Chapitre 2 : Georges Igouwet

Ecrit par La vie de rose


+++ Chez les Raoubet +++


***Murielle***


Sans aucune raison, je me suis levée très tôt ce matin. J’ai regardé mon téléphone en espérant tomber sur le message de Jules-Ernest mais rien ! Ça fait deux jours que je suis rentrée et il ne me donne pas de nouvelles [soupirant], je lui ai envoyé un bonjour comment tu vas et bonne journée. En sortant de la chambre pour me rendre dans le salon, je suis tombée sur mon père qui prenait son petit déjeuner.  J’ai pris place en lui passant le bonjour.


Papa (me regardant) : Tu es matinale dis donc 


Moi (me servant un bol de lait) : Je n’ai même pas moi-même compris pourquoi je me suis levée tôt aujourd’hui. 


Maman (faisant les tours entre la cuisine et la salle à manger) : Ton corps a gardé le rythme de Paris. 


Moi (me servant du lait) : Hum, sans doute 


Papa (me regardant) : Au fait, tu ne m’as pas dit pourquoi Jules-Ernest n’est pas parmi nous.


Moi (faisant des tartines) : Bah si, il ne pouvait se libérer que pour une semaine. On a donc laissé tomber. 


Papa (souriant) : Je l’aime bien lui, il faut qu’il pense à se présenter aussi. Ça fait quoi ? Quatre ans déjà n’est-ce pas [me regardant] ?


Moi (souriante) : Oui 


Papa : Il faut donc qu’il y pense ! J’ai croisé son père, à ce que j’ai entendu il reprendra les rênes de la société 


Moi (surprise) : Laquelle ? 


Papa : Là où je suis 


Moi : Oh


Papa : Il ne t’en a pas parlé ? 


Moi : Non. Donc son père sera ton patron ?


Papa (me regardant) : Oui


Moi : Oh


Papa (souriant) : C’est pourquoi tu dois en rentrant lui faire comprendre qu’il est temps qu’il régularise ta situation. Vous travaillez depuis deux ans maintenant, c’est le temps ! Je suis fier parce que mes filles (trois et un garçon, le dernier) ne sont tombées que sur des enfants de bonnes familles, c’est une très bonne chose.


Moi (le regardant) : Jules-Ernest travaille depuis quatre ans papa. 


Papa (souriant) : Au temps pour moi alors


Moi (confuse) : Je ne comprends pas une chose, pourquoi c’est lui qui doit être ton patron ? Il travaillait dans l’entreprise ?


Papa : La boite est presqu’en train de couler, alors les dirigeants recherchaient un profil autre que ce qu’ils avaient en leur possession. Ce n’est pas faute d’avoir déposé ma candidature, mais que veux-tu ? C’est le profil d’Ernest Gondjout qui a été retenu.


Moi : 


Papa : Il y a un problème ?


Moi (grimaçant) : Oui quand même, le père de mon petit-ami sera ton patron papa. Ton Directeur Général, tu devras donc lui rendre des comptes !


Papa (souriant) : Ce n’est rien tout ça 


Maman (nous rejoignant) : Qu’est-ce qui n’est rien ?


Papa (souriant) : Je viens de lui dire qu’Ernest Gondjout sera mon directeur général sous peu, et la nouvelle n’a pas l’air de l’enchanté 


Moi (les regardants) : Parce que tu ne connais pas cette famille comme je la connais papa, Pff ! Ce n’est pas possible de démissionner et d’aller ailleurs ?


Papa (éclatant de rire) : A quel âge Murielle ? J’ai cinquante-sept ans, si je démissionne c’est pour aller en retraite. Quelle est l’entreprise qui voudra encore de moi, lorsqu’elles ont des candidatures des jeunes dynamiques qui sortent tout droit des universités 


Maman : Il y a un problème Murielle ?


Moi (soupirant) : Laissons tomber 


Maman (me regardant) : S’il y a quelque chose qui te dérange dis-le, au lieu de tirer la tronche 


Moi (soutenant son regard) : Qu’est-ce que cela changera ? 


