chapitre 19: je veux Lola

Ecrit par leilaji

CHAPITRE 19

 

 

****Lorelei****

 

J’ai du mal à respirer calmement. C’est normal je suis en panique totale. Monsieur Chocolat me tire par la main telle une gamine à travers le camp. On sort par le petit portillon, son frère est resté loin derrière nous au dojo. Gabriel a garé sa voiture juste à côté. Il la déverrouille à distance, me fait monter côté passager et claque violement ma portière ce qui me fait sursauter comme une petite fille apeurée. Il monte à son tour et démarre en trombe. Je ne lui demande rien. Il est trop énervé pour qu’on ait une conversation sereine.

 

En moins de dix minutes, on se retrouve chez lui. Même la nuit, la demeure semble immense ce qui ne fait que renforcer la distance que je sens entre nos deux vies. Il est vraiment d’un autre monde, toute ma maison peut rentrer dans son salon. Je sais bien qu’il n’y prête pas vraiment attention mais en même temps pour moi c’est tellement flagrant. Gabriel dans toutes les situations reste extrêmement raffiné comme si rien ne pouvait l’atteindre du haut du toit du monde où il se trouve. 

Il fait ouvrir le portail par le gardien, un jeune homme malien qui le salue poliment. Il gare la voiture dans un geste souple et efficace, nous fait descendre de la voiture, ouvre sa porte et s’efface pour que j’entre. J’obéis et m’installe dans un des fauteuils en cuire de son luxueux salon. Autour de nous règne un ordre parfait. Chaque chose est à sa place. C’est la deuxième fois que je viens ici et c’est toujours aussi bien rangé. Même les magazines posés sur la table sont placés avec art. C’est un maniaque, qui aime contrôler son environnement mais je le vois mal en train de faire le ménage lui-même, il doit avoir une ménagère qui prend soin de son intérieur.

Je le regarde et le devine au bord de l’explosion parce qu’un frère « disparu a réapparu dans sa vie ».

J’ai l’impression d’être dans une télénovela brésilienne (feuilleton). Il n’y a que dans les séries brésiliennes que les gens apparaissent et disparaissent comme ça. Pas dans la vraie vie. Mais depuis que j’ai rencontré Valentine, ma vie n’est plus qu’une succession de situations plus improbables les unes que les autres. Plus rien en m’étonne.

 

Je le regarde encore et toujours. Lui jumeaux ! Je ne comprends pas. Gabriel est noir, Mickael est métis ou plus précisément mulâtre. Bon, autant les croire. Je pense que la tension entre eux n’était pas feinte, qu’ils ont dit la vérité alors je ne cherche pas plus loin.

 

— Ne l’approche plus jamais.

 

J’émerge de mes pensées. Gabriel m’observe, un verre de vin rouge à la main. C’est sa boisson favorite, raffiné jusque dans le choix de ce qu’il aime boire. Tout le contraire de son frère qui ne porte que des vêtements noirs et des baskets usés. Ils sont si différents l’un de l’autre, tellement opposés. C’est incroyable !

 

— Arrête de nous comparer.

— Désolée. Je suis … désolée…, je bredouille honteuse qu’il ait deviné mes pensées.

— Dès que les gens apprennent que nous sommes jumeaux, la première chose qu’ils font c’est le réfuter, nous traiter de menteurs puis lorsqu’ils l’acceptent, ils nous comparent. En permanence.

— Désolée.

 

Il pose son verre et s’approche de moi.

 

— Ne l’approche plus jamais.

 

Pff. Quoi ? Il veut contrôler ma vie jusqu’à me dire qui je dois voir et qui je ne dois pas voir ?

 

— Tu n’as pas à me dire qui je dois fréquenter. Il ne m’a rien fait de mal. Et d’ailleurs comment as-tu su où j’étais ?

— Tu veux absolument qu’on parle du chèque que tu as encaissé pour faire des conneries, du mensonge que tu m’as débité en me regardant droit dans les yeux quand je t’ai demandé comment se passaient tes entrainements au saouti ?

