Chapitre 17

Ecrit par WumiRa

HÔTEL RADISSON BLU (Lomé).



La porte d'une suite s'ouvrit et un homme apparût, avant de refermer derrière lui. Il s'avança dans la pièce et se dirigea vers le mini-bar. 


- Tu n'étais pas censé être dans un avion en direction de Dakar ? demanda une voix derrière lui. 


C'était une femme qui venait de lui poser cette question. Il ne daigna pas se retourner pour lui répondre, mais il sut quand même au ton de sa voix, qu'elle était irritée. Très irritée.


- Il y a eu des complications, j'ai failli être arrêté.


- Sale menteur. 


Il se retourna enfin, un verre de vin en main. C'était un jeune homme d'environ trente ans, à l'allure banale ; le genre de "mec" à se faire entretenir, mais également à tout faire. Il portait une simple chemise sur un pantalon noir. La femme quant à elle, portait un élégant ensemble bleu-beige et semblait être sur le point de sortir. 


- Un vulgaire bandit, un escroc, voilà ce que tu es Wally.


- Ravi que ta mémoire soit demeurée intacte, malgré tout. En fait, je commençais à m'inquiéter et à me demander si tu n'avais pas oublié que je suis recherché pour trafic de...


- Oh, s'il te plaît ferme la.


Il sourit, tandis qu'elle s'asseyait.


- Dommage hein ? Tu es étais à deux doigts de revoir ton fils, mais il a fallu que tu suive ton vieillard d'époux jusqu'ici. 


- À croire que tout ceci t'importe peu. Je souffre et tout ce que toi tu trouves à faire c'est débiter des sornettes et boire du vin ! 


- Ce n'est pas comme si c'est toi qui paies les factures, hein.


Il s'assit à son tour.


- Sans moi, ton château se serait déjà effondré, ne l'oublie jamais.


Elle le toisa et demanda :


- Qu'as tu découvert de nouveau ? Un nom ? Une adresse ?


- Je n'ai rien découvert, Awa. 


- Tu mens. Tes contacts...


- En parlant de contact, j'ai besoin d'argent, d'accord ? Comment veux-tu que je me démerde pour retrouver le bâtard que tu as abandonné, sans le moindre sou ? Ton mari m'a renvoyé, je te le rappele.


- Et comme par hasard, coucher avec sa femme ne te suffit plus. Tu veux me ruiner ?


Pour toute réponse, il désigna son sac, du regard.


- Allez, sois gentille et sors ton chéquier, s'il te plaît. D'ici demain, je serai à Dakar comme convenu et je ramènerai ton cher petit héritier par la peau du cou. Reste à savoir s'il voudra te rencontrer. 


- Je suis sa mère, coupa t-elle, sèchement. Tu sais ce que cela veut dire ?


- Que comme par magie, il va t'accueillir à bras ouverts et t'offrir la vie d'Alice au pays des merveilles, dont tu rêves ? 


Il se mit à rire et se leva.


- Loin de moi l'idée de te porter la poisse, mais chérie, le fait que tu lui aies donnée la vie ne signifie pas que cet enfant voudra de toi, comme mère. Tu l'as abandonné, à peine sortie de l'hôpital ! D'ailleurs, qu'il n'ait jamais songé à savoir qui tu es, devrait largement suffir à refroidir tes ardeurs. Enfin bref...


Il déposa son verre sur la table basse et enfouies les mains dans ses poches.


- Mon chèque ?


- Reviens ce soir, répondit-elle, avec amertume.


- Et pourquoi ?


- J'irai à la banque et tu auras du liquide. Je ne veux pas avoir de mauvaises surprises.


- Ne me dis pas que le vieux te fait surveiller, je vais suffoquer à force de rire ! 


- Écoute moi très bien, Wally. Je te donnerai tout ce que tu veux. Je suis prête à tout, mais en échange, je veux mon enfant, je veux absolument retrouver le fils que j'ai perdu. 


- Nous reparlerons de ce que "tu veux", une fois que j'aurai les poches pleines. En attendant, je vais tenter d'aller soigner mes problèmes d'ouïe ailleurs. 


Aussi vite qu'il était apparût, il repartit, la laissant à nouveau seule.


***


Pendant ce temps...