Papa (souriant) : Rien, mais ce n’est pas une raison de faire cette tête aussi. Ce sont des choses qui arrivent dans la vie de tous les jours, du jour au lendemain ton camarade peut devenir ton chef ou vice-versa ! S’il est plus qualifié que moi pour ce poste, pourquoi crier au scandale ?


Moi (dégoutée) : Parce que dans ce pays nous savons tous qu’il faut bien plus qu’un CV remplit de compétences afin de prétendre à un poste, et vu le carnet d’adresse de cette famille ça ne m’étonnerait pas qu’il ait eu recours au piston ! Et ce n’est pas juste, ça me révolte cette injustice ! Tu as passé toute ta vie dans cette entreprise, trente-quatre ans papa ! Tu méritais largement ce poste ! Ne fait pas celui qui est tout content, alors que c’est faux. Je te connais et je sais que tu as les boules.


Maman (me regardant) : Ah, la décision a été prise d’en haut, que veux-tu faire de plus ? 


Moi (révoltée) : Et c’est justement à cause de ce système que j’ai décidé, que nous avons toutes décidés de vivre à l’étranger. On favorise le copinage à l’effort, parce que je te connais, parce que tu es le fils de X ou Y alors tu as le poste au détriment de celui qui le mérite réellement ! Ça me révolte. 


[Pff] Il ne manquait plus que ça, il faudra encore supporter l’arrogance des filles Gondjout. Putain cette famille, les mères comme les filles, toutes pareilles [Pff]. Et Jules-Ernest qui fait le mort, ça me soule. Je sais très bien que nous ne nous sommes pas quittés sur un bon terme mais voilà, trois jours se sont écoulés. Il veut me faire comprendre qu’il n’a toujours pas digéré cette dispute ? [Soupirant] Enfin bref .


J’ai envoyé un message à Sylvain, je ne vais quand même pas rester enfermer dans la maison comme une malheureuse parce que mon copain est toujours fâché. Au moins avec Sylvain je pense à autre chose, j’en ai vraiment besoin. Ah oui, il faut aussi que j’aille passer le bonjour aux Gondjout [soupire], en tout cas je suis encore là rien ne presse.


Sylvain m’a pris aux environs de midi, nous sommes allés au restaurant ensuite chez lui regarder un film avec son téléphone qui n’arrêtait pas de sonner. Il m’a ramené chez moi vers vingt heures parce que monsieur avait un rendez-vous avec je ne sais qui, il n’a pas voulu me le dire. Après tout c’est sa vie, il la gère comme il veut. 


+++ Chez les Ranoké +++


***Liette***


Punaise, je voulais quelque chose de simple, pas ce qui est en train de se préparer on aurait dit un mariage coutumier. Ce sont des présentations, normalement on aurait dû simplement inviter nos deux parents et non toute la famille comme au mariage. Maman a loué un service traiteur, elle a loué une tente climatisée pour le repas. Bref elle a dépensé beaucoup d’argent pour rien [soupir]. J’ai eu envie d’inviter Jean-Marie, mais je ne sais pas si mon geste sera mal perçu du côté des Ranoké. 


Mamie (devant la porte de la chambre) : Je peux ?


Moi (levant les yeux) : Oui 


Elle est entrée dans la chambre en fermant la porte derrière elle, puis s’est assise à côté de moi en me regardant le sourire aux lèvres. 


Moi (amusée) : Quoi ? 


Mamie (me poussant la tête) : Enfant impoli ! C’est à qui que tu dis quoi ? 


Moi : [Rire]


Mamie : Tchip 


Moi (la regardant) : Si J’invite Jean-Marie demain tu penses que Pierre le prendra mal ? 


Mamie (soutenant mon regard) : Peut-être, peut-être pas ! Avec tout ce qui s’est passé ces derniers jours entre vous, il peut prendre ton geste comme un affront, une manière de lui dire que quoi qu’il fasse il ne sera jamais ton père. 


Moi : Ce n’est pas comme si c’était faux et qu’il faisait en sorte que je le prenne comme mon père ! Je l’appelle papa parce que maman m’a dit que c’était mon père lorsqu’elle nous a présenté pour la première fois. Et j’étais une enfant, c’était lui ma première figure paternelle. Mais bon il n’en demeure pas moins que malgré ce qu’il est Jean-Marie reste mon père, on ne choisit pas sa famille.


