Chapitre 3

Ecrit par Annabelle Sara


 

Véronique

 

J’étais assise face à mon mari, il avait choisi le restaurant. Paul à bon goût en générale donc je peux le laisser choisir un restaurant pour un rendez-vous en tête à tête sans aucun problème. Il avait choisi un restaurant à la sortie de la ville. Au moins nous étions certains de pouvoir discuter tranquille ici, loin de l’effervescence de la ville.

 Il était heureux pour sa récente promotion je le lisais dans ses yeux. Mon mari est un bosseur, à la différence qu’il n’est pas accro à son travail comme moi, ce qui est compréhensible dans un sens où c’est moi qui ait monté de mes mains tout ce que j’ai aujourd’hui.

-         A quoi tu penses ?, demanda-t-il se rendant compte que j’avais l’esprit ailleurs.

-         Rien… je profite juste de l’ambiance !

-         Véro… Depuis que je t’ai parlé de ma promotion tu es bizarre ! On dirait que tu n’es pas heureuse que ton homme évolue dans sa profession !

-         Non rien de ça ! Je suis heureuse ! Heureuse pour toi…

Je mentais, mais vous me voyez dire à mon mari que cette promotion n’arrangeait pas vraiment mes propres plans ? De toutes les façons je fini toujours par trouver une solution à mes problèmes ce n’est pas aujourd’hui que je vais baisser les bras.

-         Tu sais que ma promotion va entrainer quelques changements ! Des changements dont nous parlons depuis…

Nous y voilà !

-         Il est clair que tes horaires vont être plus compliqués,  ai-je déclaré en mettant dans  ma bouche un morceau de la serviette de bœuf que je mangeais.

-         En effet et je me disais que ce serait peut-être le temps pour toi de prendre un associé pour t’aider à gérer le restaurant comme cela tu pourras avoir plus de temps pour les enfants et la maison !

-         Hum…

J’ai levé la tête interpellée par cette proposition.

-         Ma Boss Lady devrait peut-être penser à freiner, non ? Ça marche plutôt bien avec l’institut tu pourrais faire pareil avec le restaurant.

-          Tu es sérieux ?, ai-je demandé. Tu veux que je confie la gestion de mon restaurant à quelqu’un d’autre ?

-         Oui, tu trouves quelqu’un qui viendra investir moins que toi bien entendu et tu…

-         Je sais comment ça marche Paul !, l’ai-je coupé.

Il leva à son tour la tête comprenant que je n’étais pas emballée par cette idée.

-         Bébé écoutes… Nous avons tous besoin de faire des sacrifices pour le bien de la famille !

Pourquoi dès qu’on parle de sacrifice dans une relation on se tourne vers la femme ? Je ne suis pas un mouton qu’on mène à l’abattoir je fais mes propres choix et mes sacrifices je les décide toute seule pas besoin qu’on me souffle quoique ce soit à l’oreille.

-         Tu n’es pas sérieux là ? Tu parles de sacrifice comme si je n’en fais pas déjà assez ? Je ne prendrais pas d’associé !

-         Ok mais tu peux embaucher quelqu’un…

-         Parce que tu crois que quelqu’un d’autre serait capable de faire ce que je fais avec mon restaurant ?

-         Véronique !

Il perdait à son tour patience.

-         Je ne crois pas que tu puisses comprendre ce que représente « L’Issouck » pour moi ! C’est mon bébé ! Je ne peux pas laisser quelqu’un d’autre s’en occuper…

-         Mais tu laisses tes enfants à la charge d’une nounou !, lâcha-t-il subitement.

-         Ça c’est mesquin !, j’ai répondu avant de déposer ma fourchette bruyamment.

-         Non je suis juste ta logique ! Tu ne peux pas confier ton restaurant à quelqu’un d’autre, mais tes enfants que tu as porté 9 mois dans ton ventre, ton sang… tu peux les confier à une inconnue sans aucun problème.

-         C’est différent… Et Ma’a Josiane n’est pas une inconnue ! Nous la connaissons depuis…

-         Qu’est-ce qui est différent ? Et ce n’est pas une question de personne ici, me demanda-t-il en me regardant droit dans les yeux.

-         Mes enfants ont une autonomie que mon restaurant n’a pas !

