Chapitre 26 : Séance de travail
Ecrit par Sandy BOMAS
VANESSA
J’étais un peu nerveuse à l’idée de devoir travailler avec Stanley. « Allez ! Tu es une professionnelle tu ne vas faire que ton job et tout se passera bien !... »
J’arrivais à BGFI un peu avant l’heure du rendez-vous. Je m’étais assise dans un fauteuil à l’accueil en attendant qu’on m’annonce.
Une fois devant la porte du bureau de Stanley je me recoiffai et me parfumai rapidement, «N’oublie pas que ce n’est pas un rendez-vous galant, tu es là pour bosser ! » Une fois rafraichie et mes cheveux bien recoiffés : je cognai deux fois à la porte et attendis que le maitre des lieux veuille bien m’inviter à entrer.
Dans son bureau, Stanley était en train de donner des recommandations à son assistante. Elle était pendue à ses lèvres buvant toutes ses paroles comme une assoiffée. « Qu’est- ce qu’elle a, à le regarder comme ça ? Tchiiip ! » Et lui complètement indifférent, continuait de donner des consignes sur je ne sais quoi. Du coup j’étais restée debout sur le seuil de la porte sans savoir si je devais entrer dans le bureau ou faire demi-tour. « Il m’a bien demandé d’entrer je n’ai quand même pas rêvé … » Je restai là comme une imbécile pendant un bon petit moment.
Stanley leva enfin son visage vers moi sourire aux lèvres.
-Tu comptes rester debout devant cette porte toute la matinée Vanessa ?
-Heu….En fait…
-Avance et assieds-toi. Coupa- t-il en me désignant le fauteuil vide en face de lui, puis il se retourna vers son assistante.
-Vanessa est la sœur de Victoria de JVP & Co que nous avons rencontré il y a quelques semaines, c’est désormais elle notre interlocutrice.
La dame se contenta de hocher la tête puis me regardait de la tête aux pieds comme si elle cherchait à déceler un truc louche sur moi.
« Elle joue au chien de garde ou quoi la vieille ? Tchiiip »
-Tu peux nous laisser Clotilde.
Le léger claquement de la porte et les pas de l’assistante qui s’éloignaient dans le couloir indiquaient que nous étions à présent bel et bien seuls dans ce bureau.
-Comment vas-tu Vanessa ?
-Bien merci. Et toi ?
On se serra la main. J’avais adopté un ton que je voulais plutôt neutre et cordiale. « Si je veux m’en sortir saine et sauve il vaudrait mieux que je marque la distance dès maintenant. »
Les yeux rieurs il esquissa un sourire qui me laissait contempler ses belles dents blanches avant de me répondre d’un ton tout aussi cordial que le mien.
-Je vais bien merci. Ta sœur m’a dit que tu avais eu quelques soucis de santé…
-Tout est rentré dans l’ordre…Je vais beaucoup mieux fis-je expéditive.
-Heureux de te savoir d’attaque.
Puis il enchaina de suite avec le travail.
-Victoria nous avait fait une présentation assez complète de vos services, comme tu es celle qui reprend le dossier, je suppose qu’elle t’a fait un compte rendu de nos échanges ?
-Oui, effectivement elle m’a donné toutes les informations dont j’aurais besoin pour reprendre aisément le dossier. J’ai d’ailleurs fait une simulation avec les emplacements que nous avons choisis pour vous.
Je sortis ma tablette.
-Voici un premier aperçu de ce que sera votre campagne.
Tout en m’adressant à Stanley je tournai ma tablette vers lui. Je continuais à faire ma présentation et sans faire exprès mes doigts effleurèrent les siens et je reçus comme une décharge électrique.
-Aie !
« C’est quoi ça ? »
Je retirai rapidement ma main.
-ça va ?
-Oui…Répondis-je un peu perturbée…
-Electricité statique…Se contenta- t-il de me dire…
« Tu m’étonnes que l’atmosphère soit chargée…. »
Il se racla la gorge et sur ses lèvres se dessina un sourire auquel je répondis poliment en faisant l’effort sur humain de rester concentrée sur ma présentation.
« N’oublie pas que tu es là pour le travail Vanessa ! »
-Un café ?
-Heu… Pardon ?
-Veux-tu un café ?
-Oui j’en prendrais bien un merci…
Je me sentis toute bête du coup. Mais lui aussi quelle est cette idée de me sortir « café ? » sans aucune transition ?
« En tout cas j’espère que le café m’aidera à garder les idées claires »
Quand Stanley se leva pour aller préparer le café, j’en profitai pour le regarder à son insu.
-Tu le veux comment ton café ?
-Avec un peu de lait et deux morceaux de sucre s’il te plait.
- Ok…
On reprit notre séance de travail.
-Je vois que vous avez mis un accent sur le centre- ville. Et-est ce qu’il y a une possibilité d’être vu sur les grands axes, comme le Boulevard Triomphal ?
-Oui il y a le Boulevard Triomphal et le tronçon qui aéroport-Owendo* (nom d’une commune). Mais il faudrait que je m’assure des disponibilités.
-Ok…
-Tu as d’autres questions ?
-Heu non …Je ne pense pas….Ta sœur et toi-même m’avez apporté toutes informations dont j’avais besoin…
-Après nous ce qu’on propose aussi au client s’il le désire, c’est de lui montrer l’emplacement de nos panneaux afin qu’il les visualise mieux.
-Et on peut le faire quand ça ?
-Tout dépend du client….
-On peut y aller maintenant ?
-Quoi là tout de suite ?
-Oui…Pourquoi tu as un autre rendez-vous après ?
-Non j’ai réservé ma matinée pour toi, enfin je veux dire pour la banque.
