Chapitre 4

Ecrit par Kaylee

Épisode 04 : Amir





**** Tante Rokaya ****



Une fois chez moi, je balance avec rage mon sac à main dans le premier fauteuil que je vois avant de m'asseoir lourdement dans un autre. Je suis énervée à un degré pas possible. J'ai la rage. Comment ai-je pu laisser les choses arriver à ce niveau ? Lorsque Oumou était chez moi je me doutais bien qu'il y avait quelque chose entre mon beau-fils et elle, vu les regards qu'ils échangeaient mais j'ai fait fi de mes soupçons. Je ne voulais pas faire face à ce que j'allais découvrir. Ce brutal retour à la réalité causé par la grossesse de mon idiote de nièce m'est très difficile. Comment vais-je bien pouvoir aborder le sujet ou annoncer cette mauvaise nouvelle à mon époux ? Il a tellement confiance en son fils et a tellement de grands projets pour lui que cette histoire de grossesse va l'anéantir et me créer des problèmes dans mon foyer. Tout ça c'est de la faute à Rose, la mère de Oumou. Je suis sûr que c'est elle qui a envoyé sa fille séduire le fils de mon mari pour me mettre à mal. Mais elle a menti. Je ne laisserai pas cet affront passer impunément. Je n'ai jamais aimé la femme de mon frère et c'est pareil du côté de toute la famille et nous ne le cachons pas. Depuis la nuit des temps jamais un non musulman n'a intégré notre famille. Nos aïeux ainsi que nos parents ont toujours veillé à ce que cela reste ainsi jusqu'à ce que mon frère Moumouni qui était en ville pour travailler est venue nous présenter sa petite amie Rose qui était une chrétienne. Nos parents se sont opposés fermement à leur union au point de menacer Moumouni de le renier s'il ne mettait pas fin à sa relation avec cette fille. Ce fut malheureusement dans le même temps qu'il nous annonce qu'elle attendait un enfant de lui. Nos parents s'étaient retrouvés dos au mur. L'un des grands principes de notre famille est de ne jamais abandonner son sang et l'avortement est considéré comme un sacrilège. Rose avait gagné une bataille mais pas la guerre. Lorsque Khadija leur aînée fut née, ils sont venus au village pour le baptême et sont retournés en ville. Puis quelques années plus tard sans aucune raison valable et précise, mon frère emménage au village avec sa petite famille. Ça nous avait énormément surpris car on ne comprenait pas pourquoi ils étaient venus s'installer au village de but en blanc alors qu'apparemment tout leur réussissait en ville. Puis les mois qui ont suivi, le ventre de Rose prenait du volume, nous faisant ainsi comprendre qu'elle était de nouveau enceinte. Ça été la désillusion pour tout le monde lorsqu'elle mit au monde un bébé métisse. Quoi qu'on me dise moi je crois toujours dur comme fer que Salewa n'est pas la fille de mon frère. Et c'est pareil du côté des autres membres de la famille. Personne n'y croit. Je ne sais pas quel genre de potion Rose a fait boire mon frère pour qu'il n'y voit que du feu. En tout cas rien ne reste longtemps secret. Tout sera mise à nu au moment opportun.


Mon mari est de tour chez moi ce weekend alors je m'empresse de faire le marché pour cuisiner son plat préféré. Lorsqu'il rentre à la maison, je l'accueille comme il se doit. Je suis la seconde épouse de Youssef depuis quinze bonnes années et je ne compte pas bouger de mon ménage. Pour être là où je suis j'en ai bavé et ai fait de nombreux sacrifices et il n'est sûrement pas question que je parte quoi qu'il arrive.



 Moi : Bonne arrivée chéri.



 Youssef : Merci Roka. Et les enfants ?



 Moi : Ils sont tous déjà au lit.



 Youssef : Ah d'accord. Et ta journée, tu as fait un peu ?



 Moi : Je ne me plains pas trop. Il y a juste certains articles qui manquent dans la boutique et les gens viennent les rater.



 Youssef : Je te ferai un virement pour que tu les prennes.



 Moi (souriant intérieurement): Merci d'avance chéri.



Il ne réponds rien et se rends dans la salle de bain où j'entends le bruit d'eau quelques minutes plus tard. Youssef, c'est quelqu'un de très calme de nature. Le fait qu'il soit avocat continue toujours de m'étonner. Je me demande comment il fait devant la cour. J'en ai bavé pour devenir sa seconde épouse parce qu'il ne voulait pas être polygame et prétendait aimer ma coépouse. J'ai dû faire certaines choses dont je ne suis pas très fière pour devenir madame MOUSTAPHA mais je ne regrette rien. La vie c'est la jungle et si tu n'es pas fort, tu n'atteindras jamais tes buts. Si ça ne tenait qu'à moi, je n’informerais jamais mon mari de cette histoire entre son fils et ma nièce et encore plus de la grossesse mais connaissant les frères que j'ai, si je ne le fais pas, c'est eux-mêmes qui viendront lui parler pour me créer des ennuis dans mon foyer. Lorsqu'il finit de prendre sa douche, je lui sers à manger et nous dînons dans un silence auquel je me suis habituée au fil des années.



 Youssef : Ton frère Akimou m'a téléphoné cet après-midi pour me dire que vous aviez fait une réunion familiale ce matin et qu'il y a une nouvelle me concernant que tu devais m'annoncer.



Plus agité que mon frère Akimou, tu meurs. Il a ce don de toujours mettre les gens dos au mur.



