Chapitre 17

Ecrit par Myss StaDou

Chapitre 17


Après sa déclaration, Olivier reste sans mot dire, conduisant dans la nuit. Il se tourne de temps en temps dans ma direction pour me regarder un court moment. On dirait qu’il me sonde. Je regarde la ville si belle. Yaoundé est parée de ses plus belles couleurs, et je pense avec appréhension à la conversation à venir. Que dira-t-il ? Quelle sera la raison de sa duplicité ? Tous ces questionnements me fatiguent. Je veux qu’on en finisse.

 

− Je n’en peux plus, Olivier. Je ne supporte plus cette pression ! dis-je en élevant le ton.

− Arrivons d’abord chez toi. On en parlera calmement.

− Non ! Je ne veux plus attendre ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça t’amuse de jouer avec mes sentiments ?

− S’il te plaît, Nicole… Je conduis et j’ai besoin de rester concentrer pour le faire. Il en va de notre sécurité à tous les deux. On n’est plus loin de chez toi. Promis, on en parlera une fois arrivés.

 

Je lui lance un regard noir et je ne décolère pas. J’ai les nerfs à fleur de peau. Entre le départ de Victor, sa réapparition à lui, les bons moments qu’on passe ensemble, je ne sais plus comment agir. J’ai du mal à distinguer ce qui est juste de ce qui est mal et je veux que ça cesse. Définitivement ! Nous roulons encore un moment, toujours dans une atmosphère lourde. Au bout d’environ  cinq minutes, qui m’ont paru une éternité, Olivier se gare pas loin de mon entrée. Dans la rue, les gens vont et viennent. Le quartier est peuplé de snacks, bars, restaurants et divers hôtels et auberges.

 

Olivier se tourne vers moi et me regarde. Seulement quand il prend une de mes mains dans les siennes, je détourne les yeux de la rue pour le regarder. Je pose d’abord mes yeux sur nos mains enlacées, complètement déboussolée, avant de lever la tête pour le regarder. Je lis de l’anxiété dans son regard. Je veux bien avoir pitié de lui. Mais les anciens sentiments, tout le remords et les ressentiments il y a quelques années remontaient en la surface.

 

− Que veux-tu à la fin ?! Pourquoi es-tu revenu dans ma vie ?

− Je ne pouvais plus vivre sans toi. Le vide que tu as laissé dans ma vie me torturait tous les jours.

− Et ?

− Et je voulais comprendre.

− Comprendre quoi ?

− Pourquoi tu m’avais quitté sans explications.

 

Cet homme me prend pour une conne ou quoi ?! pensé-je en le regardant ébahie. Après tout ce que j’ai dû endurer par sa faute à l’époque, il ose me poser cette question.

 

− Olivier… Olivier oh… Ne me cherche pas les poux dans les sourcils.

− Hein ?? s’exclame-t-il, hébété.

− Je crois que tu as oublié que je suis une fille Eton (tribu du Centre-Cameroun). Ne fais pas, je passe mes cinq minutes de folie sur toi maintenant. Je te promets : ça ne va pas me dépasser !!!

− Pourquoi t’emportes-tu autant ?

− Ton air innocent commence sérieusement à me taper sur le système ! Pour qui tu te prends ?!

− Je ne te comprends pas, dit-il, l’air perdu.

 

Eh malé ! Cet homme va me rendre folle ! Il va jusqu’à sortir le regard innocent. J’ai même failli avoir pitié de lui. Mais cette fois, il a menti. 

 

− Tu ne sais vraiment pas pourquoi j’ai coupé tout contact avec toi ?

− Non. Sinon pourquoi te le demanderais-je ?

− Hum… À l’époque où nous étions ensemble, tu m’aimais ?

− Quelle question ?! Bien sûr que je t’aimais.

− J’étais la seule fille avec qui tu sortais ?

− Bien sûr. Je t’étais fidèle. Que crois-tu ?!

 

Il a l’air choqué en plus…

 

− Et c’est peut-être ta cousine qui vivait chez toi alors ?!

− Quoi ?!

− Oui, joue à l’ébahi… La fille qui était chez toi à l’époque, c’était qui ?

− Euh… Josiane ? demande-t-il avec hésitation.

− Je m’en fous de comment elle s’appelle. Ne t’a-t-elle pas parlé de la visite de ta cousine de Douala ?

− Je pense oui. Quelque chose dans le genre… Donc c’était toi ? demande-t-il, étonné.

− Non mon père, c’était la reine d’Angleterre, réponds-je narquoisement. C’était à cause d’elle que tu ne m’as jamais invité chez toi ? C’est à peine si je pouvais dire dans quelle maison tu vivais.

