Chapitre 36 : Si près de tes lèvres
Ecrit par Auby88
Margareth IDOSSOU
A pas pressés, j'avance dans le hall de la clinique. J'espère que David n'est pas sorti manger. J'ai perdu du temps à essayer de démarrer ma bagnole, sans succès. Ces trucs vous lâchent parfois quand vous vous y attendez le moins. J'ai donc confié la voiture à mon mécanicien et j'ai suivi Ariane pour venir à la Clinique. Pour le retour, je prendrai un taxi privé ou autre.
La secrétaire de David n'est pas à son poste, ce qui tombe à pic. Je m'en vais cogner contre sa porte.
- Entrez !
J'entends sa voix et mon cœur s'accélère. Il ne paraît pas surpris de me voir.
- Que me veux-tu encore, Mélanie ?
Il est debout contre le lit d'auscultation et a les yeux dans le dossier qu'il tient en main.
- Je sais que tu n'es plus avec Cynthia.
- Et alors ? me demande-t-il en levant les yeux vers moi.
Je me rapproche de lui.
- Pourquoi m'avoir menti quand je suis venue t'avouer mes sentiments ?
- Qu'est ce cela aurait changé, Mélanie ! Puisque de toute façon, je ne crois pas en tes mots et je ne veux pas être avec toi !
- Tu me fais mal en me traitant ainsi David. Quand est-ce que tu me pardonneras enfin ?
- Ne mélange pas tout, Mélanie. Si je ne veux pas être avec toi même si je t'aime encore, c'est seulement parce que je ne crois pas en tes sentiments. Hier, tu détestais les hommes et aujourd'hui tu veux me faire avaler que tu m'aimes et que tu veux être avec moi ?
- Je sais, mais je te veux toi ! Je suis sincère.
- Tu es juste perdue, Mélanie. Rappelle-toi aussi que tu m'as avoué être encore amoureuse de Charles.
- Je me suis trompée, David. Je t'assure que je n'aime plus Charles. Il n'existe plus pour moi.
- Tu sembles oublier qu'il y a Sibelle qui vous liera toute votre vie. Il sera donc toujours présent dans ta vie. Il sera toujours entre nous.
- Et alors ! Je t'aime et tu m'aimes. C'est l'essentiel, David !
- Tu n'as pas idée de combien je t'aime, Mélanie ! Je n'ai pas envie de me faire des illusions. Je n'ai pas envie de me mettre avec toi et de réaliser que tu ne m'aimes pas vraiment. Alors va-t'en !
Il me tourne le dos. Je vais me placer devant lui.
- Va-t'en, Mélanie ! crie-t-il en évitant mon regard.
- Je regrette mais je ne peux pas partir. Je refuse de te perdre. Regarde-moi, David !
Il ne m'écoute pas.
Je prends son visage dans mes mains, l'obligeant ainsi à me regarder. Mon visage est couvert de larmes. Il ne retire pas mes mains.
- J'ai commencé à changer pour ceux que j'aime. Et tu en fais partie. Crois-moi, je suis prête à complètement changer pour toi. Mais pour cela, j'ai besoin de ton aide, de tes bras qui savent me réconforter et de ton amour si noble pour moi. Tu ne peux savoir combien je me sens honorée d'être autant aimée par quelqu'un qui a toujours compté pour moi.
- On ne change pas, Mélanie !
- Si, on change. Et j'y crois comme dans les paroles de cette chanson que tu connais bien et que je veux te dire encore et encore si nécessaire :
"Regarde-moi, David.
Je suis en train de changer
En essayant du mieux que je peux.
Je suis en train de changer
Je serai meilleure, que je ne le suis.
J'essaie de trouver une manière de comprendre
Mais j'ai besoin de toi, David
J'ai besoin de ta main, de ton aide.
Je suis en train de changer
Je vois tout, si clairement.
Je suis en train de changer
Je commence tout de suite, Ici même.
Je garde l'espoir de m'en sortir
Et je sais que je peux
Mais j'ai besoin de toi
J'ai besoin de ta main.
Toute ma vie
Je n'ai été qu'une imbécile
Qui a dit que je pouvais le faire toute seule ?
Combien de bons amis ai-je déjà perdus ?