Mamie : Dans ce cas, va simplement leur dire que tu veux inviter Jean-Marie aux présentations. Mais après il faudra assumer, tu connais comment sont les Ranoké. 


Moi (soupirant) : oui, Pff ! Et c’est leur snobisme qui me saoule au plus haut point.


Tout compte fait je n’ai pas posé la question, ça ne sert à rien. Pour connaitre cette famille, je sais qu’elle fera des messes basses derrière mon dos. Déjà le fait que Pierre m’est reconnu à fait couler beaucoup de salive, alors invité Jean-Marie c’est faire entrer la brebis dans une meute de loup. Et les réflexions du genre il n’a même pas honte de se pointer sachant que c’est un autre qui paie le « mariage » de sa fille, je ne supporterai pas. Je me connais ! Et lorsque je pète ça sort comme ça sort. 


On a passé toute la matinée à nettoyer la maison, la cour, pour demain. Farah est allée chez sa grand-mère paternelle. Elle adore son côté paternel autant que j’adore mon côté maternel. Et comme dit mamie pourquoi ne pas lui avoir donné le prénom de cette grand-mère la ? Elle est proche de sa grand-mère exactement de la même manière que je le suis avec mamie. Elle fait le contraire de ce que je fais, en tout et pour tout 


Yanis (me regardant) : Liette on peut partir maintenant ?


Moi (souriante) : Il faut demander les clés de voiture à ta mère  


Yanis : Okay, j’arrive 


Mamie : Comme ça vous me déposez aussi chez moi 


Moi (surprise) : Tu ne passes pas la nuit ici ?


Mamie : Et ma maison alors ? 


Moi : Okay 


Hiel : Vous allez où comme ça ? 


Moi (levant les yeux) : Je vais laisser Yanis chez un pote et mamie chez elle 


Hiel : Okay, je viens avec vous alors 


Yanis (me remettant les clés) : Maman a demandé de faire doucement avec sa caisse 


Moi (amusée) : Lol 


Les garçons ont chargé les affaires de mamie dans le coffre de la voiture et nous sommes sortis de la maison. Ça fait du bien de voir autres choses, de respirer autre chose, que l’air des Ranoké. Nous avons déposé mamie, ensuite Yanis. Hiel et moi sommes allés prendre un verre histoire de tuer le temps, il me racontait ses histoires de cœurs [rire]. La jeunesse ! Ensuite nous sommes repartis prendre Yanis avant de rentrer à la maison et de tomber sur Farah et sa grand-mère. Je fais la comédie avec cette famille autant qu’elle fait la comédie avec moi. Je suis même sûre et certaine que lorsqu’elle me fait les bises, elle m’insulte dans son cœur. [Rire] Comme je m’en fiche 


Géraldine (me regardant) : Tu es prête ?


Moi (soutenant son regard) : Prête pourquoi ? 


Géraldine (sourire jaune) : Mais pour les fiançailles non ?


Moi (répondant à son sourire) : Présentations


Farah (intervenant) : Mamie tu viens ? Papa te fait appelle 


Géraldine (me regardant) : Fiançailles, présentations, tout ça c’est la même chose non ? Puisqu’après tes études si vous décidez de vous marier, il n’aura plus besoin de venir se présenter chez nous ! 


Moi : Hum 


Géraldine (me fixant) : Il faut nous rejoindre dans le séjour, j’ai envie de te parler devant tes parents 


Moi (le cœur battant) : Il y a un souci ?


Géraldine (sortant de la cuisine) : Viens simplement t’asseoir 


Farah m’a regardé de travers en sortant de la cuisine [Pff]. C’est le cœur battant que je suis allée prendre place parmi eux. Je n’aime pas lorsque toute l’attention est portée sur moi, ça me met mal à l’aise. Vraiment.


Géraldine (me regardant) : Je n’ai pas voulu te prendre en aparté, je préfère qu’il y ait des témoins dans ce que je vais dire. Et je souhaite aussi que Farah y assiste [tu m’étonnes] parce que ça la concerne aussi, demain ou après-demain se sera son tour. Tu as décidé que tu étais en âge d’aller t’installer chez un homme, de sortir de la maison de ton père [c’est ça]. Que les choses soient claires, personne ne t’a mis à la porte. 


