CHAPITRE 3 : SOUVENIR, SOUVENIR 2
Ecrit par delali
Mélina en ce laps de temps, a eu en tête qu’une seule chose, sa sécurité et son honneur. Elle a surtout été tétanisée par un seul fait, elle ne voulait surtout pas être victime d’un viol ou encore d’une agression ensanglantée. La rue était déserte, les habitations endormies et les herbes des buissons hautes de plus d’un mètre. Il n’y avait donc personne pour venir à sa rescousse.
Alors lorsque l’agresseur a tendu son bras vers le sac qu’elle avait sur la tête, elle l’a jeté presque sur lui et à chercher une issue pour partir en courant. Dans son élan, l’agresseur agrippe son sac à main au vol. Mélina n’y oppose aucune résistance, elle abandonne aussi le sac main et fuit en criant. Les agresseurs contents de leur butin de l’aube, partent sur des chapeaux de roues dans le sens inverse de leur venue.
Mélina est en pleurs presque, elle a l’impression d’avoir frôlé le pire. Elle n’a plus le courage ni d’avancer, ni de reculer. La dame et sa fille ne sont pas allées loin non plus. Elles rejoignent Mélina. Toutes les trois se sont réfugiées auprès d’un homme qui curait les caniveaux dans la rue au moment de l’agression. Celui-ci demande :
Que se passe-t-il ?
On nous a agressées ! répond la dame.
Ah bon ? Quand ça ? Où ça ?
A l’instant même. C’était deux hommes, réplique encore la dame.
Vraiment dommage que je ne les ai pas aperçus, sinon j’allais leur casser la tête avec ma pelle !
Mélina ne disait mot, elle était persuadée qu’il avait assisté à toute la scène sans lever le petit doigt, puisqu’elle l’avait aperçu quelques secondes avant l’agression. Mais là n’était pas encore son souci, elle venait de tout perdre, une partie importante en qualité de ses affaires et de ses bijoux, son téléphone portable, un peu d’argent et pire ses pièces d’identité. La dame nigériane lui a demandé alors
Mais pourquoi leur as-tu laissé ton sac à main ?
Mélina ne bronchait toujours pas, elle n’avait que les larmes aux yeux. Aujourd’hui à y bien réfléchir, elle se demande si cette dame et sa supposée fille n’étaient pas de mèche avec les agresseurs. Tout compte fait, Mélina se dit qu’elle n’aurait jamais vécu une expérience aussi traumatisante si sa sœur ainée, qui était sensée la protéger, ne l’avait pas obligée à prendre la route à une heure aussi indue sans aucune précaution.
C’est à ce moment, qu’aux environs de 6 heures un taxi moto a pris dans la ruelle, il a ralenti à leur niveau pour savoir de quoi il s’agissait. C’était un monsieur d’âge mûr, Mélina a ouvert donc la bouche pour lui répondre en fon :
On a été agressé.
Mon Dieu ! Vous n’avez rien j’espère ?
Non, on allait au carrefour et ils m’ont tous pris, a-t-elle Répondu en pleur.
Et où allez-vous maintenant ? Je peux vous déposer.
Ils m’ont tous pris, je n’ai plus rien sur moi.
Où avez-vous quitté, je vous y ramène.
Mélina est montée alors sur la moto, pas sans grande peur. Elle était encore en état de choc, elle avait l’impression de faire un cauchemar, mais reconnaissait avoir échappée bel à une situation qu’on aurait pu éviter tout simplement. Elle est arrivée au bout de quelques minutes seulement à la maison. Elle a martelé de toutes ses forces le portail. Iya Mafouz et son époux sortent en demandant :
C’est qui ?
C’est moi !
Mélina ? demande Iya Mafouz pour en être sûr.
Oui !
Mais tu n’es plus partie ? Que se passe-t-il ? dit-elle en ouvrant le portail.
Mélina entre en pleurs en disant :
J’ai été agressée, on m’a tout pris !
Quoi ? Mais comment ça ? s’est exclamé en chœur le couple.
Tous les enfants ont été alertés par ces haussements de voix. Ils sortent entourer leur tante en état de choc. Mélina leur raconte un peu comment cela s’est passé. Iya Mafouz se lamente envers elle.
Mais pourquoi tu as quitté le carrefour ? Je t’ai dit d’y attendre un taxi moto !
On ne trouvait pas de zém ! a-t-elle répondu en pleure
Mais pourquoi tu pleures même ? Tu ferais mieux de rendre grâce à Dieu que tu sois encore en vie. Et s’ils avaient tirés sur toi ? A quel saint j’allais me vouer actuellement ?
Mélina ne pipa mot, elle se dirigea vers la chambre à coucher pour s’y refugier, cacher sa peine et son traumatisme. Quinze minutes plus tard, sa grande sœur vient l’y trouver et lui dit :
Mélina, tu dois y aller, Iya Djibril s’impatiente.
Mélina regarda dehors et voit que le jour n’était pas complètement levé.
