Chapitre 18
Ecrit par sokil
Le
bébé s’agite sans cesse ; ses gémissements et ses pleurs, signe de son
impatience me rendent encore plus anxieuse. Il a faim, mais n’arrive
pas à prendre correctement sa tétée ; c’est la toute première fois, il
peine, je l’aide comme je peux, mais toujours rien ; ce qui ne fait
qu’accentuer mon angoisse. Guettant mes moindres faits et gestes, ma mère,
tante Claude et Christelle mon amie craignent le pire ; persuadées à
100% que je vais peut –être me mettre à pleurer, crier, exploser, je les
vois se plier en quatre pour moi. Tante Claude sait qu’elle est allée
trop vite et ne s’est pas ménagée ; sous le coup de la colère et
spontanément, elle n’a pas attendu, elle a craché la terrible vérité, de
manière si franche et si crue que j’ai eu du mal à la croire dans un
premier temps. Ma mère voulant freiner ses ardeurs, c’était déjà trop
tard.
- Hein ? Un vrai sale fils de pute ce garçon ! Je vais
le tuer de mes propres mains ! De mes mains je vous dis ! Il m’a aussi
embobinée, je n’ai pas vu ça venir ! Le bon monsieur vient de signer
l’acte devant le maire !!! Il épouse une autre fille !
- Calme toi Claude, ce n’est ni le moment ni l’endroit ! Qu’est-ce qu’on s’est dit hier ? Tu as tout oublié ?
- Oublié quoi Julie? Je ne sais pas souvent me retenir et tu le sais !
- Elle vient d’accoucher bon sang ! Elle est encore fatiguée et … et
tu viens comme ça lui annoncer ça tout de go ? Ce n’était pas la peine,
il fallait attendre ! Regarde toi-même ! Elle est encore très faible,
le bébé n’arrive même pas à tirer son lait ! Je t’ai dit que dès que
tu as la confirmation tu ne dis rien et on voit comment gérer plus tard
et dans le calme, mais toi tu…
- Je suis désolée ! Je n’ai pas
pu, je suis… tellement choquée ! Outrée ! Mon ami Blaise m’a
confirmé, il était sur les lieux à la mairie… Il a même pu faire
quelques photos, et… et… moi, je me tenais à distance, très à l’écart;
j’ai pu voir le cortège des… des… mariés ! Ils sont passés devant moi
comme ça ! En route ! Je suis sonnée et fatiguée comme tu vois là, c’est
… Il épouse la fille du maire de Ngousso, la fille métisse là, tu te …
- Ça suffit ! Arrête ! Lui crie ma mère. Tu épuises encore plus Klariza, elle en a assez entendu comme ça !
- Désoléee Klariza ! Tout ça c’est violent je sais ! Pardonnez ma
franchise, mais au point où les faits sont là, il vaudrait mieux que tu
le saches, et plutôt es-tu mise a courant, mieux ça vaudrait ! Figure
toi que Blaise un bon ami à moi habite le même quartier que Steve, à
Ngousso ! On s’est croisé en ville, je venais de fermer mon échoppe.
On est là on cause un peu, de tout et de rien ! Il m’annonce donc tout
de go qu’il y a la fille du maire qui se marie avec son voisin qui n’est
autre qu’un petit cuistot quelque part dans un grand hôtel de la place !
Ca a d’abord fait tilt dans ma tête, car la coïncidence c’est que non
seulement Steve habite le même quartier, mais il est aussi un cuisinier
dans un grand hôtel, mais pire encore il devient injoignable trois jours
avant ton accouchement… Quand je lui demande le nom du gars et qu’il
prononce Steve, je vous jure que nous étions en plein air dehors au bord
de la route, je me suis assise par terre ! J’ai refusé de croire à
cette histoire ! Mais il m’a prouvé par A+B= C qu’il s’agissait bien de
lui, Steve Ndjengue ! Et que lui Blaise avait déjà reçu son carton
d’invitation ! Apparemment ça chauffait à Ngousso, c’était dans toutes
les bouches ! Voila pourquoi il était introuvable, voilà pourquoi il a
pu célébrer son mariage en grande pompe sans gêne ; il savait que nous
tous nous serions préoccupés par ta grossesse compliquée, il a joué le
vrai jambo, il a gagné ! Tout a coïncidé, la date de son mariage et
celui de ton accouchement… il faut être un vrai sorcier, un vrai
calculateur ! Je vais le tuer ! I swear !!! Yeuuuch la qualité là on
appelle ça comment ?
