Chapitre 29

Ecrit par leilaji

Love song 

Tome 2


Episode 29


PS : On se remet dans le bain, ne vous attendez pas à un épisode flamboyant ! Merci. 


Elle


Il faut la force de trois hommes pour séparer Denis et Alexander ! Toute la clinique les entend se jeter des reproches à la figure. Alexander crie à son ami de ne plus jamais s’approcher de sa femme tandis que Denis lui reproche de toujours la mettre en danger. 


_ A chaque fois qu’elle est avec toi, elle se retrouve toujours dans des situations pas possibles ! Tu ne sais pas prendre soin d’elle. C’est elle qui prend soin de toi, et c’est ca qui fout la merde ! Tu ne sais pas la protéger !

_ Va te faire foutre ! Qui est tu pour me dire comment prendre soin de MA femme ? Va te faire foutre Denis ! Tu auras beau tourner autour d’elle, tu ne l’auras jamais ! Tu ne compteras jamais comme je compte pour elle. 

_ Parce que tu comptes pour elle ? C’est pour ça qu’elle ne se rappelle pas de toi ? ricane Denis.


Cette phrase décuple la fureur d’Alexander. Adrien le rattrape avant qu’il ne frappe Denis. Gabriel maintient ce dernier hors de portée de l’indien et Prince  sépare les deux duos. 

Le moment qu’on redoutait tous d’affronter est là. Il faut y faire face avec beaucoup de doigté. Nous, l’entourage du trio, avons compris depuis très longtemps les sentiments que Denis porte à Leila. Que le mari de Leila ne s’en soit pas rendu compte relève soit de la bêtise la plus profonde soit d’une confiance aveugle en Denis Louis. Que ce soit l’un ou l’autre cas, Alexander doit être terrassé par la peine. Je ne compte pas me mêler à la dispute. Adrien saura gérer. Puisqu’ils sont occupés à se battre, je rejoins la chambre de Leila pour pouvoir être un peu seule avec elle. C’est elle qui m’importe en ce moment. Adrien m’a appelée pour me confier qu’elle a subi un traumatisme crânien qui a entrainé une perte de mémoire. J’ai cru qu’il blaguait jusqu'à ce qu’il me raccroche au nez, agacé par mon incrédulité.


A peine entrée, le silence dans la chambre me soulage. Au moins il n’y a personne ici pour se disputer et perturber son repos. Leila dort, recroquevillée au centre du lit aux draps immaculés. Un frisson me parcourt l’échine. Après avoir subi plusieurs chimios, on ne peut pas dire que rester dans une chambre de clinique me fasse plaisir. Trop de mauvais souvenirs remontent à la surface quand je suis là. Seul le bip des machines brise régulièrement le silence. Je pose mon sac à main sur la chaise visiteur et me rapproche du lit. La télé dont le son a été coupé diffuse un documentaire animalier. Je l’éteins. Leila remue doucement avant de se réveiller en sursaut. Lorsqu’elle me voit un léger sourire éclaire son visage.


_ Salut Elle !  

_ Salut ma chérie. 

_ Je suis heureuse de te voir. 

_ Comment tu te sens ? 

_ Fatiguée et courbaturée ! J’ai mal à la tête. Je crois qu’ils m’ont injecté quelque chose de bizarre, j’ai la tête qui tourne et du mal à me concentrer.


Elle se frotte doucement les yeux, puis s’empare du gobelet d’eau posée sur sa tablette de chevet. Sans boire, elle repose le gobelet. Ses mains tremblent trop fort.


_ J’ai fait un cauchemar Elle. Mais ca avait l’air tellement vrai. J’ai paniqué et je crois que c’est ce qui m’a réveillée. 


Elle ne parle pas. Elle murmure et lance de petits coups d’œil apeurés vers la porte fermée. 

_ Après ce que tu viens de traverser c’est bien normal. Il faut juste que tu te reposes le plus possible. Tout rentrera dans l’ordre dans les prochains jours. 


