Chapitre 2

Ecrit par EdnaYamba


                             2.

Comment on est sensé réagir quand on revoit la femme qu’on a aimé longtemps  et qu’on n’a probablement jamais oublié, après 3 ans. Je savais bien qu’avec le mariage d’Anaïs et Andy, il y avait de fortes chances qu’elle revienne, vu leur proximité. Elles ont toujours été inséparables, d’ailleurs c’est par Anaïs que j’ai rencontré Aurore quand elle était venue en vacances puis s’installer l’année suivante.  J’avais imaginé plusieurs scénarios, l’ignorer, être désagréable, mais en la voyant tout à l’heure, une seule chose m’est apparue comme une évidence : je suis encore amoureux d’elle.

Je prends une cigarette que j’allume, mais avant même de l’avoir porté à mes lèvres je la jette aussitôt au sol, j’ai arrêté de fumer il y a longtemps, je dois être vraiment nerveux pour vouloir céder à nouveau.

Je repense à la façon dont elle m’a quitté.

-         T’épouser Alan ? je n’ai que 21 ans et déjà m’emprisonner dans un mariage, je ne peux pas, je suis désolée. Je suis jeune et je veux encore profiter de la vie…..

Ça je l’aurais encore accepté mais :

-         En plus je ne suis pas sûre que tu sois vraiment celui avec qui je veux me marier !

Ça fait mal. Et ça m’a brisé. Parce que moi j’étais sûr que c’était elle que je voulais, peut-être parce que j’étais le plus mature dans la relation, j’en avais 25 alors qu’elle avait 20 ans. C’était peut-être trop tôt pour elle, m’avait dit ma mère en essayant de me consoler. Je l’ai réfuté longtemps avant de me dire qu’elle avait peut-être raison, je m’étais peut-être précipité mais après 4 ans  de relation, était-ce trop tôt ?

Elle a pris le vol pour Paris sans un regard en arrière, sans laisser une ouverture pour notre histoire, elle est tout simplement partie, m’effaçant de son existence. C’est trop facile que je ressente encore tout ça pour elle, c’est trop facile. J’ai bien envie d’aller la confronter pour lui dire tout ce que je pense.

« S’il te plait il va falloir que vous vous supportiez, sinon attendez après mon mariage pour faire des dégâts. »

C’est le message que je reçois d’Anaïs.

Je m’allonge en me disant que je pourrais bien faire cet effort pour Anaïs et Andy qui sont des personnes que j’estime beaucoup. Je suppose qu’elle n’est là que pour les vacances de Noel et qu’elle repartira bientôt.

                                                ***

 

J’ai laissé Anaïs me convaincre de les rejoindre au bar où leur groupe d’amis a organisé une petite fête pour eux

Elle ne m’a pas menti en me disant qu’Alan serait là, si je savais déjà qu’ils étaient bons amis, ce que j’ignorais par contre c’est qu’Andy et lui étaient de très bons amis et qu’il serait le best man de ce dernier.     Ça fait 3 jours depuis mon arrivée que je suis là, et depuis, on ne s’est plus revu du tout bien qu’on vive l’un en face de chez l’autre, on a réussi à s’éviter du mieux qu’on peut. Mais ça ne m’a pas empêché de repenser à lui.

«  Il va falloir que vous vous supportiez s’il te plait » m’a suppliée ma cousine.

Ça ne va pas être un exercice facile ça c’est sûr !  C’est à la rue Sainte-Catherine E dans un Karaoké Bar que je les retrouve.

Quand j’arrive, je vois qu’il y a une bonne ambiance, je reste un moment à l’écart et observe à distance. Dans la bande, j’aperçois  Alan assis près du bar, bière à la main et une jeune fille blonde qui toute souriante vient lui passer les bras autour de l’épaule. Ils semblent très familiers à en juger le regard couvert de tendresse qu’il lui lance. Anaïs ne m’a pas dit qu’il voit quelqu’un j’ai tout à coup mal au ventre.

-         Eh Aurore, viens ! me lance Anaïs qui me voyant me fait de grands signes pour que je m’approche.