Nous sommes toutes restées interdites,
bouche bée, moi en premier, ensuite ma mère a pris la parole et s’en ai
farouchement prise à Claude d’avoir tout déballé d’un trait comme ça,
alors que je viens de souffrir le martyr physiquement, émotionnellement,
il fallait encore qu’elle en rajoute, mais je l’ai bien cherché, les
mots, rien ne sort de ma bouche, je ne sais quoi dire, je suis juste
secouée, éberluée, tourmentée. Je les regarde se disputer, s’engueuler,
et Christelle qui tente de les calmer. Je les écoute sans vraiment les
écouter, je replonge tout à coup mon regard sur mon fils, feignant
l’indifférence totale, jouant les filles fortes et hyper courageuses,
mais pourtant ! Le bébé ne parvient toujours pas à se nourrir
correctement, je fronce le visage et je m’exclame.
- Je…ne …
sais pas comment faire pour qu’il se nourrisse ! Ça m’embête… je… ça me
dérange… Il veut, mais …il ne peut pas ! Pauvre de lui !
Toutes les trois se sont tue au même moment, et m'ont regardé,
surprises elles m’entourent au final de toutes leur attention ; elles
m’aident un peu, ma mère appelle une infirmière qui nous propose de
nourrir le bébé par un autre moyen…. Deux heures plus, tard, endormi et
bien repu, ma mère s’est occupée de le mettre dans son berceau tout
juste après. Toutes les trois n’ont pas cessé de m’observer avec un
plus grand étonnement, surprises de constater mon attitude face à cet
aveu, cette terrible et effroyable vérité;j’ai gardé un clame
presqu’olympien. La seule chose que j’ai pu faire, c’est celle de
m’exclamer, les yeux dans le vide, l’air perdue et complètement dans les
nuages, cette phrase.
- Nous sommes effectivement
vendredi…C’est son jour préféré, il a toujours aimé le vendredi … Un
vendredi on peut tout faire … Comme celui de se marier devant le
maire…Avec la fille du maire…
Je ne sais pas très bien ce que
je dis, mais tout cela sort spontanément de ma bouche ; j’ai toujours
le regard dans le vide, aucune larme ne parvient à sortir, peut-être
est-ce à cause du fait que mon bébé soit à mes côtés et c’est un
soulagement pour moi, le reste, j’essaie d’accuser le coup, en silence.
Ma mère et ma tante se tiennent prêtes à toute éventualité, je les
entends dire que le fait que je ne réagisse pas sur le champ est un très
mauvais signe. Je suis effectivement très calme ; assise, sur le lit,
je finis par me rallonger doucement en faisant des grimaces. Ma mère se
jette presque sur moi pour vouloir m’aider.
- Ca va ma chérie ? Tu as besoin d’aide ? Tu veux quelque chose ? Tu as mal où ?
- J’ai besoin de dormir ! Je … je veux être seule ! Laissez-moi seule !
- Seule ? Je ne peux pas te laisser seule ! Jamais !
- Laissez-moi seule je vous en prie !
- Les autres peuvent sortir, moi je reste près de toi !
Je ne lui réponds plus, je me couche et je leur tourne à toutes les
trois le dos ; je leur en veux, alors qu’au fond ce n’est qu’à moi que
je devrai m’en vouloir. Je joue les filles dignes, courageuses qui
encaissent sans rechigner ce genre de nouvelle, je joue celle qui veut
noyer son chagrin dans la solitude, mais en réalité, j’ai honte, j’aurai
tout donné pour disparaitre à l’instant, creuser un trou et m’y
engouffrer à jamais, consciente de ma terrible bêtise. Le dos tourné,
j’entends ma mère demander à ma tante et à Christelle de sortir. Je
sens la main de Christelle sur mon épaule, et elle me murmure à
l’oreille.
- Courage Klariza, sois forte ! Si tu as besoin de quelque chose, fais-moi signe !
Je secoue tout juste la tête en guise d’affirmation. Ma tante
s’approche de moi, de mon visage et me caresse doucement le visage.
