Chapitre 26
Ecrit par EdnaYamba
Chapitre
26
Isabelle MOUKAMA
Aujourd’hui c’est Lundi, Isabelle
sois forte, me répété-je sur le chemin menant au restaurant.
J’ai arrêté de pleurer devant la
déception, mais je me réveille tous les matins triste, l’homme qui dort dans ce
lit estime ces amis plus que moi, et celle que je considérais comme mon amie,
ma seconde sœur c’est avéré être plus mauvaise que ce que je pensais.
René les a appelés après le
scandale de la dernière fois pour s’excuser en mon nom sans me demander mon
avis, il est revenu me dire :
-
Lydie a dit qu’elle est très déçue
de toi, qu’à cause du restaurant elle va essayer de te pardonner, mais que pour
l’instant elle préfère que vous divisez les jours pour ne pas que vous ayez à
vous croiser. Sauf le lundi où vous ferez les comptes ensemble. Je te conseille
d’accepter !
Il me conseillait d’accepter.
Je ne lui ai pas répondu, je ne
sais pas ce qui me déçoit le plus, lui ou elle.
Dans tous les cas, il faut que je
garde la tête sur les épaules, faire abstraction de Lydie, diriger ce
restaurant et au moment opportun mettre fin à cette collaboration toxique.
Il va me falloir encore faire
preuve de hauteur comme tous les jours qui ont suivis le diner catastrophique qu’il
y a eu chez eux.
Chaque Lundi, au restaurant c’est
à peine si nous parlons, nous n’avons rien à nous dire.
L’atmosphère est lourde. C’est dur
de se tenir devant quelqu’un qui vous a planté un couteau dans le dos et faire
comme si tout allait bien.
J’ai besoin d’encore un peu
d’argent pour monter une affaire à part.
J’arrive. Elle n’est pas encore là.
Je balaye et place les tables les chaises
aidée de la serveuse qui arrive quelques minutes après moi.
Madame la patronne en chef arrive
bien plus tard.
Sans un mot, je prends le cahier et nous dressons la liste des dépenses de la
semaine.
Elle a quand même un sacré culot
je dois l’avouer, venir faire le comptes sachant qu’elle s’est servi dans cette caisse sans scrupules.
Isabelle
sois patiente, Bientôt tu mettras fin à tout ceci. Me dis-je intérieurement
Antoine BOUMI
C’est la rentrée scolaire.
Les tracts de Centr’Affaires avec leur célèbre slogan ‘’ TOUT SIMPLEMENT
MOINS CHER ‘’ ont commencé depuis deux semaines, à circuler dans toute la ville, partout je
vois des parents stressés à cause des longue liste de fournitures. Certains
devront prendre des crédits auprès des banques, avec la crise actuelle
j’imagine combien c’est stressant…
Mais c’est plutôt avec joie que
j’ai payé toute une série de Livres Objectif Bac pour ma fille. C’était
effectivement cher mais Dieu que j’étais heureux de donner autant d’argent au
vendeur.
Chaque année, j’ai vu mes
collègues, mes employés jouer à leur rôle de père. J’ai été un spectateur
frustré, maintenant rien n’est égal au bonheur que j’ai de dépenser pour les
besoins de ma fille.
Je veux qu’elle soit dans les
meilleures conditions d’études, de réussite pour son examen.
J’ai commencé à me renseigner sur
les meilleures écoles en France qui pourraient l’accueillir après l’obtention
de son diplôme, je ne doute pas qu’elle le réussira.
Avec son caddie, nous parcourons
le rayon fournitures scolaires, les prix sont effectivement moins chers mais
quand on a deux voire trois enfants, ça ne l’est pas du tout.
-
Comment les fournitures d’un
enfant de maternelle vont coûter autant cher, encore plus cher que celles de
son frère qui est au collège, se plaint une dame dans le rayon.
-
Ah madame, vous n’imaginez pas
comment ces écoles abusent, approuve une autre dame à côté
-
Et ce sont les banques qui se sont
faits de l’argent comme à chaque fois, soupire un monsieur à côté, avec les
crédits scolaires.