 

Le ton monte. Lui qui paraissait s’être calmé commence à fouiller dans mon sac à dos qu’il m’a arraché sans ménagement.

 

— Qu’as-tu bien pu t’acheter avec cet argent hein, mademoiselle je suis trop vertueuse pour en vouloir à ton argent, je veux réussir par mes propres moyens, je ne veux pas coucher avec toi ? demande-t-il d’un ton méprisant.

 

Il retourne le sac et en fait tomber le contenu sous mes yeux. Mes cahiers, ma trousse de maquillage, mes vêtements s’étalent par terre avec d’autres babioles.

 

Je me lève d’un bon plus déçue par son attitude que réellement insultée par ses insinuations. 

 

—Qu’est-ce que j’ai acheté ? je demande en le fixant droit dans les yeux. Des boucles d’oreilles, dis-je en enlevant mes boucles et en les lui jetant à la figure. Ce tee-shirt Nike, continué-je en l’enlevant avec le boxer de sport que je portais.

— Arrête Lola.

 

Il ne me reste sur le corps qu’une vieille brassière achetée au marché et mon string mais je n’ai pas honte même si c’est vieux, c’est propre. Je prends les vêtements froissés qui gisent au sol et les enfile devant lui.

 

— Oh, il ne faut surtout pas que j’oublie les Nike que j’ai aux pieds, achetés avec ton précieux argent. Dis-je en les jetant au loin pour mettre mes sandales à la place.

 

Je le sens gêné par ce que je suis en train de faire.  Extrêmement gêné même. Mais je ne peux pas m’arrêter en si bon chemin. C’était de ça que je parlais. Le soupçon qui s’installe dès qu’il s’agit d’argent. Dans sa tête, je n’ai pas pu utiliser cet argent pour faire de bonnes choses, j’ai surement dû m’acheter un nouveau rouge à lèvres avec hein ?

 

Je remets le reste de mes affaires dans mon sac et le ferme rageusement manquant faire sauter la fermeture éclaire. Puis j’ouvre une petite poche située sur le côté du sac et en sors un reçu. C’est celui qu’on m’a donné après avoir payé les prochaines séances de rééducation de mon père.

 

Je passe mon sac à mon dos et lui jette le reçu qu’il attrape au vol.

 

— Voilà ce que j’ai fait avec ton argent ! Ca y est tu es content ! Je vais te rembourser t’inquiète.

 

Je n’ai plus qu’une envie, sortir de cet appartement.

 

— Je suis désolé. Finit-il par dire après avoir lu le document. Voir mon frère m’a chamboulé… Excuse-moi. Reste encore un peu. Je te ramènerai chez toi. Dit-il en m’attrapant la main.

— Laisse ton frère en dehors de ça tu veux. Bien avant de le voir tu avais déjà une tête de déterré savourant d’avance tous les mots durs que tu pourrais me jeter au visage comme chaque fois que tu es en colère. Tu savais déjà pour le chèque…

 

Je lui retire doucement ma main.

 

— Ne m’attends pas demain au studio. Je révise pour mes examens.

— Laisse-moi au moins te raccompagner. Il se fait tard.

— Je n’ai pas envie que tu me fasses rembourser ton carburant.

— Ne dis pas n’importe quoi ! s’exclame t-il outré.

— Bonne nuit Valentine… Gabriel.

— Laisse-moi te raccompagner.

 

Je le toise durement et pars. Il ne me rattrape pas.

 

****Gabriel****

 

Elle est partie. Je suis très en colère. Contre moi d’abord pour m’être énervé pour un chèque qui ne représentait au final pas grand-chose. Mais en même temps, je n’ai pas pu lui expliquer que c’était plus le mensonge que l’utilisation du chèque qui m’avait énervé.

Je vais régler le problème de Lola demain. J’ai plus urgent à faire.