Moi : … 


Géraldine (me regardant) : Demain, la famille de ton bon ami se présentera devant nous. Nous sommes une famille respectable et respectée, une grande famille. Les choses de la honte nous n’en voulons pas. En allant t’unir avec ton bon ami, c’est la famille Ranoké que tu unies à la famille Igouwet. Tout ce que tu feras bien comme mauvais, fera référence au nom Ranoké donc à nous tous.  Je me répète, les choses de la honte nous n’en voulons pas ! Je tiens à mettre un point d’honneur dessus, ce nom Ranoké c’est un grand nom. Tu as eu la chance [Pff] de le porter alors tu dois le respecter, respecter ton père, ton grand-père, tous ceux qui avant toi et après toi ont porté et portent ce nom. 

La France là c’est la dixième province du Gabon, c’est comme si tu étais à Libreville et moi à Mouila. Tout se sait ! Tu veux vivre ta vie de couple ? C’est une très bonne chose, tu apprendras que personne n’est parfait. Tout le monde fait des erreurs mais on apprend à se lever et à continuer. 

Sache aussi que tu pourras sur dix actes poser neuf bonnes, mais si sur la dixième tu commets une erreur c’est sur cette erreur que tu seras jugée, car les gens ont une mémoire sélective. Qui te juge toi, juge ton éducation, qui juge ton éducation juge ta famille. Donc attention Juliette, attention ! Je te parle parce que je te connais, je connais ton tempérament. Je sais qu’une fois que la moutarde monte c’est jusqu’à l’explosion, j’en ai déjà fait les frais. Tout le monde assis ici en a déjà fait les frais directement comme indirectement. On tolère parce qu’on va encore faire comment, c’est comme ça que Dieu t’a fait. Mais autrui ? Ils ne seront pas aussi tolérant que nous. Donc attention.


Nous : …


Géraldine : Voici ce que j’avais à te dire. [Regardant son fils] Tu veux ajouter quelque chose Pierre ?


Pierre (la regardant) : Non, tu as dit ce qu’il fallait dire. [Regardant maman] Aina ? 


Maman (me regardant) : Comme l’a dit ta grand-mère, personne ne te chasse. Ce qui veut dire qu’à tout moment tu peux rentrer. Ce n’est pas un mariage ou des fiançailles, mais des simples présentations afin qu’on sache avec qui notre enfant a décidé de vivre. 


J’ai voulu crier MERCI ! Toi au moins tu comprends, rien que des présentations. Pas de bague, pas de dot. Rien ! Juste des présents que la famille de Georges déposera ici, c’est tout. Les Ranoké toujours dans l’exagération, j’ai même l’impression de me marier entre temps ce n’est pas le cas. [Soupir] 


J’ai fini par me lever du banc des accusés en allant dans ma chambre, mon havre de paix, ma forteresse. On a chacun notre chambre, ce qui est une bonne chose dans cette maison. Je supporte déjà Farah en France, s’il fallait partager la même chambre ici je serais allée chez mamie. Enfin bref ! Je me suis rendue compte que je n’ai pas touché à mon téléphone de la journée, il était toujours en charge depuis hier soir. Au même moment il s’est mis à vibrer, c’est l’enfant Igouwet.


Moi (décrochant) : Oui ?


Georges : Tu es sérieuse Juliette ? 


Moi (l’air de rien) : Quoi ? Qu’est-ce que j’ai fait ?


Georges (me criant dessus) : Non mais tu me poses la question ? Tu n’as pas vu mes appels en absences Hella ? 


Moi (calme) : Et pourquoi tu me cries dessus ? 


Georges (hurlant dans mes oreilles) : Parce que j’essaie de te joindre depuis ce matin putain

Clic.


Je lui ai raccroché au nez en fermant complètement mon téléphone, il est bien malade cet enfant. Tchip ! 


+++ Chez les Igouwet +++


***Georges***


Moi (le téléphone pendu à l’oreille) : Allô ? Hella ? [Regardant l’écran] Elle vient de me raccrocher au nez. 


