Chapitre 25
Ecrit par WumiRa
- J'ai perdu mes parents très jeune, commença Malik, lorsqu'ils furent au salon et que Maya se fût assise.
Elle était prête à lui accorder toute son attention ; qui n'avait pas envie d'apprendre des choses sur un homme aussi mystérieux que celui ci ? Elle désigna la place à côté d'elle, mais pour une raison qu'elle ignorait, il persista à vouloir rester debout.
- J'avais huit ans quand mon père a été incarcéré pour trafic de drogue et détournement de fonds. Ma mère est morte juste après. Elle s'est faite virée de son travail et s'est retrouvée dans l'impossibilité de pouvoir subvenir à tous nos besoins, parce que plus personne ne voulait être mêlé aux Sylla. Pas même pour la cause d'un petit innocent.
Son regard s'assombrit.
- Mon père a été jugé et condamné à passer le restant de ses jours en prison. Il n'avait pas droit aux visites et ils le tabassaient chaque jour, puisque apparemment, l'argent détourné n'avait pas été retrouvé. Ma mère a perdu tout ce pourquoi son mari avait si durement travaillé, il ne nous ont laissée que la maison dans laquelle nous vivions. Et va savoir pourquoi.
Il se massa le cou.
- Alors elle s'est suicidée, dit-il. Je me suis réveillé un matin et elle était morte. Je devais aller à l'école, mais pour une fois j'avais décidé de me réveiller tôt pour l'aider dans les tâches ménagères, alors je me suis rendu au salon et c'est là que je l'ai trouvée inerte, couchée à même le sol. J'ai alertés les voisins, mais personne n'a voulu venir, ils avaient tous peur ou plutôt ils se foutaient bien de ce qui était en train d'arriver. Elle s'était bourré le ventre de cachet et peut-être qu'elle aurait survécue, si j'avais été plus âgé. J'ignore qui a appelés les secours, mais une fois à l'hôpital, elle n'était plus de ce monde. Je me retrouvais seul et livré à moi même, comme beaucoup d'autres avant moi.
- Personne n'a réclamé le corps ? demanda Maya, d'une voix qu'elle s'efforçait de maîtriser.
C'était horrible. Mais malheureusement, il ne voulait pas qu'on le plaigne et elle respectait parfaitement cela.
- Tu parles, fit-il, de son sarcasme habituel. Le corps a par la suite, miraculeusement disparu.
Il la fixa si intensément, qu'elle en frissona.
- Et à présent, j'ai ma petite idée sur qui a volée la dépouille de ma mère.
- Comment...
- Comment ? C'est simple, je suis immensément riche et j'en ai les moyens.
Elle déglutit.
- J'allais demander...comment tu as atterri dans un orphelinat. Il n'y avait aucun autre membre de ta famille ? Des amis de tes parents ?
- Ils se sont tous volatilisés. Les plus aisés ont quitté le pays et les autres n'ont pas voulu de moi. Enfin, tous sauf une personne.
Maya ouvrit la bouche.
- Mais il faut croire qu'elle a été contrainte de me confier aux affaires sociales, parce que son mari était un fou furieux doublé d'un alcoolique, qui passait la plus grande partie de son temps à la maltraiter. Elle a eu peur qu'il fasse de même avec moi, alors j'ai comme tu dis, "atterri" dans cet orphelinat où j'ai grandi.
Il prononça le mot orphelinat avec une sorte d'amertume.
- J'y ai passé toute mon adolescence, avec d'autres enfants, poursuivit-il. Tous autant meurtris les uns que les autres. C'est là bas que j'ai rencontré Umar, lui il a été déposé devant le portail de l'orphelinat alors qu'il avait à peine quatre mois.
Une larme coula sur la joue de Maya, mais elle l'essuya très rapidement. Puis elle releva la tête.
- Alors, un beau jour les bonnes sœurs vous ont autorisés à partir ?
Malik haussa les sourcils.