Elle tapote le lit et je prends place à côté d’elle tandis qu’elle se retient de bailler de fatigue. 


_  Raconte moi ton rêve, ca ira mieux après. Tu as rêvé de l’accident ? 

_ Dans mon rêve j’étais dans cette chambre. Ici même. Et il y avait plein de gens que je ne connaissais pas autour de moi…Un homme qui m’est inconnu était censé être mon mari… Le docteur qui d’ailleurs ne ressemblait pas vraiment à un docteur s’est présenté comme un certain Adrien comme si on était de vieilles connaissances et que je devais le reconnaitre. Tu te rends compte, moi mariée, A quel moment j’ai pu avoir une relation assez sérieuse pour me marier ? Et je ne sais pas pourquoi… il y avait Denis dans mon rêve ! Tu le connais ? 


J’acquiesce doucement pour ne pas couper son récit.  


_ J’ai beau essayer de me rappeler d’où je le connais, je ne m’en souviens pas. On a peut-être fait l’institut de gestion ou l’Université Omar Bongo ensemble … Ah ca doit être le lycée Mba, je suis sure que c’est le lycée Mba. Lui en tout cas dans le rêve je le connaissais et ca m’a rassurée qu’il soit là. Les autres me faisaient un peu peur à me regarder comme une bête de foire. A insister pour que je me rappelle d’eux alors que je ne le connaissais pas. Et la je me suis réveillée et tu es là. Tu peux me dire ce qui s’est passé ? Ce que je fais là. 


Sentant ma crispation, elle tourne enfin son visage vers le mien.


_ Elle ?! Ca va ? me demande-t-elle inquiète de mon silence.


Je me lève et la regarde fixement m’attendant à la voir éclater de rire après une telle comédie. Mais je n’entends rien, elle ne rit pas. Pire elle semble vraiment inquiète de ne pas se rappeler ce qui s’est passé. Que se passe-t-il ? Adrien aurait-il raison ? 

Elle s’empare une nouvelle fois du gobelet en plastique et bois de l’eau à petites gorgées. Ses mains tremblantes ne me disent rien qui vaille. Leila a l’air terrorisée. Ca me bouleverse ! Je prends son visage en coupe entre mes mains et plonge mes yeux dans les siens. 


_ C’est encore un de tes plans B c’est ça? je murmure pour n’être entendue que d’elle, comme si on nous espionnait. 

_ Quoi ?


Elle essaie de dégager son visage de mes mains. 


_ Je sais que ces derniers temps, toi et moi on s’est beaucoup disputé. Beaucoup. Je t’ai très peu soutenu parce que je pensais bien faire et là… tu as failli mourir dans un accident. Je t’aurai perdu à jamais. J’ai prié tellement fort pour que tu te réveilles. Et Dieu a exaucé mes prières… Ce n’était pas un cauchemar Lei et ça tu le sais très bien. Je veux bien comprendre que tu es en état de choc mais ce n’était pas un cauchemar… Essaie de te souvenir de toutes ces personnes. C’est ta famille, ton mari, tu ne peux pas les oublier en un claquement de doigt comme ca. Surtout Khan ! 


J’essuie de mes pouces les larmes qui roulent sur ses joues. Mais je vois dans ces yeux qu’elle ne comprend pas un traitre mot de ce que je lui dis. Leila et moi avons traversé beaucoup d’épreuves ensemble. Elle doit se rappeler que je serai toujours à ses cotés qu’importe que je sois d’accord avec ses choix ou pas. Je sais que ces derniers temps elle s’est sentie abandonnée par moi. Peut-être ne veut-elle plus rien me dire par peur d’être jugée.

 

Prince est retourné sur les lieux de l’accident. A son retour, il nous a fait comprendre que la voiture avait intentionnellement foncée sur celle de Leila. La gomme des pneus restée sur le bitume prouvait qu’il n’y avait pas eu de tentative de freinage. L’accident a donc été provoqué. A bien y réfléchir ce n’est pas très étonnant. Depuis qu’elle est entrée en politique, elle ne s’est pas fait que des amis. Elle a contrarié beaucoup de personnes. Mais je ne pensais pas que sa vie se retrouverait en danger pour autant.  