J’ai de suite relancé l’appel, c’est sur son répondeur que j’ai atterri ! Fou de rage j’ai envoyé mon téléphone contre la porte de la chambre. 


Franck (ouvrant la porte) : C’est quoi ce bruit ? [Regardant au sol] Ce n’est pas ton phone ça ? [Le ramassant en me regardant] C’est quoi le problème ?


Moi (furieux) : Depuis ce matin j’essaie de joindre Hella, comme un con je n’ai pas arrêté de me faire du sang d’encre, et lorsque je réussi enfin à l’avoir madame me raccroche au nez en fermant son téléphone.


Franck (s’asseyant sur le lit) : Et c’est comme ça que vous envisagez de vous installer ensemble ? Comme ça ? Avec son mauvais caractère là ? 


Moi (me calmant) : …


Franck (me regardant) : Je ne sais même pas comment tu fais pour la supporter Georges. Ce genre-là il y a bien longtemps que je l’aurais envoyé piètre 


Moi (souriant) : C’est elle qui t’aurait envoyé piètre oui. Pff !  


Franck : Tu devrais être plus ferme avec elle, ma meuf ne peut pas me manquer de respect de la sorte. Ah ça non ! Elle sait avec qui faire ce genre de chose, ses parents si elle veut. Mais moi l’enfant Igouwet ? Lol ! J’aimerai bien voir ça 


Moi (soupirant) : Elle fait ça parce que nous sommes ici, en France elle ne se comporte pas de la sorte ! [Prenant mon téléphone] Je vais encore essayer de la joindre [sortant de la chambre].


Je suis complètement sorti de la maison en allant faire les cent pas dans le jardin téléphone pendu à l’oreille, c’est la sixième fois que j’appelle mais je tombe toujours sur son répondeur. Elle sait très bien que j’ai horreur de ça putain ! J’ai le numéro de Farah mais connaissant leur antécédent je doute fort qu’elle me passera sa sœur ou même que sa sœur acceptera de répondre au téléphone. Cette situation m’a soulé au point où je me suis rendu dans la maison prendre les clés de la voiture en me rendant chez les Ranoké, je sais déjà qu’elle pétera son câble mais ce n’est pas grave j’y vais quand même. 


Je me suis garé sur le bas-côté en allant sonner devant son portail. Après quelques minutes d’attente, Petit-Papa m’a ouvert et je me suis dirigé suivi de leurs trois gros chiens devant la porte d’entrée. 


[Ding Dong]


Yanis (ouvrant la porte) : Bonsoir Georges


Moi (le regardant) : Ça va ?


Mme Ranoké (derrière Yanis) : Mais laisse-le rentrer Yanis 


[Ce qu’il fait en fermant la porte derrière moi]


Moi (timide) : Bonsoir, excusez-moi du dérangement


Farah (se levant de sa chaise) : Pff ! 


Moi : C’est possible de voir Juliette ?


Yanis : Je vais l’appeler 


Mme Ranoké (me regardant) : Mais assois toi Georges 


Moi (souriant) : Oh non ça va, je ne suis pas venu mettre du temps 


Au même moment Yanis et sa sœur sont apparus dans la salle à manger et Juliette est passée devant moi en sortant de la maison, la mine bien froissée. J’ai fait un sourire timide à ses parents avant de la rejoindre à l’extérieur, elle est complètement sortie de leur concession en allant se mettre devant mon véhicule les bras croisés. 


Moi (la fixant) : Tu m’expliques ?


Liette (soutenant mon regard) : C’est à moi de t’expliquer quelque chose ?


Moi (haussant le ton) : Pourquoi tu n’as pas décroché à ton téléphone de la journée ? Et pourquoi lorsque tu le fais, tu me raccroches au nez en le fermant ? 


Liette : Parce que tu m’as saoulé Georges 


Moi (encaissant le coup) : Ah bon ?