Je devrais peut-être arrêter
d’afficher ce sourire heureux que j’ai sur le visage, ils pourraient penser que
je les nargue mais voir Grcie remplir le Caddie, me rend tellement heureux.
-
C’est bon papa , j’ai fini !
-
Tu es sûr, tu n’as rien d’autres à
ajouter ?
Elle sourit et hoche négativement
la tête.
-
Si de ce côté-là, tu n’as plus
rien à prendre , peut-être ailleurs ? proposé-je
-
Mais non papa, je n’ai pas besoin
de grand-chose en terminale, uniquement peut-être des livres, mais tu en as
acheté tellement déjà que je n’ose plus en prendre. Tu ne vas pas dépenser pour
rien non plus !
-
Je dépense avec joie. Lui dis-je
en l’embrassant sur la tempe, allons à la caisse !
Quand nous sortons du grand
magasin du centre-ville, elle donne un billet
à la caisse placée à l’extérieur pour les orphelins.
-
Et pour les chaussures ? lui
demandé-je
-
J’irais à la gare routière,
regarder une petite basket moins cher ! me dit-elle
-
Ah non ! on va aller à City
sport !
-
Mais papa…
-
Il n’y a pas de mais qui tienne,
Grace tu es mon unique enfant, j’ai de l’argent et si je ne le dépense pas pour
toi, pour qui vais-je le faire ?
-
D’accord, acquiesce-t-elle.
C’est mon devoir en tant que père
de lui donner le meilleur.
Cette année je veux pouvoir agir
comme je n’aurais jamais pu le faire avant.
Elle ressort de city Sport avec
deux baskets.
-
Papa tu devrais avoir un autre
enfant à gâter, me taquine-t-elle alors que nous prenons la route la ramenant
chez son oncle.
-
Pour l’instant je n’ai que toi, tu
devras me supporter ! je te dépose chez ton oncle ou chez ta mère ?
-
Je suis encore chez tonton
Richard, je rentrerais chez maman quand l’école aura vraiment commencé
-
D’accord. Je vais aller veiller un
peu chez ta tante avant de rentrer
Elle me regarde un instant
silencieuse avant de me dire l’air désolé :
-
Tu vas encore rester seul pendant
combien de temps papa ?
Combien de temps je vais rester
seul ?
La réponse est très longtemps.
Il n’y aura pas d’autres femmes
dans ma vie. La sollitude me ronge, mais j’ai pensé à quelque chose, et
j’espère qu’Isabelle, l’acceptera. J’en ai le droit. Elle a profité de Grace
pendant 17 ans, elle a d’autres enfants, pour cette dernière année avant que Grace
ne s’envole pour la France et elle pourrait me laisser l’avoir l’année
scolaire.
J’aimerais sentir une fois au
moins dans ma vie, ce qu’est être un
père, aller la déposer à l’école le matin, récupérer ses bulletins, être fier
de ses résultats, la gronder quand elle fera de bêtises, m’inquiéter quand elle
mettra du temps à rentrer parce qu’elle sera restée travailler avec les autres.
Juste une année , pendant que c’est encore possible.
Quand elle sera à l’université,
elle sera déjà une grande fille, il y a des choses que je n’aurais pu
l’occasion de faire
-
Ça te dirait de venir vivre avec
moi ? lui demandé-je
-
Ce serait bien, mais je doute que
…maman accepte… tu sais ...
-
Je vais essayer d’en discuter avec
elle, à moins que tu ne veuilles pas !
-
Bien sûr que je veux !!!!
-
Donc c’est réglé. Elle va bien ta
mère ?
Je ne peux m’empêcher de poser
cette question à chaque fois que je la vois. J’imagine que comme les autres
fois, elle me répondra : elle va bien papa. Et passera à autre chose, mais
cette fois- ci…
-
Je ne sais… elle n’avait pas l’air
bien
-
Ah bon !? qu’est-ce qu’il y
a ?
