chapitre 4

Ecrit par leilaji

Chapitre 4


***Archange Numbi***


Je me demande ce qu’Adrien fait encore dans sa salle de consultation ! Habituellement à cette heure ci, il devrait être chez lui en train de regarder une de ses stupides séries américaines qu’il affectionne tant. Je cogne à sa porte avant d’entrer… pour le trouver assis dans son fauteuil, les yeux dans le vague. Quand je l’appelle, il ne répond rien. M’a-t-il même vu entrer. Que se passe-t-il pour qu’il soit autant à l’ouest? 

Adrien est mon meilleur ami depuis la faculté de médecine. On a traversé beaucoup de moments durs ensemble et je pense sincèrement que notre amitié va au-delà des liens du sang. 


- Type ? C’est comment ? j’insiste après un moment de silence. 


Enfin son regard se pose sur moi. Il passe une main sur son visage comme pour chasser de mauvais souvenirs de sa pensée avant de me sourire. 


- Tu fais quoi ici ? demande-t-il en rassemblant rapidement ses affaires éparpillées sur sa table.

- C’est plutôt à moi de te poser la question il me semble. Lui répondis-je en jetant un rapide coup d’œil à ma montre. 


Il est tard. Il soupire, se lève, puis se rassoit lourdement. Je m’avance vers lui et tire une des chaises pour prendre place afin qu’il m’explique calmement ce qui le tracasse. 


- Je viens de la voir. 

- Voir qui ? 

- Elle. Murmure-t-il. 

- Elle ? Qui ça elle ? je demande hésitant. 


Je ne suis même pas sûr d’avoir bien compris ce qu’il vient de murmurer. Il ne dit plus rien et moi j’ai un peu peur d’insister. Je l’ai rarement vu dans un tel état de trouble. Adrien est le genre de mec à prendre les choses comme elles viennent avec un grand sourire quoi qu’il puisse lui arriver. C’est un ami sur qui on peut compter en toute circonstance, un frère. Et c’est cette éternelle décontraction qui lui permet d’avoir un contact spécial avec les enfants et les adolescents qu’il traite dans sa clinique. C’est l’un des meilleurs sinon le meilleur pédiatre de notre génération mais ça, très peu de gens le savent. Pourquoi ? Parce qu’il refuse d’entrer dans le moule que l’on nous impose tous. Quand il consulte les gamins, il a rarement sa blouse, ses tatouages sont quasiment toujours visibles et ça ne l’empêche pas de faire son job correctement. Les gamins, ils les adorent et s’occupe de chaque patient avec la même détermination. Pourtant il sait ce que les gens imaginent à son sujet. Mais il s’en fout complètement. C’est un homme vrai, dans le bon sens du terme. Il vit la vie qu’il a envie de vivre.

Mais je suis l’un des seuls à savoir que derrière sa grande dégaine, son assurance et ses éternels sourires se cachent de grandes blessures qui n’ont pas totalement cicatrisées. Et c’est parce qu’il a réussi à surmonter ces épreuves sans devenir cynique pour autant (du moins pour tout ce qui ne concerne pas les femmes) que notre amitié a pu se fondre dans un grand respect réciproque.


Je me demande bien ce qui a pu lui arriver pour que … Merde !


- Tu as dit Elle. Elle c’est le prénom de la fille qui…

- Ca va, pas la peine d’en parler. 

- Tu l’as vu où ? 

- Ici même à la clinique. Elle est venue avec sa petite fille. Une gamine adorable mais elle, malgré toutes ces années, elle n’a même pas un peu changé. Enfin si, elle est devenue plus … comment dire voluptueuse et … dit-il en miment des courbes sensuelles de ses longues mains. Putain, je n’arrive même pas encore à réaliser que je viens de la revoir. Cette go ! Je te jure que cette go c’est quelque chose. 

- Adrien ! 


Il sort les clefs de sa voiture de la poche de son jean et commence à les triturer nerveusement. 


- Un truc s’est passé quand on s’est regardé…

- Mais que t’a-t-elle dit ? 

- Tu ne me croiras jamais. Elle ne m’a même pas reconnu. 


J’éclate de rire. Ca fait combien de temps qu’il se débat tout seul avec les sentiments qu’il a toujours éprouvé pour elle ? Des années ! Et quand il la revoit enfin, elle ne le reconnait même pas !