 

Je compose le numéro de mon père. Il ne décroche pas. Je ferme mon téléphone. J’ai besoin d’une bonne douche après la journée que j’ai eue.

 

A peine je sors de la douche que le téléphone fixe sonne, je décroche depuis la chambre, une serviette autour des reins.

 

— Oui allo ?

— Oui Gabie, papa est en réunion, il m’a demandée de te rappeler pour savoir ce qui se passe.

 

Il a le temps de l’appeler elle pour lui demander de me rappeler mais pas le temps de me rappeler directement. Je ne relève pas l’absurdité de la situation et m’allonge sur le lit.

 

— Mickael est là.

 

Un long silence se fait au bout du fil. Je devine à quel point Eloïse est sonnée par la nouvelle.

 

— Comment ça Mickael est là ? demande-t-elle soudainement hystérique. De quoi tu parles ? Son corps a été rapatrié ?

— Il est vivant et en très bonne santé si tu veux savoir.

— Tu l’as vu ou quelqu’un te l’a raconté ?

— Je l’ai vu.

 

Elle commence à pleurer et à demander à haute voix pourquoi il n’est pas venu directement à la maison, pourquoi il n’a pas donné de ses nouvelles, pourquoi il nous traite comme des étrangers… J’essaie de la calmer du mieux que je peux mais elle continue de sangloter et renifle bruyamment.

 

— Dis le à papa.

— Ok. Tu crois que mamie savait ? demande –t-elle en se mouchant silencieusement.

— Elle sait toujours tout quand il s’agit de lui.

— Il était comment ? Je veux dire, tu crois qu’il va bien.

 

Je repense au regard qu’il a posé sur Lola. Il va bien, plus que bien même. Pourquoi faut-il toujours que nous convoitions la même chose ? Il a suffit que nos regards se croisent pour que je devine instantanément ce qu’il avait en tête et vice versa. Il a surement dû remarquer aussi que Lola n’était pas encore à moi… Nous n’avons pas besoin de nous parler pour que ce genre d’information circule entre nous.

 

Nos liens bien que distendus par cette espèce de haine qui nous sépare demeurent envers et contre tout. Malheureusement.

 

Même quand l’armée française a appelé papa pour lui signifier que Mickaël avait disparu lors d’une de leur opération… Même quand les militaires ont trouvé un charnier rempli de victimes tant françaises que locales… et qu’ils nous ont averti qu’il se pouvait que Mickaël soit l’un des corps brûlés non identifiable de cette fosse immonde … Je savais tout au fond de moi, qu’il était encore vivant.

 

— Oui il va bien. Je marmonne à contre cœur.

— Ok. Je vais le dire à papa et … toi ça va ?

— Oui pourquoi ça n’irait pas ? je demande d’un ton plus dur que je ne l’aurai souhaité

 

Elle ne me dit rien. Je raccroche. Je gratte ma barbe qui commence à me démanger. Il faudrait que je passe chez le coiffeur. Mais j’ai tellement de chose à faire cette semaine. 

Lola. J’ai envie de l’appeler. Je sais qu’elle ne va pas décrocher mais rien que de voir son numéro s’afficher sur mon écran me donnera l’espoir qu’elle décroche. Et peut-être qu’en insistant un peu, elle finira par céder… Je rallume mon téléphone et vais me chercher de quoi manger dans le frigidaire. J’ai tellement été occupé ces derniers temps que je n’ai pas eu le temps de faire les courses. Aie. Le frigo est quasiment vide. Une boite d’anchois, des olives, des kiwis, je n’irai pas loin avec ça.

Mon téléphone se met à sonner, je prie pour que ce soit Lola. Avec elle, il vaut toujours mieux une bonne engueulade que ses silences lourds de sens.

 

Je regarde l’écran. C’est mon père. Je croyais qu’il n’avait pas  le temps de me parler…

 

La situation de ma famille est tellement complexe qu’il me faut toujours un petit résumé mental pour me retrouver. On est tant mélangé qu’on pourrait nous appeler « la famille salade de fruits ».