Il sourit.
-Oui j’avais compris….Je te laisse terminer le café et on y va ?
-Tu me donnes des ordres maintenant ?
-Non pas du tout, c’est juste que j’ai hâte découvrir les emplacements qui nous seront attribués…
Je pris une gorgée de ce qui restait de mon café et éteignis ma tablette.
-Je suis prête on peut y aller.
Stanley pris sa veste, et ouvrit la porte de son bureau.
-Après toi…
« Vais-je sortir vivante de cette visite ? »
DEUX MOIS PLUS TARD
J’avais eu peur de travailler avec Stanley pour rien. La visite de visualisation des panneaux c’était bien déroulée. Dans l’ensemble je le trouvais fort sympathique et doté d’un professionnalisme irréprochable.
Cependant, je restais intriguée par les contrastes qui caractérisaient cet homme, tantôt joueur de moungongô le week-end, tantôt jeune cadre dynamique la semaine. Quand je sortis des locaux de JVP&Co la nuit était en train de tomber sur la ville.
Je n’avais pas envie de rentrer chez moi pour enregistrer avec Olivier un épisode inédit « d’histoire sans paroles», je décidais donc de faire un tour à Owendo chez les parents.
Je remontais la grande allée de la maison familiale. Je m’arrêtais un moment pour humer le doux parfum de fleurs qui embellissaient la demeure. La douce senteur des bouganvilliers me ramena directement en enfance. « J’aime ces fleurs ! »
-Bonsoir Madame !
Interrompue, je me sentie bête sur le coup. « On va encore dire que ce sont les choses des white ! »
-Bonjour Adama ! Maman est là
-Oui Madame elle vient de rentrer.
-Et Papa ?
-Monsieur n’est pas encore là
-Ok ….
Adama c’était le gardien, il s’occupait aussi de quelques petites bricoles par ci par là que Maman lui confiait. Il prenait son travail au sérieux et était de loin différent de celui de Cynthia qui se la coulait douce et le mien qui venait travailler quand bon lui semblait.
-Kôkôkô ! Il y a quelqu’un ici ?
-Samba !
Dans une grande accolade Maman me prit dans ses bras ? « Comme j’aime qu’elle m’étreigne ! Ses bras ont quelque chose de bénéfique. »
Elle me libéra de son emprise, fit un pas en arrière comme pour bien me regarder.
-Tu vas bien mon bébé ?
-Un bébé qui a déjà les cheveux blancs !
On rit de bon cœur.
-On dirait que tu as maigri….
-Certainement, tu sais je travaille beaucoup Maman…
-J’espère que c’est vraiment le travail hein ? Et que ce n’est pas mon beau fils qui t’embête !...
-Non ne t’inquiète pas pour ça Maman, tout va bien….
Je me dirigeai dans la cuisine et changeai rapidement de sujet.
-ça sent bon dans ta cuisine ! Qu’est-ce que tu as préparé de bon ?
-Regardez-moi la gourmande !
-J’ai trop faim Maman pardon…
- C’est ton plat favori : poisson salé aux aubergines et aux crevettes.
-Avec la banane mûre ?
-Avec la banane mûre !
-Ah vraiment c’est ce qui s’appelle avoir le bon sang ! C’est pourquoi depuis le matin un cœur me disait de venir ici !
-Huuuum Vanessa gourmande ! Une femme ne doit pas aimer la nourriture comme ça !
-La brimade sur les femmes et la nourriture là c’était à ton époque Maman.
-Sinon ça va ? Ça fait un moment qu’on n’a pas vu Olivier….
Le simple fait qu’elle aborde ce sujet avait réussi à me couper l’appétit sur le champ.
Je laissai tomber ma fourchette, poussai une grande inspiration en me dépêchant de trouver une réponse qui n’allait pas attirer l’attention de ma mère quant à la situation actuelle entre Olivier et moi.
-En fait….C’est que….En ce moment il a beaucoup de travail….
-Huuuummmm….
« Aie ! Elle n’est pas tombée dans mon panneau ! Je connais trop son Huuum là elle ne me croit pas. »
-Je comprends que tu n’es pas envie d’en parler….
Commença-elle dans un ton qu’elle voulait plus que sérieux.
« J’espère que Victoria a bien gardé sa longue bouche là fermée hein ! Parce qu’elle ne sait rien garder cette fille- là ! »
-Mais sache une chose, si tu as besoin de parler je suis là et ça je n’ai même pas besoin de te le redire Vanou. Mais je vais juste te dire une chose, quel que soit le problème que vous avez Olivier et toi ne prends pas ta bouche pour aller le raconter à tout Libreville. Ton ménage c’est toi qui le protège. Donc les histoires d’étaler sa vie privée aux copines là il faut faire attention avec ça.
-Oh mais Maman !...
-Il n’y a pas de « Mais » ! Je suis en train de te donner des conseils ma fille. Tout ce qui t’arrive là je connais ça…
-Mais il ne m’arrive rien….
« Tchooouuuu la femme-là à le vampire je jure ! Bon mieux je lui dis tout comme nous sommes seules elle et moi…Non ce n’est pas une bonne idée…Je ne dis rien pour le moment….»
-Vanessa on n’apprend pas au vieux singe à faire la grimace.
« Bon là c’est clair qu’il faut que j’arrête de batailler et que j’écoute seulement les conseils de la vieille »
-Bon Maman….Je vais rentrer…
-Demande à Olivier de passer me voir dès qu’il a un peu de temps.
« Aie ! Là c’est gâté ! »
Et moi qui avais pensé venir me réfugier chez ma mère, prendre un peu de force avant de rentrer chez moi, je venais de rater mon coup.
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