Chapitre 36

Ecrit par Djelay

Comme d’habitude, je ne mange que quelques bouchées puis retourne dans ma chambre. Allongée dans mon lit j’attends que le sommeil m’emporte. Une fois de plus mon sommeil est agité. Je me réveil brusquement en hurlant. Encore cet horrible cauchemar qui me tourmente depuis maintenant un mois. Trempée de sueur, je sors de la chambre en direction de la cuisine. J’ai toujours apprécié ce calme à cette heure de la nuit. Je sors un verre de l’égouttoir, le remplis d’eau minérale avant de le vider goulument.

-         Ouf ! ça fait un bien fou. Murmuré-je.

Je reste un instant adossé contre la paillasse et repense à ce mauvais rêve dans lequel je voyais David débrancher Mike sous le regard meurtri de madame Ibara. Le simple fait d’y repenser me donne des frissons. Je sais qu’elle le fera. David m’a dit qu’elle n’espère plus au rétablissement de Mike. Mais ne devrait-elle pas laisser Dieu décider. Qui est-elle pour prendre une vie ?  Parce que OUI, Mike est toujours en vie et tant que son cœur continuera de battre personne n’a le droit de lui retirer sa vie. Seul Dieu possède ce droit. Je ne me rends même pas compte des larmes qui se tracent un chemin le long de mes joues. Pas un seul jour ne passe sans que je ne pleure, sans que je ne sois angoissée, sans que je ne sois triste sans que je ne pense à mon Mike. Cet homme qui a sacrifié tant de choses pour moi. Celui-là même qui a mis sa vie en danger pour sauver la mienne. Moi qui ne cessais de crier qu’il n’a pas de cœur, qu’il n’est qu’un sadique autoritaire pour qui les sentiments des autres ne comptaient pas. Pourquoi est-ce maintenant que je réalise qu’il est en fait la meilleure personne que j’ai connue. Et mon regard se noie dans mes larmes tandis que je me remémore tous les moments passés avec mon bien aimé.

-         Mademoiselle ? Mademoiselle ?

-         Hummmm

-         Réveillez-vous !

-         Encore cinq minutes s’il te plait.

-         Kevin est déjà là et il vous attend. Levez-vous maintenant où vous serez en retard.

Bon sang ! J’ai la tête, sur le point d’exploser. Je comprends à présent pourquoi le médecin me demande de dormir suffisamment. J’ai passé toute la nuit à pleurer, résultat j’ai les yeux enflés et rouges. Pour couronner le tout, une terrible migraine.

-         Vous avez encore pleuré !

C’est plus un reproche qu’une question. Naomie déteste me voir pleurer. Elle me répète tout le temps que c’est mauvais pour le bébé. J’en suis consciente mais je ne le fais pas par plaisir.

-         Aller, levez-vous !

Elle m’aide à me mettre debout et m’accompagne jusque dans la salle de bain. Je la suis docilement n’ayant plus de force après avoir utilisé tout ce que j’avais en réserve pour pleurer. Je ne pense même pas en avoir pour prendre ma douche. Comme toujours Naomie a tout compris sans que je ne dise un mot. Une fois dans la salle de bain, celle-ci m’aide à retirer mes vêtements et me place sous le jet d’eau fumant. Je savoure ce moment d’apaisement pendant qu’elle me lave comme si j’étais une enfant. Effectivement, je le suis depuis ce fameux drame.

-         Merci pour tout Naomie. Dis-je lorsque nous sortîmes de la salle de bain. Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans toi.

-         Ne me remerciez pas mademoiselle ! Je vous considère comme une petite sœur et c’est pour moi un plaisir de prendre soin de vous.

-         Dans ce cas cesse de me vouvoyer s’il te plait. Appelle-moi juste Lili.

Son sourire gêné me dit que ce ne sera pas chose facile. Avec le temps sans doute.

-         J’essaierai mad… Lili.

-         C’est mieux. Dis-je en la gratifiant d’un large sourire.

-         C’est bon de vous voir….pardon de te voir sourire à nouveau. Tu ne sais pas à quel point ça fait du bien au bébé.

Une brève tristesse passe sur mon visage. Naomie a raison ! Je dois faire un effort pour mon bébé.

-         Ou vos bébés. Ajoute-elle.

-         Quoi ?

Elle me fait un clin d’œil avant de quitter la chambre. Je reste un instant pensive en regardant mon ventre. C’est vrai qu’il est énorme. Serait-il possible que je sois enceinte de jumeaux ? Je n’ai jamais rien voulu savoir à propos du sexe du bébé. En fait seule sa santé m’intéressait. J’envisageais découvrir le sexe du bébé en même temps que Mike. J’espérais qu’il se réveille et qu’ensemble nous nous rendions  chez le gynécologue. Hélas, je suis à huit mois de grossesse et Mike n’est toujours pas réveillé. Peut-être ne se réveillera-t-il jamais. Cette idée me fait l’effet d’un poignard dans le cœur. Je refoule ces pensées obscures puis me dirige vers le dressing.

