Chapitre 37

Ecrit par Myss StaDou

Chapitre 37


Assise dans le taxi, je repense à ce qui vient de se passer. Eh Ngono ! Qu’est-ce qu’il t’arrive ? Ce n’est pas toi ça ! Je me suis donnée en spectacle juste pour montrer à une autre femme que Victor m’appartient. Certes, je l’ai bien bastonnée et je crois que je lui ai passé l’envie de rôder autour de mon homme. Mais malgré toutes mes menaces, tous mes coups, cette femme n’a pas arrêté d’affirmer comme la première fois que Victor n’était pas mon homme. Bizarre… Appartiendrait-il à une autre ? Serait-ce cette fameuse Élise ? Pourquoi ne m’en a-t-il jamais parlé ? Ça me fait trop mal d’imaginer une chose pareille. Pourtant je sais que le cœur de Victor est avec moi. Son corps, ses gestes, ses mots ne mentent pas.

 

Je secoue la tête, intriguée. Je le fais tellement fort que le monsieur assis à côté de moi me regarder inquiet :

 

− Mademoiselle, tout va bien ?

− Hein ? demandé-je, étourdie. Oui.

− Vous semblez perturbée. Vous êtes sûre  que ça va ?

− Ça va, dis-je en forçant un sourire. Merci de demander.

 

Maintenant les gens vont croire que je suis folle. Il est presque 18h. J’essaie  encore de joindre Victor, mais toujours le répondeur. Ça m’énerve au plus haut point. Mais où est-il passé ? Et la batterie de mon téléphone qui signale… Je dois le mettre à la charge dès que j’arrive à la maison. J’ai vraiment besoin de lui parler. Comme il fallait s’y attendre, nous tombons dans les embouteillages des heures de pointe. C’est vraiment agaçant de rester là de longues minutes assis sans rien faire. Mes doigts et mes orteils démangent. J’ai envie de bouger.

 

La nuit est déjà en train de tomber quand le taxi se gare devant mon entrée. Je descends, lasse de cette journée. Je balance la manche de mon sac à main sur mon épaule et me dirige vers la maison. Je suis surprise de voir Junior de loin, adossé sur le mur de notre portail avec une autre personne. Je lui jette à peine un coup d’œil et je continue sans un regard. Arrivée vers le portail, j’entends soudain :

 

− Bonsoir Nicole.

 

Je lève la tête pour regarder l’homme qui me salue. C’est le mec âgé de la veille qui traine avec Junior. Je le regarde de bas en haut, avec beaucoup de dédain. Il porte un T-shirt sur un short camouflé et des babouches. Il connait en plus mon prénom… Les choses de Junior !

 

− Ouais... Bonsoir, réponds-je avec un certain dédain.

− C’est comment, Nini ? demande Junior.

− Je suis là, lui réponds-je.

 

Je les observe tous les deux quelques secondes.

 

− Junior, tu viens ?

− Mais…

 

Je lève la main, lui intimant de ce fait le silence et j’entre à la maison. Je n’ai pas la force, ni l’envie de bavardage pour le moment. J’entre à la maison et me rend directement dans la chambre où je reste un moment au milieu de la pièce sans bouger. C’est ainsi que Junior me trouve quelques minutes plus tard. Il a frappé à la porte et est directement entré dans la chambre. Il s’approche et me regarde de la tête aux pieds.

 

− Qu’est-ce qui t’est arrivée ?

 

Je demeure silencieuse.

 

− On t’a agressée ?

− Non, murmuré-je.

− C’est quoi donc ?

− Rien.

 

Junior hausse un sourcil et me regarde.

 

− Je me suis battue contre une fille qui voulait me prendre Victor.

− Nicole ! N’est-ce pas tu m’avais promis ?

− Je sais et j’en suis désolée. Mais c’est arrivé comme ça.

− Comment ça…

− Je ne veux plus en parler. OK ?

 

Je le regarde et lui souris.