- Non ça s’est même plus un râteau que tu t’es pris c’est carrément …

- Ta gueule Archange ! Je te dis qu’un truc s’est passé quand on s’est vu. C’est une occasion trop belle pour ne pas la saisir type. Le truc que j’attendais depuis des années pour enfin me débarrasser de tous ces souvenirs stupides de gamins. Je vais te la b*** correctement et tirer un trait sur le passé une bonne fois pour toutes ! Et on va voir si après elle ne se souviendra pas de moi…

- Woh, woh, woh, je coupe en levant les mains, non mais arrête là. A l’époque t’étais gringalet, toujours parmi les derniers de la classe, c’est sur qu’elle ne pensait pas que tu deviendrais un jour un médecin tout musclé et tout…


Il me jette son bloc d’ordonnance que j’évite en rigolant. 


***Adrien Latif Adanlosessi Adiahénot***


Au fur et à mesure qu’Archange parle, des souvenirs remontent à la surface. Des souvenirs doux-amer du garçon que j’étais : mal dans sa peau et complètement perdu dans le système scolaire à l’époque. 


Flashback


Des années plus tôt…Classe de CM1 B. 


Aujourd’hui c’est mon anniversaire et encore une fois, je sais que papa ne sera pas là pour le fêter avec moi. Je crois qu’il me déteste ou qu’il a honte de moi parce que tout le monde sait à quel point je n’aime pas l’école ! C’est du pareil au même de toute manière, il est toujours absent. 

La tête posée sur le table-banc de mon immense salle de classe, j’essaie comme je peux de me rappeler la leçon du jour. Je vais surement encore me ramasser un zéro au prochain devoir, maman criera, se mettra à pleurer en disant que je n’arriverai jamais à rien dans ma vie en découvrant ma note et … 

J’entends du bruit provenant de l’entrée de la salle de classe et lève la tête pour tomber sur la plus jolie fille de toute l’école : Jenifer Elle Oyane. Elle c’est une bombe ! Tout le monde la connait et essaie d’être son ami, surtout les garçons. Les filles pensent que c’est une pimbêche vaniteuse qui profite des garçons mais je crois surtout qu’elles sont toutes jalouses de son succès. Parce que Elle, elle n’est pas seulement belle mais c’est aussi la meilleure élève de toute notre école. 


Elle me regarde un moment, avant de s’avancer d’un pas décidé dans la salle de classe et de chercher des yeux un sac. 

J’ai toujours aimé la voir avec ses yeux en amande, aussi tirés que ceux du chat du voisin et son visage de poupée. Chaque fois que je la vois, j’ai mon cœur qui se met à tambouriner dans ma poitrine et je dois faire des pieds et des mains pour m’éloigner d’elle le plus vite possible. 

Je n’ai aucun espoir qu’elle me remarque un jour. Aucun. Je suis le bâtard d’un riche homme d’affaire issu d’une famille béninoise installée au Gabon depuis les années 40 comme me l’a expliqué maman. Le bâtard d’un homme qui se contente d’envoyer de l’argent à ma mère chaque fin du mois et ignore tout le reste de ce qui me concerne. Et surtout… j’ai des difficultés… d’apprentissage. Je suis souvent le dernier de ma classe. 


C’est comme je le pense : Elle est bien trop brillante pour s’intéresser à moi ou même remarquer que j’existe. Depuis qu’on se croise et se recroise, jamais ses yeux ne se sont posés sur moi. Jamais. 

Elle repère enfin le sac, puis se met à le fouiller de fond en comble avant d‘en sortir un paquet de biscuits au chocolat. Son sourire, lorsqu’elle l’ouvre et en avale le premier biscuit, est tel que mes yeux ne la quittent plus une seconde. Le temps que je lui dise qu’elle s’est trompée de sac en fouillant le mien et non celui de son petit frère qui est dans la même classe que moi, elle a disparu avec son butin. 


Ce n’est pas tellement grave. 

Je n’en voulais même pas de ces biscuits. 

Elle peut les manger. 


