Chapitre 20

Ecrit par EdnaYamba




Tia Jackson

Assise dans cette sale d’interrogation qui n’a sûrement pas reçu de  coup de balai depuis belle lurette, j'attends Sylvain KAKOU. Elle n’a rien à voir avec la première salle dans laquelle j’ai rencontré Monsieur KAKOU sa première nuit en cellule.  On peut voir des débris alimentaires dans les coins, des taches d’urines dans d’autres qui justifient de l’odeur nauséabonde qui se dégage dans la pièce.

Je me demande comment ils font pour mener leur travail dans une pareille atmosphère.

S’il y a une chose que je  déteste dans la relation avocate-Cliente, c’est qu’on occulte des informations qui pourraient être primordiales pour le dossier. C’est à moi de juger si une information est pertinente ou pas !

Apprendre par Peter que Mireille KAKOU avait eu une relation extra conjugale avec Innocent MAGANGA, m’avait surprise.

Je ne le jugerais pas parce que ce n’est pas de mon ressort de juger qui que ce soit pour ses actes, cependant j’ai besoin de savoir ce qui s’est passé.

Quand il arrive enfin, son état semble meilleur que la dernière fois. Il porte des bandages sur ses plaies.

Je me fais la promesse intérieure de veiller à le sortir de là au plus vite.

Je ne sais pas pourquoi j’accorde à cet homme une confiance aussi aveugle. Je me fie simplement à mon instinct ce qui pourrait m’être préjudiciable pourtant.

Quand il s’assoit, je fronce mes sourcils et prend un air  afin qu’il lise mon mécontentement.

- Qu’est-ce qu’il y a maitre ?

- Vous comptiez me parler de votre femme et de votre patron quand ? demandé-je sans prendre de gants.

Son visage se durcit, il serre les poings de colère.

- Je n’ai pas envie de parler de cette Salo….

Je ne laisse pas finir que je l’interromps.

- N’osez pas terminer ce mot, sinon je me lève et vous ne me reverrez plus ici.

Il est hors de question qu’il insulte sa femme devant moi, peu importe la gravité de ses actes, une femme ça se respecte. 

Surtout quand j’ai été le témoin des luttes de cette femme quand il était dans le coma.  J’aurais le temps d’aller recueillir sa version des faits à elle, aussi.  La société a tendance à blâmer plus durement ce genre d’erreur quand elles sont commises par des femmes.

- Vous allez la défendre maintenant ?

- Je ne vais ni défendre ni justifier son acte mais pour me raconter une histoire vous n’avez pas besoin d’utiliser des propos injurieux à son égard, peu importe le niveau de votre colère. Je vais vous laisser le temps de vous calmer !

Au fond, je sais qu’autant de colère ne cache derrière que la grande déception qu’il éprouve et le sentiment d’avoir été trahi par sa femme pour laquelle il a initié ce projet.

« Maitre Tia, je fais tout ceci afin que Mireille cesse de pleurer ! » m’avait-il dit dans mon bureau.

Menottes aux mains, il se lève et fait quelques pas dans la cellule avec des exercices d’expiration-inspiration. Une fois calmé, il revient s’assoir.

Il présente des excuses pour s’être laissé déborder par les émotions.

Mais qui pourrait le blâmer réellement ?

- Vous êtes pardonné, lui souris-je. Je sais que ça ne doit pas être facile, mais j’ai besoin de savoir ! est-ce la révélation de cette infidélité qui vous a poussé à vouloir mettre le feu ?

- Non maitre, et d’ailleurs je n’ai pas voulu mettre le feu ! je suis all pour récolter des preuves !

Sa version ne change pas malgré l’attrape nigaud que je lui ai tendu !

- D’ailleurs, poursuit-il, jusqu’à ce soir-là, je ne savais pas que Mireille m’avait trompé !

Sa voix trahit sa douleur.

- C’est cette femme qui me l’a dit en se moquant de moi ! j’ai été un imbécile pendant tout ce temps !

- Elle pourrait très bien, vous avoir menti, lui dis-je .

- Mireille a confirmé ! Je ne sais même pas si je suis le père de l’enfant qu’elle porte !

C’est un homme désespéré et abattu qu’on ramène dans sa cellule.

Je range mes affaires et vais à la recherche d’Aaron que je retrouve dans son bureau.