Liette : Oui ! Tu te comportes comme un con, je ne sais pas moi ! Tu m’appelles toutes les cinq minutes il y a quoi ? Tu penses que si j’avais eu un problème tu ne devais pas être informé ? Tu es tout le temps sur mon dos et ça commence sérieusement à me faire chier 


Moi (déverrouillant ma voiture) : J’ai été con de m’inquiéter 


Liette (se mettant sur le côté) : C’est toi qui le dis 


Moi (m’énervant) : C’est moi qui le dis ou bien c’est toi qui me fais me sentir con ?


Liette : Je ne t’ai jamais demandé de passer et de te comporter en con ! Si tu t’en es rendu comptes bah tant mieux. 


Moi (donnant un coup de poing sur la carrosserie) : Merde !


Liette (me regardant) : 


Moi (hors de moi) : Si au lieu de te replier sur toi-même à chaque fois que quelque chose ne va pas, tu venais m’en parler tu crois que je serais tout le temps derrière toi à chercher à comprendre ce qui ne va pas ?  Je dois toujours courber l’échine avec toi parce que madame ne le fera pas ! C’est ce qui se passera une fois qu’on aura emménagé ensemble ? 


Liette (me fixant) : Rien ne t’y oblige Georges, tu es libre de tout annuler, d’y mettre un terme ! Parce que je ne compte pas changer ma manière d’être.


Moi (ouvrant la portière) : Je préfère m’en aller, sinon je risquerais de sortir des mots que l’on regrettera tous les deux ! Et s’il te plait ferme ta gueule jusqu’à ce que je m’en aille. [M’installant dans la voiture] Merci ! [Ferment la portière]. 


J’ai mis le moteur en marche et Liette s’est mise sur le côté afin de me permettre de m’en aller. Elle me fout les nerfs, elle me fout sérieusement les nerfs ! C’est demain que mes parents se rendent chez les siens et elle me demande d’annuler ? [Rire nerveux] La veille ? [Me passant la main sur le visage] Je suis rentré chez moi en traçant directement dans ma chambre, en esquivant toute la famille qui se trouvait dans le séjour. J’ai pris ma douche et je me suis couché, pas la tête à rigoler. 


La rencontre se passe dans l’après-midi, à quatorze heures nous étions devant le portail des Ranoké toute ma famille et moi. Depuis que j’ai quitté mon lit ce matin j’ai la mine attachée, je n’ai toujours pas digéré les propos de Juliette. Toujours pas ! Je fais juste bonne figure pour ma famille et parce que c’est ce que j’ai voulu, sinon je ne devais même pas me donner cette peine. 


Nos deux familles étaient assises chacune en face de l’autre, c’est mon oncle qui a pris la parole en nous présentant et en expliquant les raisons de notre présence. Mon regard était posé sur Juliette, sur le sourire qu’elle affichait. Et sans m’en rendre compte, ma colère s’est dissipée. Je me suis surpris à sourire moi aussi, bêtement jusqu’à ce que son regard croise le mien. Comme ce ne sont que des simples présentations, nous ne sommes pas allés en profondeur comme s’il s’agissait des fiançailles. Les pourparlers ont été courts et brefs, pas besoin de tirer en longueur. 


Juliette était rayonnante et surtout de bonne humeur, je l’ai prise dans mes bras en faisant le tour de ma famille ensuite la sienne. Dans moins de deux semaines on rentre en France faire ses affaires et s’installer dans notre nouvel appartement, elle n’a pas voulu que je garde le mien. Nous allons en terrain neutre tous les deux, ce qui est une très bonne chose j’avoue. 


À vingt heures il ne restait presque plus personne des deux côtés, demain reprise du boulot pour certain. Après avoir passé une aussi longue journée riche en émotions, la fatigue n’a pas tardé à se lire sur le visage de plusieurs personnes. Je suis resté lover ma copine devant chez elle, l’incident d’hier était de l’histoire ancienne.


Moi (la regardant) : Maintenant tu as un accès VIP chez moi


Liette (soutenant mon regard) : Chez tes parents tu veux dire 


Moi (souriant) : Oui chez mes parents


Liette : Si c’est une manière de me dire que je peux passer la nuit là-bas, c’est non 


Moi (soupirant) : Ok. 


Liette (se dégageant de l’étreinte) : Je vais donner un coup de main


Moi (la regardant) : C’est notre soirée Juliette, si tu restes là dans mes bras personne ne te blâmera pour ça. 