Je ne sortirai pas d’ici tant qu’il ne fait pas jour, a-t-elle déclaré.
Mais il ne se passera plus rien, l’autre doit voyager et tu retardes son programme. Pourquoi tu as tant l’art d’énerver les gens même !
Mélina ne répondit pas, et ne bougea pas d’un pouce non plus. Elle se demandait si sa sœur savait un peu l’effet que cela pouvait faire de frôler la catastrophe et d’être en état de choc ensuite. On a l’impression de ne plus être présent dans son propre corps. Non, elle ne pouvait pas le savoir, ce qui la préoccupait à l’instant T, c’est le fait que son autre sœur iya Djibril puisse sortir de son quartier sans que ses voisins ne s’en aperçoivent. Le « qu’en dira-t-on ?» s’était avéré plus important aux yeux de Iya Mafouz que sa sécurité à elle Mélina. Et par la suite, il s’est révélé plus important que son état d’esprit. Elle en était sidérée, il aurait donc fallu qu’il lui arrive malheur d’abord avant que sa grande sœur se rende compte qu’elle l’a vraiment mise en danger…
Il a finalement sonné 7 et 30 minutes quand Mélina est sortie de la maison pour aller rejoindre sa demi sœur par alliance. Elle a passé le séjour comme prévu. Après être rentrée auprès d’Iya Mafouz, cette dernière lui fait comprendre que l’époux d’Iya Djibril avait promis lui offrir un autre téléphone portable, pour compenser un peu ses pertes. Mais sans être vraiment surprise, Mélina s’est retrouvée toute seule à faire ses déclarations de vol, et autres. Elle se rappelle avoir été aidé par quelques collaborateurs de travail dans le processus de renouvèlement de ses pièces d’identité.
Après cet épisode des plus traumatisants, un an plus tard, Mélina a eu cette opportunité de voyage en s’inscrivant à un programme de dessin compétitif. Mélina s’est agrippée à ce programme qui la finalement faite sortie du Bénin…
Installée aujourd’hui La Línea, en Espagne, deux années sont déjà passées et Mélina se sent beaucoup mieux. Elle a maintenant 32 ans et est une femme plus qu’accomplie. Elle se sent par moment seule, certes, mais elle préfère de très loin cette solitude que de retourner à son ancienne vie. Son père et sa mère sont maintenant installés au Bénin, dans la maison qu’elle et ses frères ont fait construite pour eux. A certains moments, sa mère lui manque tellement, mais le travail ne lui permet pas de pouvoir faire l’aller-retour régulièrement. Néanmoins, elle arrive à faire un tour au pays ne serait-ce qu’une fois tous les deux ans pour voir ceux qui lui sont proches avec qui elle est restée en contact.
C’est pour cela qu’a l’instant où elle a vu cette offre, elle a tout de suite pensé à Marianne, sa cousine. Marianne est sa jeune cousine du côté maternelle. Ses parents et elle, ont de tout temps vécu au Gabon, mais aujourd’hui ils sont aussi installés au Bénin, il y a seulement deux années. Mélina et Marianne se sont tout de suite, trouvées des affinités lorsqu’elles se sont rencontrées. Dans leur adolescence, déjà Marianne était venue en vacances avec ses parents à Accra au Ghana, leurs deux mères étant des sœurs, elles se sont donc fréquentées. A présent, elles sont plus que des sœurs, elles sont amies et même confidentes.
Mélina pousse un long et bruyant soupir en se souvenant de tout ça. Elle a en parcouru du chemin, et même maintenant elle a l’impression qu’il lui reste encore des kilomètres devant elle. Le métro l’a conduite à bon port. Elle termine le reste du chemin à pieds. Elle entre à peine dans son appartement lorsque son téléphone se met à vibrer à l’intérieur de son sac. Elle se dépêche de le prendre et se rend compte que c’est sa mère. Elle est heureuse, elle pourra parler un peu sa langue maternelle, le minan. Elle rejette l’appel, puis le relance de son téléphone à elle.
Allo maman ?
Oui, ma fille, comment tu vas ?
Ça va bien maman, et chez vous là-bas ?
Ça va bien aussi oh. Ton père me dit de te saluer.
Ok, je l’appelle tout à l’heure. Là je viens de rentrer et je dois vite ressortir encore.
D’accord, je lui dirai.
Maman, nouvelles du pays ?
Y’a rien de grave ma fille, c’est juste un bonsoir.
Ah merci maman, c’est trop gentil. Cela me fait beaucoup plaisir. Il y a des jours je m’ennuie tellement.
Eh ma fille ! Tu n’as toujours personne dans ta vie ?
Pas encore maman.
Mais tu attends quoi ? Le temps passe. Est-ce que tu sais ça ?
Oui maman, je sais, mais …
Mais quoi ? Trouves toi quelqu’un et fais-moi des petits enfants.
Mais maman, je ne forcerai pas un homme à sortir avec moi quand même. Ici, ce n’est pas comme au pays. Ici, c’est chacun dans son chacun. Je vais au travail seulement et je rentre…
Moi je veux voir mes petits enfants avant de mourir. Il faut faire quelque chose.