- Ma chérie, toute vérité n’est pas bonne à dire je le sais, mais je te
promets que je me chargerai de lui faire la peau à ce brigand de
première classe ! Blague à part ! Repose-toi, tu en as besoin ! Mais
surtout pense au petit, il est innocent, il n’a rien à voir là-dedans !
Je ne peux que secouer la tête en guise d’affirmation, rien d’autre.
Une fois sorties, je ne parviens plus à faire un mouvement, la position
que j’ai maintenue, celle du dos tourné me réconforte. La phrase de ma
tante se met à me marteler le cerveau sans le vouloir « Steve se marie
avec une autre, Steve s’est marié avec une autre, Steve vient de se
marier avec une autre… », alors que j’étais entrain de mettre au monde
son fils, dans une souffrance atroce. C’est ainsi que je me laisse
aller, alors que je suis encore faible ; je me mets à trembler, tout mon
corps subi de violent spasmes comme si j’étais entrain de mourir de
froid en pleine banquise au pôle nord, et dont le froid glacial me
déchire la chair avec violence. Ajouté à cela les sanglots jaillissent
avec force et fracas. Je ne voulais pas qu’elle me voit dans cet
état, mais le fait de la sentir s se rapprocher de moi, se presser
contre moi et de tenter de me réconforter ; semble me soulager
progressivement
- Pleure ma chérie, lâche toi, pleure autant que tu peux ! Je suis là tout près, je ne te t’abandonnerai pas !
- Ohhhh maman !!! Je suis désolée ! J’ai merdé… Snif ! Je me sens si mal ! Ohhhh…. Snif !
- Oublie le c’est tout ! Il n’est pas digne de toi !
- J’ai ….extrêmement maaaaal !!!
- Ca fait mal je sais, mais le bon côté de la chose c’est que dorénavant tu sais qui il est ! Tu as vu son visage, le vrai !
- Je regrette…. Snif ! Je regrette de l’avoir fait, je regrette d’avoir accepté de lui faire un enfant…
- Tu as cru en lui, tu lui as donné une chance et il a chié dessus !
Mais Dieu t’a permis de donner encore la vie, et une vie c’est précieux,
ne l’oublie pas ! Cet enfant, ce bébé, c’est le tien, le nôtre, tu vas
devoir l’aimer de toutes tes forces ! Tu vas devoir te battre pour
lui, faire des sacrifices, tu seras en même temps son père et sa mère !
Oublies le reste, ça ne compte pas, ça ne compte plus !
- J’ai compris….Snif ! Snif ! J’ai compris ! Ne me laisse pas tomber s’il te plait !
- Jamais je ne t’abandonnerai, je souffre atrocement, de te voir ainsi…
Promets-moi que tu t’en remettras, promets le moi, s’il te plait,
promets-moi que tu vas te battre et que tu auras la tête sur les
épaules ! Pas de promesses en l’air, je veux ta parole !
- Tu
as ma parole maman ! Je ne peux pas abandonner mon fils, je l’aime !
Mais… Mais… le coup, je le reçois en pleine figure, tout est de ma faute
…
- Tu n’y peux rien, il n y a plus rien à faire ? Essaie d’oublier ! Le temps t’aidera à panser tes blessures !
Les investigations de ma tante ont bien porté ses fruits, elle était au
parfum de tout, de toutes les infos, de toutes les rumeurs circulant
autour de ce mariage, photos à l’appui, que j’ai refusé de voir… La
douleur que je ressens est encore très vive ; la haine et la rage qui
m’envahissent à chaque fois que j’y pense peuvent me faire perdre la
tête. Ma mère et ma tante, mais surtout ma tante, ont toutes les deux
promis vengeance ; elle a promis de lui faire sa peau à Steve.
- Je vais aller moi-même avec ton bébé ! Je vais aller le lui brandir en pleine figure !!! Il verra la honte !
Richard n’étant pas de cet avis, il le lui a formellement interdit.
