Chapitre 20

Ecrit par Josephine54

Arthur


Je pris mon souffle un bref instant avant de poursuivre mon récit. Je levai les yeux vers Beverly, et son expression apeurée me serra le cœur.

- Je connaissais bien mes amis, et j'étais conscient que ce qu'ils avaient à me proposer n'avait rien de catholique. Mais d'un autre côté, j'avais envie de prouver à mon frère que je pouvais voler de mes propres ailes et, surtout, lui faire comprendre que ce n'était pas parce qu'il payait tout qu'il pouvait m'imposer ses choix de vie. J’étais rentré ce soir-là, la tête pleine de questions. Que faire ? Je devais admettre que j'étais énormément tenté. D'un côté, j'enviais mes amis qui n'avaient l'air de manquer de rien, et de l'autre, j'avais mon frère, qui pensait avoir le droit de tenir les rênes de ma vie. J'avais finalement décidé de les rejoindre. Il était 21 heures et

Je me perdis tout à coup dans mes pensées, leur relatant l'histoire comme si elle se déroulait devant moi, pourtant, cela datait de presque un an maintenant.


Flash-back


Je m’étais soudainement levé de mon lit. J'avais enfilé mes chaussures, mon blouson et étais sorti de ma chambre. Maman était assise à regarder la télévision.

- Maman, j’arrive, lançai-je d'une voix ferme.

- Où vas-tu à cette heure ? demanda maman en se redressant brusquement.

- Je reviens maman, je n'en ai pas pour longtemps.

Maman se leva brusquement du fauteuil sur lequel elle était installée et me rejoignit au pas de course.

- Tu ne vas nulle part, s'écria-t-elle en me barrant la route. Ça fait des jours que je te demande d’aller à Yaoundé. Ton frère a payé tes frais scolaires et ta chambre, mais tu es là à traîner avec des voyous. L’école a commencé depuis des semaines et tu es ici à tourner en rond comme une âme en peine.

- Maman, je n’en ai pas pour longtemps, répétai-je en me dégageant de sa prise.

Je sortis donc de la maison au pas de course et appelai immédiatement Raphaël. Il m'indiqua ensuite où ils se trouvaient et je les rejoignis. Ils étaient au nombre de cinq. C'était leur Q.G. (quartier général) comme l'avait appelé Raphaël.

- Je suis content que tu te sois enfin décidé, lança Achille en me donnant une tape sur l'épaule.

Je n'étais pas capable de dire si j'étais content d'être là, mais comme on le dit si bien " quand le vin est tiré, il faut le boire.".

- C'est quoi le plan, les mecs, demandai-je d'une voix tremblante.

Ils échangèrent un long moment avant que Raphaël ne prenne la parole.

- Je crois qu'on peut lui faire confiance, lança-t-il finalement. Pour ce soir, nous allons simplement surprendre des femmes et leur retirer ce qu'elles ont.


Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)


- C'est-à-dire ? demandai-je, bien qu'ayant compris de quoi il retournait.

Il m'expliqua que nous allions nous positionner dans un coin assez obscur du quartier et agresser les personnes qui y passeraient, majoritairement les femmes. Je comprenais maintenant qui étaient les responsables des nombreuses agressions enregistrées dans notre quartier ces derniers mois.

- Ça te va ? demanda Achille.

Je hochai simplement la tête, la gorge tout à coup nouée.

Nous sommes restés dans leur Q.G., qui était simplement, un abri d'arbre dans une brousse, pendant près d'une heure. Vers 23 heures, nous sommes sortis de là et avons rejoint une ruelle assez obscure. Quelques minutes plus tard, nous vîmes deux jeunes dames s'approcher. Lorsqu'elles arrivèrent à notre hauteur, Raphaël se matérialisa devant elles, un couteau à la main. Bon Dieu, d'où était-il sorti ? Je ne savais pas qu'ils utilisaient des armes blanches.

- Argent, bijoux, portables, lança Achille d'une voix glaciale.

Les dames prirent peur et commencèrent à nous donner tout ce qu'elles avaient.

- Je vous en prie, ne nous faites pas de mal, s'écria l'une d'elle d'une joie déchirante.

- Prenez-tout, mais laissez-nous en vie, renchérit la deuxième en pleurant.

Bertrand, l'un des gars de la bande, récupéra le tout et le mit dans un sac. Il commença à regarder l'un d'elles avec intérêt, mais la voix glaciale de Raphaël le fit détourner le regard.