_ Si jamais c’est un de tes plans B, tu n’as pas besoin de m’en dire plus. Là tu vois, je suis très inquiète pour toi. Tu es ma sœur Lei, je te soutiendrai quoi que tu veuilles faire sans jamais poser de question. Il n’y aura plus de disputes entre nous. Je te promets Leila que je te soutiendrai. Je te le promets sur ce que j’ai de plus cher au monde, mes enfants et Adrien. Mais dis moi, rassure moi que c’est un plan que tu mets en place pour te protéger. Dis-moi que c’est quelque chose de ce genre, parce que tu te sens en danger… Ce n’est pas possible autrement. Tu ne peux pas oublier tout le monde et te rappeler de Denis ! De Denis seulement ! Tu ne te souviens pas d’Adrien ?  

_ Je ne comprends rien de ce que tu es en train de dire Elle ! Je ne connais pas d’Adrien. Je ne sais même pas comment j’ai fait pour me retrouver ici. Je ne comprends pas ce qui se passe. Et puis pourquoi je me sentirai en danger ? Un client s’est plaint de mon travail à the Firm ? 

_ The firm ?… Cinq ans ce sont écoulés depuis the Firm! Tu es marié à Alexander, Adrien est mon concubin, Denis est notre ami, Ton grand père et ton frère t’ont retrouvée. Tu ne peux pas avoir oublié tout cela et te rappeler de Denis ! Denis ! Tu te rappelles au moins que tu es ministre ?  

_ Elle si c’est une blague ce n’est vraiment pas drôle ! Par quel miracle serai-je devenue ministre ? Je n’arrive même pas à être associée dans ce cabinet de merde !


 Je recule d’un pas. Je suis trop choquée pour continuer à lui parler. Est-ce qu’elle fait semblant ? Mais pourquoi me cacherait-elle la vérité ? A moins qu’elle n’ait plus confiance en moi. Je la regarde, observe chaque mouvement, réaction de son corps. La porte s’ouvre et laisse entrer Adrien et le grand-père de Leila. 


_ Elle, je t’avais demandée de m’attendre pour la visite. 

_ Excuse moi Adrien, lui dis-je quand il me prend dans ses bras. 

_ Ce n’est pas grave, je sais que tu es inquiète bébé. Tu lui as parlé ? Que te dit-elle ? 

_ Elle ne te reconnaît pas, me parle de cauchemars et de The Firm. 

_ Pourquoi parlez-vous de moi comme si je n’étais pas là ? intervient Leila en tentant de se lever. 


Mais prise d’un vertige, elle tangue légèrement avant d’être soutenue par Adrien qui la force à se recoucher. 


_ Je veux sortir d’ici ! J’ai des audits qui m’attendent ! 


Pas de doute j’ai bien face à moi la Leila d’il y a cinq ans qui ne pensais qu’à sa promotion dans le cabinet. 


_ Tu ne peux pas encore sortir, tu restes en observation. J’ai demandé à ton mari et à Denis de rentrer chez eux pour te laisser le temps de te reposer. 

_ Combien de fois il va falloir que je vous dise que je n’ai pas de mari ! 


Elle lève sa main et bouge son annulaire. 


_ Vous y voyez une bague vous ? 

_ Regarde bien ton annulaire Lei. La bague tu l’as enlevée il n’y a pas si longtemps. Tu ne vois pas la fine bande de peau claire. Ce doigt portait une bague !

_ Elle tu es complètement folle !   

 

Leila me regarde avec une lueur de désespoir dans le regard. Une lueur que je ne lui avais encore jamais vue. Elle ramène ses genoux vers son torse et baisse la tête. Je l’entends doucement murmurer en inspirant et expirant de grande goulée d’air:


_ Lei ne panique pas, tu es surement en train de rêver… tu vas bientôt te réveiller et tout rentrera dans l’ordre. 