- Partir ? répéta t-il. J'ai fugué et j'ai emmené Umar avec moi. Si nous étions restés jusqu'à avoir atteint la maturité, je n'aurais sans doute pas réussi à faire mon premier million à seulement vingt-ans.
La surprise apparut sur le visage de Maya.
- Vingt-ans ?
Il s'assit finalement.
- Umar en a mis plus de temps, mais c'est peut-être parce qu'il n'était pas autant déterminé que moi.
Il tourna la tête pour croiser son regard.
- J'ai débuté en tant que vendeur, dans un kiosque pour journaux.
Devant le regard étonné de Maya, il sourit.
- Tu croyais sérieusement que j'ai héritée d'une quelconque fortune ?
Elle acquiesça, confuse.
- C'est vrai que j'aurais tout imaginé, sauf toi en train de travailler pour qui que ce soit.
- Sans doute.
- Oh, mais c'est sans te vexer. Comment l'as-tu finalement eu, ce million ?
Elle le vit lever la main et l'instant d'après, elle sentit cette main sur sa nuque.
- En travaillant nuit et jour, sans relâche, j'ai lavées des voitures, essuyées des chaussures, aidé dans des cuisines. J'ai fait beaucoup plus que tu ne l'imagineras jamais et il faut croire que mis à part mon nom de famille, les gens m'aimaient bien. En tout cas, ceux qui ignoraient qui je suis.
Elle ferma les yeux, pour savourer le contact de sa main sur sa nuque.
- Qu'est-il arrivé à ton père ? demanda t-elle.
Son emprise se relâcha peu à peu, jusqu'à ce qu'il retire complètement sa main, créant une sensation de vide en elle.
- Désolée...
- Il est mort roué de coup, répondit-il.
- Je suis désolée.
- Pourquoi ?
- Je ne peux pas m'empêcher d'avoir mal pour toi, Malik, c'est plus fort que moi. Ces meurtriers auraient dû pourrir en prison, à leur tour.
- Et si je te disais qu'ils n'ont fait qu'obéir à des ordres ? Ils n'ont fait qu'exécuter ce qui leur a été demandé. Après, l'affaire a été étouffée et ils ont dit qu'il est décédé d'une crise d'asthme.
- C'est très...révoltant.
- Évidemment que si.
La manière brusque dont il prononça ces trois mots surprit Anna.
- Tu sais qui a piégé ton père ? demanda t-elle, interloquée.
- À ton avis ?
- Comment est-ce possible ?
- Les enfants finissent toujours par grandir et ils apprennent la vérité. Aussi dure soit-elle.
- Alors...si je comprends bien, cette personne court toujours, en toute liberté ?
- Pas pour longtemps, en tout cas.
Elle le regarda du coin de l'oeil.
- Explique toi.
Il se leva.
- Je t'en ai assez dit, déclara t-il. Plus qu'à quiconque.
Maya se leva à son tour.
- Oui, mais rassure moi, tu ne comptes quand même rien faire d'irréparable ? Dis moi que si tu dois agir, ce sera de manière à ce que la loi soit impliquée.
La loi ? songea Malik, avec indignation. Cette même loi qui s'était chargée de disloquer sa famille, en favorisant les plus forts ? Au diable la loi.
- Tu...
- Pourquoi as-tu besoin de cette certitude ? s'enquit-il, méfiant. Tu as oublié dans quel pays nous sommes ?
- Raison de plus pour abandonner ton idée de vengeance. Tu ne dois pas te rabaisser au niveau de ces gens, qui qu'ils soient, cela ne te rendra pas ta famille.
Il commença à s'éloigner d'elle. Elle lui prit le bras.
- J'avais raison en disant que tu es quelqu'un de bien, affirma t-elle. Ne gâche pas tout.
- Tu crois ça, parce que je t'ai racontés quelques souvenirs d'enfance ? Tu n'es pas aussi naïve, alors cesse ta comédie.
- Et si je te disais que...je ne veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit de pire que ce que tu as déjà vécu ?
Il retira son bras.