Il m’accueille chaleureusement. 

Je lui fais état des nouvelles informations que je détiens.

Il fallait impérativement avancé avant que Sylvain KAKOU ne soit déféré à la prison centrale.

J’ai besoin de son regard avisé d’inspecteur et de la sagesse dont il fait preuve depuis le début de cette enquête.

D’ailleurs les diplômes accrochés sur son diplôme parlent pour lui.

Sur le mur étaient accrochés, un diplôme d’officier  de l’école nationale supérieure de police, un master en sciences criminelles délivré par l’université de Lyon 3,  divers attestations de stages.

Mon regard se balade dans la pièce pour tomber sur quelques médailles.

Je me rends compte qu’il a vraiment fait preuve de modestie la  première fois qu’on s’est rencontrés.  Il avait presque négligé son parcours ou plutôt n’en avait même pas parlé.

Je suis donc assise en face d’un des meilleurs inspecteurs de la ville !

Je suis admirative.

Tout s’éclaire pour moi, son sens du détail, son analyse minutieuse.

Sur un papier blanc, il retrace toutes les informations que je lui ai données. 

- La seule personne qu’il a jusqu’à présent nommément citée est cette Raïssa MOUSSAVOU ! Alors si tu veux qu’on avance, il va nous falloir commencer par-là ! que sait-on exactement sur elle.

Au final pas grand-chose, tout ce que je sais d’’elle. C’est qu’en plus d’être l’assistance de d’Innocent MAGANGA et de  travailler depuis longtemps à Pharmaco et CO, c’est une peste et une mégère qui se cache sous ses airs de beauté fatale. Et qu’elle a couché avec Peter, ce qui expliquerait peut-être pourquoi je ne l’aime pas ! Mais à part ça, il n’y a pas grand-chose que je sache d’elle.

Il est près de 14 h quand je me gare devant l’immeuble abritant Pharmaco et Co. 

Aaron et moi, pénétrons le luxueux immeuble de quatre étages.

À la réception, une jolie jeune femme au teint ébène, l’allure magnifiquement soignée nous accueille souriante. Elle porte une tenue aux couleurs verte et blanche de leur entreprise et un badge sur lequel on peut voir son prénom : Aurore.

Aaron présente son badge d’inspecteur, et émet son désir de discuter avec Raïssa MAVOUNGOU dans le cadre de l’enquête sur la tentative d’incendie.

La jeune réceptionniste sans perdre de temps annonce l’arrivée et  nous indique  que Madame MAVOUNGOU nous attend au 4 e étage.

Nous empruntons l’ascenseur et quand nous arrivons nous sommes accueillis par sa secrétaire.

- Il serait préférable que tu m’attendes ici, me dit Aaron.

J’aurais voulu être là quand il lui poserait ses questions mais je comprends qu’en tant qu’avocate de la partie adverse je n’ai pas le droit d’assister à leur entrevue. Mais je sais aussi que je peux compter sur Aaron pour me faire le compte rendu.

Il pénètre dans le bureau et la porte se ferme derrière lui.



Aaron MEVIANE

La première chose que je remarque en pénétrant dans la pièce  fut la beauté de Raïssa MAVOUNGOU! Elle  retire ses lunettes à montures au fur et à mesure que je m’approche.

- Je suis l’inspecteur Aaron MEVIANE de la police judiciaire ! me présente-je 

Elle croise ses doigts, assise comme une reine sur son fauteuil, me dévisageant de la tête aux pieds.

- Bien inspecteur  MEVIANE que puis-je faire pour vous ? Asseyez-vous je vous en prie.

Elle nous montre de la main une place assise sur laquelle je m’assois.

- Vous avez déposé une plainte contre Monsieur KAKOU, et nous aimerions avoir votre version des faits. Dis-je

- Je croyais avoir déjà fait une déposition au commissariat, le jour même où il a été arrêté ! Ma déclaration reste la même ! 

- Oui mais il y a quand même quelques zones d’ombres à éclaircir, intervins-je, Vous dites que Monsieur KAKOU a agi par pur vengeance mais il maintient que jusqu’à ce soir il ne savait pas que son épouse avait eu une relation avec Mr MAGANGA.

- Alors il vous a menti ! me dit-elle en me fixant dans les yeux

Elle ne sourcille pas. Impossible de deviner la moindre émotion. 