Le lendemain matin…


Maman me prépare pour l’école qui se trouve à quelques pas de la maison. Ses gestes sont vifs et précis car elle est un peu pressée de me voir partir. Maman attend Jean-Christophe, un français qui vient souvent la voir et avec qui elle fait plein de choses auxquelles je préfère ne pas penser. Pour mon anniversaire, mon père m’a envoyé un magnifique bracelet en argent. J’ai choisi de le laisser dans son coffret car il est bien trop grand pour mon poignet, je risquerai de le perdre à l’école. Je crois que papa ne sait pas à quoi je ressemble sinon, il ne m’aurait pas envoyé un bracelet qui pourrait faire le tour de ma taille. Je suis maigre bien que grand de taille. Pourquoi m’a-t-il offert un truc aussi grand ? 


- C’est bon tu es prêt Adrien ? 

- Tu as mis les biscuits dans mon sac ? je lui demande en ouvrant le sac qu’elle venait à peine de fermer. 

- Quel biscuit ? 

- Je t’ai dit de me mettre les mêmes biscuits qu’hier ! j’insiste en m’énervant un peu. 

- Je t’ai fait un sandwich, il est dans ton sac. Les biscuits ce sera pour une autre fois. 

- J’en veux pas de ton sandwich. Dis-je en pensant au fait qu’elle allait peut-être faire rater mon plan en s’entêtant avec son stupide sandwich. 


Je commence à fouiller moi-même les placards à la recherche des biscuits miraculeux. Dès que je les trouve, j’en prends un paquet et me faufile hors de la maison sans même dire au revoir à ma mère. L’école est à quelques pas de notre habitation, je peux m’y rendre à pied donc ma mère ne m’y accompagne jamais. 


En chemin, je me refais le film de la veille dans la tête. Elle a confondu mon sac avec celui de son petit frère. C’est un peu normal parce qu’on a le même : un sac rouge avec un garçon d’un dessin animé que je ne connais pas. Peut-être que si j’étais resté à mon table-banc, elle se serait rendu compte de son erreur. Mais j’ai été envoyé au fond de la salle de classe par le maitre qui en avait marre de me voir trébucher sur chaque mot d’un texte déjà étudié en classe. 


Ce n’est pas de ma faute si les lettres s’emmêlent dans ma tête… ce n’est pas de ma faute si je n’y arrive pas aussi facilement que les autres!

  

A dix heures


Les autres élèves sont sortis en récréation et moi je recopie une punition : « je ne me moquerai pas de mon maitre en lisant de travers pour amuser la galerie ». 

J’ai horreur de ces punitions qui consistent à recopier x fois une phrase qui ne m’apprend rien de nouveau. Mais cette fois-ci peut-être ai-je un tout petit peu mérité cette punition car j’ai fait le pitre ! C’était surtout pour cacher ma honte, pour que mes copains se disent que je l’ai fait exprès, de lire tout de travers.  


J’en suis à peine à la quatrième phrase qu’Elle entre en trombe dans la salle de classe et se jette sur mon sac pour le fouiller. Avec un peu de chance, peut-être qu’elle me sourira… 


Elle prend le paquet puis sort sans un regard en arrière. 

Pendant deux semaines, j’ai continué à apporter ces biscuits qu’elle aimait tant, même s’il fallait que je crève la dalle pendant les récréations.


Fin du flashback


***Archange Numbi***


Je le regarde prendre un dossier, le fouiller fébrilement puis se mettre à composer un numéro.

 

-          Que fais-tu ? 

-          Je compose son numéro.

 

Je tente en vain de lui arracher le téléphone des mains. 

Adrien est en train de partir complètement en vrille ma parole. Je n’ai jamais vu un mec aussi buté de toute ma vie. Il est coulant avec tout le monde mais à un moment donné quand il dit qu’il va faire quelque chose, plus rien ne peut l’écarter de son plan. 

Je ne sais pas grand-chose de la fille en question, mais je sais qu’il n’a jamais pu l’oublier. Que s’est-il passé exactement, personne n’en sait rien et je crois bien que même sous la torture, il ne serait pas prêt à avouer les événements qui l’ont tant troublé. 

 

-          On ne drague pas des patientes, ce n’est pas professionnel Adrien …

-          Elle n’est pas ma patiente, je te signale. C’est sa fille qui l’est. Je suis pédiatre et Elle a plus de 18 ans que je sache. Ce n’est pas ma patiente !

 

Le sourire qu’il affiche maintenant me donne froid dans le dos, il est presque machiavélique. Je sens que cette histoire va mal finir et que je ne pourrai rien faire pour l’empêcher d’aller jusqu’au bout!