-         Bonjour Kevin. Dis-je en arrivant au salon quelques minutes plus tard.

Ce dernier se lève en me voyant et vient m’enlacer. Nous sommes devenus très proches lui et moi. Il m’accompagne toujours à mes rendez-vous chez le médecin, pour les courses du bébé et même à l’université. Il répète constamment que quand Mike se réveillera, sa première question sera de savoir si je vais bien alors il doit s’assurer que c’est le cas tous les jours. Car sinon, Mike risque de le tuer. Nous rions à chaque fois qu’il aborde ce sujet. Cela semble est drôle pourtant c’est la pur et simple vérité.  J’imagine sa réaction quand il saura ce qu’a fait sa mère. Il risque de couper tous les ponts avec elle rien que pour ça. J’aime Mike et j’aime le fait qu’il soit fou amoureux de moi mais j’ai peur que cet amour soit un jour à l’origine d’un quelconque désagrément ou pire un drame. Et c’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai supplié Kevin pour qu’il ne lui touche guère mot de tout ce qu’a fait madame Ibara. C’était peine perdu. Ce dernier m’a répondu qu’il n’y avait jamais eu de secrets entre Mike et lui et qu’il n’y en aura jamais. Pourvu que Mike prenne les choses avec calme à son réveil, enfin si jamais il se réveillait.

-         Tu as encore pleuré !

D’abord Naomie, ensuite lui ?

-         Non ! Essayé-je de nier.

-         Pas la peine de mentir Lili. Je sais à quoi tu ressembles quand tu pleures.

J’explose de rire en entendant ces mots. Quand ai-je ris de la sorte pour la dernière fois ? Je ne m’en rappelle pas. J’avais oublié le sentiment de bien-être que cela procurait.

-         C’est bon de te voir rire.

Un silence gênant s’installe entre nous alors que Kevin darde sur moi un regard tendre tel celui d’un frère. Je vois en lui un second frère et c’est rassurant.

-         Bien, petite Lili il est temps d’aller s’enquérir de l’état de santé de notre mini Mike ou mini Lili.  

Il me tend l’avant-bras que j’accepte volontiers. Cette journée s’annonce meilleure que les précédentes. Espérons que tout se déroule bien.

-         A toute de suite Naomie. Dit Kevin avec un clin d’œil qui ne m’échappe pas.

J’observe d’un œil suspicieux la réaction de cette dernière. Je suis certaine qu’on la verrait rougir si et seulement elle avait la peau blanche. Sacrés cachotiers ! Je me retiens de sourire mais au fond je suis contente de ce qui se passe entre eux. J’espère que c’est sérieux car ils le méritent tous les deux.

 

Mike

 Je peine à ouvrir les yeux. Mes paupières semblent peser une tonne. Putain qu’est-ce qui m’arrive ? Je réessaie une nouvelle fois. Bien que ce soit pénible, j’y arrive mais avec beaucoup d’efforts. Je cligne plusieurs fois des yeux avant de réaliser que je suis allongé. Je balaie la pièce du regard et me rend compte que je suis dans ma chambre. Bon sang, c’est quoi cette migraine ? Ma main touche un tube lorsqu’elle essaie de se poser sur ma tête. Un tube respiratoire ? C’est quoi ce délire ? D’un geste vif, je me débarrasse de cette chose et aussi de la perfusion. Mais lorsque je tente de me mettre debout un sentiment étrange m’envahit : la peur. Mes jambes ne répondent pas correctement. Elles bougent certes, mais la douleur qui accompagne le mouvement est insoutenable. Déboussolé et confus je cède à la panique. Pourquoi suis-je allongé là ? Seul ? Sans personne ? L’image de ma petite poupée me vient tout de suite à l’esprit et mon cœur se met à cogner fort contre ma poitrine. Lili ! Mon ange ! Elle doit surement être dans la cuisine ou dans la salle de bain. Je tente une fois de plus de me mettre debout lorsqu’une femme en tenue d’infirmière entre dans ma chambre. Elle laisse échapper un cri de surprise en me voyant. Pourquoi ai-je l’impression qu’elle me prend pour un revenant ?

-         Mon…monsieur Ibara ?

Je la regarde surpris. Est-elle en train de demander si je suis moi ? Elle perd la boule ou c’est moi qui délire !

-         Qui êtes-vous ? Demandé-je d’une voix autoritaire.

-         Euhh… Votre infirmière monsieur. Dit-elle encore sous le choc.