-         Tu te rends compte que tu compares ton restaurant à nos enfants ? Tu mets délibérément tes enfants sur la balance face à ton restaurant ?

-         Tu ne peux pas comprendre… Tu es un employé…

-         Et toi une créatrice !

Le repas venait de virer à autre chose. Mais je n’allais pas laisser quelqu’un me dire comment gérer mes affaires.

-         Je n’ai pas besoin d’un associé, je peux gérer toute seule et continuer à prendre soin de mes enfants mieux que ce que tu peux croire !

Il m’observa un moment, il savait que je ne demandais pas son avis, j’avais pris ma décision et quoiqu’il dise je ne changerais pas d’avis. Il ne gagnait jamais face à moi ! Et jusqu’à ce jour il ne s’était pas plaint des décisions que je prenais.

-         C’est comme tu voudras !, dit-il cédant encore une fois face à moi.

-         Ne t’en fais pas je sais ce que je fais !

Il ne répondit pas, il venait de se laver les mains comme Ponce Pilate.

Notre rendez-vous de réjouissance avait tourné court. Sur le chemin du retour nous n’avons pas échangé un seul mot. Il ne me parlait pas généralement lorsqu’il était énervé contre moi, je trouvais cela enfantin mais en générale je le laissais tranquille jusqu’à ce qu’il soit d’humeur à me parler à nouveau.

J’étais assise dans le siège passager lorsque les messages de Tata Miriam arrivèrent.

Elle me donnait le contact whatsapp d’Oluwa car lui aussi était intéressé par moi et il voulait qu’on échange. Etant dans la voiture avec Paul, j’ai préféré arriver à la maison pour pouvoir m’isoler et whatsapper tranquillement, sans un œil inquisiteur dans le dos.

Dans mon bureau c’était donc plus simple de me connecter afin de discuter.

Le premier message arriva très vite :

Oluwa : « Bonjour Miss Véronique »

Il est effectivement polyglotte comme me l’a dit Miriam puisqu’il écrit en français.

Moi : « Mr Oluwa ? »

Oluwa : « Oui, c’est moi

                   Comment vous allez ?

                   J’ai vu des photos de vous et je vous ai trouvé resplendissante ! »

Moi : « Ce n’est qu’une enveloppe de chair ! »

Oluwa : « Une enveloppe qui est un appel inéluctable pour les yeux et les concupiscences ! »

Moi : « Vous avez déjà des idées en tête ? »

Oluwa : « Rien que vos yeux sont une invitation chargée de bonnes promesses

                   Malheureusement je ne pourrais pas répondre à cet appel de suite

                   Mais je serais au Cameroun dans une semaine

                   M’accorderez-vous du temps ?

                   Même bref ? »

Moi : «  C’est avec plaisir que je vous réserverais

 Un accueil digne de mon pays ! »

Oluwa : « Au plaisir Miss Véronique ! »

L’échange était bref mais je sentais dans ce qu’il disait que je ne regretterais pas d’avoir accepté que Miriam me connecte avec lui.

 

Aujourd’hui c’est dimanche matin, le jour du Seigneur mais nous ne sommes pas chrétien alors nous n’allons pas à l’église. J’ai grandi dans une famille chrétienne mais je me suis éloignée des pratiques chrétiennes très tôt, me contentant de célébrer les fêtes, comme Noël, Pâques et autres.

Et comme ce sont les fêtes de fin d’année bientôt je dois commencer à préparer les décorations, les cadeaux et aussi les invitations pour la réception que nous donnons généralement pour le nouvel an.

J’étais en train de zigzaguer entre les rayons de Landmark à la recherche des décorations à rajouter à celles que j’ai chez moi et aussi des cadeaux pour ma famille lorsque je l’aperçu. La dernière personne que je voulais croiser en ce moment. Ma sœur !

-         Véro…, s’exclama-t-elle en me voyant.

Elle se dirigea directement vers moi et me prit dans ses bras.

-         Oh ma petite sœur chérie ! Comment tu vas ?

-         Armelle… Tu n’es pas allez à l’église ?

-         Oh si… si j’ai fais la messe de 6 h aujourd’hui ! Et j’ai décidé que comme c’est le dernier dimanche de Novembre je vais passer ici pour… Je suis contente de tomber sur toi ! Je dois te parler…

-         Je t’ai dis non !, l’ai-je coupé ne voulant plus revenir sur cette histoire de vente de terrain.