 

− Tu as déjà mangé ?

− Quand ? Les marmites à la cuisine brillent comme des poêles vides en plein désert. J’ai mangé un petit pain en route tout à l’heure.

− Ok. Allons à la cuisine. Tu m’aides un peu pour qu’on prépare des pâtes vite fait.

 

Il sourit et me tire par la main.

 

− Allons. Je suis trop fort pour couper les oignions. Tu vas mettre la sardine non ?

 

J’éclate de rire en regardant ce gourmand. Nous allons dans la cuisine. Avec l’aide et les blagues de Junior, nous faisons à manger. Le temps de partager le repas avec les parents, aider Junior pour des devoirs qui le menaçaient un peu, je m’endors devant la télé. Je ne suis pas très en forme. J’ai des courbatures et un mal de ventre, sûrement dû aux coups de Claire m’a porté. Qui m’a envoyé bagarré ?

 

Ce sont des bruits de porte qui me réveillent brusquement. Mince ! Avec la fatigue, j’ai dormi sur le canapé au salon. Les moustiques ont dû faire la fête sur moi. Vraiment, la fatigue aussi doit m’excuser. Je vois à la montre murale qu’il est un peu plus de 06h. C’est mon père qui a ouvert la porte d’entrée de la maison. La télé est éteinte. Il a dû passer devant moi pour l’éteindre et je n’ai même pas entendu. Je me lève péniblement pour aller dans la cuisine. J’essaie  de faire le ménage et apprêter un repas pour la journée. Autant mieux arrivée en retard. Mais tout le monde mangera à sa faim au lieu d’attendre mon retour le soir. Je finis de cuisiner et vais m’apprêter pour aller prendre une douche.

 

Me rappelant soudain que je n’ai pas entendu mon téléphone sonner depuis un bout, je le sors de sa trousse et me rends compte qu’il est éteint ! Me frappant le front devant ma bêtise, je me mets à jurer à haute voix. Bon sang, j’ai oublié de le charger hier à mon retour. Je n’ai pas beaucoup de temps devant moi. Maisnous allons faire avec le peu qu’on aura. Je le mets à la charge et je cours à la douche. Voulant uriner, je me rends compte que je saigne légèrement. Voilà alors la raison de mes maux de ventre. La sorcière de Claire a fait venir mes rougnes avec quelques jours d’avance. Ah, ce n’est pas grave. Ça devait venir de toutes les façons.  

 

Il est plus de 9h quand j’entre dans le taxi qui m’emmène à la Mobil Omnisport pour attraper un car pour Soa. J’éteins mon téléphone pour économiser la batterie. Arrivée à la fac, je croise Jeanne qui sort de cours. Nous nous faisons la bise.

 

− C’est comment ?

− Ça va. Où étais-tu depuis ?

− J’ai dû rester le matin pour cuisiner. Il y a eu quelque chose d’important en cours ce matin ?

 

Jeanne secoue la tête :

 

− Non, rien de particulier. Juste un exercice qu’on doit refaire.

− Ok. Je passe chez toi après les cours pour prendre tes notes.

− Ok. Il n’y a pas de soucis.

 

Je me souviens soudain d’un détail :

 

− Mais je dois rencontrer Laure – une camarade – après les cours donc, je ne viendrai pas directement avec toi. Donne-moi une heure comme ça.

 

Nous nous séparons d’abord car je dois aller faire des photocopies d’un livre. La journée est très chargée et il est presque 15h quand je me dirige vers le bâtiment de Jeanne. J’ai pu vite me libérer. Ça me laissera un peu plus de temps pour parler avec Jeanne avant de rentrer. J’aperçois la voiture de Victor garée pas loin de l’immeuble. Tant mieux, si celui-là refait surface. Il était plus que temps ! Je m’avance dans le couloir quand j’entends des voix venant de la chambre de Jeanne. Je ralentis mon pas et marche plus doucement. Jeanne doit être en train de cuisiner. Car ce n’est que dans ce cas qu’elle laissait la porte de sa chambre ouverte. Je me fais silencieuse pour entendre ce qu’ils se disent :

 

− On a attrapé Claire qui allait chez toi, dit Jeanne en riant. C’est allez très vite. On l’a bien chicotée.