- Ce serait encore plus se rabaisser, ce serait lui donner autant
d’honneur qu’il ne le mérite ! On s’en fout qu’il ait épousé la fille
du maire, cette métisse aux yeux bleus ! Mais on s’en fou !!! On ne
récolte que ce que l’on sème ! Klariza est bien entourée et mérite
toute l’attention que nous lui portons, alors pourquoi aller remuer un
si vieux couteau rouillée dans la plaie ? Hein Claude ? C’est aussi
valable pour toi Juliette ! T’as pas à te rabaisser autant… Soyons tous
dignes ! Klariza n’a fait que montrer le bon exemple depuis lors, elle
ne s’en plus est plains, elle n’a plus pleuré et fait maintenant preuve
d’un très grand courage ! Je la félicite pour cela, elle est entrain
de tourner la page ! Alors vous aussi mesdames, faites de même ! Je
sais que vous êtes de très grandes investigatrices sur ce plan, mais de
grâce, il y a un temps pour tout, et il est grand temps que vous
arrêtiez ! Quand même !!!
Intérieurement, je l’ai félicité,
Richard, ce père retrouvé, d’avoir une fois de plus fait taire cette
histoire. Désormais on ne devait plus évoquer ce sujet, et encore moins
le prénom de Steve, ce serait comme invoquer l’esprit malin en personne
; il ferait désormais partie d’un passé tumultueux ; même s’il m’arrive
parfois d’avoir des pensées négatives à son sujet et d’avoir mal, je
fais beaucoup d’efforts pour oublier, essayer d’oublier… Aux dernières
nouvelles, nous avons appris que les deux tourtereaux auraient convolé
en juste noces pour une destination inconnue, d’aucun disent qu’ils
seraient en Europe, et d’autres en Amérique du sud. J’ai juste fait la
sourde oreille, j’ai fait demi – tour dans ma chambre ; j’ai pris mon
fils dans mes bras et je lui ai dit en ces termes.
- Mon chéri…
A partir d’aujourd’hui, je te fais la promesse que tu n’auras plus que
moi dans ta vie, je serai ton tout ! Ton père, que dire de lui ? Je
sais qu’un jour tu me poseras cette question quand tu seras grand, et à
ce moment-là je te dirai que ton père, n’est pas un homme, c’est tout
simplement une mauviette, un être humain sans cœur, sans poigne, un
lâche, un va –nu pied ! Il n’existe pas ton père ! Il n’a jamais
existé ! Ton père, c’est tout simplement personne !
Philippe
Richard Ndoum, mon fils, dit « Rick », n’est autre que l’homonyme de
Richard, je lui ai fait cet honneur, celui de lui donner son nom, ce qui
l’a ravi jusqu’aux larmes ; il n’a pas pleuré au sens propre du terme,
mais il a été très touché par cet acte !
- Merci, ma petite !
C’est un honneur, je… je suis particulièrement ému! Tu me montres à
quel point la famille c’est sacrée ! J’espère qu’il prendra tout de moi
mon p’ti fillot !
- Je l’espère aussi…De tout cœur !
Certes Richard ironise dans ce sens, mais je prends cela très au
sérieux, le fait qu’il porte son nom complet. Il adore son petit - fils
et n’a d’yeux que pour lui ; d’ailleurs qui n’en aurait pas ? Il n’a
fait que raviver toute la maisonnée ; tout le monde rayonne en sa
présence, à plus forte raison moi sa mère… A bientôt 6 mois, Rick m’a
transformée, sa présence dans ma vie m’a beaucoup appris, de mes
erreurs, de mon inconscience, de ma naïveté, ce qui étonne d’ailleurs
tout mon entourage ; le fait de le voir grandir me donne de l’espoir et
me fait retrouver le sourire, ce sourire longtemps perdu ; grâce à lui,
je sais que tout est possible ; avec lui, j’ai la force d’avancer sans
me retourner, sans regarder le passé tout simplement. Rick me fait
oublier toutes mes souffrances, oui, il me permet de l’oublier, Steve,
que j’ai renié, rayé et banni de notre existence.