Adrien et les femmes c’est toujours des histoires compliquées. Il les drague, elles s’en entichent et après, il fout le camp sans demander son reste et elles viennent toutes le chercher à la clinique ou au CHU… Et c’est sur mes épaules qu’elles viennent s’épancher en se rendant compte que lui a déjà tourné la page. Pourtant dès le départ, il est toujours clair et net dans ses intentions mais je ne sais pas par quelle magie, il arrive à les faire rêver plus haut et plus fort !

 

Il lance l’appel, le téléphone sonne et il le met sous haut parleur :

 

-          Oui allo ? répond une voix féminine. 

-          Bonsoir, c’est le docteur Adrien. Etes-vous bien rentrée avec Annie ?

 

Sa question est suivie d’un long silence. A la place de la fille, je crois que moi j’aurai raccroché. Une fois la surprise de recevoir un appel d’un médecin qu’on vient à peine de rencontrer passée, elle éclate d’un rire qui sonne agréablement à mon oreille. 

 

-          Oui on est bien rentré. Annie est déjà couchée. Plus de fièvre. Merci. 

-          J’attends toujours le rendez-vous vous savez !

-          Le rendez-vous ? 

-          Je crois qu’Annie sera très déçue de ne pas pouvoir me tatouer. 

 

Il se carre plus profondément dans sa chaise qu’il fait pivoter pour éviter mon regard assassin. 

 

-          Je n’apprécie pas particulièrement les tatouages et je suis sûre qu’une fois l’enfance révolue, ma fille non plus ne les appréciera pas. Alors pour la séance de tatouage, il faudra vous adresser à une autre personne. Une personne plus encline à les apprécier…


Pourquoi j’ai l’impression qu’en réalité aucun des deux ne parle réellement de tatouages ? La manière dont elle a dit : « une personne plus encline à les apprécier » donnait un double sens à sa phrase.  


-          Waoh, vous êtes dure en affaire. Et si je vous proposais une sortie à deux pour vous soudoyer et faire lever l’interdiction ? 

-          Laissez-moi réfléchir une minute… Non ! 

-          Vous savez quoi Elle ?

-          Comment connaissez-vous mon prénom ?

-          Il est dans le dossier d’Annie. 

-          Hum !

-          Je vais vous laissez dormir. Vous vous envelopperez tendrement dans vos draps et apprécierez à sa juste mesure la fraicheur du tissu sur votre peau. Et quand vous vous serez retournée encore et encore dans votre lit vide et froid, vous penserez à ma proposition. La nuit porte conseil Elle. Et demain, je vous rappellerai. 

-          Je ne veux pas que …

-          A demain. 

 

Et il raccroche. 

 

-          Dis moi je me trompe ou c’est le deuxième râteau que tu te prends ! je demande à Adrien en me bidonnant sérieusement. 

-          Archange. Regarde comment le grand fait et prends en de la graine mon ami. Il est hors de question que je laisse passer une telle occasion. Tu sais ce qu’elle est en train de faire ? 

- Je suppose que tu vas me l’expliquer !

- Elle recule, pour mieux sauter. Et quand elle va sauter, et je peux t’assurer qu’elle va sauter, je serai là pour la rattraper.  

- Qu’est-ce qui ne te dit pas qu’elle est mariée ou qu’elle vit avec un mec ? 

- Elle n’a pas d’alliance et crois moi, vu le regard qu’on a échangé, je peux t’assurer qu’elle ne vit avec personne. 


Bon là, je crois que c’est cuit pour Elle !

 

***Jenifer Elle Oyane ***

 

Annie dort comme un ange et moi j’ai du mal à trouver le sommeil. Je me tourne et me retourne dans mon lit sans pouvoir fermer les yeux plus de quelques secondes à chaque fois.  Cet imbécile a dit quoi déjà : apprécier la fraicheur des draps. J’ai comme l’impression qu’il a jeté un sort à mon lit qui est devenu glacial. Je frissonne et me lève pour aller boire de l’eau à la cuisine. Après avoir bien couvert Annie, mignonne comme tout dans son sommeil, je fais le tour des différentes chambres. Tous les enfants dorment à poing fermé. La maison est parfaitement silencieuse. Je m’installe à la cuisine et compose le numéro de Leila. A une heure pareille, il n’y a qu’elle que je peux appeler sans risquer de déranger. 

 

-          Elle ? Ca va ? me dit-elle d’une voix ensommeillée. 