Liette (me faisant un bisou) : Bonne soirée 


J’ai préféré ne rien ajouter, nous sommes entrés dans la concession. Elle pour donner son coup de mains et moi dire au revoir à ses parents, ensuite je suis rentré chez moi. Elle est tellement bornée cette fille, que lorsqu’elle décide de faire quelque chose elle le fait que je veuille ou pas. Dans ces moments je préfère m’effacer et la laisser faire comme maintenant sinon on partira au clash. Je ne suis pas d’humeur pour ça, et je n’ai pas envie de nous gâcher ce moment. 


En France elle est complètement à l’opposé de ce qu’elle est lorsque nous sommes au Gabon. Je crois que sa famille a une très mauvaise influence sur elle, mais comme elle ne se confie jamais à moi sur ce sujet-là, il m’est très difficile de savoir pourquoi elle adopte ce comportement lorsque nous sommes ici. Elle ne se rend pas compte qu’elle me frustre plus qu’autre chose, je me torture les méninges à deviner ce qui ne va pas, qu’est-ce qui s’est passé, pourquoi cette humeur, cette mine. Elle me rend tout simplement fou en me laissant dans le questionnement. [Soupirant]


***Liette***


Maman (essuyant les verres) : Qu’est-ce que tu fais encore là ?


Moi (la regardant) : Comment ça ? Je dois me rendre quelque part ?


Maman (levant les yeux) : Non, mais je pensais que tu étais partie avec Georges


Moi (lui donnant un coup de main) : Han ? Non, je voulais vous donner un coup de mains.


Maman (me fixant) : Tout va bien entre vous ?


Moi (soutenant son regard) : Oui


Maman : Je pose la question parce qu’en partant il avait l’air dépité !


Moi (haussant les épaules) : Bof ! Il a tout le temps l’air dépité ces jours-ci, ce n’est pas nouveau


Maman (souriant) : Okay


Farah (devant la porte) : ma…man


Maman (levant les yeux) : Oui ?


Farah : Laisse tomber [s’en allant] 


Maman (me regardant) : Vous ne vous adressez toujours pas la parole ?


Moi (levant les yeux) : Pour chercher quoi ? Elle fait ses gamineries bah qu’elle continue, je n’ai pas de temps à lui consacrer 


Maman (soupirant) : Avant de repartir invite la prendre un verre au restaurant, faites quelque chose Liette. Si j’interviens Farah pensera que c’est pour toi que je le fais. [Les larmes aux yeux] Ça me fait de la peine de vous voir vous déchirez de la sorte, c’est toi l’ainé alors prend les devants et réglez cette histoire. [Me regardant] Tu veux bien ?


Moi : Maman à chaque fois c’est la même chose, c’est moi l’ainée et c’est toujours moi qui vais vers elle. Qu’est-ce que ça change ? Rien ! Elle est en compétition avec moi pourquoi ? Je n’en ai aucune idée. 


Farah (derrière nous) : Lol ! Je vais être en compétition avec toi que tu as quoi Juliette que je ne peux pas avoir ? 


Moi (me retournant) : Alors c’est quoi ?


Farah (haussant la voix) : Le problème c’est toi ! Il y en a toujours que pour Liette chez maman et chez mémé [Farah]. Tu es envahissante Juliette ! Une fois que tu es là, il faut que tout le monde te prenne en pitié. Pauvre Liette c’est elle qui n’a pas de père, c’est elle qui a eu une enfance malheureuse, c’est elle qui vit avec son beau-père, c’est elle qui est martyrisée etc. Alors que c’est faux ! Papa s’occupe de toi, jamais je ne t’ai vu le remercier. Jamais ! Tu as décidé de partir de l’appartement, c’est lui qui payera où tu iras vivre et ton école. Et pour ça tu n’es même pas reconnaissante et c’est ce qui m’agace ! Tu te comportes comme si c’était une obligation pour lui de s’occuper de toi. Lorsque ton père traine partout dans cette ville, que jamais il ne t’a passé un coup de fil en te souhaitant joyeux anniversaire. Jamais ! Tu es contre mon père Juliette, tu es contre moi ! Le jour où tu montreras du respect pour cet homme, tu auras le mien. 