− Attends Nicole…

− Attendre quoi ? Tu veux essayer de tordre la vérité, n’est-ce pas ? À l’époque, je n’ai pas voulu entendre tes mensonges. Aujourd’hui, je ne le ferai pas non plus.

 

J’ouvre la portière et je descends rapidement de la voiture. Il descend aussi et me suit.

 

− Nicole, s’il te plaît. Ne t’énerve pas et écoute-moi d’abord. Ce n’est pas ce que tu crois.

− Arrête ! Arrête bon sang ! N’essaie pas de m’enrober dans un nuage de rêves. Tu me vends des choses qui n’existent pas.

 

Je continue à marcher, comme si je veux fuir de tout ça. Pour la première fois, Olivier laisse tombe son masque de douceur et me saisit le bras gauche avec force pour me stopper dans ma lancée. Me tirant alors vers lui, il me serre avec force :

 

− Écoute-moi ! Je te dis de m’écouter et arrête de gigoter comme ça. Tu sais que je ne te ferai rien de mal.

 

Je le regarde dépassée, apeurée, perdue. Je ne comprends pas cette vague de colère qui est montée en moi. C’est comme si je me retrouvais quelques années plus tôt.

 

− Je t’ai laissé partir il y a quelques années. Cette fois, je ne te laisserai pas disparaître de ma vie comme ça.

 

De le sentir si proche, nos corps collés l’un à l’autre, me semblait bizarre. Je suis comme paralysée. Je veux me détacher de lui, mais aucune partie de mon corps ne bouge.

 

− Hum !

− Tu vas m’écouter ?

− C’est bon. Lâche-moi.

− Repartons dans ma voiture. On sera mieux installé.

 

Je le suis vers sa voiture contre mon gré. Quelque part, il a raison. Il faut que je lui donne le bénéfice du doute, que j’écoute aussi ce qu’il a à dire. Ensuite je pourrais fermer définitivement cette page de ma vie. Nous nous installons sans mot dire. Olivier prend la parole :

 

− J’espère que tu t’es calmée et que cette fois tu vas m’écouter.

 

Je ne dis rien.

 

− Te courir après dans la rue n’est pas une situation très plaisante. Je tiens vraiment à toi. C’est la raison pour laquelle je suis revenu vers toi.

 

Je veux parler, mais il pose un doigt sur mes lèvres.

 

− Non, écoute-moi d’abord. Je vais t’expliquer la situation telle qu’elle était. Tout ce que je t’ai dit à l’époque, les sentiments que j’avais, et que j’ai encore pour toi sont vrais.

− C’est ça même !

− Tu dis avoir rencontré Josiane ?

− Oui.

− Comment ?

 

Je prends une longue inspiration et je lui raconte la scène qui s’est déroulée chez lui.

 

− Ne me dis pas que j’ai rêvé de tout ça. Cette fille était bien réelle. Je ne comprends pas ce qu’une femme fait chez toi en pagne, en train de faire le ménage et la cuisine et est fière d’affirmer être ta copine. Ne me prend pas pour un lapin !

 

Olivier m’écoutait la tête baissée. Il semblait être très loin. Il est resté silencieux un moment avant de reprendre la parole.

 

− Je ne nierais pas connaître ou d’avoir été avec Josiane.

− Ça commence bien, commenté-je en roulant les yeux vers le ciel.

− J’ai connu cette fille et été avec elle avant de te connaître. Je me suis rendu compte avec le temps que ça n’allait pas entre nous et que je ne l’aimais pas vraiment. J’ai décidé de la quitter. La rupture a été longue et difficile, car elle ne voulait pas l’accepter. Malheureusement c’était sans compter son esprit machiavélique et…

− C’est ça même !

− Quand je t’ai vue, j’ai eu directement le coup de foudre. Je t’ai suivie sans te connaître, tu te souviens ?

− Oui, réponds-je, émue malgré moi. Et puis ? Ça ne veut pas dire grand-chose.

− Peut-être pour toi. Mais pas pour moi. J’avais eu raison de la quitter et j’ai rencontré le grand amour. Chaque instant passé avec toi était magique.

 

Je ne veux pas qu’il m’embobine dans ses mots sucrés donc je préfère l’arrêter tout de suite. Je soulève une main vers sa direction :

 

− Arrête avec tes belles paroles ! Il ne s’agit pas de ça ici aujourd’hui. Le fait est que tu mens et tu m’as trompée.

− Non ! Tu ne comprends pas, s’exclame-t-il avec désespoir.

− Comprendre quoi ?

− Cette fille m’a piégé !

− Hein ?!