- N'y pense même pas, nous ne sommes pas ici pour cela.

Nous libérâmes les deux dames et elles s'enfuirent sans demander leur reste. On se déplaça pour changer de position au cas où les dames se seraient plaintes aux gens du quartier.

Nous retournâmes au Q.G. aux environs de deux heures du matin. Nous avions un butin assez consistant. On se partagea les sous et décidâmes que certains d'entre nous se seraient rendus quelques jours plus tard à "l'avenue Kennedy" pour vendre les portables et les bijoux.

L'avenue Kennedy était connue à Yaoundé pour être un lieu de recel et de ventes d'articles volés.

Nous avons continué ainsi pendant deux semaines, faisant deux à trois coups par semaine. J'avais pensé m’arrêter après le premier coup, mais ma part du butin, après partage, me poussait à recommencer, encore et encore...

J'étais actuellement couché dans mon lit quand mon téléphone se mit à sonner. C'était un appel de Raphael.

- Yo mec, ça va ? Es-tu prêt pour ce soir ? Ce sera quelque chose de lourd, pas les miettes comme les autres fois.

Qu'avait-il encore en tête, que pouvait bien être ce projet pour qu'il définisse de miettes nos précédents pillages.

- Retrouve-nous au Q.G. à 23 heures mec.

Après mûre réflexion, je décidai une fois de plus de les rejoindre. J'étais curieux de savoir ce qu’ils avaient en tête. Je sortis de ma chambre vers 22 h 30. Maman était assise au salon à regarder la télévision comme d'habitude.

- Quelles sont toutes ces sorties nocturnes maintenant ? Tu veux me tuer ? Tu n'iras nulle part.

Maman avait tout fait pour me décourager, à croire qu'elle se doutait que j'étais sur le point de dépasser la ligne rouge. Je m'étais obstiné et maman s'était braquée, courant jusqu'à aller me bloquer la sortie de la maison. Je l'avais donc bousculée avant de sortir.

- Tu veux ma mort Mvogo, tu veux ma mort... tu veux déjà commencer à me taper dans cette maison ?

J'étais sorti et étais donc allé rejoindre mes potes. Lorsque j'arrivai au Q.G. Ils étaient tous en train de fumer et à l’odeur qui s'élevait dans les airs, je pouvais aisément me rendre compte que ce n’était pas de la simple cigarette.

- Yo Arthur, wow, tu t’es là, lança Raphael d'une voix qui me sembla surexcitée.

Mon regard croisa le sien et j'eus tout à coup la chair de poule. Son regard était vitreux et il semblait planer sur un nuage.

- Mec, on va y aller d’un moment à l’autre, tu auras bientôt un bon petit pactole en main, avait renchéri Achille d’une voix qui me sembla survoltée.

Mon regard s'était ensuite tourné vers lui et il me faisait presque peur. J’avais de la peine à reconnaître mes potes. J'avais tout à coup senti le regard de Raphaël peser sur moi.

- Mec, tu m'as l'air un peu bizarre aujourd'hui, lança-t-il. Tu as peut-être besoin de te détendre. Tiens, ceci t’aidera.

Il me tendit un joint que je saisis les mains tremblantes.

- Ce soir, nous allons braquer le bar qui se trouve à l’angle de la rue XX, le bar des Mbakop.

Je connaissais parfaitement le bar en question. Il était toujours bondé et j’imaginais qu’au petit matin, la recette sera consistante.

- Nous avons besoin de ceci les mecs, reprit Raphaël en sortant deux armes de son sac à dos.

Mon cœur s'était alors mis à battre de manière désordonnée. Bon Dieu, dans quoi m’étais-je fourré ? Jusque-là, ils avaient juste utilisé des couteaux, jamais des armes à feu.

Raphaël inséra la première arme dans la poche de son pantalon baggy. Il passa ensuite la deuxième à Achille.

- Avez-vous les vôtres les mecs ? poursuivit Raphaël en se tournant vers les trois autres membres du clan.

- Bah, oui, répondirent-ils en chœur.

- De quoi s’agit-il ? demandai-je la voix tremblante.


Roman écrit par Justine Laure (page Facebook Plume de Justine Laure)


- Juste des couteaux, répondit négligemment. Raphaël. T’inquiète mon pote, j’ai apporté le tien. Tu auras certainement besoin cette fois de quelque chose pour te défendre.