Ce n’est pas de ma faute maman, faut prier pour moi. Et ne t’inquiète pas, il ne t’arrivera rien.
D’accord. Tu sais je prie pour toi tous les jours ma fille. Ou bien, tu reviendras au pays pour trouver d’abord quelqu’un ?
Ah maman !!! Je suis déjà en retard, je vais rater le métro. Je te rappelle plus tard.
Au revoir oh, avec tes comportements de blanc là !
Elle raccroche, un peu attristée d’avoir menti à sa mère. Mais cette dernière la stresse un peu trop avec son vœu de petits enfants. Voilà l’une des raisons pour laquelle, elle évite le plus souvent de lui parler.
Elle pousse un autre soupir avant de poser son sac à main quelque part dans un coin de l’appartement. Puis elle se dit pour se remonter le moral :
Méli, ce n’est pas le moment d’être triste. Tu as un rendez-vous galant ce soir. C’est peut-être l’homme que tu attendais. Non ! C’est l’homme que tu attendais. Il faut être positive dans la tête après tout.
Suite à ces mots, elle se fait son plus beau sourire et s’empresse de se rendre dans sa chambre, puis sa salle de bain afin de sortir le grand jeu pour son rendez-vous.
***
Au même instant à Cotonou
Marianne vient de terminer les courses de sa mère, elle sait que pour lui parler, il faut d’abord arriver à lui faire plaisir. Elle agrippe donc sa moto « Djènanan » de marque « Ahoujou » et démarre en trombe de devant l’église St Michel pour se rendre au quartier Ste Rita où se trouve le domicile de ses parents. Au bout d’une vingtaine de minutes, Marianne arrive devant le portail de la concession. Elle fait juste un coup de klaxon, quand son petit frère Camille, le benjamin de la famille vient lui ouvrir le portail. Elle entre en roulant, puis pose un pied par terre pour couper le moteur :
Bonne arrivée ‘’dada’’ (grande sœur en vernaculaire) ! lui dit le petit Camille.
Merci Camille, ça va ?
Oui dada.
Tiens je t’ai ramené tes fruits préférés.
Merciiii ! S’exclame l’enfant en sautillant lorsqu’il a pris la grappe de raisin en bocal que lui a tendue sa grande sœur.
Maman est déjà rentrée ? Demande-t-elle en descendant de sa moto.
Oui, elle regarde la télé.
Marianne récupère les uns après les autres les colis qui étaient attachés sur sa moto, retire la clé de l’engin, puis se dirige vers le salon. Elle y trouve effectivement sa maman assise devant l’une de ses séries préférés « Ma famille » de ‘’Akissi Delta’’. Marianne pose les affaires sur le divan et va faire une bise à sa mère.
Bonsoir maman chérie.
Oui bonsoir ma chérie. Mais pousse-toi un peu d’abord, tu vas me faire rater la scène.
Humm maman ! Toujours avec Ma famille ! Ça fait la énième fois que tu regardes !
C’est pas ton problème, répond-t-elle en se concentrant plus.
Maman je suis passée voir ton couturier Tintin, il a réussi à merveille des tenus !
Cette déclaration a eu l’effet escompté, la mère de Marianne se détourne enfin de son film.
Ah bon ? Fais voir !
Oui, regarde.
Marianne défait les sachets emballages les uns après les autres en dépliants les vêtements. Sans plus se faire prier elle les essaye tous sous les admirations de ses enfants :
Adeline ? Viens voir, crie-t-elle pour alerter son autre fille qui est dans la cuisine.
Humm maman ! Je veux coudre ça aussi, c’est trop joli !
Ou bien ?
Après s’être tous extasiés, madame Rose BONOU renvoie d’abord Adeline à la cuisine, puis Camille à ses études avant de se retourner vers Marianne.
Bon, Ria maintenant dis-moi.
Marianne est surprise, elle demande :
Quoi maman ?
Ria, je te connais trop, tu es ma première fille, je sais qu’il y a quelque chose, c’est pour ça que tu t’es rappelée de Tintin aujourd’hui.
Humm maman, est ce que tu veux dire par là que je ne t’ai jamais fait plaisir sans avoir un intérêt ?
Si ! Mais le nombre de fois où tu avais des intérêts est plus élevé que les autres, alors inutile de tourner autour du pot, accouche.
Ok, maman c’est bon, tu as deviné.
La mère de Marianne s’installe donc plus confortablement et fait mine de prêter oreille attentive à sa fille. Celle-ci commence :
Au fait maman, je viens d’avoir une opportunité en or, un travail quatre fois bien payé que celui que j’ai. Mélina m’a déjà envoyée tous les papiers, elle m’a dit qu’il suffit juste que je donne mon accord et c’est ok.
La mère de Marianne lance un très long juron, en affichant automatiquement une mine farouche.
Tu parles de qui même ? Cette prostituée de Mélina ? Qui ne sait pas encore ce qu’elle veut faire de sa vie ?