- Garde ton énergie et tes inquiétudes pour toi, tu en auras besoin. Le fait de connaître une partie de mon histoire ne te donne pas le droit de décider de ce qui est juste ou pas.
Il la toisa.
- Qu'est-ce que tu connais à la vie ? Tu crois que c'est semblable à ce qu'on vous montre dans les séries télévisées ? Sais-tu ce que c'est que de grandir en voyant défiler sous tes yeux ce qu'aurait pu être ta vie, si les choses s'étaient passées différemment ?
- Mais tu as réussi ! s'exclama t-elle. La vie t'a donné beaucoup plus que tu...
- Beaucoup plus que je ne l'avais espéré ? coupa t-il. Tu ne sais rien de ce que je veux et non, ma soif de réussite et de pouvoir n'est pas encore totalement assouvie.
- Tu dis ça maintenant, mais une fois que tu auras commis l'irréparable, il n'y aura plus de retour en arrière possible, Malik. Tôt ou tard, tu finiras par avoir des regrets et franchement... Je doute que ce soit ce qu'aurait voulu ta mère.
Elle le dépassa, puis l'instant d'après il se retrouva seul.
Malik se laissa tomber dans le canapé, tandis que ses dernières paroles résonnaient dans sa tête. Il se sentait mal, très mal et c'était toujours le cas à chaque fois qu'il repensait à sa pauvre mère, morte trop jeune pour voir l'empire que son fils avait érigé. Peut-être que si elle avait survécue, il n'aurait pas été à ce point assoiffé de vengeance, parce que le simple fait de la voir heureuse lui aurait suffit. Il aurait réparé les quelques torts causés au nom des Sylla depuis l'arrestation de son père, mais peut-être qu'il aurait fermés les yeux sur la source même du problème ?
« NON », cria la voix de son subconscient.
En un rien de temps, il sortit son téléphone portable de sa poche et composa un numéro.
- Allô, monsieur Sylla ? demanda une voix, au bout de quelques secondes.
- Faites ce qui a été convenu, ordonna t-il, simplement, avec froideur.
Son interlocuteur sembla surpris.
- Déjà ? Il est un peu trop tôt pour...
- Donnez moi une raison de vous virer et je le ferai. Je veux une confirmation que le travail a été fait, demain à la première heure.
- Mais monsieur Sylla, il fait nuit.
- Alors vous avez vingt-quatre heures de plus.
Il raccrocha.
***
Le jour commençait déjà à se lever, quand Malik décida qu'il était temps de regagner sa chambre. Il n'avait pas pu fermer l'oeil, alors il avait passée la plus grande partie de la nuit à suivre un match à la télé. C'était toujours mieux que de devoir dormir et faire des choses dont il ne souviendrait ensuite jamais.
Il n'avait pas toujours été somnanbule. Cela avait commencé à son retour à l'orphelinat, lorsqu'il était parti de chez les Sako, après y avoir vécu durant trois longues années. Au début, personne n'avait rien remarqué d'anormal ; les autres enfants le croyait éveillé alors qu'il dormait. Puis un jour les choses avaient dégénéré et il avait faillit sauter depuis le troisième étage, en pleine nuit. Sans la sœur Léa qui était sorti s'assurer que tous les enfants étaient au dortoir, il se serait probablement brisés les os.
Bien après, sa fuite de l'orphelinat, il n'avait pas songé nécessaire d'aller consulter, il ne tenait absolument pas à être retrouvé. Il n'était pas fou. Il avait juste vécu quelque chose qui ne méritait pas d'être divulgué. La preuve, il avait été tenté d'en parler à Maya, mais quelque chose l'avait retenu. De l'amour-propre ? Non, il s'était assez dégoûté lui-même, pour parler d'amour propre. Il ne voulait pas lui renvoyer l'image du petit garçon traumatisé.
En l'espace d'un moment, il s'était senti apaisé tout juste après lui avoir parlé, mais ensuite il avait fallu qu'elle se mette à jouer à la psy.
Le dos meurtri pour cause d'avoir gardée la même position durant des heures, il se leva.