peut jamais rien te reprocher.


Il me tourne le dos et ramasse ses clefs de voiture et récupère son téléphone.

 

- Où est-ce que tu vas ? 

- Je vais prendre l’air.  

  

Puis il s’en va sans rien ajouter. Je ne vais pas le poursuivre, qu’il fasse comme bon lui semble. Je prends à mon tour mon téléphone et me dirige vers les escaliers menant à l’étage lorsque le téléphone vibre dans ma main. 


C’est une photo envoyée sur whatsapp et ce n’est que lorsque je l’ouvre que je comprends que Pierre a pris mon téléphone en pensant prendre le sien ce qui fait que c’est le sien que j’ai dans la main. La photo envoyée par Carter ne trompe pas. Je m’arrête à la première marche, les mains tremblantes et le cœur plein de colère. J’ouvre la conversation entre lui et Carter et lis le message qui accompagne cette photo d’elle en petite tenue.    


« Ça arrive parfois que le corps d’une femme enceinte, effraie son partenaire mon chéri. Ne t’inquiète pas. Ce n’est plus à elle de gérer tes envies, elle porte ton bébé et c’est déjà bien assez. Ne l’embête pas avec ça. Par contre, moi je suis là. Tu sais où me trouver Pierre. »

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