Adrien se rapproche d’elle pour prendre une nouvelle fois sa tension. 


_ Qu’est-ce qu’on va faire ? je lui demande. 

_ Il faut du temps et du repos, la remettre dans un environnement familier. On ne peut rien faire de plus. Le cerveau est l’un des organes humains les plus imprévisibles qu’il soit.  On peut revenir demain matin et la retrouver dans son état normal, comme elle peut ne plus jamais retrouver les cinq dernières années dans sa mémoire. 


Son grand-père se rapproche d’elle et lui attrape la main comme pour lui insuffler de la force. Adrien lui lance un regard chargé de reproches. Il ne l’aime pas beaucoup. Adrien est comme un enfant avec certaines personnes et fait des réactions épidermiques. Il te voit et décide qu’il ne t’aime pas et ne fera aucun effort pour nouer des liens alors qu’habituellement, il s’entend avec tout le monde. 


_ Tu n’es pas seule dans cette bataille et c’est tout ce qui compte, dit le grand père à sa petite fille. 


Elle retire sa main et essuie son visage. Ses yeux rougis d’avoir contenu trop de larmes me font pitié. 


_ Je n’ai pas de famille ici, je n’ai pas de grand-père ! Tout cela est insensé. Je ne vous connais pas Monsieur. Peut-être qu’ils me confondent avec une autre personne Elle. Ca peut être ça l’explication, n’est-ce pas Elle ?

_ Réfléchis un peu Lei, moi aussi je te confondrais avec une autre personne ? 

_ Je veux rentrer chez moi, exige t-elle à défaut de me répondre. 

_ Je t’expliquerai tout une fois que tu seras rentrée à la maison. Chez moi, intervient le vieux Okili. 

_ Je ne vous connais pas, il est hors de question que je vous suive. 


Je pousse du coude Adrien pour qu’il intervienne. 


_ Pourquoi tout à l’heure avez-vous semblé heureux de ce qui lui est arrivé, demande Adrien. Vous avez dit aimer voir le destin jouer des tours !

_ Parce qu’elle a voulu échapper à son destin et que le destin l’a tout simplement remise à sa place. L’être humain n’est qu’un pion sur l’échiquier de la vie. Je lui ai dit mainte fois que l’étranger n’était pas son homme. Mais vous les jeunes d’aujourd’hui vous n’écoutez pas les ainés. Vous voulez pouvoir expliquer tout ce qui vous arrive dans la vie par les sciences alors qu’il demeure des choses qui vont bien au delà de la science des blancs. 

_ Alexander est son mari, dit tout simplement Adrien. 

_ Non. Denis l’est. C’est une alliance entre deux familles et on ne brise pas les alliances sans en subir les conséquences. Vous irez chercher mille et une explication pour cette perte de mémoire insensée qui a effacé l’étranger mais laissé intact le souvenir de Denis. Vous qui êtes médecin, est-ce logique d’oublier 5 ans de sa vie mais de ce rappeler un homme qui faisait parti des 5 années disparues. 


On se tait tous les deux. 


_ Est-ce logique ? Répondez-moi docteur Adan ! 


Pour ne pas répondre, Adrien demande à tout le monde de sortir afin de laisser sa patiente se reposer. Il lui administre un calmant avant de s’en aller. Je le retrouve quelques instants plus tard dans son bureau. Sur sa table de travail, envahi par les dossiers  de ses patients trônent les photos de notre immense famille. Je trouve ca toujours étrange de le voir derrière un bureau avec de la paperasse et cet air si sérieux. Ca me rappelle à chaque fois notre seconde première rencontre. 


_ Il y a plein de gens qui font des accidents à Libreville, mais ils n’en perdent pas la mémoire pour autant. 

_ Tous les cas ne sont pas les mêmes Elle. 

_ J’étais convaincue qu’elle jouait à un jeu. 


Il s’arrête de gribouiller sur des fiches et lève la tête vers moi, sidéré par le doute que je viens d’exprimer. 