Alan tourne son regard vers moi. C’est toujours aussi déstabilisant.  Je prends une profonde inspiration et lentement, bon gré mal gré, je me dirige vers le groupe d’amis auquel Anaïs me présente.

-         Je vous présente pour ceux qui ne la connaissent pas, Aurore Thérèse.

Elle rit en le disant car elle sait que je déteste quand on ajoute ce prénom bien que j’adore ma grand-mère à qui je suis homonyme. Je lui tire la langue, en embrassant Andy et saluant chacune des personnes qu’elle me présente.  Dylan, Thomas, et Elodie. Elodie, c’est le prénom de la jolie et sulfureuse blonde aux yeux bleus qui est agrippée à Alan.

-         Ça y est, tu connais tout le monde ! sens-toi à l’aise !

Facile à dire Anaïs, ai-je envie de lui rétorqué. Je me débarrasse de ma Jacket en cuir noir que je pose sur mes genoux en m’asseyant pour commander une bière moi aussi. Les discussions reprennent, je me contente de sourire comme je peux, pas très à l’aise avec Elodie tactile avec Alan. Je ne comprends pas pourquoi ça m’agace, ça ne devrait pas.

C’est moi qui l’ai quitté.

L’ambiance est amicale, et Joe, le barmaid qu’ils connaissent bien, annonce que c’est le début du Karaoké.

-         C’est moi qui choisis les musiques comme ça, ça va rendre le jeu plus drôle. Annonce-t-il, riant

Andy se lance le premier.

-         Désolé chéri, si je te fous la honte ce soir, prévient-il alors que la chanson s’affiche. Je t’aime !

C’est sur My heart Will go on de Céline Dion, qu’il fait sa performance, on se marre entre ses oublis de paroles et ses fausses notes, on n’a pas cessé de rire, la seule personne qui a trouvé ça mignon c’est son amoureuse, elle le gratifie d’un baiser quand il descend de l’estrade cédant la place à Thomas. Tour à tour les amis passent, et on rit à tour de rôle des prestations des uns et des autres.

   

-         Allez Aurore c’est ton tour ! me lance Anaïs

Je n’ai pas tellement envie d’y aller mais pour lui faire plaisir, j’y vais. Il parait qu’il faut faire plaisir à la future mariée même quand elle vous demande l’impossible.  Joe choisit la musique et comme par hasard, elle tombe sur la chanson que je redoutais le plus et me voilà à chanter  Please, Forgive me de Bryan ADAMS. Comme si j’avais besoin de chanter ça en ce moment. Nos regards se croisent, je détourne rapidement le regard pour croiser celui d’Anaïs qui est plutôt compatissant.

-         Tu vas me détester, me dit Anaïs quand la soirée finie, mais Andy et moi, on ne peut plus te déposer, tu pourrais aller avec Alan vu que vous êtes à deux pâtés de maison !

Irais-je en prison si je tue ma cousine à la veille de son mariage ? Mais si je plaide, en disant qu’elle m’emmerde, je pourrais avoir les circonstances atténuantes peut-être ?

Je n’ai pas encore répondu oui, qu’elle appelle Alan à qui elle demande de me raccompagner. C’est sûr, je la tue bientôt.

Je me retrouve à l’arrière de la voiture, alors qu’Elodie est assise au siège avant. Une situation inconfortable.

-         Je suis heureuse de vous voir heureux, dis-je pour briser le silence.

Attends pourquoi ai-je dit ça ? Si je pouvais me donner un coup à la tête je le ferais ! A travers le rétroviseur je sens son regard sur moi. Etais-je obligée de parler ?

-         Les cœurs qui s’aiment finissent toujours par se reconnaitre, on était fait pour être ensemble,  réplique Elodie en touchant le visage d’Alan.

-         C’est grâce à toi, me dit-il en me regardant toujours à travers le rétroviseur, j’avais oublié de te remercier, forgive me.