-          Oui je sais il est tard.

-          Il y a un problème ? demande-t-elle sans pouvoir cacher son inquiétude. 

-     Non tout va bien. Annie est à la maison, elle m’a fait peur. 

-     Hé la petite Annie…

 

Je la rassure immédiatement et me mets à lui expliquer la présence d’Annie sans trop insister sur les problèmes de mon frère puis j’évoque la panique qui m’a submergée quand il a fallu aller à la clinique tard dans la nuit pour rencontrer un espèce de pédiatre tatoué...


-          Pédiatre quoi ? 

-        Tatoué, dragueur, beau comme un Dieu et viril à mort ! je lâche avant de le regretter quelques secondes plus tard. 


Je l’entends chuchoter quelque chose à son mari puis s’éloigner. Je sens qu’elle va me tanner sur cette histoire de pédiatre tatoué. Depuis qu’elle est mariée, je crois que Leila voit des histoires d’amour à chaque coin de rue. 

 

-          C’est bon, je suis sortie de la chambre. On peut parler tranquillement. 

-          Il n’y a rien à dire de plus que ce que j’ai déjà dit. 

-     Ah là Elle tu as menti quoi ! Ca fait un bout de temps que tu m’évites et enfin on peut se reparler comme avant, ça veut dire que Denis est oublié et c’est une bonne chose. Et là tu m’appelles en plein milieu de la nuit pour parler de lui…

- J’ai pas dit que je voulais parler de lui…

- Moi en tout cas, j’ai retenu deux mots : beau et viril. C’est tout ce qui m’intéresse ! Tu veux que je te ressorte une de tes vieilles expressions favorites ? 


Je crains le pire :


- Le pipi c’est le pipi, Elle. Tatoué ou pas jusque la bas, ca ne change rien à la fonction de la chose. 

- Héééééé, depuis quand tu parles comme ça toi !

- C’est toi qui m’as gaspillée. 


On rigole un bon coup et je sens que ça nous fait tellement de bien de retrouver notre complicité d’antan. J’ai été là lors de sa relation avec Xander et j’ai toujours su lui dire ce qu’il fallait quand il le fallait. Leila et son orgueil ont failli tout faire capoter mais j’ai tenu bon, j’ai joué mon rôle auprès d’elle. Je l’ai soutenu et aidé à grandir, devenir une femme (à l’africaine), porter le poids que nous portons toutes : celui du succès ou de l’échec d’une relation. Car c’est nous les femmes qui portons ce poids. Quand tout va bien, c’est grâce à nous et quand tout va mal, c’est aussi nous que l’on fustige.  


- Hé, commence pas Elle…

- Commencer quoi ? 

- A trop réfléchir ! Ecoute tu as été là pour moi tellement de fois que je me sens honteuse de ne pas pouvoir t’aider. Tu ne me laisses pas faire. Mais je vais te dire une chose que tu as besoin d’entendre. Tourne la page et arrête l’auto flagellation. Sors des sentiers battus et redécouvre le frisson d’une relation amoureuse… les regards de braise, la peau qui se réchauffe, les fantasmes…Tu as toujours eu le coup de foudre pour le même type d’homme : autoritaire, plutôt riche, plus âgé que toi… Et si tu t’offrais une petite gourmandise avec ce mec ?  Et si tu redevenais la femme que tu as été avant de tous les connaitre ?  


Cette femme là est tellement loin maintenant. Leila oublie que je suis à présent une mère de famille célibataire qui a beaucoup de responsabilité. Je ne peux pas me permettre de jouer. Et d’ailleurs je n’en ai aucune envie. J’aime les relations stables, je n’ai connu que ça. 


- Tu sais quoi ? J’ai rencontré ta cousine Angie à Mbolo la dernière fois. Elle va faire organiser une fête pour une amie à elle par Valentine. On y va. 

- J’ai pas le temps. 

- J’ai dit on y va. Je viens te chercher avec les enfants qu’on laissera à la maison. Xander sera là, tu sais qu’il adore Oxya et Ekang. Et nous on se tire. On profite de notre dur labeur… On bosse comme des tarées, on a aussi le droit de souffler de temps à autre. Et tu sais qu’Angie est une dingue ! On va bien se marrer. 

- Leila…

- Bonne nuit. 