Mon infirmière ? Qu’est-ce qui m’est arrivé ? Je me rappelle seulement d’avoir…. Et tout me revient subitement. Tiger m’a tiré dans le dos et Lili… Elle me demandait d’ouvrir les yeux. Bon sang ! Ma pauvre p’tite poupée. La peur qu’elle a dû ressentir, je n’ose même pas l’imaginer. Cette fois ci il faut que je parvienne à me tenir debout. Je m’appuie sur le matelas et essaie une nouvelle fois.

-         Non ! S’écrie l’infirmière en se précipitant vers moi pour m’empêcher de tomber. 

-         Lâchez-moi ! Ordonné-je orgueilleusement.

Je déteste me retrouver en situation de faiblesse comme c’est le cas maintenant. Mais mon infirmière m’ignore carrément et m’aide à me rassoir sur le lit.

-         Des patients têtus tels que vous j’en ai déjà confronté alors ne croyez pas m’intimider avec votre air de tout puissant.

Je l’entends parler et je vois ma p’tite Lili. Elles ont le même caractère. Cette pensée m’arrache un sourire.

-         Voilà c’est mieux. Dit-elle voyant mon sourire.

-         Pouvez-vous demander à ma femme de venir s’il vous plait.

C’est la première des choses que j’aurais dû demander.

-         Pardon ?

-         Ma femme, Lili.

-         Excusez-moi mais il n’y a personne de ce nom ici.

-         Vous vous foutez de moi ? Demandé-je durement en sentant ma colère monter.

-         Mais non. Je prends soin de vous depuis quatre semaines et je vous assure qu’il n’y a aucune Lili ici. Seulement votre mère et Corine la servante.

-         Ma mère ? Corine ?

Qu’est ce qui se passe ici putain. Où est Lili ? Et que fait ma mère ici ?  Un instant ! Elle a dit quatre mois ? Quatre mois qu’elle prend soin de moi ? Cela voudrait dire que….

-         Depuis combien de temps suis-je dans le coma ? Demandé-je subitement.

Mon cœur bat frénétiquement tandis que j’attends la réponse.

-         Cinq mois monsieur Ibara.

J’ai l’impression de faire une chute à plus de dix mille mètres d’altitude. Cinq mois que je suis inconscient ? Et Lili n’était pas ici ? Avec moi ? M’aurait-elle abandonné ? Aurait-elle perdu tout espoir de me revoir après seulement un mois de patience ? Aurait-elle cessé de m’aimer ? A-t-elle trouvé un autre homme ? M’a-t-elle oublié ? Mille questions se bousculent dans mon esprit et toutes concernent Lili. Seulement elle. Je me fiche du reste du monde. Juste elle compte.

-         Dites à Kevin de monter et appelez David pour l’informer de mon réveil.

-         Je ne connais aucun Kevin monsieur. Vous allez Bien ? Vous souvenez vous de ce qui vous est arrivez ?

-         Putain ! Hurlé-je de colère. Appelez David tout de suite et sortez de ma chambre.

A voir son expression tétanisée, c’est certain que ce type de patient elle n’en a jamais rencontré de toute sa carrière. La pauvre infirmière se précipite hors de ma chambre. C’est quoi ce bordel ? Ni Lili, ni Kevin ne sont ici. Ma mère ? Qu’est-elle venue foutre ici ? Les paroles de Luc me reviennent et une haine que je n’ai jamais ressentie auparavant s’empare de moi et celle-ci est à l’endroit de ma mère. Comment a-t-elle pu me cacher une chose pareille ? Mon père est-il au courant ? Je n’en suis pas sûr. Car c’est un homme droit et honnête qui n’a jamais eu de secret pour moi. Nous avons toujours été intimes lui et moi. Jamais il ne m’aurait caché que je ne suis pas son fils biologique. Jamais. Ce qui voudrait dire que ma mère a trompé mon père avec un narco trafiquant. Bon sang ! Cette histoire me donne la nausée.

-         Fais chier ! Hurlé-je frustré de ne pas pouvoir marcher.

Combien de temps devrais-je rester immobile ? Je ne supporterai pas de rester assis plus de vingt minutes. Impossible. Je sens mes jambes et elles arrivent à bouger, c’est déjà bon. Mon état est sans doute dû à ces cinq mois d’inactivité. Il faut juste que je rééduque mes membres. Même si je dois me casser les os, je récupérai tous mes moyens en moins de deux semaines. La porte s’ouvre brusquement. Je m’attendais à voir n’importe qui sauf elle. Ma mère court dans ma direction les yeux embués de larmes. Je la laisse m’enlacer, gardant mon sang froid.

-         Oh mon chéri. Grâce à Dieu, tu es revenu. Dit-elle en me serrant fort dans ses bras.