Combien de nuits sombres ai-je connues ?
En suivant ce mauvais chemin, il n'y avait rien que je pouvais y trouver.
Toutes ces années d'obscurité
Peuvent rendre une personne aveugle.
Mais maintenant, je vois.
(…)
Mais j'ai besoin
D'un ami
Pour m'aider à tout reprendre à zéro.
Ce serait si bien
Je sais que cette fois, ça va marcher.
Parce que cette fois-ci, je suis en train de changer!
Je vais faire ma vie, avec toi maintenant
Je suis en train de changer !
Oui, je sais comment je vais recommencer à nouveau
Je laisse mon passé derrière moi.
Je vais changer ma vie, J'en fais une promesse.
Et rien ne pourra m’arrêter maintenant !
Jennifer Hudson, Effie dans le film Dreamgirls, I am changing (Je suis en train de changer)"
D'un geste brusque, il retire mes mains de son visage. Je suis désemparée. Tout à l'heure, je pensais avoir "touché" son coeur.
- Va-t'en, Mélanie ! Va-t'en ! me dit-il en haussant la voix. Tu perds ton temps à essayer de me persuader de me mettre avec toi. Va-t'en ! J'ai des paperasses à remplir.
Il s'assoit sur son bureau et commence à s'affairer. Je le regarde, interdite et déçue. J'ai tellement mal, après autant de rejets de sa part. De son bureau, je sors à toute vitesse, le visage en larmes. L'amour n'est définitivement pas pour moi ! L'amour est trop compliqué ! L'amour fait trop souffrir !
David N'KOUE
Je m'efforce de me concentrer sur les documents à remplir et signer. Mais je n'y arrive pas. Mélanie vient juste de sortir de mon bureau. J'ai bien failli lui dire oui, mais finalement, j'ai encore dit non. Parce que le doute subsiste en moi quant à la véracité et à la profondeur de son soi-disant amour pour moi. Et puis, Charles reste présent et restera toujours présent dans sa vie avec Sibelle qui les unira toute leur vie. Juste l'idée de le savoir si près de Mélanie m'empêche d'avoir une quelconque relation amoureuse avec elle.
Je quitte mes pensées pour "plonger" dans mon travail. Mais je n'y arrive pas. Je revois le visage sincère et en pleurs de Mélanie.
Et si je m'étais trompé ! Et si Mélanie m'aimait vraiment ! Et si elle était prête à réellement changer pour moi ! Et si…
Je dépose mon stylo et je quitte précipitamment mon bureau. Je cours comme un fou dans le hall de l'hôpital. Je ne fais pas attention aux regards stupéfaits des uns et des autres.
Je continue ma course jusqu'au parking à l'entrée de la clinique. Je regarde dans tous les sens, mais je n'aperçois pas sa voiture. Je longe un peu la voie, mais rien. Elle est partie !
Je soupire, attends quelques secondes là, puis rebrousse chemin.
Je suis sur le point d'entrer dans le hall de l'hôpital, quand des pleurs de femme attirent mon attention. Je lève les yeux et la vois. Elle est là, tête baissée, assise sur un banc près du parterre de fleurs. Je suis apaisé. Je souris puis m'approche tout doucement d'elle. Elle ne remarque même pas que quelqu'un vient de s'accroupir devant elle.
- Mon amour, dis-je.
Elle lève aussitôt la tête. Son visage est tout humide.
- David ! Je pensais que tu …
Près d'elle, je m'assois.
- Je ne suis qu'un idiot, Mélanie ! Comment ai-je pu te faire pleurer autant ?
En parlant, j'essuie ses larmes.
Elle m'offre un sourire qui embaume mon cœur. Tout contre moi, je la serre. Nous demeurons ainsi quelques secondes sans parler. Le doux contact de sa peau contre la mienne me fait frémir. Tout doucement, elle se dégage de mon étreinte.
- Est-ce que cela veut dire qu'on est ensemble, qu'on forme un couple ?
Je secoue vivement la tête, en plongeant mon regard dans le sien. A nouveau, ses yeux deviennent tristes.
- Pourquoi me rejettes-tu encore, David ?
En lui répondant, je souris.