_ Jouer à un jeu ? Mais où est-ce que tu vas chercher tout ça ? demande –t-il sans réussir à cacher son exaspération. 


Je fais les cents pas dans son bureau. 


_ Elle en est capable crois moi Adrien! Avec ses airs de sainte nitouche, on lui donnerait le bon Dieu sans confession. Mais je t’assure que Lei est capable de manipuler les gens si ça peut l’aider à obtenir ce qu’elle veut. Evidemment, elle ne l’a jamais fait méchamment mais seulement en cas d’extrême urgence! Ca n’enlève rien au fait qu’elle peut le faire. 

_ Et pourquoi est-ce qu’elle ferait semblant ? demande Adrien en croisant les doigts sur sa table de travail. 


Je sais qu’il me prend pour une folle mais j’ai besoin d’en parler avec lui pour démêler le vrai du faux. Je continue à marcher dans son bureau tout en réfléchissant. 


_ Pour se protéger ou peut-être se débarrasser de son grand-père devenu trop gênant pour elle. Il l’empêche d’être avec Alexander. Si elle ne le reconnait plus, plus rien en l’oblige à être sa petite fille. Mais … en même temps ca ne tient pas vraiment la route parce qu’elle a oublié Alexander dans la foulée… Elle ne peut pas se remettre avec quelqu’un qu’elle a oublié.

_ Elle, je suis médecin et les signes cliniques ne trompent pas, dit-il en sortant du dossier de Lei ses résultats et radios. Elle ne peut pas simuler ces lésions ! Par ailleurs, il faudrait qu’elle soit une vraie psychopathe pour simuler un accident aussi grave au risque d’y perdre réellement la vie et après faire semblant de ne plus reconnaitre quiconque ! Tu crois que c’est facile de faire un carambolage et d’en sortir indemne puis de penser à se faire des lésions assez grave pour justifier une perte de mémoire ? Leila est ton amie, pas un ex agent du KGB ou je ne sais quoi !


Adrien a raison. On est dans la vraie vie pas dans un film. Ce que j’ai imaginé est insensé ! 


_ Alors explique moi ce qui se passe si je n’ai pas raison !

_ J’ai une hypothèse bien plus logique que le scénario de film que tu viens de me raconter.

_ Je t’écoute… 


Il me demande de m’assoir et je m’exécute. 


_ Parfois, on pense qu’on est fort. Qu’on peut tout subir, tout endurer sans un jour craquer sous la pression. Et si nous refusons de lâcher prise intentionnellement, notre cerveau le fait pour nous, d’où les dépressions, burn-out et compagnie… Tu n’as pas idée du nombre de femmes qui se font suivre ici pour de problèmes de tensions, tout simplement parce que le stress qu’elles subissent au quotidien dans leur foyer leur mène la vie dure ! 

_ Je ne comprends rien de ce que tu me raconte Adrien…

_ Ca fait 5 ans qu’elle subit coup sur coup sans jamais flancher. C’est toi-même qui me parle à chaque fois des ennuis qu’elle traverse. Cinq ans, qu’elle court après le bonheur et qu’il s’enfuit à chaque fois par la première fenêtre ouverte… Personne, je dis bien personne ne peut subir de manière illimitée les coups durs de la vie. A un moment, on finit toujours par craquer et je pense sincèrement que l’accident a donné l’occasion à son cerveau de lâcher prise. De se dire, je vais effacer de ma mémoire tout ce qui peut me rendre malheureuse et souffler… Est-ce que tu comprends, ce que je t’explique ? 

_ Je comprends ce que tu dis mais ca n’explique pas Denis ! Peut-être que ce que son grand père a dit était vrai ? Que c’est le lien entre les deux familles qui …

_ Je ne crois pas aux conneries de ce genre ! Je suis un scientifique ! Il n’y a pas de malheur qui te tombe sur la gueule juste parce que ton grand père aurait dû épouser la grand-mère de quelqu’un et qu’il a manqué à sa parole…

_ Je sais  bien que tu ne crois pas à ce genre de choses mais ce sont nos traditions africaines qui nous l’apprennent et parfois c’est la vérité. Sinon comment expliquer qu’elle efface Khan mais se souvienne de Denis ?