 

Oh ! Elle lui raconte ce qui s’est passé hier, pensé-je en riant dans le cœur.

 

− Vous avez fait quoi ? hurle Victor.

− Dis donc ! Laisse ta colère. Elle tensionne, dis donc !

 

Victor marmonne si bas que je n’entends pas ce qu’il dit.

 

− Quand tu es venue me voir il y a quelques mois et que tu m’as dit qu’elle te plaisait, qu’est-ce que je t’ai dit ?

− Ah toi aussi !

− Réponds !

− Ok ok. Je n’ai pas oublié. Tu m’as dit que c’est une fille bien. C’est ton amie et que tu ne voulais pas qu’elle souffre.

− Et j’ai ajouté quoi ? Que si tu ne veux rien de sérieux avec elle, laisse-la tranquille. N’est-ce pas ?

− C’est vrai. Mais pourquoi tu me dis ça maintenant ?

− Je connais cette fille depuis presque deux ans et je ne l’ai jamais vu perturbée comme ces temps-ci.

− C’est de ma faute, dit Victor d’une voix triste.

− Et tu as parfaitement raison. Nicole commence à me poser des questions.

− Lesquelles ?

 

Elle reste un moment silencieuse.

 

− C’est qui Élise ?

− Elise ? répète-t-il avant de pousser un soupir. C’est vrai que je ne t’ai jamais donné Son nom.

− Je me doutais bien que c’était Elle. Victor…Victor oh… Je ne veux pas les problèmes.

 

Victor ne dit rien.

 

− Dis… Tu ne m’as toujours pas raconté ce qui s’est passé là-bas. Peut-être est-il temps que tu te mettes à parler. Que s’est-il passé entre vous deux ?

 

Il reste silencieux, sans répondre. Je tremble de peur, d’anxiété à la réponse qui va sortir.

 

− Mais comment sait-elle pour Élise ?

− Je ne sais pas. Ça m’a d’ailleurs étonnée qu’elle me pose des questions sur une autre femme et te concernant. Peut-être a-t-elle entendu quelqu’un parler au deuil ? Je ne sais pas.

− Il ne manque plus que ça !  Tout devient de plus en plus compliqué. Je ne sais même plus où donner de la tête. Ça vient dans tous les sens. Et les parents s’y mettent aussi.

− Weh ! Désolée. Je ne savais pas que c’était si grave.

− Tu tomberais de haut si je te racontais tout. Mais je n’ai pas envie de remuer tout ça !

− Ah ça !

− Mais une chose est sûre : Je ne veux pas perdre Nicole ! À aucun prix ! J’aimerais tant faire des projets à long terme avec elle. Mais je veux d’abord qu’elle finisse ses études.

− Ça me rassure de l’entendre, dit Jeanne d’une voix enjouée.

− En plus, tu vois…

 

Je sursaute d’un coup. Je sens des vibrations qui viennent de mon sac. Mon téléphone ! Qui me perturbe maintenant ? Je risque rater quelque chose d’important. Je m’éloigne rapidement pour décrocher l’appel. C’est ma mère.

 

− Allô ? Ni’ ma mère.

− Oui, Ma’a.

− Tu es où ?

− Je suis encore à Soa, Ma’a.

− Pardon, ma fille. Il faut que tu ailles rapidement dans une agence Express Union retirer l’argent que ton oncle d’Abong-Mbang à envoyer.

 

Il ne manquait plus que ça… Pas maintenant, je n’ai pas encore parlé à Victor.

 

− Mais Ma’a, je n’ai pas fini ici, murmuré-je en boudant.