Raphaël sortit de son sac un long couteau enveloppé dans du papier journal. Je n’avais pas besoin de le déballer pour savoir qu’il s’agissait d’un couteau. Mon cœur avait accéléré à ce moment sa course effrénée dans ma poitrine. Raphaël m'avait ensuite expliqué qu'ils n'avaient jamais eu besoin de se servir de ces armes et qu'ils en tenaient simplement pour une question de sécurité.

- Ceci va aussi t'être utile, dit Raphaël en me donnant une espèce de masque de visage.

Oh my God !

Raphaël inconscient de mon tumulte intérieur, rapprocha son joint du mien et l'alluma.

- Mec, vas-y, tire un coup, tu verras que tu te sentiras bien. Je peux voir dans tes yeux que tu trembles de peur. Toute cette peur te passera et tu te sentiras léger, dit Raphaël d’un ton encourageant.

Je pris le joint et le portai à ma bouche. J’avais l’impression d’étouffer par la fumée qui s’en échappait. Je pris mon courage à deux mains et tirai le premier coup. J'avais tout à coup l'impression que mes poumons s'enflammaient. Je le jetai brusquement au sol et me mis à fixer les gars d'un air effaré.

- Mais mec, que fais-tu ? exclama Raphaël d'un air furieux en le ramassant.

- Euh...

J’étais en train de chercher mes mots quand le lointain klaxon d’une voiture me fit sursauter. Je tournai un regard paniqué vers les gars.

- T’inquiète l’ami, nous sommes en sécurité ici. Je connais parfaitement le coin. Personne ne viendra nous déranger. Nous devons encore nous mettre bien pendant quelques heures avant d’y aller.

La phrase de Raphaël au lieu de me rassurer, me fit plutôt paniquer. Mon Dieu, que faisais-je ici ? Le fameux dicton « dis-moi avec qui tu marches et je te dirai qui tu es » était donc vrai !

- Euh les gars, je veux bien venir avec vous, mais je ne veux pas fumer ce truc, dis-je d'une voix ferme.

Il m'était déjà arrivé par le passé de fumer de la cigarette, mais jamais du cannabis.

- C'est comme tu veux mec, mais ne nous mets pas dans les problèmes. Ceci t'aide à affronter la situation avec beaucoup de sérénité.

Je m'abstins de répondre. Ils enchaînèrent les joints pendant que de mon côté, la peur occupait une place prépondérante.

- On va y aller, lança Raphaël après près de deux heures. Mon cœur commença à battre de manière frénétique. Étais-je vraiment convaincu d'avoir envie d'y aller ? me demandai-je au fur er à mesure que nous nous rapprochions du bar. Il était déjà une heure du matin et les rues étaient désertes. Nous marchions en causant allègrement, du moins pour eux, pour ne pas attirer l'attention, même s'il y avait très peu de personnes dans les rues.

- Nous y sommes les mecs, lança Raphaël quand nous étions à une cinquantaine de mètres du bar.

Il se mit à donner des instructions pendant que mon cœur, lui, battait à un rythme indescriptible.

- Nous allons y aller maintenant, hurla Raphaël pendant que tous enfilaient leur masque.

Je pris peur à cet instant, réalisant que si je les suivais, je franchirais certainement la ligne de non-retour.

Raphaël et Achille entrèrent dans le bar en pointant l’arme tandis que les autres les succédaient en montrant leurs couteaux.

- Restez où vous êtes et vous verrez que tout se passera bien, hurla Raphaël en pointant son arme vers les différents clients du bar.

Je restai immobile à l’extérieur pendant que mon esprit voyageait à vive allure et mon cœur battait de manière désordonnée dans ma poitrine. Était-ce vraiment la vie que je voulais pour moi ? Tenir tête à Gérard valait vraiment la peine de commettre un tel acte ? Et si cela dégénérait ? Et si un client trop hardi ne se soumettait pas passivement à leurs ordres ? Nous étions tout de même dans un bar, et à cette heure de la nuit, la majeure partie des clients étaient ivres. Nous savons tous que l'ivresse est très souvent accompagnée d'inconscience et d'une altération des réflexes. Et si le propriétaire du bar était audacieux au point de ne pas se laisser faire ? Et si une balle était partie ? Et surtout, s’il y avait mort d’homme ?

Manipulation sentime...