Il aurait mieux valu que je me taise surtout que je ne pense pas un traite mot de ce que j’ai dit, ça m’agace plus qu’autre chose de voir cette fille à côté de lui. Plus que quelques minutes avant d’arriver à la maison. Le trajet devient silencieux, je mets mes écouteurs aux oreilles et je regarde au travers de la vitre pour éviter d’être le témoin gêné des démonstrations affectives excessives d’Elodie. J’espère qu’elle sait au moins qu’on risquerait un accident, si  elle le déconcentrait. Il ne manquerait plus que ça que je meurs en compagnie de mon ex et de sa copine.

Mamie qui ne dort pas, vient aussitôt ouvrir la porte quand elle entend la voiture se garer, quand elle me voit sortir de la voiture d’Alan, elle le salue de la main.

Il sort de la voiture pour venir la saluer, la mère d’Alan, une afro-caribéenne et mamie sont amies depuis qu’elles se sont installées à la même période dans le quartier.

-         Bonjour mamie Thérèse, lui dit Alan

-         Bonjour mon petit, ta mère sera avec nous cette année ou elle est toujours chez ta sœur ?

-         Elle y est toujours, mais elle m’a demandé de m’impliquer dans toutes les taches que ferez pour la préparation du repas.

-         Ça tombe bien dit mamie, j’étais en train de regarder les décorations de Noel et je trouve qu’il en manque beaucoup et même le sapin de Noel, il faut le changer, alors demain Aurore et toi

 

J’arque les sourcils.

-         vous pourrez aller au village de Noel faire quelques courses.

-         On a des choses à faire demain, dit Elodie que personne n’avait invité dans la conversation à qui Alan lance un regard dur

-         Je pourrais très bien y aller seule mamie ! contesté-je

-         Ce sera trop lourd pour toi. Alors mon garçon c’est possible ? poursuit mamie qui n’a pas relevé la phrase d’Elodie.

-         Mais bien sûr ! je serais là demain à 18h.

Il prend congé alors que je jette un regard noir à Thérèse ANGUILET, qui se contente de sourire en me disant :

-         Je ne comprends pas pourquoi tu te fâches tu es bien rentrée avec lui ce soir, je suppose que vous avez mis vos différents de côtés !

-         Tu oublies la présence de la 3e personne !

-         Qui ? je n’ai rien remarqué. Vous avez survécu à une heure de route, vous survivrez à aux prochaines heures. Bonne nuit mon cœur.

Elle me le dit en me tournant le dos alors que j’imagine, qu’elle affiche son sourire narquois

                                                               ***

-         Tu peux me dire quelles choses on a à faire demain ? demandé-je à Elodie, une fois à la maison. Ne refais plus jamais ça !

-         Faire quoi t’empêcher d’être seul avec ton ex ? réplique-t-elle, demain je viens avec vous !

-         Ecoute Elodie, toi et moi ça ne fait pas un mois qu’on s’est mis ensemble, à cette allure on n’ira pas très loin ! la prévins-je énervé.

-         Tu l’aimes encore ?

-         Elle m’a quittée, tu t’en souviens ? lui dis-je pour couper court à la conversation. Je ne lui parle que parce que c’est la cousine d’Anais qui est mon amie ! maintenant ou tu me fais confiance ou on stoppe là !

-         Je te fais confiance !

-         C’est mieux !

                            

Un silence de plomb règne dans la voiture. Je ne sais pas ce qui est passé par la tête de cette coquine Thérèse ANGUILET.

-         Arrête de faire la moue, me dit Alan !  crois-moi si j’avais eu le choix moi non plus je ne serais pas là !

-         Si tu as l’intention d’être désagréable, tu peux toujours t’en aller, je me débrouillerais bien sans toi, après je pourrais dire à mamie que tu as eu une urgence, d’ailleurs faisons ça c’est mieux ! va rejoindre ta blonde !

-         Je n’ai pas l’intention de te faire plaisir !  me lance-t-il. J’ai dit à mamie Thérèse que je t’aiderais alors je le ferais !

Si je ne te tue pas avant, soupiré-je dans mon cœur.