Bien que je
n’aie pas de situation pour le moment, j’ai temporairement arrêté mes
études juste après ma maîtrise, et mon accouchement y étant pour
beaucoup, j’ai préféré remettre ça à plus tard. Pour cela dit, je
rencontre quand même pas mal de difficultés ; je dépends entièrement de
ma mère et de Richard qui s’occupent aussi valablement de Rick. Je ne
peux rien faire d’autre que d’accepter parfois leurs choix, même en ce
qui concerne son éducation. Rick est comblé par ses grand parents, Rick
est l’homonyme de Richard c’est vrai, mais je sais qu’un jour ou
l’autre je devrai me prendre en main, et me battre pour lui. Si ma mère
et son mari ne manifestent aucune gêne par rapport à cela, j’ai commencé
à être consciente de cela, qu’un jour ou l’autre je devrai prendre mes
responsabilités. Tante Claude me le martèle souvent en permanence.
- Tu devrais en être bien consciente ! Ils ne seront pas là éternellement ! Steve est…
- Ne me parle plus jamais de lui tata ! Il n’existe plus ! Steve c’est qui ?
- Désolée, mais je ne fais que dire la vérité ! Si tu ne penses pas à
ton avenir à partir de maintenant, je te le dis, cet enfant ne sera plus
à toi !
- Qu’est-ce que tu veux me dire là ?
- Mais … C’est l’homonyme de Richard !
- Oui et alors ? Ca ne veut pas dire que…
- Ça veut tout dire ma chère! Ton fils leur appartient, à lui surtout ! Rappelle-toi qu’il n’a pas eu d’enfant !
- Rick est son petit fils et moi je suis sa fille !!!
Ce lapsus, sorti directement de ma bouche sans retenue, sans réserve
m’a fait marquer une pause. Je viens de lâcher le gros morceau ; ma
tante est sans voix et me regarde avec de gros yeux ; elle se lève et va
rapidement fermer la porte à clé. Pendant que je m’occupe à langer
Rick, elle se rapproche de moi à pas de loup et me dit à voix basse.
- Tu es donc au courant ? Depuis quand ?
- Je le sais depuis longtemps c’est tout ! Je suis même étonnée que tu
ne m’aies jamais fait cet aveu, te connaissant si ouverte !
- C’est un peu délicat…
- C’est – à –dire ? Je ne comprends pas pourquoi personne n’a jamais
rien voulu me dire à ce sujet ! Personne et pourtant c’est bien visible
! Je l’ai appris en passant, en écoutant tout simplement aux portes !
Et depuis, je ne fais que ça, attendre que ma mère m’en parle ou bien
même Richard, mais personne ne fais rien, ne dit rien ! Quoi de plus
simple ! On dirait qu’ils en ont un peu honte !
- C’est faux !
Richard te manifeste beaucoup d’amour, la preuve, il adore Rick et ne
le prends pas comme son petit-fils, mais comme son fils ! Richard
t’aime plus que tu ne le crois !
- Alors qu’il me dise la
vérité, c’est tout ce que je veux entendre… Je lui ai donné son nom à
mon fils, pour qu’il comprenne que je le considère comme mon père et que
j’ai aussi une très grande estime pour lui, mais que faut-il de plus ?
- Je pense qu’il attend le moment opportun pour le faire, sois patiente !
- De toutes les manières, je ne suis pas reconnue officiellement, tout
ça c’est cachée, c’est secret, et le silence de maman à ce sujet
m’étonne!
- Maintenant que l’épisode de ton accouchement et
celui de Steve est entrain de passer aux oubliettes, je crois qu’il
serait grand temps qu’ils te l’annoncent eux-mêmes !
- Je n’en demande pas plus ! Mais dis-moi ? Toi tu l’as toujours su n’est-ce pas ? Tu peux me dire !
- Euh… Oui …Oui … Mais ce serait mieux que ta mère te dise tout ! Elle-même le fera !
- Ta réserve m’étonne vraiment ! Ca ne te ressemble pas du tout ! Toi
qui, dès la première occasion a tout vomi le fameux où jour où pendant
que je mettais au monde cet enfant, ce salaud se mariait, tu as eu le
cran de le faire, sans gêne malgré les remontrances de maman, tu
n’écoutais personne, tu n’écoutais que toi-même ! Maintenant qu’il
s’agit d’un sujet aussi particulier comme celui-ci tu as peur ?
- Tu veux que je parle de Richard et de ta mère ? Ils m’en voudront,
surtout Richard ! En ce qui concerne ce sujet, j’ai appris à me taire !
