Chapitre 2

Ecrit par Myss StaDou

QUELQUES ANNÉES PLUS TÔT

 

C’est presque la fin des vacances scolaires. Je viens tout juste de passer mon Bac A4. C’est venu le temps des réflexions sur quelle matière à étudier et dans quelle université. Mon père est professeur de technologie dans un lycée de la place. Maman avait pu devenir maîtresse d’école primaire après avoir fini d’accoucher ses quatre larrons que nous sommes. Mon frère aîné Aimé, ma sœur Carole, moi et Junior alias Papi, mon petit frère. À eux deux, mes parents ne gagnaient pas beaucoup, mais on toujours eu le minimum. Nous vivions chez nous au quartier Essos et non en location. Je ne pouvais pas rêver d’écoles privées, car trop chères.

 

C’est un des ces jours-là où on marche sans destination. La fatigue vous rythme seulement. Le soleil, insolent qu’il est, frappe encore votre crâne, comme si on l’avait envoyé vous torturer. Tu te demandes où est passé la pluie qui calcule les gens ses derniers jours. Je suis au quartier dit Cradat (au quartier universitaire à Yaoundé), cherchant un taxi qui m’emmènera à Tsinga. Personne ne veut me prendre avec les 150Francs que je propose. Je suis déjà fatiguée de stopper les taxis et de recevoir des regards méprisants aussi bien des chauffeurs que des clients assis, pressés d’arriver à destination. La famine commence à se mélanger à la fatigue. Mon budget de la journée est trop serré pour que j’augmente même 5Francs sur ce que je proposais.

 

Un jeune homme est placé depuis quelques minutes pas très loin de moi. Je sens son regard posé sur moi. Je le regarde du coin de l’œil, trop gênée pour le regarder en face. Je prie pour qu’un taxi me prenne rapidement pour que je m’en aille au plus vite. Il se rapproche tout doucement dans ma direction, au point où juste une personne dans la file de ceux qui stoppaient les taxis nous séparait. Je le regarde rapidement, puis je tourne promptement la tête avant qu’il ne me surprenne à le lorgner. Il est plutôt jeune et beau garçon…

 

Peut-être pense-t-il me connaître quelque part mais n’osait pas me demander ? Moi quoi ? Jusque-là il n’a arrêté aucun taxi. Soudain, je l’entends d’une oreille héler un taxi :

 

− Tsinga, deux places 500Francs.

 

Pim pim ! est la réponse du Chauffeur de taxi, montrant ainsi son approbation et cherchant à serrer près du trottoir. Je suis frustrée et ébahie, car le même taxi n’a même pas daigné me regarder quelques instants plus tôt. Je vois alors vis le mec se tourner vers moi et dire :

 

− Viens, on part. Tu vas aussi à Tsinga.

− Oui, je vais à Tsinga, mais je n’ai pas la même poche que toi, mon frère. Va seul.

 

Il ricane et me répond :

 

− Viens. Je vais compléter ton argent de taxi. Depuis que tu stoppes, personne ne te calcule. Ce n’est pas pour 100Francs qu’une belle fille comme toi va braiser au soleil.

 

Une belle fille comme moi… Étonnée, suspicieuse, je regardais le mec, réfléchissant à toute vitesse si je devais partir ou pas. Je ne le connais pas. Mais pourtant j’ai déjà trop mal au pied. Le taximan, impatient, klaxonne. Le mec me pris par le bras :

 

− Viens, il n’y a rien.

 

Je le suis et j’entre dans le taxi où nous entrons à l’arrière du véhicule.

 

− Vous allez à quel niveau ? demande le chauffeur.

 

Se tournant vers moi, le jeune homme attend. Je réponds que je descendrai au lycée. Le jeune homme ne dit rien. Je m’étonne de son silence :

 

− Toi, où vas-tu ?

− Je te suis, répond-il en souriant.

 

Je sursaute de peur. Ça peut être un bandit. Pourtant il porte un sac qui m’a l’air de contenir un ordinateur portable. Il semble m’avoir senti tressaillir et d’une voix rassurante, il me dit :

 

− Ne crains rien. Je suis étudiant. Je t’ai observé un moment en route et comme je ne savais pas comment t’aborder, j’ai décidé de te suivre dans l’espoir de faire ta connaissance.

− Et c’est pour ça que tu jettes 500Francs par la fenêtre ?

 

Je suis émoustillée, étonnée par sa démarche. Ça me plaît et en même temps m’effrayait un peu. Je reste tranquille. J’attendis. Puis il se remet à parler :

 

− Moi c’est Olivier. Je suis étudiant en master de droit à la Catho (Université Catholique) et toi ?

− Nicole, réponds-je, hésitante.

− N’aie pas peur. Je ne mange pas les gens. Je peux t’inviter à manger quelque chose Nicole. J’ai faim et tu m’as l’air fatiguée.

 

J’hésite, mais bon pourquoi pas ?

 

− Je veux bien, si c’est toi qui paies. Et pas les beignets !

− Enfin un sourire sur ce joli visage. T’inquiète, je t’invite tout frais compris. Nous irons dans un petit resto et nous nous régalerons.

 

Silence.

 

− Dis-moi, as-tu quelqu’un dans ta vie ?

− Ekié, mon frère, tu ne cherches pas midi à 14h… Vite comme cela ? m’exclamé-je.