Moi (la regardant) : Lol ! Je ne lui ai rien demandé


Maman : Juliette !


Moi : Non, c’est la vérité maman ! Lorsqu’il a décidé de s’occuper de moi, c’était pour attendre une quelconque reconnaissance de ma part ? Et laquelle ? Je dois me mettre à quatre pattes et lui baiser les orteils ? Tu fais ça Farah ? La reconnaissance dont tu me parles c’est laquelle ? Que tu le fais toi ? Ou bien c’est parce que je ne suis pas sa fille biologique que je dois à chaque fois que je reçois mes virements lui écrire une bible de remerciement ? Mon père traine Farah, oui et alors ? Toute ta famille et toi passez votre temps à me le rappeler et vous vous étonnez que je prenne mes distances vis-à-vis de vous ? Mon père traine et alors Farah en quoi ça te regarde ? Tu es qui pour ouvrir ta bouche et médire sur sa personne ? Tu as le droit de lui manquer de respect, de parler avec dédain parce que ce n’est pas un commandant des douanes, ou un ministre dans ce pays ? Je ne pense pas avoir parlé ainsi de ton père une fois, si j’ai quelque chose à dire je le fais devant tout le monde sans passer par X ou Y. Que ça plaise ou pas ! Je ne me sers pas de maman pour faire passer mon message, j’ai une bouche et une très grande pour le faire moi-même. Alors la reconnaissance que tous les Ranoké attendent devait être le fait que je réussisse, que je sois diplômée et trouve un boulot, au lieu de tout le temps me faire le bruit et d’essayer de me rabaisser en me parlant de Jean-Marie Hella ! Sinon pourquoi m’avoir fait porter le nom Ranoké ? 


J’ai laissé ce que j’étais en train de faire en allant m’enfermer dans ma chambre à double tour. Maman s’est présentée devant la porte, je n’avais pas envie d’en parler, alors j’ai mis mes écouteurs dans les oreilles et j’ai fini par m’endormir bercer par la musique. Quand j’ai ouvert les yeux, tout était calme. J’ai eu un petit creux alors je suis sortie grignoter quelque chose. 


Il s’occupe de moi, oui il le fait parce que maman ne lui a pas laissé le choix. Et grâce à lui j’ai été dans des écoles conventionnées françaises. Mais s’occuper d’un enfant ce n’est pas lui offrir le matériel et crier sur tous les toits que c’est toi qui le fais et son géniteur ne fait rien. J’aurais même préféré qu’il ne fasse rien mais me prenne comme sa fille et non comme celle de sa femme même si c’est le cas. Je pouvais être malade dans cette maison, faire des jours alités sur mon lit, jamais Pierre n’a frappé à la porte demander si j’allais bien, ce qui ne va pas. À un moment donné il faut qu’on arrête de se foutre de la gueule des gens. 


Il a dit qu’il s’occupera de moi, ce qu’il fait. Mais il n’a jamais dit à maman qu’il m’aimera comme son propre enfant, que si jamais ils venaient à avoir leurs enfants il n’y aurait pas de différence de traitement. Bref ! Il va payer et il continuera à le faire parce qu’il a voulu montrer au monde entier comme j’aime bien le dire que c’est lui le grand Pierre Ranoké, bombé le torse dans la ville à crier haut et fort à qui veut l’entendre qu’il s’occupe de l’enfant de sa femme. Que lui c’est un vrai homme avec grand H, pas la connerie de Jean-Marie Hella. Bien il fera. 


Maintenant si la famille Ranoké n’est pas contente, si elle se sent trop constiper par ça, bah qu’elle prenne des fruits riches en pectine ça leur passera. Tchip ! Toujours les mêmes conneries, toujours le même sujet. Oui Pierre n’est pas mon père biologique, mais lorsque tu acceptes de reconnaitre un enfant n’est-ce pas c’est pour le traiter de la même manière que les tiens, sans distinction aucune ? [Pff] Mieux je m’en vais, j’en ai marre de cette famille ! Ils m’épuisent tous autant qu’ils sont.

Passion: Amour, Orgu...