S’il y a quelque chose que je ne peux pas nier, c’est que j’aime l’ambiance festive de Montréal à l’approche des fêtes de fin d’année, nous nous rendons au grand village de Noel sur la rue Prince-Arthur, voici une de ces choses qu’on aimerait bien voir dans notre Pays, je pense à Junior mon petit-frère qu’est-ce que j’aimerais qu’il soit là, mais je ne doute pas qu’ils iront passer Noel dans un endroit chic à défaut de ne pas voyager cette année.. Les lumières, les décorations,  on sent vraiment l’esprit de Noel, je grandis mais je reste toujours aussi émerveillée comme une enfant, nous longeons, silencieux,  l’allée pour voir chez quel vendeur on va trouver le sapin aux caractéristiques de mamie. Je me demande si c’est vraiment encore celui de mamie qu’on cherche vu qu’on s’est disputé à chaque fois qu’on en a vu un qui pourrait lui plaire.

Nous marchons côte à côte mais comme deux inconnus. Même dans notre gestuelle, il y a un écart, à côté de nous, d’autres sont plutôt joyeux. Nous arrivons devant un vendeur  de sapins de Noel et alors que nous nous disputons encore sur le choix du sapin, il nous interpelle.

-         Eh c’est Noel, c’est le moment où on met nos problèmes de côté pour s’offrir un peu d’amour ! c’est le partage, on prend le temps à offrir le bien à son prochain. Je suis sûr qu’ensemble vous pourrez choisir le meilleur sapin qu’il soit. Je vous laisse le temps de vous décider et je reviens.

Il s’en va, nous laissant silencieux Alan et moi, honteux aussi.

-         Je vais te laisser choisir, me dit-il

-         Je préférais celui-là mais j’avoue que tu as raison, il en manque quelques branches

-         Et le mien, aussi n’est pas vraiment celui qu’il faut, avoue-t-il.

Nous décidons de regarder ensemble encore parmi les sapins, jusqu’à ce que nous le trouvions, là, élégant, bien distingué, le sapin qui fera fondre mamie. Nous ajoutons dans la même boutique, les décorations qui manquent et ce sont les bras chargés que nous sortons de là alors que le vendeur joyeux nous lance :

-         Joyeux Noel et n’oubliez pas c’est le temps de s’offrir un peu d’amour.

Nous regagnons la voiture d’Alan et reprenons le trajet silencieux. Je repense aux mots du vendeur, que serait Noel si je continue à me disputer avec lui pendant tout le séjour alors qu’on est appelé à se voir.

                                                                ***

-         mamie, où es-tu ? je suis rentrée avec les courses et la porte est fermée, l’entends-je dire au téléphone, non je ne suis pas sortie avec mes clés parce que tu m’as pressée tu l’oublies ? quoi ? je vais attendre dehors dans le froid alors !

 Elle raccroche.

-         Alors ? lui demandé-je.

-         Elle est sortie, elle ne rentrera pas de sitôt. Je vais l’attendre, merci encore Alan.

Je ne peux pas la laisser, seule dehors  avec le froid, alors que je vis à deux pâtés de maison, même si l’emmener à la maison, n’est pas ce qu’il y a de mieux, si on doit vivre l’instant présent en oubliant le passé, la maison ne fera que nous rappeler nos souvenirs communs

-         On y va ! lui dis-je

-         Mais où ? dit-elle surprise.

-         Chez moi, tu ne vas quand même pas attendre dans le froid !

-         Ce serait peut-être mieux que tu me déposes chez Anais, ou chez ma tante.

-         C’est loin d’ici, le temps qu’on aura fait en route, peut-être que ta grand-mère sera déjà de retour.

-         Pour quelqu’un qui avait mal au dos, elle a quand même trouvé l’énergie pour sortir, peste-t-elle. On pourrait attendre là dehors !

-         Je ne tiens pas à mourir de froid Aurore ! lui dis-je, j’y vais tu connais la route !

J’ai tourné mes talons et compter, 1, 2,3 ,  j’attends mais elle ne vient pas

L'hiver de notre amo...