France, Bénin, Gabon du côté de mon père dont le père était français (antillais noir de peau) et la mère bénino-gabonaise (Eugénie).

Et mon père qui à son tour a compliqué l’équation en épousant une gabonaise dont le grand-père a quitté son Sénégal natal pour s’installer définitivement au Gabon. La famille Valentine est un pur produit des immigrations successives du Gabon. De sorte que nous les enfants avons du sang : français, béninois, gabonais et sénégalais.

 

Le téléphone continue de sonner. C’est bien la première fois qu’il insiste en m’appelant. Je n’ai plus du tout envie de lui parler mais je décroche pour entendre ce qu’il a me dire après avoir entendu LA NOUVELLE.

 

— Bonsoir Gabriel

— Bonsoir papa.

— Où est ton frère ?

— Je n’en sais rien, je ne suis pas sa baby-sitter.

 

Il soupire.

 

— Quand l’as-tu vu ?

— Tout à l’heure dans un dojo, celui du GENA…  puis regrettant de lui avoir sèchement répondu, j’ajoute plus doucement : Il va bien papa.

— Si tu le revois, demande-lui de m’appeler.

— Je lui dirais. Mais maintenant que je l’ai vu, je ne pense pas qu’il va rester. Il va surement disparaitre de peur que tu ne lui demandes de rentrer à la maison.

— Je vais le faire chercher.

— D’accord papa. Mais ne sois pas déçu si tu ne le retrouves pas. Il était à Saint-Cyr (prestigieuse école militaire de France) c’est un officier qui a obtenu des médailles, il n’aura aucun mal à disparaitre.

— Gabriel ?

— Oui papa…

— Merci mon fils. Prends soin de toi.

 

On raccroche en même temps. Je me lève et cherche un pyjama dans mon dressing room jouxtant la chambre. J’en prends un en soie particulièrement doux, l’enfile et m’allonge sur le lit.

 

Je pense à Mickael.

Lui et moi ne nous sommes jamais entendus. Jamais. Depuis tout petit, les rares fois où j’ai essayé de jouer avec lui, il m’a toujours repoussé pour s’installer dans un coin et me regarder m’amuser avec Éloïse. Je n’ai jamais compris pourquoi. Peut-être à cause de maman et de sa manière étrange de le traiter.

 

Puis le drame est arrivé. Grand-mère est venu le récupérer parce que papa n’arrivait plus à nous gérer. Nous nous sommes quasiment perdus de vue les années qui ont suivies. Puis quand nous avons eu notre bac, lui au lycée français et moi à immaculé conception (école catholique) il est venu passer les vacances à la maison. Une dernière tentative de Grand-mère pour nous rapprocher.

 

A l’époque, je tentais de sortir avec Bénédicte dont j’étais amoureux depuis la classe de troisième. Elle venait de temps à autre à la maison pour passer l’après midi avec moi. Elle l’a vu et les choses ont changé entre nous. Tout d’un coup, elle trouvait nos discussions enfantines et préférait suivre Mickaël qui lui se foutait d’elle comme d’une guigne. J’ai expliqué à mon frère que j’étais amoureux d’elle et qu’il devait cesser de lui tourner autour. Il m’a ri au nez me disant qu’il n’y était pour rien.

 

Bénédicte était le genre de fille qui aimait les jolies choses. Je me doutais bien qu’elle s’intéressait à moi parce que je m’appelais Valentine et que tout le monde au lycée savait que notre père avait fait fortune dans l’immobilier. Elle voulait de l’argent. De l’argent que je n’avais pas mais par orgueil je ne lui ai pas dit que mon père me donnait très peu d’argent de poche. Alors je suis entré dans la chambre de papa et j’ai fouillé ses tiroirs. J’y ai trouvé cinq cent mille francs CFA en billet de dix mille. Au début j’ai hésité à prendre la somme, mais rien que de voir mon frère se moquer de moi et laisser Bénédicte tourner autour de lui m’a donné la force de prendre  trois cent mille et de laisser le reste. L’après midi même j’ai appelé Bénédicte et lui ai tout donné. Elle était tellement heureuse que je me suis vite senti dédouané de mon larcin. Le soir même, papa s’est rendu compte du vol et nous a convoqué tous les deux au salon.