 Moi : Euh... c'est vrai.



 Youssef : J'espère que ce n'est rien de grave.



 Moi :...



 Youssef : De quoi s'agit-il au juste ?



 Moi : Je ne sais pas trop par où commencer.



 Youssef : Commence par le début. Je suis à l'écoute.



 Moi : Au fait, dans la semaine, une nouvelle selon laquelle Oumou est enceinte nous est parvenue.



 Youssef (surpris): Ta nièce qui a passé les vacances ici ?



 Moi : Oui. C'est à cause de cette nouvelle de grossesse que nous avions fait cette réunion aujourd'hui.



 Youssef : Je ne vois toujours pas ce qui me concerne dans cette histoire.



 Moi : Au cours de la réunion, Oumou nous a annoncé que l'auteur de sa grossesse était Amir.



 Youssef : QUOI ?



 Moi : J'ai été très surprise comme toi de l'apprendre. Elle dit en plus qu'il est celui qui l'a défloré et la famille demande réparation.



 Youssef : Waouh !



*


*


*



**** Amir MOUSTAPHA ****



 Mervie : Je t'aime Amir.



 Moi (désinvolte): Je sais. Tout le monde m'aime en fait. Mon père, ma mère, mes sœurs et....



 Mervie : Je ne te parle pas de cet amour-là Amir, et tu le sais parfaitement. Je t'aime comme une femme aime un homme et j'aimerais que tu nous donnes une chance de construire une vraie relation.



 Moi : Qu'entends-tu par " une vraie relation" mademoiselle ? Écoute-moi Mervie, j'ai été clair avec toi depuis le début. Je n'ai pas la tête à m'engager dans quoi que ce soit de sérieux alors si tu vois que notre liaison " plan cul " ne t'arrange plus, continue tranquillement ton chemin. D'ailleurs je ne te laisse plus le choix, je romps notre accord. Cherche-toi un autre partenaire.



 Mervie : Pourquoi tu me fais ça Amir ? Laisse-moi au moins une chance de te prouver mon amour, tu te rendras sûrement compte toi-même que tu m'aimes.



Je me retiens de rire à sa dernière phrase et la fixe droit dans les yeux.



 Moi : Aucune chance.



 Mervie : Alors je nous aimerais pour nous deux.



 Moi : Ne sois pas ridicule, veux-tu ? Ce n'est pas digne d'une belle fille comme toi. Tu as quoi, 22 ans ? Et tu pleures pour un homme ? Je préfère que nous arrêtions maintenant avant que tu ne deviennes un militaire derrière mes fesses. Je ne t'aime pas et cela ne risque pas de changer.



Je ne lui laisse pas le temps de répliquer une fois de plus que je la laisse en plan pour rejoindre mon appartement. Je déteste ces genres de scène. Mervie est mon plan cul depuis près d'un an déjà. Tout allait très bien entre nous mais il a fallu qu'elle prononce  le " je t'aime" fatidique que je n'aime pas entendre. N'allez pas croire que j'ai connu une déception amoureuse qui m'a fait détester l'amour. Ah non ! Juste que je me trouve encore trop jeune pour m'engager dans une quelconque relation amoureuse. Mes parents m'ont déjà choisi une fiancée, la fille à un grand ami à mon père alors à quoi cela le servirait de perdre mon temps dans les je t'aime avec une autre femme si la finalité était d'épouser le choix de mes parents ? Je suis réaliste, raison pour laquelle je prends toujours le soin de chercher une femme qui est en accord avec mes attentes. Rien que du sexe. Je ne comprends pas pourquoi par la suite elles essayent de me faire changer d'avis. Mon téléphone sonne et je regarde l'écran qui affiche " le vieux". C'est comme ça que j'ai nommé le contact de mon père. Pour moi ça fait plus originale que les " papa, dady, dad " et consorts que les autres utilisent. Comprenez par-là que je n'aime pas faire les choses comme tout le monde. Ça m'intrigue que mon père appelle à cette heure car vu le décalage horaire, il devrait faire très tard là-bas actuellement.



 Moi : Allô papa.



 Le vieux : Amir c'est à moi tu veux mettre la honte ?



J'enlève le téléphone de mon oreille pour vérifier si c'était vraiment à mon père que je parlais.



 Moi : Je ne comprends pas papa.



 Le vieux : Tu ne comprends pas ! Tu ne comprends pas hein ! Que s'est-il passé entre Oumou Ali et toi ?



Je lâche un juron inaudible. Merde ! Où est-ce qu'il est allé chercher ça ?



 Le vieux : Tu ne réponds pas ? Tu as perdu ta langue ? Je t'appelle pour t'annoncer que tu seras bientôt père. Félicitations. Tes bêtises ont payé. La petite attend ton enfant.



Je laisse tomber le combiné en étant sur le cul. Ce n'est pas possible ! NON !!!!!



Le téléphone se remet à sonner et je le prends avec des mains tremblantes.



 Papa : Tu es fier de toi ?



 Moi : Je ne suis pas le père de son enfant, papa ! Elle ment j'en suis sûr ! Je ne peux pas être le père de son enfant. Si c'est une blague, dites-lui qu'elle est de très mauvais goût.



 Papa : Amir.



 Moi : Oui papa.



 Papa : Prends dès que possible un billet d'avion. Je veux te voir ici avant la fin de cette semaine.



Il me raccroche au nez et je reste debout comme un zombie. Mon cerveau refuse de digérer la nouvelle.





LA SECONDE ÉPOUSE