Tout ce que je peux te dire et confirmer, c’est que oui, tu es la
fille de Richard Ndoum et de Juliette Sama ! Pour… pour le reste, les
détails, ils t’en feront part eux-mêmes !
- Comme lesquels ? Le choix de maman ? Elle avait choisi Ferdinand au lieu de Richard alors qu’elle était enceinte de moi ?
- Je vois que tu as pris la peine de bien écouter aux portes !
Au final ce dialogue n’a rien donné de consistant ; je n’ai pas pu lui
tirer un seul ver du nez, à en croire vraiment qu’elle redoute les
représailles… Pourtant les choses ont l’air bien plus simples en
apparence.
Cette ambiance sereine qui règne à la maison, signe
de paix et d’harmonie m’ont rendue très confiante au point de n’avoir
pas pu ne serait-ce qu’une fois tenter de percer cet « abcès », un an
après. J’ai préféré qu’on en reste là pour le moment et que peut être
un jour, sans même nous en rendre compte nous finiront par évoquer le
sujet, de manière spontanée. Pour le reste, rien n’ a changé ! On
aurait dit que nous n’avons jamais traversé de période sombre, on aurait
dit que le passé douloureux n’a fait que passer et faire son bout de
chemin… Je n’ai plus jamais entendu parler de Steve ; lui et sa belle
se seraient volatilisés dans la nature. Aujourd’hui je n’ai plus honte
et il peut m’arriver d’en parler et d’en rire un peu, un rictus très
amer, parce qu’une plaie profonde, ça cicatrise lentement, même si
aujourd’hui, j’ai la force de faire des confidences à ce propos à ma
mère, ma tante et même avec Christelle en solo, je n’en reste pas moins
insensible.
- Tu sais Christelle, je n’ai jamais dit ça à personne ! La fille en question, je la connais bien !
- Ah oui ? La femme de ton ex ?
- Oui ! Elle s’appelle Marie – Laure ! La fille du maire ! Je ne
pouvais rien dire à l’époque, ça me rongeait grave, j’avis extrêmement
mal, de savoir qu’une… qu’une de mes anciennes camarades se tapait mon
gars par derrière au point de se faire épouser par lui ! Tu… tu vois ?
Je peux en parler librement aujourd’hui !
- Ah ça ma sœur…
Un coup dur ! Moi je ne sais pas comment j’aurai réagis je t’assure !
Tu as quand même été forte, tu as fait preuve de beaucoup de courage,
c’est pas donné !
- C’est vrai, mais c’est ce bout d’homme-là,
Rick ! C’est lui qui m’a redonné espoir, même s’il a les gênes de son
père biologique. J’ai su faire la part des choses, je me suis dit que
si je me laisse aller, Rick l’aurait ressenti et en mourait ! Je
n’allais pas supporter une seconde perte ! Alors j’ai concentré toute
mon énergie sur lui !
- C’est vrai ! Il grandit trop vite ! Il est beau et fait plus que son âge !
- Il a un an déjà !
- Et ça fait exactement un an que Steve t’a fait le coup ! Un vrai
lâche ! Ne t’en fais pas, tu trouveras chaussure à ton pied !
-
La vérité c’est que… Je ne me sens plus capable d’aimer ! Je ne sais
pas si je pourrai encore faire confiance …Je ne … peux plus ! Les seuls
hommes que je considère sont Richard et mon fils ! C’est tout ! Tu
imagines ? J’ai donné sa chance à Steve, je lui ai refait aveuglément
confiance, parce que je croyais en lui… J’avoue que je ne l’ai pas vu
venir cette fois ci ! Marie – Laure !
- Il est quand même fort hein !
- Il sait jouer avec la psychologie des gens !
- Ouais ! Mais dis-moi ? Je ne t’ai jamais posé cette question,
Richard ! C’est ton père ? Et l’autre là ? Celui qui vous a abandonné ?
- C’est compliqué ! Nous sommes une famille, c’est tout ce que je peux te dire !
- Ok je n’insiste pas, désolée de me mêler de ce qui ne me regarde pas !
- Pas grave ! Moi-même parfois je me perds un peu tu vois ?
- Mais il y a comme un air de famille…C’est ce qui m’intrigue un peu !
- Très intriguant en effet !
Je suis parvenue à la conclusion qu’il faille que moi-même je prenne
les devants, que je perce cet abcès, que je tire tout ça au clair.