Après l'avoir cherchée dans presque toutes les chambres de la maison, Malik trouva finalement Maya au dernier étage. À sa vue, elle détourna ses yeux qu'il eu pourtant le temps de voir. Avait-elle pleuré à cause de lui ? C'était on ne peut plus ridicule. Il s'approcha d'elle.


- Reste où tu es, articula t-elle.


- Écoute, Maya, commença t-il, ce n'était pas dans mes intentions de te faire te sentir mal.


Elle n'y répondit pas et s'obstina à regarder ailleurs que dans sa direction. Intérieurement, elle pestait également contre elle-même ; jamais elle n'aurait dû se laisser aller à un tel point. La dernière chose qu'elle désirait était qu'il aille s'imaginer qu'elle était la petite fille trop gâtée par ses parents, qui pleurnichait au moindre souci. C'était la chose la plus humiliante qu'on eut pu lui infliger. 


- Tu pleures ? demanda t-il.


Alors là, il ne manquait vraiment pas de manières. Comme elle ne répondait toujours pas, il vint jusqu'à elle et l'obligea à le regarder, en lui saisissant le menton.


- Je m'adresse à toi, Maya.


Le regard incendiaire qu'elle posa sur lui, aurait suffit à repousser n'importe qui d'autre, mais l'homme qui lui servait de mari était loin d'être "n'importe qui" et au lieu de la relâcher, il sourit.


- En fait, tu es une vraie rebelle, toi.


Elle posa sa main sur la sienne et le repoussa brutalement. 


- Ne me touche pas.


Il n'insista pas et se contenta de la détailler, lentement et avec une telle insistance qu'elle sentit quelque chose frémir au plus profond d'elle. Si elle s'opposait à ce qu'il la touche, là c'était encore pire, comme s'il la provoquait intentionnellement. 


- Ce n'est pas dans mes habitudes de m'excuser sans raison et encore moins quand c'est moi qui mérite des excuses, mais je suis désolé pour ce qu'a pu te dire Chrystal. J'aurai peut-être mieux fait de te parler de...


- Je refuse d'être confrontée à des ex aigries et enragées.


Il leva un sourcil.


- Je vois ça. 


- Tu ne vois rien, tout ce qui t'importe c'est ce que te rapportera ce mariage !


Il approuva, avec désinvolture.


- C'est vrai. Mais tu vas y gagner toi aussi, parce que non seulement, tu seras à nouveau libre, mais tu hériteras d'une HLF florissante, en plus de ce que t'apportera le fait d'avoir été ma femme.


Les yeux de Maya se posèrent sur ses lèvres, lorsqu'il dit "ma femme" et elle se surprit presque à imaginer combien elle aurait aimé entendre ces deux mots venant de quelqu'un dont elle aurait été réellement amoureuse. Elle savait qu'il allait tenir parole et divorcer d'elle, mais le prix qu'elle devait payer était trop élevé ; jamais elle ne s'y résoudrait, aussi allait-elle simplement s'en aller et même quitter le pays, s'il le fallait. Accepter un mariage arrangé pour la cause de son père était une chose, mais c'en était une autre que de devoir succomber aux avances d'un homme qu'elle n'aimait pas et qui ne manquerait aucune occasion de la rabaisser. 


- Tu n'as aucune raison d'avoir peur de moi, affirma t-il. Je crois même qu'on ferait...


- Je n'ai pas peur de toi, coupa t-elle. S'il y'a une chose que tu m'inspires, ce n'est sûrement pas de la crainte, c'est du...


- Du mépris, compléta t-il. Cela ne me dérange pas, je n'ai pas non plus oublié qui tu es en réalité.


- Pardon ?


Et merde, se reprit Malik. Qu'est-ce qui lui avait pris de dire une telle chose ? C'est vrai qu'elle avait le sang des Fall dans les veines, mais cela n'avait rien à voir avec ce qu'il voulait obtenir d'elle ; elle ne devait se douter de rien, bon sang.


- Qui je suis en réalité ? demanda t-elle, suspicieuse. 


- Ton père t'as utilisée pour me graisser la pâte. 


Son air choqué ne lui échappa pas et il s'en voulut. Ce n'était certes pas dans ses habitudes d'être aussi impertinent vis-à-vis des femmes, mais celle ci... Cette fille le privait de ses moyens et le plus énervant était qu'elle y parvenait sans le moindre effort.


Elle parut réfléchir pendant de brèves minutes, puis...


- J'accepte.