Puis elle a raccroché. Mais qu’est-ce qu’ils ont tous à me raccrocher au nez aujourd’hui! Cette conversation m’a épuisée. Il faut que j’aille me coucher. Demain est un autre jour. 


Le lendemain matin. 


Annie me réveille en me secouant légèrement. Elle a faim et souhaite prendre son petit déjeuner. J’ai les paupières tellement lourdes que j’ai un peu de mal à émerger de mon sommeil. Jamais mon lit n’avait été aussi inconfortable auparavant. 

Annie détale dès qu’elle entend la voix de ses cousins qu’elle rejoint surement à la cuisine pour le petit déjeuner. Je me recouche en baillant. Je saisis mon téléphone pour y lire l’heure et déverrouille l’écran afin d’afficher le message que je viens à peine de recevoir. 


« Juste toi et moi… et des milliers de baisers brulants sur ta peau »


Je repose le téléphone brusquement comme s’il était devenu soudain un objet satanique. Ce docteur débloque complètement. C’est du harcèlement ! Je mets le téléphone sur silence pour ne plus m’en occuper et je vais prendre ma douche matinale un peu plus troublée que je ne voudrais bien me l’avouer. Mais hors de question que je réponde. 


Une fois ma douche prise, mon corps ceint d’une serviette, je me rapproche à pas feutré de l’objet du délit et y jette un coup d’œil à distance : 


J’ai un nouveau message. 


«  Peut-être que les baisers ce n’est pas ce que tu préfères. Dis-moi ce que tu veux. » 


Pendant que je lis le message, les mots de Leila tournoient dans ma tête. 

Depuis quand suis-je devenue cette femme fragile au point de ne plus savoir savourer être courtisée par un homme? 


J’inspire profondément et l’appelle avant de changer d’avis. Il décroche immédiatement.


- Docteur Adan…

- Appelle-moi Adrien. 

- Adrien. Vous … Les baisers brulants c’est pour les gamines. Et devine quoi ? Je ne suis pas une gamine, mauvaise nouvelle pour toi monsieur le pédiatre. Tu n’as aucune idée de ce que tu es en train de faire et je pense que tu n’es pas encore assez solide pour être mordu par moi… Parce qu’entre quatre murs, crois-moi… tu regretteras d’avoir tenté ta chance. Je suis un genre de femme avec qui tu n’es encore jamais sorti. Alors avant que je ne mette le jeu à un niveau auquel tu n’as encore jamais joué, tu ferais mieux de t’excuser pour ton comportement et de raccrocher pour aller t’amuser dans les jupes de ta mère. 

- Elle… une bouche avec les lèvres que tu as, sers à faire de si merveilleuses choses. Pourquoi perds-tu ton temps à autant parler ? 


Quoi ? Non mais il n’a rien compris de tout ce que j’ai dit ? je ferme les yeux. Il a parlé de ma bouche, de mes lèvres, de merveilleuses choses…


- Je voudrais te voir ce samedi.


Et il insiste en plus ce fou! 


- Suis occupée. Je réponds sèchement. 

- Oui je sais Elle, tu seras occupée avec moi. Très occupée. Je vais t’apprendre à me dire des choses gentilles … des choses très gentilles entre quatre murs, puisque tu as besoin du confort de quatre murs… Et je vais t’apprendre après à jouer quand tu en as envie, en dehors de ces quatre murs.  

 

Je m’assois sur le lit avant que la serviette qui glisse sur mon corps ne se retrouve par terre. Ce mec à une putain de voix grave et il sait en user et en abuser au téléphone. Je crois que je pourrais rester la indéfiniment à l’entendre prononcer mon nom et à dire des choses à double sens. J’ai voulu le rabaisser et il est en train de tourner la situation à son avantage le salaud ! Il suffit que je ferme les yeux pour sentir des frissons voluptueux me parcourir le corps, de la plante des pieds à la racine des cheveux. 


- Elle ? 

- Oui. Dis-je d’une voix un peu moins assurée. 

- On se voit quand ? 


Ok docteur Adrien. On va jouer… Mes doigts me démangent. Ils ont hâte de partir à la découverte de ton magnifique corps aux muscles majestueusement sculptés… Les caresses, il n’y a rien de plus doux au monde.


Ok docteur Adrien, on va jouer. Mais selon mes règles !


*

*

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Alors comme je le dis toujours partagez, commentez et likez si vous en avez envie, ce n’est pas obligatoire…



Je t'ai dans la peau