Chapitre 4 - Massacre et fin
Ecrit par anomandaris
Flynn avait anticipé son geste bien avant qu’il ne se passe la main sur ses fesses raides. Elle avait perçu son changement de poids quand il revint de son dernier trajet dans l’arrière de la caisse, et en avait déduit qu’il s’était armé de quelque chose sur le cadavre du gars à l’arrière. S’il y’avait vraiment un cadavre. Elle lui lança les lignes de gravité d’un énorme rocher qu’elle avait capturé peu avant de l’autre côté de la route. Il s’effondra immédiatement après sous la pression avec un grognement étonné. Sa main dans son dos était restée dans cette position. Il ne savait pas qu’elle était restée immobile depuis ce temps là parce qu’elle avait plus d’une tonne sur son squelette. La pression de cette gravité lui faisait voir des points noirs à la périphérie de sa vision, et elle fut soulagée de pouvoir avoir une raison d’alourdir ce cornichon vivant qui pensait pouvoir lui faire du mal.
A chaque pas, elle créait des microfissures sur le gravier du goudron. Ses pieds lui étaient si lourds qu’elle était passée d’une démarche droite à une démarche chaloupée, comme si elle avait peur à chaque pas de tomber d’un côté ou de l’autre. Huit cent kilos de gravité sur soi. Si seulement il y’en avait d’autres comme moi, pensa-t-elle, je pourrais au moins comparer mes records aux leurs.
Le gars était aplati face contre terre et essayait de relever son menton. Ses grognements et ses muscles du visage tendus informèrent Flynn qu’elle n’avait plus besoin de rajouter de la gravité sur ce fajitas humain.
« Putain, souffla-t-il, comment vous faites ça ?
— Je n’en ai aucune idée », répondit-elle franchement tandis qu’elle le traversait pour aller vers le fourgon. « Si seulement j’en avais une idée claire, j’aurais pu te l’expliquer. Tu es le premier à rester suffisamment conscient pour me demander ça après avoir encaissé trois cent kilos de plus sur le corps. Chapeau bas, le gardien. »
Elle n’entendit plus aucune question ensuite. Il devait s’être évanoui. Mais vu son endurance hors du commun, elle préféra jouer la sécurité et le laisser un peu plus longtemps avec les kilos en plus. Elle arriva à l’arrière ouvert du fourgon. Et eut un instant de stupéfaction quand elle vit un blond, de l’autre côté de la route, une mitraillette qu’il tenait à deux mains et en position de tir. L’enfoiré de menteur, pensa-t-elle juste avant que la balle l’atteigne.
Juste après, elle entendit la première rafale. Elle sentit une douleur fulgurante à la jonction de son épaule gauche avec son cou, et ses dents serrées n’empêchèrent pas son cri de s’échapper à la fin. Il avait dû viser la tête. La deuxième série partit dans les arbres derrière elle, mais pas loin. La troisième l’atteignit à l’arrière de la cuisse gauche tandis qu’elle partait se mettre à couvert. Au milieu des canardements sonores du type sur la carrosserie, Flynn entendit le roulement des roues d’une voiture en provenance de Freeborn. Tu veux jouer à ça ? Allons-y, boucle d’or. Elle se plaqua contre le côté du fourgon et se baissa pour voir les roues de la voiture qui arrivait. Le conducteur ralentit un peu en voyant le fourgon sur le bas-côté. Le blond cessa de tirer et Flynn l’entendit héler la voiture qui voulait s’arrêter. Flynn se concentra et tendit la main vers le bas des roues. Même de là, avec la seule vue des roues, elle parvint à attirer les fils de la voiture qui commença à décoller. Les cris du conducteur lui apprirent que c’était un homme. Il préféra sauter hors de sa voiture avant qu’elle n’atteigne une hauteur inquiétante, et il prit les jambes à son cou vers là d’où il venait. Le vent devint le nouveau gouvernant de la caisse. Elle humidifia son doigt et le tendit au vent. Bien, pensa-t-elle ; plein ouest.
« Sortez de là les mains en l’air, lui cria le blond.
— Dans tes rêves, lui dit-elle sur le même ton. Et merci, au fait.
— Pardon ? »
Idiot, dit-elle. Je sais où tu te trouves. Et en effet, quand elle estima que la voiture était au-dessus ou près de lui, elle relâcha sa volonté et les fils de gravité qu’elle tenait à la fois. Le fracas et le cri mêlé qu’elle entendit lui apprirent que la manœuvre avait réussi. Elle sortit au pas de course du mieux qu’elle put, lourde comme elle était.
En fait, le blond avait esquivé la voiture, mais il était encore surpris de sa chute soudaine. Il se tourna vers elle trop tard. Elle l’avait déjà visé. Il était à quatre pattes l’instant d’après, tête baissée et un grondement de douleur à la gorge.
« Je te disais juste que tu me donnais ta position avec tes ordres stupides », lui dit-elle. Avec lenteur, il leva la tête vers elle et la haine qu’elle vit dans son regard lui dit qu’il n’avait pas l’intention de l’arrêter si jamais elle était sortie.
« J’ai bien envie d’un fajitas humain, tout d’un coup », dit-elle en tendant la main vers la voiture, qui décolla peu après. Elle saisit le devant de la voiture de sa main droite libre comme s’il s’agissait du fil d’un ballon d’hélium, l’autre main fermée sur ses fils de gravité. Le blond perdit toute couleur sur sa joue exposée au soleil lorsqu’il vit de son œil l’ombre de ce qu’elle tenait au-dessus de lui.
« Est-ce que tu es comestible, boucle d’or ? Nous le saurons dans un instant. »
Elle poussa la voiture jusqu’au-dessus de lui et la maintint en suspension d’une seule main, comme un Hercule féminin. Le gars se mit à trembler de tous ses membres, la sueur trempant le col de sa combinaison. « Pitié, balbutia-t-il. Ne me faites pas ça. »
Flynn serra fort son poing. La douleur cuisante à son cou lui rappela ce que ce prie-Dieu humain voulait lui faire il y’a moins de de deux minutes et elle soupira. « Désolé, boucle d’or, fit-elle. Il faut rendre à bagnole ce qui est à bagnole. »
Tandis qu’elle fit volte-face, elle ouvrit son poing. Le son de fracas mou de la ferraille contre la chair lui fit tressaillir de dégoût. « De toutes façons, dit-elle tout haut, ton copain m’a dit que c’est comme ça que t’étais dans le van. »
Elle jeta un coup d’œil au noir avant d’aller récupérer son butin. Une bulle de sang se formait au bout de ses lèvres, mais elle tremblotait encore. Elle relâcha sa volonté sur les fils, et la bulle cessa de trembloter. Elle retourna le gars et mit l’oreille contre sa poitrine. Il respirait encore, à peine. Elle se redressa avec entrain. « Ben, tant qu’il y’a la vie, il y’a espoir. »
Après avoir surveillé le reste des roupillards, elle se frotta les mains de satisfaction et se dirigea d’un pas léger vers l’arrière du fourgon. La fortune l’attendait.