 

— Qui a pris de l’argent dans ma chambre ?

 

J’ai senti mon cœur battre des recors de battements désordonnés. J’étais complètement affolé et j’avais l’impression qu’il était écrit voleur sur mon front. Je voyais déjà papa me punir, me retirer tous mes droits et ne plus m’acheter la voiture promise pour récompenser l’obtention de mon baccalauréat.

Mais malgré cette peur, je savais que j’avais eu tort et qu’il ne tarderait pas à savoir que c’était moi tellement je tremblais de tous mes membres.

 

— Depuis que je suis dans cette maison, il n’y a jamais eu de vols. Mickael, il a fallu que tu viennes en vacances et pouf j’ai trois cent mille qui disparaissent. Tu n’as rien à me dire ?

 

En entendant la somme, j’ai senti que Mickael était choqué par le montant volé mais pas étonné d’en être accusé. A l’époque, trois cent mille ce n’était pas rien.

 

— J’ai rien fait. A-t-il dit en se levant

 

Puis il m’a regardé férocement l’air de me dire : avoues tout. Mais je n’ai rien dit. Je ne sais pas pourquoi je n’ai rien dit. C’était tellement facile de me taire et d’entendre papa l’accuser automatiquement sans réfléchir.  Avec ses cheveux longs, toujours mal peignés, il avait tout du coupable parfait. Sentant son regard me bruler, j’ai détourné la tête.

 

— Ca y est papa,  je peux y aller ?

— Oui Gabriel.

 

J’ai pris mes jambes à mon cou. Je regrette cette journée comme un fumeur regrette sa première cigarette. J’étais jeune et surtout très con à l’époque, enfant pourri gâté par sa mère pensant que tout lui était dû et que je n’aurai jamais à subir les conséquences de mes actes.

 

Trois jours plus tard, en rentrant du centre culturel français où j’étais allé assister à un concert, j’ai trouvé Bénédicte nue dans les bras de Mickael. J’ai bien cru ce jour là que j’allais le tuer mais je n’ai pas pu bouger le moindre doigt devant le spectacle qu’ils offraient. Lui s’est simplement levé, a remis son pantalon puis a dit à Bénédicte qu’il ne voulait plus la voir. Elle a éclaté en larmes, l’a traité de salop puis s’en est allée après s’être rhabillée en hâte.

 

Que m’a-t-il dit d’autre déjà ? Ma mémoire flanche.

 

— Alors petit frère, toujours aussi sûr de toi ?

— Je ne suis pas ton petit frère.

 

J’étais né avant lui et il s’acharnait à m’appeler petit frère parce que grand-mère lui avait raconté je ne sais quelles niaiseries.

 

— Que lui avais-tu dit déjà ? Ne choisis pas le mauvais Valentine. Il ne pourra jamais t’offrir ce que je peux t’offrir…

 

J’ai serré les poings de rage à l’idée que Bénédicte lui ait répété tout ce que je lui avais dit.

 

— Apparemment ton argent n’a pas su la convaincre de te choisir…

 

Puis il m’a poussé de l’épaule et est parti s’enfermer dans sa chambre.

Dix sept ans à peine et on se haïssait.

 

Une heure après, j’étais toujours tourmenté par mon geste et avait quasiment oublié la trahison de Bénédicte que je pensais pourtant aimer passionnément. J’ai donc décidé d’aller m’excuser auprès de mon frère et de tout faire pour me faire pardonner, après tout on était plus que des frères, on avait grandi dans le même ventre…

La porte de sa chambre était ouverte et du couloir je pouvais entendre des éclats de voix. Il se disputait encore une fois avec maman que papa avait dû appeler à la rescousse pour régler l’histoire du vol avant de s’en aller à sa réunion tardive avec des entrepreneurs marocains.