Pourtant en lisant dans le regard de chacun, que ce soit celui de
Richard ou même celui de ma mère, je devine bien ce qui se cache sous
leur regards tendres et aimants ; ma mère qui m’a pardonné mes erreurs
et qui désormais se montre plus attachante que jamais, Richard, ce père «
inconnu » d’alors qui me manifeste tout le temps son estime à l’infini,
me donnent du zèle ! Je suis à deux doigts de craquer, lorsque qu’un
soir tous les deux font appel à moi dans leur salon privé et m’invitent à
m’assoir.
- Approche ma petite, viens t’assoir ! Comment vas Rick ?
- Je viens de le mettre au lit ! C’est son heure !
- C’est bien ! J’ai pas eu le temps de causer avec lui aujourd’hui ;
c’est un vrai monsieur, ma parole ! Un vrai moi, je dirai ! Ok bon !
Trève de plaisanterie ! Ta mère et moi nous aimerions te parler de ton
avenir ! Le temps passe et ça fait un an que tu as mis au monde un
garçon, mon homonyme, Rick, qui a également eu un an dernièrement ; j’ai
beaucoup apprécié l’initiative que tu as prise de célébrer son
anniversaire en grande pompe ! Tout ça c’est bien beau, mais il
faudrait que tu commences à réfléchir sur ce que tu comptes faire dès à
présent ! Julie ? As –tu quelque chose à ajouter ?
- Oui ! En
effet, nous y pensons depuis un bon bout ! Tu dois déjà songer à te
prendre en main ; nous nous occupons de toi et de Rick, cela ne nous
embête pas le moins du monde, mais il faut que tu choisisses, soit tu
continues tes études, soit tu cherches à travailler. Ici c’est aussi
chez toi, jamais nous ne te mettrons à la porte, nous voulons tout
simplement que tu ne perdes pas de vue que tu as aussi une vie à
construire, avec ou sans enfants. Voilà ce que j’ai à dire. Quels sont
donc tes projets ?
- Euh… Bon voila, c’est vrai que moi-même
j’y pense depuis un bon bout ; j’ai bien l’intention de reprendre mes
études ou encore de faire une petite formation professionnelle. Je pense
que…
- Que dirais – tu de faire carrière dans le cinéma ? M’interrompt Richard !
Stupéfaites, ma mère et moi nous sommes complètement désaxées par les
propos de Richard. Moi ? Devenir actrice ! Tourner dans les films, je
crois rêver !
- Papa… Je… je…
- Richard ! Quelle idée ! Lui dit brusquement ma mère. C’est tout ce que tu as trouvé comme métier qu’elle peut faire ?
Il éclate d’un fou rire qui lui arrache même deux hoquets, avant de reprendre.
- Beuuuh noon !!! On a toujours pensé que faire carrière dans le
cinéma ne revenait qu’à tourner dans des films ! Très drôle ! Je parle
de faire carrière dans la cinématographie, de faire une formation
audiovisuelle pour être plus précis ; tu peux choisir la scénarisation,
la réalisation etc…
- Le… le... problème c’est que j’ai pas fait dans ça, je ne connais pas…
- Il y a un début à tout ! C’est une proposition que je te fait !
Mais libre à toi de choisir ! On vient de me proposer une place dans
une école d’audiovisuelle à Montpellier ! Qu’en dis-tu ?
- Mince alors !!! Je n’en reviens pas !
Le sourire qui se lit sur mon visage montre à quel point je suis plus
que ravie et même très d’accord ; je ne peux qu’accepter cette offre,
cette aubaine, une bonne opportunité qui s’offre à moi. Ma mère aussi
est plus que surprise, elle non plus ne s’y attendait pas.
- Richard tu m’as bien eue aussi ! Je n’avais pas fait le lien ! Qu’en penses-tu Klariza ?
- C’est d’accord ! Je suis partante !!! Je suis d’accord papa !
- Bien réfléchis ma p’tite ! Demain je passe des coups de fil, et je
te tiens au courant ! Mais tu es d’accord avec moi que tu t’en iras
sans Rick n’est-ce pas ? Tu ne pourras pas concilier les deux, aller à
l’école et t’occuper de lui ! Tu seras seule et se payer le luxe d’une
nounou là-bas c’est la peau des fesses !