-
Je ne sais pas mais quand elle m’a
appelé la dernière fois…elle me semblait pas bien, je connais maman
-
Rappelle là ! lui dis-je
-
Papa …
-
Appelle-la s’il te plait devant
moi !
Elle obéit et lance l’appel.
Je lui demande de mettre son
téléphone sur haut-parleur
Au bout de la troisième sonnerie,
Isabelle décroche
-
Oui, bébé qu’est-ce qu’il y
a ?
Effectivement sa voix a l’air
épuisée, sa voix dénote une certaine lassitude. Je connais ce ton. Je l’ai si
souvent cotoyé quand elle n’en pouvait plus des pressions du village.
Je murmure à Grace de lui demander
si elle va bien.
-
Je voulais savoir si tu vas bien
la dernière fois je t’ai trouvée un peu
triste au téléphone.
-
Ça va Gracie, je vais bien, je
suis juste épuisée avec le restaurant.
Rien de rassurant dans cette
réponse.
« dis-lui que tu arrives
l’aider » murmuré-je à Gracie qui me fait les gros yeux.
-
J’arrive t’aider maman, bisous.
-
Ok à toute à l’heure, chérie.
Elle raccroche.
-
Papa, tu ne vas pas m’accompagner
non ! me dit Gracie ferme
-
Chérie, tu vois bien qu’elle ne va
pas bien ! je te dépose juste et je retourne…
Elle acquiesce à contre cœur, je
sais. Mais je change de direction pour prendre celle du restaurant de sa mère.
Je veux savoir pourquoi elle ne va pas bien. Je connais Isabelle, elle plutôt
renfermée, elle ne s’ouvrira à personne si jamais quelque chose la tracasse.
Quand nous arrivons, je gare la
voiture et descends.
-
Papa qu’est-ce que tu fais ?
-
Attends ce serait mal poli de
venir et de ne pas dire bonjour !
Elle bouge la tête de
mécontentement. Elle a cette expression sur le visage qu’elle tient de moi. Ce
qui me fait sourire.
-
Tonton René, ne va pas apprécier…
-
Je
dis bonjour et je m’en vais. Juste m’assurer que tout va vraiment bien.
-
Juste bonjour et tu pars…
d’accord ?
-
D’accord ! reste dehors…
Elle entre dans la pièce alors que
je m’assois à l’extérieur.
Tous les moyens sont bons pour
voir Isabelle, même si c’est plutôt la curiosité qui m’amène, je veux savoir ce
qui la tracasse, j’attends mais Isabelle
n’arrive pas.
Je vois plutôt une dame sortir de
la pièce.
-
Humm, fait-elle en me voyant.
Tchipps.
Elle piaffe, me toise de la tête
aux pieds avant de prendre le chemin de la route.
Qui est encore cette femme qui me
déteste sans que je ne la connaisse.
Je reste là à retourner mes clés,
impatient quand Gracie sort.
-
Maman arrive ! pardon tu dis
bonjour et tu pars papa !
Elle ne s’assoit même pas, elle
reste debout stressée.
Isabelle sort quelques minutes
plus tard, elle semble fatiguée, épuisée. Le ton de sa voix n’avait pas trahi
ce que physiquement je voyais.
-
Je ne savais pas que vous étiez
ensemble quand grâce a appelé, dit-elle, Bonjour BOUMI
-
Bonjour Isabelle, nous étions
faire les achats pour la rentrée scolaire…
-
Ah oui, fait-elle l’air ailleurs,
c’est vrai qu’elle reprend les cours bientôt
Grace me fait les gros yeux,
impatiente que je me lève.
-
Tu vas bien ? demandé-je sans
transition.
Elle parait surprise.
-
Oui, ça va bien, merci… bon je
vais retourner à la cuisine, merci d’être venue, Grace tu vas avec ton père ou
tu restes…
-
Je reste. Je vais juste
l’accompagner à la voiture.
-
Avant que je n’oublie, j’aurais
besoin de te parler de Grace et de son année scolaire, mais bon une autre fois
quand tu auras l’air bien…
-
On pourra en parler au téléphone…
-
Non c’est un sujet important pour
qu’on en parle au téléphone !