Je me suis avancé pour mieux entendre.

 

— Je n’ai jamais dit ça à personne, comment le sais-tu ?

—Laisse-moi tranquille, Isabelle.

— Isabelle, tu m’appelles Isabelle ! Pour qui tu te prends, je suis ta mère.

— Laisse-moi rire !

— Si tu dis un seul mot à ton père, je te jure que tu auras ma mort sur la conscience… Je, je vais, je vais te tuer et me tuer aussi…

 

Mais de quoi parlaient-ils ? Je me suis encore plus rapproché. Puis j’ai entendu un prénom. Et j’ai compris. J’ai deviné le secret de maman, j’ai compris pourquoi depuis tant d’années elle avait peur de Mickael et le traitait mal. S’il révélait son secret, la famille Valentine volait en éclat…

 

— Si tu le dis à ton père Mickael…

 

Mickael s’est approché d’elle, rouge de colère mais parfaitement maître de lui.

 

— Je le lui dirai, compte sur moi pour ça. T’as qu’à crever si tu veux…

 

Maman est sortie de la chambre en pleurant. Elle ne m’a même pas vu.

 

Tous ces souvenirs me sont douloureux. Je reviens à l’instant présent. Le mieux que je puisse faire, c’est de faire comme s’il n’existait pas. Après tout, il se pourrait qu’on ne se rencontre plus. Je mets les écouteurs de mon i-pod dans mes oreilles et m’endors avec l’album d’Aretha Franklin.

 

****Mickael ****

 

Je devine facilement dans quel état est Gabriel en ce moment. Il doit repenser à nous, nos disputes, nos mésententes, à ce que j’ai fait à maman qu’il ne me pardonnera sans doute jamais.

A l’époque j’étais plein de colère et à bien y réfléchir, je suppose que je le suis encore.

 

— Alors ? Que vas-tu faire ? T’en aller encore une fois ? demande-t-elle les yeux fermés.

 

Eugénie est couchée sur son lit. Elle semble plus fatiguée que d’habitude. Je lui ai rendu visite pour lui raconter ma rencontre avec Gabriel son autre petit-fils qu’elle n’a jamais pu voir grandir. Je la borde.

 

— Non, mamie, je vais rester.  

 

Elle ouvre les yeux et se tourne vers moi, étonnée par ma réponse. J’ai toujours refusé de fréquenter les Valentine depuis le drame qui nous a définitivement séparé l’empêchant ainsi de voir son propre fils, mon père.

 

— Non ? Tu … vas rester ?

— Oui, je vais rester. Plus de fuite.

— Mais … Oh je suis si heureuse de t’avoir encore un peu pour moi.

— On en reparle demain mamie. Tu m’as l’air fatiguée, repose-toi.

— Tes parents et moi avons mal agi mon enfant. Nous t’avons séparé de ton frère et aujourd’hui, il est difficile de réparer nos torts. Mais je vais faire de mon mieux.

— Il n’y a pas de mal mamie. J’aime ma vie comme elle est. Ne regrette rien d’accord.

— D’accord. Mais dis-moi juste pourquoi tu restes ?

 

Je passe une main caressante dans ses cheveux et lui murmure à l’oreille. A elle je ne mens jamais. Jamais, quoi qu’il m’en coute, c’est une promesse entre nous et pour moi les promesses sont sacrées.

 

— Lola…

 

Pourquoi ? Parce qu’elle semble me désirer malgré le fait que je sois … moi. Elle n’est pas seulement avide de mon corps comme le sont les autres femmes, elle ne passe pas son temps à me contempler. Il y a autre chose dans son regard. Et cette chose, je veux y gouter…

LOVE SONG