Elle avait lâchés ces mots sans réfléchir et son cœur battait tellement vite que pendant un court instant, elle eût du mal à croire qu'elle était vraiment celle qui avait prononcé une telle chose, une telle absurdité.


Les yeux de Malik ne quittaient plus les siens.


- Pardon ? 


- J'accepte, répéta t-elle, cette fois, un peu moins fort. 


Il ne semblait pourtant pas convaincu. 


- J'ai dit que j'acceptais de te donner un enfant en échange de ma liberté, ça va, tu es content ?


Il sembla réfléchir.


- Tu en es sûre, Maya ? 


Si elle s'était écoutée, elle aurait fait marche arrière, mais le mener en bateau était le seul moyen de réussir à gagner du temps, pour pouvoir le quitter, sans qu'il n y ait le moindre problème, du moins, pas avant son départ.


- Je devrais peut-être me répéter ? 


- Si tu as vraiment prise cette décision, autant clarifier les choses, à propos. 


- Quoi ?


- Une fois que ce sera fait, tu devras l'oublier. 


Elle soutint son regard, qui laissait clairement comprendre qu'il ne plaisantait pas. Mais c'était sans importance, puisque l'enfant dont il rêvait ne verrait jamais le jour. Jamais elle ne porterait un enfant lui appartenant.


- Si tu parles du bébé, je...


- C'est exact, expliqua t-il. Disons qu'une fois qu'il sera né, tu devras oublier que tu es sa mère. 


Dans sa tête, Maya s'imagina un instant en train d'abandonner son propre enfant. Elle n'ignorait pas que beaucoup étaient abandonnés à leur naissance, mais le simple fait d'y penser lui donnait envie d'injurier Malik. Cependant, à quoi cela aurait-il servi ? S'emporter n'allait rien résoudre, au contraire. 


- Rien ne t'oblige à accepter, dit-il. 


- Mais j'accepte, insista t-elle. En échange, tu tiendras tes promesses en m'accordant le divorce et en aidant mon père. Le reste m'importe peu. 


- Comment expliqueras-tu à tes parents le fait que nous nous soyons séparés et que tu m'aies laissé notre enfant ? 


« Notre enfant ».


- Je...je... Tu n'auras qu'à dire ce qui te passera par la tête. Que je t'ai trompé ou que je me suis enfuit, par exemple. 


Il secoua la tête et sourit. Le genre de sourire dont elle n'ignorait pas le sens. 


- Rien de ce que tu viens de citer n'est envisageable. 


- Mais encore ?


- Pour que tu me trompes, il faudrait que je ne me montre pas à la hauteur, en tant qu'époux et d'après le peu que j'en sais, je suis tout ce dont une femme peut rêver. 


- C'est malsain d'être aussi sûr de soi. Seuls les hommes trompent leurs partenaires pour le sexe, les femmes le font la plupart du temps, par manque d'amour et il se trouve justement que je ne suis pas amoureuse de toi, Malik. Ça crève les yeux.


- Vraiment ? Je présume que s'il faut que tu t'enfuis, ce sera aussi parce que je te maltraite ? 


- Comment as-tu deviné ? fit-elle avec sarcasme. 


- Je ne t'en empêcherai pas, répondit-il. Une fois que j'aurai ce que je veux, tout ce que tu décideras de faire m'importera peu. 


Involontairement, elle se mordit la lèvre inférieure. 


- Mais pour qu'il n'y ait aucun malentendu, autant te prévenir que si tu tentes quoi que ce soit, ce sera peine perdue, parce que je déjouerai tous tes plans, aussi diaboliques soient-ils. Tiens, par exemple, la fuite dont tu parlais. Si par hasard, tu quittais cette maison avant la fin de notre accord ou encore avec "mon" enfant, je te retrouverai. 


Cette dernière phrase eut l'effet d'une douche froide sur Maya. 


- Je n'aurai pas besoin d'engager qui que ce soit. Je te retrouverai moi-même et je te ramènerai ici, morte ou vivante. 


Il regarda l'heure à sa montre, tandis qu'elle se pétrifiait sur place. 


- Tu peux commencer par prendre rendez-vous chez le gynécologue. C'est quand tu veux. 


Puis sans rien ajouter, comme s'ils venaient de parler affaires, comme de vieux associés, il se dirigea vers la porte et sortit de la pièce. 


Sensuelle Ennemie