-
D’accord, acquiesce-t-elle, bon
ben au revoir
-
Au revoir, tu es sûre que tout va
bien ?
-
Ça va Antoine, tu peux partir s’il
te plait ! me presse-t-elle.
Je me lève, prend congé encore une
fois avant de prendre le chemin qui mène vers la route suivi de Grace, nous
sommes à mi-chemin quand un monsieur tout nerveux s’avance vers nous.
-
Qu’est-ce que vous êtes venu
chercher ici ? dit-il en s’arretant en face de moi.
Ah le fameux René.
-
Tonton René, c’est mon père…. dit
Grace, il est venu me déposer chez maman !
-
Tu as oublié comment on prend les
taxis ? lui demande-t-il à Grace, Monsieur BOUMI je ne veux plus que vous
approchez ma femme !
Grace Jeannie MOUKAMA
Tonton René est là, menaçant alors
que papa le regarde calme, comme s’il le jaugeait, ce qui doit certainement
encore énervé tonton René.
Je savais que ce n’était pas une
bonne idée que papa vienne ici, j’ai écouté une discussion entre tantine
Mireille et maman la dernière fois, je sais que tonton René n’apprécie pas le
retour de mon père.
-
Est-ce que vous avez compris ce
que j’ai dit ?
-
Ça va être difficile, dit papa
toujours calme, nous avons une fille, nous sommes appelés à nous asseoir
souvent pour discuter de son avenir
-
Vous avez fui vos responsabilités
ne venez pas jouer aux pères exemplaires avec votre histoire sans tête ni queue
A partir de ce moment, les choses
ont dérapé. C’est papa qui a engagé le coup, les deux hommes sont au sol, je
crie de toutes mes forces pour interpeller les gens, et essayant de les séparer ,non pas sans me faire mal au
passage de me faire mal.
Maman et la serveuse accourent alors quelques jeunes là présents sont venus
m’aider à les séparer, je tiens papa d’un côté alors que maman et la serveuse
tiennent tonton René de l’autre.
-
Qu’est- ce que tu n’as pas compris
dans je ne veux pas que tu le revoies !? crie tonton René à maman.
-
Ne lui parle pas comme ça !
dit papa
-
Calme-toi papa ‘il te plait,
supplié-je
-
Je parle comme je veux c’est ma
femme ! et toi Grace tu es de
connivence avec ton père c’est ça ?
-
Laisse l’enfant en dehors de tout
ça ! dit maman
-
Ce n’est plus une enfant qu’est-ce
qu’elle a à venir avec son père ici, après tout ce que j’ai fait pour toi tu te
comportes en ingrate, me dit-il, tu dors chez moi et tu me plantes un couteau
dans le dos, tu veux que tes frères grandissent comme toi c’est ça ? sans
leurs parents ensemble… tu veux qu’ils soient malheureux !
-
Non, essayé-je de me justifier les
larmes aux yeux, attristée par ces propos.
Dieu seul sait que même si je
voudrais voir mes parents heureux ensemble, je sais que je ne supporterais pas
de voir mes petits-frères ballotés entre deux maisons, voir leur équilibre
familial perturbé.
-
De toutes façons ma fille ne vivra
plus avec vous, annonce papa, désormais ma fille viendra vivre avec moi, et si
vous estimez qu’elle vous doit quelque chose faites-moi parvenir la facture je
vous ferais un cheque
-
Vous vous prenez pour qui ?
crie tonton René, lâchez-moi que je lui casse la gueule
-
Quoi ? crie maman ahurie sans
lâcher le bras de tonton René soutenue par les autres, BOUMI ma fille vivra
avec moi !
-
Non Isabelle, c’est à mon tour de
l’avoir et vu qu’elle a été un fardeau pour ton mari, tu comprendras que je
préfère m’en charger, maintenant allons !
Il me tire la main et nous
arrivons jusqu’à la voiture.
J’avais imaginé un meilleur scénario.