− Je t’en prie. Vas-y avant que les agences ne ferment. C’est pour payer mes examens. Il a envoyé ça à ton nom comme d’habitude.

 

Je réfléchis quelques secondes. Je n’ai pas trop le choix.

 

− Ok. J’ai compris. J’y vais.

− Appelle-le avant hein. N’oublie pas.

− Ok. Je vais le faire.

 

Elle raccroche. Pourquoi ce n’est que maintenant que ça arrive ? Je me dirige vers la chambre de Jeanne et cette fois je frappe à la porte entrouverte. Je n’ai plus le temps de jouer à la super espionne. J’entre en souriant et je fais semblant d’être surprise de voir Victor.

 

− Eh Vic, tu es là ?

− Oui, mon amour. Je suis là depuis un moment. Je bavarde avec Jeanne.

 

Il vient et m’embrasse si sensuellement que j’en perds mon orientation pour quelques secondes.

 

− Ce que tu m’as manqué, toi, dit Victor. Tout ce temps… Même pas un appel.

 

Je perds aussitôt mon sourire.

 

− Pardon, ne m’énerve même pas où tu es là ! Je t’ai appelé hier jusqu’à me fatiguer.

− Mais…

− Tu étais où ?

− Doucement madame. Je vais t’expliquer.

 

Jeanne, qui était près de ses marmites, fait mine de devoir aller chercher le sel chez une voisine et sort de la chambre. Nous la regardons sortir. Avant que je me retourne pour regarde Victor.

 

− Je t’écoute.

− Hier en début d’après-midi, mon père m’a appelé. Il y avait une urgence au village et j’ai dû prendre la route pour Bafia sans m’être préparé. Un souci avec un de ses business là-bas. Mon père voyage moins. Donc je dois très souvent le seconder. Et là-bas, j’ai des soucis de réseau.

− Si tu le dis. Et que fais-tu ici ? Sans m’appeler.

− J’ai essayé le matin. Mais tu étais injoignable. Je ne suis revenu que tout à l’heure. Je suis là pour récupérer les clés de ma maison.

− Ok. Je vois.

 

Je regarde l’heure sur la montre de la chambre.

 

− Je suis pressée. Maman m’a appelé pour me commissionner.

− Ok. Je vois.

− Mais il faut qu’on parle. Tous les deux. C’est sérieux.

− Un problème ?

− Je n’en sais rien pour le moment. Ce sera à toi de me dire.

− Si tu le dis.

− Peux-tu aller avec moi ?

− Je n’ai pas fini avec Jeanne, dit-il, préoccupé. Et je dois voyager demain tôt pour Douala. Je reviens vendredi.

− Qu’est-ce qu’on fait alors ?

− Je t’appelle dès que j’arrive à Yaoundé et tu passes à la maison.

− Ok, ça me va. Mais je ne veux pas de changement de programme entretemps ! C’est important.

− J’ai compris.

 

Il me regarde et s’approche pour me prendre dans ses bras.

 

− Tu sais que ton corps me manque déjà.

− Tu peux oublier ce côté ! « Il pleut au pays bas ».

− Ah, tes règles sont venues. Tant mieux alors.

− Ça m’enlève un poids sur le cœur. Tu ne peux pas y imaginer.

 

Il me sourit et me prend dans ses bras.

 

− Il faut vraiment que j’y aille maintenant.

− Ok. Je t’aime  Chou. On s’appelle.

− Je t’aime aussi.

 

Nous nous embrassons et je sors rapidement de la chambre. Jeanne se tient au couloir.

 

− J’ai failli oublier. Tes notes de ce matin s’il te plaît.

 

Elle rentre dans la chambre et revient deux minutes plus tard. Je prends les notes et me dépêche de quitter le bâtiment. Il faut que je trouve rapidement une agence de transfert d’argent. C’est agaçant que je doive le faire maintenant. Mais ma session d’espionnage a quand même payé. Je sais que Victor et moi, c’est du solide.

Mon amour, mon comba...