-         Ce n’est pas pour ce que tu crois !, sa voix était grave.

En l’observant de plus près je me suis dit que son regard était bien trop sérieux pour que ce soit encore cette histoire de terrain.

-         Ecoutes fais tes achats, moi j’ai fini ici ! Je vais à la caisse… et on se retrouve au Sintra pour discuter calmement, tu n’es pas pressée, non ?, me demanda-t-elle.

-         Armelle tu me fais peur il y a quoi ?, lui ai-je demandé.

-         Fais tes achats, il y a trop d’yeux et de d’oreilles qui trainent par ici !

Elle me fit une bise et s’éloigna en me murmurant un tout à l’heure pendant qu’elle se dirigeait vers la caisse. J’ai fais le reste de mes achats sans que mon esprit ne se détache de ce dont voulait me parler ma sœur. Je n’aimais pas qu’on fasse planer le suspens sur ma tête.

Une fois mes courses terminées, enregistrées et installées dans ma voiture je me suis dirigée vers Le Sintra pour savoir enfin de quoi elle voulait me parler.

Je ne comprenais pas cette habitude que nous avons de toujours parler de choses importantes dans des restaurants sauf dans le mien. Mon entourage savait que lorsque je suis à « L’Issouck » il ne faut pas venir me parler d’autre chose que des plats de mon Chef et passer des commandes de nos meilleurs cocktails.

Elle était assise devant une assiette de crudités qu’elle descendait avec appétit.

-         Tu ne prends rien, me demanda-t-elle tandis que je m’asseyais.

-         Je n’ai pas faim Armelle…

-         Tu ne mange pas parce que ce n’est pas ton restaurant ?, se moqua-t-elle. Ou alors tu es encore sous régime comme d’habitude ?

Ma sœur avait toujours tendance à railler le fait que je surveillais constamment mon alimentation, mais quand je pense que je suis une mère de deux enfants mais que j’avais réussi à conserver mon corps de jeune fille je m’en foutais royalement de ce qu’elle pouvait me dire.

-         Ton mari aime les os donc ça va, ajouta-t-elle en riant.

-         Armelle… Je n’ai pas le temps pour ça !

-         Toi tu n’as jamais le temps pour discuter avec ta grande sœur de toutes les façons. Tu peux faire deux mois sans me voir ça ne va même pas te déranger !

-         Je t’appelle au moins une fois par semaine, mais toi tu passes ton temps à me parler de vendre notre héritage comme si nous avons autre chose à offrir à nos enfants et quand je le dis je pense surtout à tes gosses… En passant on s’organise comment pour Noël ?

Elle souleva les épaules. Ses enfants aimaient bien venir chez moi pendant les fêtes de Noël.

-         Martin veut qu’on aille à Edéa cette année… apparemment sa mère s’est plaint qu’on l’abandonne seul au village ! Khô, elle ne voit pas ses petits-fils, Khô ci à fait ci à fait ça… Bref la vielle veut qu’on aille au village donc c’est là-bas que nous seront cette année !

Je me suis mise à rire. Ma sœur avait une belle-mère très possessive qui dirigeait son fils à la baguette. Chose que le ciel m’avais évite parce que le résultat aurait été catastrophique.

-         Assia ma chérie !, l’ai-je consolé.

-         Véro ne ris pas, la mère là ne me laisse pas je t’assure ! Si seulement j’avais eu ta chance ! Un orphelin unique et une marâtre qui n’en a rien à faire !

Je n’aimais pas beaucoup que ma sœur parle de la famille de mon mari, parce qu’elle ne savait pas que ce qu’elle disait était très douloureux déjà pour Paul mais surtout très compliqué pour moi.

-         Oui mais mes enfants ne voient pas beaucoup les membres de la famille de leur père… Tout n’est pas rose chez moi non plus !, lui ai-je répondu en prenant un verre pour me servir de l’eau à boire.

-         Je sens qu’à notre arrivée là-bas elle va me faire des remarques sur mon poids… Et je ne te parle pas de mes belles-sœurs…

En me moquant de ma sœur, j’étais reconnaissante de ne pas avoir à vivre ce qu’elle vivait, entre sa belle-mère, ses belles-sœurs et son mari !