Je reste inerte, me retenant de la repousser car je n’ai qu’une envie c’est de la jeter hors de ma maison. Au nom du respect que j’ai pour elle, vu qu’elle est celle qui m’a donné la vie, je résiste à la tentation d’exprimer ma rage.

-         Tu vas bien ? As-tu mal quelque part ? Me harcèle-t-elle de questions.

-         Non. Peux-tu me lâcher maintenant. Répondis-je sèchement.

Elle écarquille les yeux de surprise.

-         Qu’y a-t-il mon chéri ? Pourquoi as-tu l’air en colère ? Tu n’es pa content de voir ta petite maman ?

-         Pour l’instant, j’ai besoin de parler à David ensuite j’irai voir Lili. Je  règlerai ton cas plus tard.

-         Mon cas ? Pourquoi me parles-tu de cette façon ? Je suis ta mère Mike, de ce fait tu me dois tout le respect du monde.

-         Le respect comme tu dis eh bien il se mérite ! m’écrié-je

-         Mike ? S’offusque-t-elle.

Je sais, je me suis emporté mais la voir en face de moi me met hors de moi. Comment peut-on être aussi serein sachant tous les mensonges que l’on trimbale. Je reconnais ne pas être un saint. Mais jamais je n’aurais pu être plus démoniaque que cette femme qui malheureusement est ma mère. Je ne crois pas pouvoir lui pardonner un jour cette trahison envers mon père et moi.

-         Qu’est-ce qui te prends ? Tu me cries dessus, moi ta mère à cause de cette gamine. Saches que si je l’ai mise à la porte c’est…

-         Pardon ? Quelle gamine ? Surtout ne me dis pas qu’il s’agit de Lili.

En voyant ma mère muette je comprends qu’elle parle de Lili. J’ai l’impression d’être peu à peu possédé  par un esprit maléfique tant je suis fou de rage. Mes yeux deviennent rouges de colère. Je serre les poings pour éviter de commettre l’irréparable. Sentant l’aura démoniaque que je dégage, ma mère se relève de manière brusque.

-         Elle a osé me tenir tête, je n’ai pas eu d’autre choix que la mettre dehors. Chéri…

-         Assez !

Ma mère tressaille de frayeur au son de ma voix. Seigneur, apaisez mon cœur afin que je ne fasse pas de conneries. Prié-je en essayant de garder mon calme.

-         Sors d’ici ! Ordonné-je d’une voix calme mais dure.

-         Mon chéri, je suis…

-         Sors d’ici j’ai dit. Crié-je cette fois-ci. Et que je ne te vois plus dans cette maison maman. Pars dans un hôtel et attends que je recontacte. Surtout ne retourne pas à Johannesburg.

-         Pourquoi ? Tu me jettes  à la rue et je suis censée rester dans les parages ? N’as-tu plus   aucun respect pour ta mère ?  Celle qui t’aime plus que tout dans cette vie ?

-         Ne joues pas à la victime mère. Et pour ton bien, tu ferais mieux de faire ce que je demande ou sinon c’est à papa que j’irai parler de ta trahison.

Elle blêmit tout à coup. Je suis certain qu’elle sait à quoi je fais allusion et la connaissant elle attendra de savoir à quel point je connais la vérité avant de dire quoi que ce soit. Sans un mot de plus, elle quitte la chambre. Tout s’explique ! L’absence de Lili, celle de Kevin. Il a certainement voulu défendre Lili et ma mère l’a mis à la porte lui aussi.

-         Bon sang Dav ! Tu viens oui !

A peine je prononce ces mots que je le vois entrer. La joie se lit clairement sur son visage.

-         Putain, mon pote ! Tu nous as fait une peur bleue.

Il me rejoint en un rien de temps et me fait une accolade.

-         Je suis content de te revoir. Et j’en connais une qui pleurera de joie.

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine.

-         Lili ? Tu crois qu’elle pense encore à moi ? Demandé-je le cœur plein d’espoir.

-         Penser à toi ? Nonnnn…

Un coup de batte sur la tête ne ferait  pas aussi mal. Pensé-je douloureusement.

-         ….. Elle se meurt depuis que tu es dans ce fichu coma. Ajoute-t-il.

Je relevai brusquement la tête soulagé et furieux contre Dav pour avoir failli provoquer  une crise cardiaque.

-         Sale enfoiré ! Dis-je gentiment le sourire jusqu’aux yeux.

-         Enfoiré toi-même !

-         Putain Dav ! Je n’arrive toujours pas à croire que je suis resté inconscient cinq mois. Raconte-moi ce qui s’est passé s’il te plait.

-         La version courte ou la longue ?

Je veux tout savoir. Depuis ma blessure jusqu’à mon réveil. Tout.


Fin du trente sixième chapitre. Bizbi.
Facette obscure