Je suis cassée et
mortifiée, je n’y avais pas du tout pensé. Je ne peux pas me séparer de
Rick ; c’est quasi impossible ; une nouvelle séparation, j’en mourrai.
J’ai plusieurs fois tracé les équations, élaboré des plans et
stratégies, j’en reviens toujours à la même conclusion que si je dois
partir, je dois nécessairement laisser Rick. Seule avec lui dans ma
chambre, je le regarde avec beaucoup d’amour, il ne se doute de rien, il
joue et s’agite dans tous les sens, il me sourit et se colle de temps
en temps à moi ; ça me tue encore plus l’état et l’embarras dans lequel
je me trouve ; quelques gouttelettes perlent discrètement le long de mon
visage… Je murmure à voix basse…
- Un sacrifice pour un bien !
Un nouveau départ, une opportunité qui se présente à moi, une
souffrance pour un bien ! Non, je ne peux pas ! C’est impossible !
On frappe soudain, c’est ma mère. En ouvrant, elle attrape au passage
Rick qui court partout ; elle vient ensuite s’assoir près de moi.
- Je peux ? Pourquoi fais-tu cette tête ?
- Maman ? Je ne peux pas abandonner Rick ! Ca jamais ! Je ne survivrai pas à cette séparation !
- Je sais que c’est dur, mais nous sommes là, nous allons nous occuper de lui sans problèmes !
- Ce n’est pas évident !
- C’est très dur ! Je te comprends, mais en même temps c’est une belle
occasion qui t’est offerte ! Tu te rends compte ? Richard a beaucoup
de contacts, de relations et j’en passe ! On lui propose une place dans
cette école, il a immédiatement pensé à toi ; il est prêt à payer…
- Je lui en suis très reconnaissante !
- Et t’as pas à t’en faire, nous viendrons te rendre visite à toutes
les occasions, accompagné de Rick ! Plus tard nous irons peut être nous
installer définitivement là-bas ! On verra bien !
- Ah oui !
Bien sûr !!! C’est vrai… Je ne me suis jamais séparée de lui ! Même
une seule journée, j’en serai malade, alors imagine, tout un semestre !
- On viendra régulièrement, moi, ton père et Rick !
- Tu… viens de le dire ! C’est la première fois que tu me parles de cette façon !
- Je ne comprends pas !
- Tu viens de dire… « ton père » D’habitude quand tu me parles de lui,
tu l’appelles toujours par son prénom, jamais de cette façon !
- Tu te trompes !
- Maman !!! Je sais tout !!! Je sais … Richard n’est autre que mon
père ! J’en ai assez de jouer à cache – cache, de faire comme si on
devrait supposer qu’il serait bien lui ou encore qu’il ne serait qu’un
père de substitution… Dis-moi toute la vérité ! Si je dois partir, je
veux le faire en ayant les réponses à toutes ces questions ! Mon père,
c’est lui? C’est Richard, n’est-ce pas ?
Je son visage se
décomposer et devenir blême tout d’un coup ; elle respire un grand coup ;
je lui prends Rick, comme pour l’encourager à se lâcher à fond.
- Maman, tout comme toi, je suis une mère ; et tiens-toi tranquille,
j’aurai un devoir envers Rick, celui de lui dire la vérité sur son père,
même s’il n’existe plus pour nous, même si j’aurai envie de lui dire
qu’il n’a jamais existé, mais j’aurai quand même le devoir lui donner
une réponse valable et qui tienne !
- Tu as entièrement raison !
Je… je… vais tout te dire ; c’est un aspect que nous évitons au
maximum, car nous, je parle de Richard et moi, nous avons signé… comme
un pacte !
- Un quoi ?
- Non ! Pas dans ce sens ! Non ! Je veux dire comme une entente, nous nous sommes entendus !
- Ca m’a l’air compliqué tout ça, pourtant c’est bien plus simple !
C’est bien plus simple de me dire comment est-ce arrivé ? Lui,
Ferdinand et… moi !
- Klariza… Ton … ton… père, ce n’est pas
Richard ! Ton vrai père c’est… C’est Antoine, le frère de Richard !
Son petit frère, décédé il y a très longtemps !