Il se lève de son bureau et le contourne pour venir s’accroupir près de moi. 

 

_ Bébé, tu es sure et certaine que jamais, je dis bien jamais elle n’a ressenti quoique ce soit pour Denis ?  Tu es sure et certaine qu’il n’y a pas la moindre place pour le doute ? Sure et certaine que si elle efface le brouillard que représente sa vie avec Khan, l’évidence des sentiments enfouis qu’elle ressent pour Denis ne lui sautera pas aux yeux ? Tu mettrais ta main à couper qu’elle n’a jamais rien ressenti pour lui ? 

_ Comment sais-tu tout ça Adrien? Je ne t’ai jamais parlé de Denis et …

_ C’est assez évident Elle. Si Denis a envoyé le jet pour qu’il vienne me chercher et que j’assiste à la naissance de notre fille, ce n’était pas par gentillesse. Mais parce qu’il savait que ça rendrait heureuse Leila de te voir toi, heureuse. Quant à elle, je ne sais pas qu’elle est la profondeur des sentiments qu’elle porte à Denis … mais s’il y a une chose dont je suis sur, c’est que si Khan n’était pas là, elle serait avec Denis. Et oublier Khan que ce soit de manière consciente ou pas, lui permet d’être avec Denis. Sans culpabiliser. 


Je ne sais plus quoi dire d’autre. 


*

**


Quelques semaines plus tard. 


La fête bat son plein et la débauche de nourriture et boissons foutrait à mal n’importe quel porte-monnaie. Mais je suppose que les poches de Monsieur Okili sont assez profondes pour organiser des centaines de fêtes comme celles-ci sans jamais se plaindre. Nous sommes dans une des nombreuses villas à louer du grand-père de Lei. Il a fait organiser un petit diner familial en l’honneur de sa petite fille. Les serveurs font de leur mieux pour que jamais les coupes de champagne ne soient vides. Les tables comblées de shafing-dish font le tour du grand salon et l’odeur appétissante qui s’en échappe ne laisse personne indifférent. Le DJ passe de la vieille rumba sur laquelle les plus âgés esquissent quelques pas de danse.


Les invités parlent entre eux et sourient aux nouveaux arrivants qui se font de plus en plus nombreux. L’ambiance est bonne, les deux familles sont réunies. Celle de Monsieur Okili ne quitte pas Denis du regard et celle de Denis reste collée à la silhouette de Lei. On ne parle pas de l’accident mais tout le monde affiche une mine triste dès qu’elle passe.   


Je souris à chaque salutation mais à l’intérieur de moi je suis triste à en mourir. Je jette une nouvelle fois un coup d’œil à mon téléphone qui vient de vibrer. C’est un message de Khan.


« Je l’appelle depuis le début de la semaine et elle ne me répond pas. Que se passe-t-il ? Pourquoi est-ce qu’elle fait ça ? 

« Elle est tombée sur la vidéo qui a circulé sur votre mariage ainsi que les coupures de presse qui parlent de ce qui s’est passé en Inde avec la mère de Puja. 

« Elle ne se souvient toujours de rien ? Je lui ai déjà expliqué tout ce qui s’est passé en Inde. Elle ne s’en souvient pas ? 

« Non. De rien. 

« Où est-ce qu’elle est ? Pourquoi est-ce qu’elle ne me répond pas ? Je n’ai pu la voir qu’une seule fois depuis qu’elle est sortie de l’hôpital et c’était en présence de son frère. On a pu rien se dire. 