 

Je suis surprise. De quoi parle-t-il ? Il reste silencieux quelques secondes, semblant rassembler ses pensées ou alors aligner ses mensonges dans le bon ordre ?

 

− Elle est allée voir mes parents et s’est plainte que je l’ai mise enceinte et que je refusais d’assumer.

− Quoi ? Tu as fait quoi ?

− Je ne savais même pas qu’elle était enceinte. Mes parents m’ont convoqué d’urgence à la maison et je l’ai trouvé là-bas, surpris. Quand on m’a exposé la situation, j’étais ébahi. Ça faisait environ deux mois que j’avais coupé les ponts avec elle. Mes parents qui la connaissaient déjà ont radicalement refusé de m’écouter et par peur de la réaction des parents de cette fille, m’ont imposé de vivre avec elle. Elle venait d’une famille bien nantie, plus que la mienne, donc ils ne voulaient aucun souci.

 

Je suis là, ébahie à écouter cette histoire dans laquelle je me suis retrouvée contre mon gré.

 

− J’ai dû rentrer ce jour-là avec elle dans mon studio. Elle s’y est installée contre mon gré. Quand j’essayais de lui parler, elle se mettait à devenir hystérique. Je passais le plus clair de mon temps avec toi au téléphone ou en ville. Elle sentait que je m’étais déjà détourné d’elle et refusait de l’admettre. Tout cela empirait de jour en jour. Et quand tu as disparu, je suis devenu comme fou. Je ne comprenais rien, j’étais perdu.

− J’espère que tu ne lui as pas fait du mal, demandé-je avec inquiétude.

 

Olivier lève les yeux un instant et me regarde sans dire. Je sens que cette pensée lui est venue en tête à l’époque.

 

− Alors ?

− Non. Je ne l’ai pas frappée. Elle était enceinte quand même. En fait, je le pensais.

− Comment ça ? 

 

Il secoue la tête comme dépité.

 

− Elle espérait me faire gober ses mensonges. Elle n’était pas enceinte. Elle espérait qu’arrivée chez moi, elle mettrait en scène une fausse couche et tomberait quand même enceinte pour me forcer à l’épouser. Tu m’avais quitté et c’est par hasard que j’ai su qu’elle n’était pas enceinte et qu’elle s’est foutue de moi et de ma famille.

− Oh !

− Il a fallu du temps pour que je la fasse sortir de ma vie. Mais quand c’était fait, tu n’étais plus la.

 

Je l’observe avec attention.

 

− Tout ce que tu dis est vrai ?

− Je peux te l’assurer. Mes parents voulaient bien que je me marie, que je fonde vite une famille. Mais pas moi, et surtout pas comme ça.

− Mais ça ne change rien, désolée. Tu m’as trompé et menti. Ça ne s’efface pas avec quelques explications. Sincèrement, tu reviens après tout ce temps, malgré ce qui se passait et tu crois rentrer dans ma vie comme ça ?   Même comme ami…

 

Je prends quelques secondes avant de continuer.

 

− Je ne crois pas que ce soit possible. Je ne veux pas revivre la même chose une deuxième fois. J’ai déjà tourné la page en ce qui concerne cette étape de ma vie.

 

Olivier a l’air déçu :

 

− Je vois.

− Je n’ai pas fait de problèmes jusqu’aujourd’hui parce que tu es venu en douce dans ma vie, cherchant mon amitié. J’ai besoin de temps pour digérer ce que tu m’as dit ce soir. Ne m’en demande pas plus. Quoi que tu dises maintenant, tu m’as menti et manipulé et ça ne se digère pas comme ça.

 

Il me regarde sans mot dire. Il sait que cette fois, il a gâté.

 

− Je te comprends. Mais ne laisse pas le passé détruire tout ce qu’on a bâti ces derniers jours.

− Tout cela était-il d’abord vrai ? Sincère ?

− Oui, ça l’était.

 

Je regarde l’heure à ma montre. Presque 2h du matin.

 

− Il faut que j’y aille.

 

Je descends de la voiture, sans au revoir. Je veux juste partir. En fermant la portière, j’entends une voix basse. Je me baisse.

 

− Nicole ?

− Oui ?

− Donne-moi une chance.

 

− Je verrai. Bonne nuit Olivier.

− Bonne nuit Nicole.

 

Je m’éloigne dans la nuit, cette nuit a été riche en émotions. Je ne m’attendais pas à ce qui s’est passé aujourd’hui. Mais je suis heureuse que tout soit dit.

 

Pourquoi la vie est-elle compliquée quand les hommes entrent dans le tableau ?

Mon amour, mon comba...