Ma sœur n’avait pas mon tempérament froid et distant donc ce que les gens disaient la touchaient toujours. Je me souviens qu’un jour elle était venu pleurer chez moi à cause d’une remarque que sa belle-mère avait fait sur son poids la comparant à une vache à lait. J’avais essayé de convaincre Armelle de se reprendre en main et de perdre du poids mais rien n’y a fait !

Parfois je me dis le poids de ma sœur n’a rien à voir avec ce qu’elle mange et plus à voir avec le stress qu’elle rencontre dans sa vie. Son mariage est loin d’être un havre de paix pour elle.

-         En tout cas qu’elles disent ce qu’elles veulent, je m’en fiche !

-         C’est exactement ce que je te dis depuis des années, lui ai-je rappelé. Tu voulais me parler de quelque chose d’important.

-         Oui ! Voilà ! J’ai besoin de ton aide !

-         Hum…

-         Avant de tirer ta bouche là écoutes moi !, dit-elle. Voilà j’ai une amie, une très bonne amie à moi qui est dans une situation délicate en ce moment !

-         Hun hun !

Elle se tourna pour observer par-dessus son épaule comme si elle s’assurait que personne n’écoutait ce qu’elle disait.

-         Elle est en couple avec son homme depuis déjà 2 ans, c’est le genre d’homme qui a les poches bien pleines, donc il cherche à avoir un enfant. En fait il lui a dit qu’il ne l’épousera que si elle lui fait un enfant…

Encore une histoire sordide ! Je n’aimais pas les histoires de kongossa que ma sœur racontait à tout va ! Je me suis rappelé lui avoir dit un jour que ce sont ces distractions inutiles qui faisait qu’elle n’avait jamais réussi à monter une bonne affaire.

-         Waaa Armelle, mon problème combien là ?

-         Non écoutes ! Ecoutes, elle me dit qu’elle a accepté sa proposition à condition qu’ils fassent les examens prénuptiaux pour qu’elle puisse faire un enfant, parce qu’elle est AS donc elle voulait s’assurer que lui ne l’est pas tu vois ?

-         Oui…

-         Bon pendant les examens elle a demandé aussi qu’on leur fasse des tests de fertilité, le gars a donné son sperme mais il s’avère qu’il est stérile !

J’ai froncé les sourcils en voyant où nous menait cette discussion, elle vit mon regard changer.

-         Écoute ! Ce mariage est une grande opportunité pour elle, le gars dit qu’il veut des enfants… Mais il ne peut pas en avoir, alors elle est venu me voir pour que je l’aide à trouver une solution…

-         Et tu as décidé de venir me voir !, ai-je terminé.

-         Oui Véro…

-         Armelle tu es folle !, ai-je répondu calmement. Tu n’es pas bien dans ta tête… Moi quoi avec ton amie pour que tu viennes m’entrainer dans ses choses ?

-         Véro s’il te plait !

-         Véro quoi ? Tu vas raconter ma vie au gens ? J’espère que tu n’as pas ouvert ta grosse bouche là…

-         Je ne lui ai rien dit !, me répondit-elle en levant les mains. Je ne lui ai même pas dit que je pouvais la renseigner je suis venue juste te parler si tu peux l’aider…

-         Je ne suis pas Dieu ! Je ne fais pas de miracle !

Elle posa un regard désapprobateur sur moi.

-         Armelle tu ne sais pas que ce que tu me demandes est dangereux ?

-         Je sais que c’est dangereux ma petite sœur ! Je croyais seulement que tu pouvais aider une petite intelligente et battante qui veut s’en sortir… Toi-même tu ne vois pas que ce type veut jouer au plus malin avec elle ? Après deux ans de relation il sort d’où avec son histoire d’enfant avant le mariage ?

Armelle savait où appuyer pour me toucher. Les femmes doivent s’entraider, moi particulièrement j’aime donner un coup de pouce à celles qui sont déterminées à réussir.

-         Je n’aide pas les gens que je ne connais pas… Ramènes ta copine là demain au restaurant à 17 heures je verrai si je peux l’aider !

    
Et si demain mourrai...