- Y a-t-il des gens pour corroborer votre version des faits ? demande 

- Mais bien sûr notre agent de sécurité qui l’a pris en flagrant délit peut témoigner ! si vous voulez je peux le rappeler.

Elle se saisit de l’interphone au travers du quel , elle demande à sa secrétaire de joindre  un certain Roger. 

- Si j’en crois les informations que j’ai eue, hier vous faisiez des tests donc il y avait d’autres personnes présentes dans la salle, lui dis-je, est-ce que nous pourrons les contacter eux aussi ?

- Nous avons signé un contrat de confidentialité avec ses personnes, il n’y a aucune information sur eux que je pourrais vous livrer, dit-elle à présent tendue.

On dirait que j’ai touché une corde sensible. 

- Il se peut que dans le cadre de l’enquête, nous en ayons besoin ! lui expliqué-je.

- Eh bien quand vous serez muni d’’un mandat revenez me voir !

Le sang-froid dont elle a fait preuve jusqu’à présent, semble l’avoir quitté.

Elle me toise.

- L’idée n’est pas de vous accuser Madame MAVOUNGOU, le but est de mettre la lumière sur tout ceci !

- Mais je ne me sens pas pour le moins du monde inquiété, dit-elle affichant un sourire narquois

À cet instant, la porte s’ouvre sur un monsieur aussi géant que costaud. Le fameux Roger.

- Ah Roger, nous t’attendons, s’il te plait peux- tu confirmer à cet inspecteur ce qui s’est passé avec Sylvain KAKOU ?

Tel un automate, il nous livre un récit qu’il semble avoir bien appris et s’en va.  Si j’en crois les hématomes que portaient Sylvain KAKOU. Il en est l’auteur.

- Vous êtes donc celui qui l’a rossé de coups ? demandé-je en le fixant.

- Il n’a fait que l’empêcher de mettre le feu, intervint sa patron ! tu peux t’en aller Roger !

Elle regarde sa montre , l’air impatiente.

- Maintenant que tout est clair, enfermé ce monsieur et ne revenez pas nous embêter je vous prie ! dit-elle, s’il n’y a plus rien d’autres à ajouter, j’ai du travail à terminer.

Elle me congédie.

- J’aimerais pouvoir aussi rencontrer Innocent MAVOUNGOU !

- Innocent est en voyage avec son épouse, il ne rentrera pas avant la semaine prochaine ! 

Elle se lève pour me raccompagner à la sortie.

Aussitôt qu’elle voit Tia.  Elles se jaugent du regard.

- Mlle Jackson, quelle surprise je ne vous attendais pas ! je suis occupée,  je ne pourrais malheureusement pas vous recevoir !

- Elle est avec moi ! dis-je 

Sans cacher sa surprise, elle passe son regard de Tia à moi.

- Eh ben l’inspecteur et l’avocate ! attention Tia , Peter est un homme très jaloux , il pourrait ne pas apprécier.

- Vous n’allez pas prétendre connaître mon fiancé plus que moi, lui dit Tia.

- Si on en croit, à ce qui s’est passé entre nous. Peut-être bien.

Elle sourit et si on croit le rouge qui monte aux joues de Tia, elle a réussi son coup. 

- Quoique vous cachez nous le saurons vous savez ! lui  lance Tia 

- Votre Coupable est derrière les barreaux !  continue-t-elle de la narguer, et puis Mademoiselle Jackson, vous savez au moins que cette histoire pourrait porter atteinte à Peter ! je ne comprends pas comment vous pouvez choisir de défendre un homme que vous ne connaissez pas et créer un scandale qui pourrait éclabousser votre fiancé !  Bonne Chance !

Elle ne laisse le temps à aucune réplique qu’elle est retournée à l’intérieur de son bureau.


Raïssa MAVOUNGOU

Du haut  de l’immeuble au travers des vitres, je les regarde qui montent dans la voiture de Tia Jackson.

L’avocate et l’Inspecteur.

Il va falloir que je les mette hors d’état de nuire assez vite. Qui sait ce qu’ils  pourraient faire remonter à la surface s’ils  s’entêtent.

Et je sais qui pourrait s’occuper d’elle.

Je croyais n’avoir plus besoin d’eux mais c’est Blandine qui a raison ! 

Il faut que je fasse un tour dans le quartier.




Justice et Amour