Chapitre 27

Ecrit par Spice light




- NELLY MERVEILLE BOLEFA -


17 ans, 18 en octobre, donc dans six mois. Je fais la 4ᵉ commerciale (terminale). Enfant unique chez ma mère Suzanne et benjamine chez mon père (il n’a que deux enfants biologiques, un garçon et une fille). Depuis l’âge de 4 ans et demi, je vis avec mon père et sa femme. Sa femme, c’est la mère de mon aîné (elle a une fille avant mon père et un petit-fils qui vit avec nous, il a 9 ans, Adam).


Bien que papa ait toujours été présent, j’ai dû taire certaines choses pour éviter les disputes constantes avec sa femme. C’est une mère, je ne le nie pas, mais en vérité, elle n’a jamais fait d’efforts avec moi. Notre relation est au point mort, je dirais, malgré toutes ces années. Avant, on me disait que « ta mère restera ta mère ». Je ne comprenais pas. C’est avec plusieurs de ses réactions que j’ai fini par comprendre.


Aujourd’hui, ses paroles et ses actions me glissent sur le corps, bien qu’elles fassent parfois mal au cœur.


Papa, c’est un homme présent pour ses enfants et toute sa famille. Avec moi, ça a été plus facile : mon père, c’est mon préféré depuis toujours. Quant à mon frère, ça a été vraiment difficile pour eux deux. Un fils rebelle : vols, école buissonnière… Ça a été difficile. Ils essaient à peine de reconstruire leur relation. Papa fait plus d’efforts, car il ne veut pas qu’un jour il soit trop tard.


Nous sommes plus d’une vingtaine à sa charge. Il y a moins de deux mois, son oncle est décédé. Ils n’étaient pas spécialement proches. Moi, je l’ai connu seulement lorsque tonton Stan est mort. Papa s’est débrouillé, comme à son habitude, pour organiser des obsèques dignes pour les siens. Personne ne pourra dire que Franck ne se montre que lorsque quelqu’un meurt, juste pour étaler ses avoirs et se pavaner. Non, il est toujours là pour les autres, et parfois, nous sommes relégués au second plan. Moi, je comprends, mais ma vision des choses n’est pas celle de mon frère.


Tonton Joan, je ne le connais pas vraiment, mais il a l’air cool, et je lui ai promis une petite visite de la cité. Il rentre demain chez sa mère et ne reviendra qu’à l’approche de l’intervention chirurgicale de tonton Rolls.


À la fin de mes corvées (bon, une manière de parler, mais en vrai je n’ai pas de véritable repos : le matin, je nettoie la maison, je m’occupe du déjeuner pour tout le monde ; en parallèle, je vends les boissons fraîches pour la terrasse et en grande quantité pour les détaillants — on a un dépôt relais. Ensuite, j’attaque le repas du soir). Là, c’est quand je ne vais pas en classe. Et quand je dois aller à l’école, ma seule corvée du matin, c’est de repasser nos uniformes à moi et Adam, ensuite je sors la télé qui loge dans la terrasse et je place les chaises. Puis je me prépare, sans oublier de pousser Adam à se dépêcher — ce petit aime la lenteur.


Cette année, nous sommes dans la même école. C’est moi qui ai insisté. Dans son ancienne école, il avait commencé à devenir faible. Chaque jour, son enseignant venait me faire un rapport. Mais en fin d’année, il est quand même passé de classe. Donc c’était soit on changeait d’école, soit je me déchargeais de lui. C’est moi qui m’occupe de lui depuis son tout premier jour à la maternelle. Sa mère et sa grand-mère n’étaient pas ravies, mais du moment que c’est papa qui paie son école, elles allaient dire quoi ?


Le soir, je me libère un peu. Je profite simplement du fait que je dois surprendre le gérant de l’hôtel de temps en temps pour emmener tonton Joan visiter. De grandes responsabilités pèsent sur mes épaules depuis ma tendre enfance (je vends dans ce dépôt depuis que j’ai 8 ans, je crois. Ce n’est pas l’idéal, mais à l’époque, papa avait des problèmes avec son travail et tout le monde devait mettre la main à la pâte. Je m’occupe de tout le personnel, de leur suivi et tout le reste).


Quand je sors, surtout à pied, les gens sont stupéfaits — pas qu’on ne marche pas à pied, loin de là, à part pour aller à l’école. Je n’utilise le véhicule que dans des cas précis. Mais je suis rarement en dehors de la maison et, sur Facebook, tout le monde veut voir Nelly Merveille en vrai. On chemine tout en lui montrant la cité. Je m’arrête deux ou trois fois pour parler avec certains de mes amis, étonnés de me voir la nuit et surtout avec un jeune inconnu.


— Hum, Merveille, c’est le nouveau père ? me demande mon ami Prospère.

— Oh non, c’est mon oncle.

— Hummmm, donc t’as zappé Christoph ?

— Pardon, c’est du passé. Lui, c’est mon oncle, un cousin à papa.

— Nelly, stp, allons-y, s’impatiente tonton Joan.

— Bon, j’y vais.


— Depuis tout à l’heure, y a que des mecs qui t’accostent, hein, me fait remarquer tonton Joan.

— En vrai, je n’ai vraiment pas d’amies, sauf mes camarades de classe et une en dehors que j’ai rencontrée en allant chez ma mère. Mais sur Facebook, je connais pas mal de gens, même si on ne se croise presque jamais, lui dis-je alors qu’on emprunte le carrefour juste derrière l’église catholique. Il y a des jeunes qui traînent là, de jour comme de nuit. L’un d’eux m’interpelle, on échange quelques mots, puis je continue jusqu’à l’hôtel, où le gérant est surpris de me voir. C’est bien, cette surprise, car ça me permet de vérifier la fiche d’entrée. Ils ont tendance à garder l’argent de certaines entrées, et la recette semble incomplète.


Tonton Joan visite, puis nous rentrons. Le lendemain matin, je lui laisse mon numéro et pars en classe après être passée au marché. Je le fais chaque jour pour récupérer les condiments chez maman — ma marâtre — c’est elle qui fait le marché. J’en profite aussi pour voir ma mère, qui vend également là-bas.


Je stoppe une moto pour rentrer à la maison et, en chemin, je croise tonton Joan, lui aussi à moto pour aller prendre le bus. On se salue de loin…


Deux semaines plus tard

SMS : Coucou Nelly, je serai là demain pour aider tonton Rolls dans sa convalescence.

S/ Tonton Jo

Moi : D’accord tonton, je vous attendrai.


Le jour J, en faisant le marché, je lui achète du riz et du poulet, vu que nous, on mangera des légumes avec du poisson séché. Je lui prépare son riz comme j’aime (gingembre, céleri, oignons, ciboulette et huile). Je lave le riz, je mets l’huile au feu, puis je verse le riz, je laisse griller un peu avant d’ajouter les condiments et l’eau.


POUR QUELLES RAISONS...