− C’est parce que tu me plais vraiment.

− Hum, va doucement. Même si j’avais quelqu’un, ça ferait quoi ?

− À ta réponse, j’en déduis que tu es célibataire. Ça me plaît. Tu me plais, tu sais.

 

Je tourne la tête vers la rue et ignoré sa dernière remarque. Il me dévisage tout au long du trajet.

 

Enfin nous arrivons à destination. Il règle le taxi et m’a poussé vers une petite entrée pas loin, me montrant la plaque d’un petit resto. Nous sommes entrés. Il n’y a pas trop de monde. Nous prenons une table à l’intérieur, près du ventilateur. Une serveuse vient prendre notre commande. Deux plats de spaghettis, sauce tomate avec du poulet. Un jus de citron pour moi et une Castel Beer pour lui.

 

Olivier continue de me fixer intensément. On aura dit qu’il me déshabille du regard et cela me met mal à l’aise.

 

− Es-tu obligé de me fixer de la sorte ? C’est gênant.

− Nul ne peut s’empêcher de regarder la beauté que tu es.

− C’est ça même ! Les belles paroles. Je ne suis pas une de ses filles faciles qui trainent en route. Ne me confonds pas parce que j’ai accepté ton invitation.

− Détrompe-toi. Je vois que tu as l’air d’une fille bien. Quel âge as-tu ?

− 19ans, Pourquoi ?

− Moi j’ai 25ans. Je ne tiens pas à détourner une petite fille.

− Qui est petite ? Détourner avec quoi ?

 

Je le regarde avec plein de suspicion.

 

− Je ne drague pas les enfants. Il ne faut pas que tu acceptes mes avances et ensuite on m’arrête pour détournements.

− Qui t’a dit que tu me plais d’abord ? Tu ne sais même pas quel est mon style de mec… Vraiment !

− Si je te répugnais, tu ne serais pas venue. Cela veut dire que quelque chose en moi t’a plu.

 

Cet homme a une de ces assurances quand il parle, trop sûr de lui. La serveuse vient nous servir nos boissons. J’observe soigneusement Olivier. Il est plutôt bel homme, bien entretenu. Il semble avoir un peu de moyens, vu les dépenses qu’il fait pour une inconnue comme moi. En dehors des flirts et des relations courtes au lycée, je n’ai pas vraiment eu de petits amis ; trop grande étant la peur d’une grossesse ou de déception. Je suis assez limitée en matière d’hommes, mais je ne devais pas le laisser paraître.

 

Olivier pourtant semble très à l’aise. Je décide de baisser un peu la garde et d’essayer de passer un bon moment. Qu’est-ce qu’il peut bien m’arriver dans un lieu public ? Nous discutons de sujets divers tout en mangeant. Il est plutôt agréable comme personne. À la fin du repas, il règle la facture. Je suis tellement pressée de partir, mais j’avais envie de le revoir. Nous sortons du resto.

 

− Je voulais passer voir une ancienne camarade avant de rentrer. Qu’est-ce qu’on se dit ? Merci pour le taxi et le repas. C’est vraiment sympa de ta part.

− Passe-moi ton numéro et on s’appelle. J’aimerais vraiment te revoir.

 

Heureusement que mon père m’a acheté un téléphone portable pour ma réussite au BAC. Je lui passe mon numéro et lui dis au revoir. Au moment de m’éloigner, il me tire le bras et me fait une bise sur la joue.

 

− Bon après-midi, Nicole. Pense à moi.

 

Ce geste m’étonne et me fait plaisir en même temps. Je sente quelque chose monter en moi.

 

Je me dépêche d’aller chez ma copine. À peine installée dans le salon de celle-ci, je reçois un message d’un numéro inconnu :

 

« Ravi d’avoir passé ce moment avec toi. J’espère très vite te voir. Tu me plais vraiment. Je t’embrasse, Olivier ».

 

Ma copine, intriguée de la tête que je faisais, me demande s’il y avait un souci. Je réponds vite par la négative et je décide de me concentrer sur ma conversation avec elle. Olivier m’envoie encore deux messages le soir et je ne lui réponds que pour lui retourner son bonne nuit par faute d’unité dans mon téléphone.

 

Il m’appelle plusieurs fois les jours qui suivirent. Nous nous voyons deux semaines plus tard pour prendre un verre. À force d’insister je lui réponds aussi que son attirance était partagée. Mais je ne m’y connais pas vraiment en relation amoureuse. Je m’attache petit à petit à lui, tant il est attentionné et doux. Nous nous mettons à vraiment flirter. Il me parle de plus en plus de son attirance, son envie de moi. Il me touche, m’embrasse sans trop insistance. Comme s’il attende mon feu vert.

 

Ma seule vraie expérience sur le plan sexuel remontait à un après-midi foireux où, adolescente, je perds ma fierté de femme sur le lit de mon petit ami d’alors. On l’a refait quelques fois ensuite, mais il m’a laissé tomber quelques jours plus tard ayant eu ce qu’il voulait. Malgré ma déception, je ressentais très souvent un besoin physique. J’ai essayé avec d’autres hommes. Mais ce n’était pas trop ca.

 

J’essaie  de tenir le niveau avec Olivier, lui disant aussi des choses sensuelles que j’entends souvent dans les films. Merci papa pour la télé.

Mon amour, mon comba...