Je jette un coup d’œil circulaire aux invités et retrouve du regard Lei en train de rire aux éclats avec son ainé. Lei est encore plus proche de son grand-père qu’elle ne l’était auparavant. Je n’ai jamais vu deux générations différentes s’entendre aussi bien que ces deux là. Puisqu’il a failli la perdre une première fois, Monsieur Okili ne la laisse plus se déplacer sans son frère et deux gardes du corps pour veiller sur sa sécurité. Et dans ces conditions là, il est très difficile pour Alexander de retrouver sa place de mari d’autant plus que Lei ne fait aucun effort dans ce sens. Au moment où j’avance vers elle pour lui signaler qu’elle ferait bien de répondre à son mari, la mère de Denis m’appelle en cuisine pour quelques derniers réglages. 


_ Tu crois qu’il y a assez de nourriture ? me demande la mère de Denis de son parler légèrement chantant. 

_ Il y en a largement trop maman, ne t’inquiète pas pour ça. Je suis sure que certains invités vont même emballer quelques plats pour aller les manger chez eux. 

_ Tu crois qu’elle est contente de la fête ? Mon fils n’a pas pu venir mais il m’a envoyée pour m’occuper de tout. J’espère vraiment que la fête lui plait. C’était un moyen comme un autre de réunir la famille autour d’elle pour qu’elle sache que dans l’épreuve, elle n’est pas seule. 

_ Je suis sure qu’elle apprécie l’effort de tout le monde. Mais pourquoi Denis n’est pas là ? 

_ Ah ma fille, est-ce que je sais ? Depuis qu’elle est sortie de l’hôpital, il refuse de la voir alors qu’il passe toutes ses journées au téléphone avec elle. Je pensais que tu saurais…

_ Elle est un peu perdue en ce moment. Même à moi, elle ne parle pas vraiment. 

_ Pourvu que ça s’arrange entre eux. Je souhaite voir mon fils heureux, dit-elle plus pour elle-même que pour moi. 


On bavarde encore un peu jusqu'à ce que je reçoive un nouveau message d’Alexander. 


« Je viens.


Je prends congé de la mère de Denis et sors de la maison pour appeler Khan. 


« Ce n’est vraiment pas une bonne idée ! Laisse-lui du temps.

« Je ne peux pas continuer à la laisser me traiter comme ça Elle. Je ne peux pas. J’ai besoin de lui parler. 

« Bon je vais voir ce que je peux faire. Je vais la chercher et l’obliger à t’appeler. Mais promets-moi de te maitriser et de ne pas te disputer avec elle. Ca ne vous avancera à rien. Tu viens à quelle heure ? Pour que je la prévienne, que vous puissiez parler sans tomber sur son grand-père…

« Laisse tomber Elle. 


Son message m’énerve tellement que je prends la peine de le rappeler. 


_ Tu me tannes toute la soirée et là tu dis laisse tomber ! 

_ Je passais devant chez Denis pour rejoindre la villa d’Okili. Et là, je vois la voiture de Lei. 

_ Lei est à la fête ici avec moi. 

_ Non. Elle vient de se garer devant son portail. 


Je prends quelques minutes pour vérifier et Khan a raison, elle n’est plus là. Merde !


_ Elle ne me répond pas mais …

_ Alexander, Démarre ta voiture et laisse moi aller régler ça. Fais juste demi-tour et laisse-moi régler ça. 

_ Non.  


J’entends la portière se déverrouiller. Il raccroche. 


*

**


Denis. 


Je prends la première veste qui me tombe sous la main et l’enfile sur mon pantalon de pyjama. Je dévale les marches comme un fou et demande au gardien d’ouvrir le portail. Ce qu’il n’a pas le temps de faire aussi vite que je l’aurai souhaité vu qu’il dormait. J’ouvre moi-même le portail et tombe sur elle en train d’hésiter à sonner. 


_ Qu’est-ce que tu fais là ? Comment as-tu retrouvé la maison ? 

_ On est passé devant avec grand-père la semaine dernière. Je repéré la maison rose et j’ai compté le nombre de maison à gauche qui te séparait d’elle. C’était facile de retrouver la tienne. 

_ Il est tard princesse, je vais te ramener. 

_ Je ne suis pas venue pour que tu me ramènes. 


A suivre.

Love Strong (Tome 2...