- Tant que tu ne me rediras pas ces trois précieux mots que tu m'as dit à l'intérieur, je dirai encore NON !
- Sacré David ! dit-elle en souriant.
- Je t'écoute.
- Je t'aime, David N'KOUE. Je t'aime de tout mon coeur. Je suis prête à changer pour toi et je veux partager jour après jour cet amour que je ressens avec toi, rien que toi ! Tu le veux ?
- Oui, je le veux.
Nous rions tous deux. D'un rire qui emplit l'air.
- Sais-tu ce dont j'ai envie pour sceller notre amour ?
Elle hoche la tête.
- Est-ce que tu en as aussi envie ?
Elle hoche encore la tête.
- Alors, viens ! dis-je en lui prenant la main. Cet endroit n'est pas approprié. Nous serons mieux dans mon bureau, même si en principe je ne me dois pas d'y faire quelque chose qui n'a aucun rapport avec le boulot de pédiatre.
A nouveau, nous nous laissons aller au rire.
- Mais pour une fois, et parce que cela en vaut la peine, je compte bien faire une exception.
- Merci, docteur ! dit-elle.
Nous quittons la cour et longeons le hall, sans trop attirer l'attention sur nous.
Une fois à l'intérieur de mon bureau, je prends soin de fermer la porte à clé. Je n'ai point envie d'être dérangé pour une quelconque urgence que ce soit. (Rires). En tout cas, je suis en pause. Et cela faisait tellement longtemps que j'attendais ce moment.
- Mélanie, mon amour !
Je lui murmure ces mots en la contemplant une fois encore. Elle me sourit. Je prends ses mains et les embrasse. Ensuite, je prends son visage entre mes mains pour m'assurer qu'elle n'est pas juste un mirage. Convaincu, je lui dépose un baiser sur le front, le nez, chaque joue avant de descendre sur …
Non, je n'y crois toujours pas. Je veux m'assurer que je ne rêve pas. Je passe mes doigts sur ses lèvres. Je ne rêve pas.
Elle ferme les yeux. Je pose délicatement mes lèvres sur les siennes, m'enivrant de leur odeur agréable. Ses lèvres tremblantes et chaudes s'ouvrent aux miennes. Je les accueille avec plaisir. Plus rien n'existe à part nous deux...
Je décolle quelques secondes mes lèvres des siennes. Je lis un sourire plus que radieux sur son visage. Je suis emporté. Fougueusement, je l'embrasse, lui laissant à peine le temps de respirer. De beaucoup plus j'ai envie, mais l'endroit n'est pas propice et Mélanie ne voudra certainement pas qu'on aille plus loin si tôt. Donc à contrecoeur, je dégage mes lèvres des siennes.
- Tu as aimé, lui demande-je.
- Oui. D'ailleurs, je ne pourrai plus jamais m'en passer.
Nous rions puis nous nous fixons.
- J'ai toujours l'impression de planer, Mélanie. J'ai tellement rêvé de ce moment, tellement espéré que tu tombes amoureux de moi, que tu m'aimes comme je t'aime ou plus encore !
- Je sais. J'étais aveuglée par mon passé douloureux et ma rancoeur. Mais à présent, c'est fini. Je suis de nouveau prête à sourire à la vie et m'appliquer jour après jour à être heureuse. Et je sais que tu m'aideras. A tes côtés, je n'ai plus peur parce que je t'aime sincèrement et je sais que toi aussi.
Pour toute réponse, je la serre tout contre moi et je m'empare à nouveau de ses lèvres...
- Il est préférable que tu t'éclipses, Mélanie. Sinon dans quelques secondes, je ne répondrai plus de mes actes. Tu vois ce que je veux dire ?
Timidement, elle hoche la tête m'offrant son sourire. Je détourne mon visage. Elle se moque de moi, me dépose un long et tendre bisou sur la joue. Je la raccompagne jusqu'à l'extérieur de la Clinique. Puisqu'elle est sans voiture, je me propose de la raccompagner à son bureau. Mais elle décline mon invitation. Elle préfère que je me repose en attendant mes prochains patients. Je n'insiste pas trop. Je l'aide donc à contacter un taxi privé. Tandis qu'elle regagne son cabinet, moi je regagne mon bureau. Je suis ivre de bonheur.